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Parlons d’âgisme

La forme de discrimination la plus normalisée socialement?
août 2025

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DrLes personnes plus âgées sont plus susceptibles de souffrir d’isolement social et l’on se rend de plus en plus compte que la solitude nuit à la santé. La bonne nouvelle, c’est que le cours des choses peut changer si l’on sent que l’on compte et que l’on fait partie d’un groupe. Notre série explore ces concepts et bien d’autres encore.

« Je crois que j’avais 50 ans la première fois qu’un collègue plus jeune m’a demandé à quel moment je comptais prendre ma retraite, raconte Pamela, une fonctionnaire de 62 ans qui vit à Edmonton. Il m’a dit qu’il était grand temps que les gens comme moi laissent leur place aux jeunes comme lui. »

Pamela (un pseudonyme visant à protéger son identité) travaille dans le même ministère depuis les années 1995. Elle est compétente, elle connaît tous les rouages du métier, au point où, nous dit-elle, elle a formé ses deux derniers patrons à des fonctions auxquelles elle-même avait postulé. On ne l’a même jamais convoquée à un entretien. Elle a récemment déposé une plainte pour discrimination au travail contre son employeur, car elle estime être victime d’âgisme.

« C’est frustrant d’être constamment écartée des promotions, explique Pamela. Mais le pire, c’est d’avoir l’impression d’être un fardeau. »

Dr. Alison Chasteen

Dre. Alison Chasteen, psychologue sociale.

Malheureusement, Pamela n’est pas la seule dans cette situation. Dans une récente enquête d’Emploi et Développement social Canada, près de la moitié des répondants de 55 ans et plus ont dit avoir été victimes d’âgisme, une forme de discrimination que l’Organisation mondiale de la Santé considère comme l’une des plus « normalisées socialement ». Non seulement la stigmatisation liée à l’âge est répandue, mais elle peut également nuire aux capacités des personnes plus âgées, explique Alison Chasteen, psychologue sociale à l’Université de Toronto.

« Si vous activez des stéréotypes négatifs dans l’esprit des personnes plus âgées, cela peut augmenter la réponse cardiovasculaire au stress, ce qui peut également nuire à la fonction mémorielle. Elles obtiennent alors de moins bons résultats, par exemple, lors d’un test de rappel libre où elles doivent se souvenir d’une liste d’éléments », explique Dre Chasteen, qui souligne que cela a également une incidence sur la fonction motrice.

Idées reçues

Les personnes victimes d’âgisme ne sont pas les seules à intérioriser des stéréotypes négatifs au point de croire qu’ils définissent leur personnalité. L’autostigmatisation est un phénomène courant qui touche toutes les formes de stigmatisation, mais l’âgisme comporte une dimension supplémentaire, car les personnes plus âgées peuvent elles-mêmes avoir eu des idées négatives sur le vieillissement lorsqu’elles étaient plus jeunes.

Compte tenu de l’omniprésence et de la complexité de la stigmatisation liée à l’âge, la première étape essentielle pour la combattre consiste à cesser d’utiliser des termes à connotation négative, tels que « les personnes âgées », « les vieux » ou « les seniors ». Ces termes figent l’identité ou évoquent des images de fragilité. En revanche, le terme « personne plus âgée » nous rappelle que l’âge est relatif et en constante évolution.

« En fait, ici, nous parlons d’âgisme, raconte Katie Ellis, gestionnaire de programme à la Commission de la santé mentale du Canada, qui a récemment dirigé un projet de recherche sur la santé mentale et les personnes plus âgées au Canada. L’emploi d’un langage à connotation négative a vraiment un effet négatif sur la qualité de vie, car la stigmatisation peut empêcher les gens de penser qu’ils peuvent bénéficier d’un meilleur accès aux soins ou participer à certaines activités. »

La stigmatisation et l’exclusion sociale vont de pair. Pamela explique que, même si elle résiste à la pression qui l’incite à prendre discrètement sa retraite après une longue carrière, elle est souvent exclue des réunions après le travail et trouve que les fêtes de fin d’année peuvent être gênantes, car elle ne fait pas partie du groupe des personnes cool. Elle a la chance d’avoir de bons amis en dehors du travail, mais on comprend facilement pourquoi la stigmatisation liée à l’âge est étroitement associée aux troubles de l’humeur, à une diminution du bien-être, à une moindre propension à consulter un médecin, ainsi qu’à la solitude et à l’isolement social.

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Kati Ellis, gestionnaire de programme à la Commission de la santé mentale du Canada, a dirigé un projet de recherche sur les personnes plus âgées et la santé mentale. La stigmatisation peut avoir des effets négatifs sur la qualité de vie d’une personne.

Sentir que l’on compte pour les autres et avoir un sentiment d’appartenance – Quelle est la différence?

« Je pense que la discrimination, les préjugés et la stigmatisation ont ceci de particulier que la personne qui en est victime n’est plus considérée comme un être unique dont on apprécie les qualités, explique Gordon Flett, président honoraire de l’Association canadienne de psychologie en 2024-2025 et ancien titulaire de la chaire de recherche du Canada à l’Université York. Quand on « compte », c’est simplement que l’on est considéré comme une personne dotée de qualités qui sont appréciées. Sinon, on est mis dans une case qui définit la manière dont on est perçu, et on se sent dévalorisé ou sans valeur. »

Sentir que l’on compte est très proche de l’idée d’appartenance, mais va plus loin. Il est possible d’être membre d’un club, mais de se sentir insignifiant. Compter signifie que vos contributions sont appréciées et que vous comptez, tout simplement. On se sent alors utile et cela donne du sens à ce que l’on fait – choses qui sont associés à une résilience accrue et à une meilleure santé. La discrimination et la stigmatisation créent le sentiment inverse, l’impression de ne pas compter.

« Quand on fait sentir aux gens qu’ils sont insignifiants ou invisibles, qu’on ne les entend pas et qu’ils n’ont aucune importance, on leur donne l’impression de ne pas compter, ce qui est très destructeur », explique M. Flett.

Il est toutefois difficile d’amener les gens qui interagissent rarement, voire jamais, avec des personnes d’autres générations, à voir au-delà des stéréotypes. Peu de Canadiens le font, car les « bulles générationnelles » définissent la vie sociale de nombreuses personnes. Même si certains milieux de travail peuvent faire preuve d’âgisme, il n’est pas rare que des personnes de différentes générations travaillent ensemble sur des projets. En revanche, de nombreux espaces sociaux sont strictement divisés selon les tranches d’âge, et ce, d’une manière qui n’est pas toujours évidente.

« Je suis récemment allé à un mariage avec ma sœur et ma mère, et nous nous attendions à passer la soirée ensemble, raconte Raza Mirza, directeur des partenariats nationaux chez Aide aux aînés Canada. Mais ma mère a dû s’asseoir à une table avec des personnes plus âgées, et moi à une table avec des gens plus jeunes avec lesquels je n’avais rien en commun. J’aurais préféré de loin m’asseoir avec ma mère. »

L’hypothèse selon laquelle les personnes plus âgées ne veulent parler qu’à des personnes de leur âge frappe particulièrement M. Mirza, dont le travail est axé sur la lutte contre la ségrégation liée à l’âge et la mise en œuvre de projets intergénérationnels. Bien que beaucoup de projets n’en soient encore qu’à leurs débuts, de nombreuses initiatives très intéressantes visent à sortir les gens de leur bulle générationnelle.

En Alberta, la Canadian Alliance for Intergenerational Living a lancé un projet pilote l’an dernier. Ce projet consiste à placer des étudiants en quête d’un logement abordable dans des communautés de retraités, en échange de cours d’art, d’érudition ou de mise en forme.

St. Lawrence, un cégep de Champlain, au Québec, offre un programme de situations de vie intergénérationnelles. Les étudiants se voient offrir deux repas par jour et un logement gratuit dans une résidence pour personnes âgées en échange de 10 heures de travail bénévole par semaine.

À Vancouver, une association, Volunteer Grandparents, propose un programme de « jumelage familial » en vertu duquel des adultes plus âgés se portent volontaires pour accompagner des enfants dont les grands-parents biologiques sont plutôt absents. Heather Walker, qui habite en Ontario, voulait participer à ce programme, mais elle vivait trop loin. On lui a donc proposé de correspondre avec une jeune fille de 15 ans.

« On aurait dit une version de moi plus jeune, raconte Mme Walker, qui va fêter ses 70 ans cet été. Elle s’intéressait à l’écriture et à la justice sociale, et j’avais tellement de questions à lui poser que je lui répondais par des lettres de cinq pages. » 

Maintenant, elle correspond avec toute une classe du primaire. Elle aide les élèves à régler des difficultés de syntaxe et leur envoie des cartes de la Saint-Valentin et des friandises.

Crevez la bulle

L’un des projets les plus connus pour crever la bulle de l’âge est la « classe intergénérationnelle » de Raza Mirza. Dans le cadre de cette initiative, l’Université de Toronto offre un cours de troisième année sur le vieillissement et la santé dans une salle commune de Christie Gardens, une communauté de retraités et une maison de soins de longue durée, à Toronto. Les étudiants et les résidents suivent le cours ensemble pendant tout le semestre.

« Ce projet a remporté un franc succès, car nous avons créé un espace où les gens se sentent valorisés, explique M. Mirza. Les gens nous disent sans cesse qu’ils se sentent utiles, qu’ils peuvent réellement contribuer à quelque chose et ils ont un sentiment d’appartenance. Et il y a la dimension de réciprocité. Les personnes plus âgées ne sont pas seulement là pour recevoir de l’information ou en donner. Il y a de réels échanges. »

Personne n’est mis dans un coin, à la table des enfants. Chacun a la possibilité de sortir de sa bulle d’âge et d’être perçu comme une personne unique. C’est un modèle fabuleux qui nous montre la voie à suivre pour lutter contre la stigmatisation, les stéréotypes négatifs et l’impression d’être insignifiant. En fait, il pourrait même aider les gens à redéfinir ce que signifie « être vieux ».

« Nous commencerons le cours en posant cette question aux étudiants : « À quel âge pensez-vous qu’une personne est vieille? », raconte M. Mirza. Les réponses sont variées, 40, 50 ou 60 ans. Après 12 semaines de cours et des échanges avec des personnes plus âgées, on leur pose à nouveau la question. Ils répondent autrement, par exemple : « Je ne suis pas sûr » ou « Je pense que le fait de trouver que quelqu’un est vieux est une perception ou un sentiment ». Ils se concentrent sur les similitudes qu’ils ont avec les personnes plus âgées et sur les choses qu’ils ont en commun, ajoute-t-il. La différence d’âge est reléguée au second plan. »

Ressources : Un cours gratuit sur la lutte contre la stigmatisation structurelle dans les soins de santé a pour objectif de susciter des changements concrets pour les personnes confrontées à des problèmes de santé mentale et d’usage de substances.

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