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Un remède contre la solitude?

La prescription sociale peut servir à lutter contre l’isolement, quel que soit le groupe d’âge. Comment une ordonnance de contact sociaux aide des collectivités
juillet 2025

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Les personnes âgées sont plus susceptibles de souffrir d’isolement social et l’on reconnaît de plus en plus que la solitude nuit à la santé. La bonne nouvelle, c’est que le cours des choses peut changer si l’on sent que l’on compte et que l’on fait partie d’un groupe. Notre série explore ces concepts et bien d’autres encore.

Lorsque, pendant son traitement d’un cancer du sein, Pat Flude a ressenti des effets secondaires douloureux, un médecin de la clinique de la douleur de l’hôpital Princess Margaret de Toronto lui a donné une « prescription sociale » : un cours de thérapie cognitivo-comportementale axée sur la pleine conscience.

« J’y suis allée chaque semaine pendant environ trois mois, raconte Mme Flude, 78 ans, enseignante à la retraite et survivante du cancer. La psychiatre qui dirigeait le programme, la Dre Mary Elliott, était merveilleuse. C’était tellement extraordinaire que j’ai même suivi un cours sur la bienveillance. »

Toutes les personnes qui participaient au cours suivaient un traitement en oncologie, il y avait un véritable sens de la communauté. Mme Flude dit qu’elle attendait avec impatience de retrouver ses compagnons de classe lors de la cérémonie de remise des diplômes qui avaient lieu à la fin de chaque session trimestrielle. « Pour moi, à l’époque, se souvient-elle, c’était vraiment le sel de la vie. »

Bien que tous les hôpitaux ne soient pas aussi avant-gardistes que l’hôpital Princess Margaret pour ce qui est de proposer des prescriptions autres que des médicaments, le mouvement de la « prescription sociale » se développe à pas de géant. Essentiellement, il s’agit de traiter les déterminants sociaux de la santé, c’est-à-dire les facteurs non médicaux qui influent sur les résultats en matière de santé, mais qui sont souvent négligés par le milieu médical. Pour combler cette lacune, des prestataires de soins de santé primaires orientent des patients vers un coordinateur de ressources pour personnes âgées, qui intervient pour « prescrire » une activité favorisant le bien-être (des cours ou des sorties choisis en fonction des intérêts de chacun). Cette formule vise souvent des personnes âgées qui sont plus exposées à la solitude et à l’isolement social.

De l’isolement à l’inclusion

« Le plus important, c’est le lien social, déclare Connie Newman, directrice générale de la Manitoba Association of Senior Communities. Nous voyons des personnes âgées qui n’ont pas quitté leur appartement depuis trop longtemps. Avec une prescription sociale, nous pouvons les mettre en contact avec l’un des nombreux groupes de personnes âgées du Manitoba. Dans certains cas, il s’agit de la Légion locale; dans d’autres collectivités, c’est le centre local pour personnes âgées, ajoute Mme Newman. Où que ce soit, les clients ont parfois besoin d’un peu de soutien pour s’inscrire. »

Connie Newman

Connie Newman, directrice générale de la Manitoba Association of Senior Communities : La prescription sociale peut permettre de mettre des personnes âgées en relation avec d’autres membres de leur collectivité.

Bien que l’on ait commencé il y a un peu plus de 40 ans à se pencher sur les effets négatifs de l’isolement social et de la solitude sur la santé, les programmes visant à prévenir ou à inverser ces états et à favoriser un sentiment d’appartenance sont relativement récents. Stimulée en partie par la pandémie, qui a fait prendre conscience des effets négatifs de l’isolement sur la santé mentale, la « santé sociale » (le bien-être en tant que résultat du lien social) est devenue un sujet d’actualité ces derniers temps. Le Japon et le Royaume-Uni ont tous deux créé des ministères qui se consacrent à la lutte contre la solitude, que certains considèrent comme une épidémie, en particulier parmi les personnes âgées.

Au Canada, la Coalition canadienne pour la santé mentale des personnes âgées a récemment lancé les premières lignes directrices cliniques au monde pour lutter contre l’isolement social et la solitude. Étant donné que les personnes âgées souffrant d’isolement consultent souvent des professionnels de la santé et des services sociaux, les cliniciens sont des personnes clés pour identifier les patients à risque, il est donc très important de les mobiliser.

« Un grand nombre de recherches ont été réalisées dans ce domaine. Elles étaient surtout centrées sur les risques sanitaires connexes. Mais relativement peu de choses ont été écrites sur la façon de réellement aider les gens », déclare le Dr David Conn, psychiatre gériatrique, qui travaille à Baycrest Health Sciences et à l’Université de Toronto.

Les lignes directrices, qui font leur chemin dans les établissements de santé et les collectivités, sont conçues pour aider les cliniciens à dépister la solitude et l’isolement, à évaluer le problème et ses causes et à formuler des recommandations utiles. Dans certains cas, une prescription sociale peut transformer la qualité de vie d’une personne isolée, mais pour les personnes souffrant de solitude chronique, il est souvent beaucoup plus compliqué de se remettre de ces sentiments. Les neuroscientifiques ont même suggéré que la solitude peut remodeler le cerveau de manière à rendre les contacts sociaux moins gratifiants, rendant ainsi plus difficile – mais pas impossible – la « guérison » de la solitude. Une méta-analyse a montré qu’une série de thérapies, dont la zoothérapie, l’exercice physique et la thérapie cognitivo-comportementale, étaient associées à une réduction du sentiment de solitude chez les personnes âgées.

Le pouvoir du lieu pour favoriser les liens

C’est bien mais, comme nous nous en doutons tous à ce stade, la prévention est de loin la meilleure intervention. Certains chercheurs préconisent des prescriptions sociales pour toutes les générations, ainsi que la suppression des obstacles à l’équité en matière de santé, afin que nous ayons une population en bonne santé à l’approche de l’âge mûr. Comme le souligne le Dr Conn, les problèmes de dépression, d’audition, de vision, de mobilité et de douleur chronique peuvent avoir des effets sur notre capacité à socialiser et à mener une vie active.

Pour offrir un environnement permettant aux gens de rester en forme et en contact avec la collectivité, il faut aller bien au-delà des soins de santé et même de la santé publique. Il s’agit plutôt de réinventer toute une série d’espaces publics, dont certains nous paraissent aller de soi. Depuis une vingtaine d’années, nous entendons beaucoup parler du « troisième lieu » – des espaces tels que les salons de coiffure, les cafés et les centres commerciaux, qui ne sont ni des lieux de travail ni des lieux de résidence, mais qui peuvent favoriser l’émergence d’une communauté et d’un sentiment d’appartenance. La prochaine dimension pourrait bien être le « quatrième lieu » – les rues, les places, les arrêts de bus – qui, s’ils sont bien conçus, peuvent contribuer à promouvoir la santé et la cohésion sociales. Toutefois, cela ne peut fonctionner que si ces lieux sont réellement accessibles.

« La conception est souvent bonne dans un quartier privilégié, explique Julie Karmann, doctorante à l’École de santé publique de l’Université de Montréal. Mais si l’on se rend dans un quartier plus défavorisé, on s’aperçoit que la rue n’est plus très accessible et qu’il n’est plus très agréable de s’y promener. »

Les travaux de Mme Karmann reposent sur l’idée que le simple fait de marcher peut contribuer à la santé sociale, qui a pour composante importante la sensation d’être en lien avec autrui. Cependant, même les quatrièmes lieux relativement bien conçus manquent souvent leur cible lorsqu’il s’agit d’être réellement adaptés aux personnes âgées.

« Des améliorations de base comme des transports en commun plus accessibles et abordables, des intersections plus sûres et des trottoirs bien entretenus sont essentielles, déclare Eddy Elmer, gérontologue et consultant en recherche de Vancouver, spécialisé en vieillissement et santé mentale. Les gens ne veulent pas sortir si les rues sont sombres ou s’ils ne se sentent pas en sécurité, quel que soit leur âge, mais c’est particulièrement vrai pour les personnes âgées qui craignent de glisser, de tomber ou de courir d’autres risques. »

L’entretien, le déneigement et le déglaçage réguliers, ainsi que les aménagements pour les personnes handicapées devraient être un strict minimum, mais les mesures d’austérité adoptées par les différentes municipalités ont souvent entraîné une détérioration de l’état des lieux. En attendant un changement politique, les programmes de santé sociale tels que les « prescriptions sociales » peuvent aider, en particulier quand ils vont au-delà de l’individu et mobilisent la collectivité.

Plus de promenades, plus de sourires

« L’un de mes programmes préférés vient des Pays-Bas. Ils ont mis en place toute une stratégie et une campagne contre la solitude, explique le Dr Conn. L’un des programmes est une application qui met en relation des personnes âgées qui n’ont pas d’animal de compagnie avec une personne plus jeune qui a un chien, mais qui n’a pas le temps de le promener parce qu’elle travaille toute la journée. Cela présente de nombreux avantages pour toutes les personnes concernées, y compris les chiens! »

La campagne « Say Hello » de Burnaby (Colombie-Britannique) est sans doute encore plus simple. Lancé en 2020 par des médecins locaux inquiets de l’isolement social et de la solitude induits par la pandémie, le projet encourage les gens à se montrer un peu plus amicaux envers les personnes qu’ils croisent dans la rue.

« C’est très simple, mais cela nécessite un changement de paradigme complet, car cela n’a rien à voir avec un médecin ou une clinique, explique Mme Karmann. Le simple fait d’appliquer des normes de salutations dans un quartier, ou de sourire à la personne que vous rencontrez dans la rue peut influer favorablement sur votre sentiment d’appartenance. »

Selon M. Karmann, ce petit geste peut avoir un effet important sur la population, et pas seulement sur la personne.

« Il s’agit simplement de connaître les gens qui vous entourent, ajoute-t-elle. Cela peut être aussi simple que de demander : Comment allez-vous? »

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