Les perceptions de la police et des personnes atteintes de maladie mentale les unes à l’égard des autres peuvent influer sur la nature et la qualité de leurs interactions. Bien qu’il existe de nombreuses recherches sur les perceptions des policiers à l’égard des personnes atteintes de maladie mentale, les études portant précisément sur les perceptions des personnes atteintes de maladie mentale à l’égard des policiers sont très rares. La recherche décrite dans le présent rapport vise à combler cette lacune.
Faits saillants de la section 1 – Aperçu de la recherche
- L’étude a été menée en Colombie-Britannique, au Canada, entre août 2009 et mars 2011.
- L’objectif de l’étude était de mieux comprendre les perceptions des personnes atteintes de maladie mentale à l’égard de la police et leurs interactions avec elle.
- L’approche de la recherche-action participative a été utilisée dans le cadre de l’étude pour favoriser l’engagement communautaire ainsi que la participation active et la collaboration à l’étude des personnes ayant un vécu de maladie mentale.
- L’étude a comporté une analyse documentaire, des entrevues, un sondage et des groupes de discussion.
- Les participants à l’étude comptaient des personnes souffrant de schizophrénie, de trouble schizo-affectif, de psychose ou de trouble bipolaire ayant eu des interactions directes avec la police, y compris 60 personnes ayant participé à des entrevues, 244 personnes ayant rempli un sondage et 28 personnes ayant participé à des groupes de discussion.
Faits saillants de la section 2 – Analyse documentaire
Une analyse des travaux de recherche menés a fait ressortir plusieurs tendances intéressantes en ce qui touche les perceptions des personnes atteintes de maladie mentale à l’égard de la police et leurs interactions avec elles dans d’autres pays. À titre d’exemple :
- Deux personnes atteintes de maladie mentale sur cinq ont été arrêtées par la police au cours de leur vie.
- Trois personnes atteintes de maladie mentale sur 10 ont fait l’objet d’interventions de nature médicale de la part de la police.
- Une personne atteinte de maladie mentale ayant été aiguillée vers des services psychiatriques hospitaliers sur sept l’a été par la police.
- Une intervention sur 20 de la police vise des personnes ayant des problèmes de santé mentale.
- Dans la moitié des interactions entre la police et les personnes atteintes de maladie mentale, celles-ci sont soupçonnées d’avoir perpétré un crime.
- Deux interventions entre la police et les personnes atteintes de maladie mentale sur cinq n’ont pas de lien avec la perpétration d’un crime.
- L’initiative de la majorité des interactions entre la police et les personnes atteintes de maladie mentale revient soit à la police (~25 %), soit aux personnes atteintes de maladie mentale (~15 %), soit encore à la famille de ces personnes (~20 %).
- Les personnes atteintes de maladie mentale sont surreprésentées parmi les personnes contre lesquelles la police utilise une arme à feu ou un pistolet à impulsions et parmi les personnes qui
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décèdent alors qu’elles sont sous la garde de la police.
- Les interactions de la police avec les personnes atteintes de maladie mentale qui comportent le recours par la police à la force sont rares.
- Dans la moitié des cas où la police intervient auprès de personnes atteintes de maladie mentale, elle ne fait que les amener à des centres de services ou les aiguiller vers ces services.
- Deux interactions sur cinq entre la police et les personnes atteintes de maladie mentale ont un caractère informel.
- Une interaction sur sept entre la police et les personnes atteintes de maladie mentale se solde par une arrestation.
- De façon générale, les personnes atteintes de maladie mentale qui sont soupçonnées d’avoir commis un crime sont plus susceptibles d’être arrêtées que les personnes qui ne sont pas atteintes de ce type de maladie; le type d’infraction et le sexe du suspect entrent cependant en ligne de compte et peuvent influer sur ce constat.
- Les perceptions des personnes atteintes de maladie mentale à l’égard de la police ne sont ni uniformément positives, ni uniformément négatives.
Faits saillants de la section 3 – Priorités des participants
Selon les participants à l’étude, six principaux sujets et cinq sujets secondaires présentaient un intérêt prioritaire. L’entrevue et le sondage ont été élaborés à partir de ces priorités. Voici les principaux sujets cernés par les participants à l’étude:
- La façon dont les personnes atteintes de maladie mentale disent avoir été traitées par la police et la perception qu’elles ont de la police.
- L’accès donné à la police à l’information concernant les personnes atteintes de maladie mentale et l’utilisation que la police fait de cette information.
- Le recours à la force par la police, en particulier l’expérience vécue par les personnes atteintes de maladie mentale victimes de ce recours à la force.
- L’expérience vécue par les personnes atteintes de maladie mentale.
- La forme et les conséquences de l’interaction avec la police.
- La mesure dans laquelle la maladie mentale a influé sur les interactions avec la police.
Faits saillants de la section 4 – Attitudes à l’égard de la police
- Le sondage indique que les personnes atteintes de maladie mentale en Colombie-Britannique (C.-B.) ont tendance à avoir des attitudes plus négatives à l’égard de la police que le grand public.
- Comparativement aux membres du grand public, les participants au sondage étaient plus susceptibles d’accorder la cote « insatisfaisant » à la police pour son rendement dans plusieurs domaines et moins susceptibles de lui accorder la cote « satisfaisant ».
- À la différence des 76% des membres du grand public de la C.-B. qui font confiance à la police, seulement un peu plus de la majorité des participants à notre sondage ont indiqué avoir cette même attitude à son égard.
- Plus des trois quarts des participants au sondage ont affirmé avoir une perception positive du rôle et de l’estimer légitime.
Faits saillants de la section 5 – Interactions avec la police
- Les participants à l’étude ont dit avoir eu de nombreuses et récentes interactions avec la police, 21 % des participants au sondage et 37 % des participants à l’entrevue chiffrant à plus de 25 les interactions qu’ils ont eues avec la police au cours de leur vie.
- Les interactions des participants avec la police sont attribuables à diverses situations et circonstances. À titre d’exemple :
- Une interaction type fréquente découle du fait qu’un policier amène en voiture à un endroit précis une personne atteinte de maladie mentale (p. ex. à l’hôpital ou à la prison); ce type d’interaction a été signalé par 90% des participants à l’entrevue et 65% des participants au sondage.
- Soixante-six pour cent des participants au sondage et 35% des participants à l’entrevue ont dit par ailleurs avoir eu des interactions avec la police lorsqu’elles se trouvaient en situation de crise de santé mentale.
- Bon nombre des participants au sondage (48%) et des participants à l’entrevue (64%) ont eu des interactions avec la police parce qu’on leur reprochait d’avoir commis un crime.
- De nombreux participants ont également déclaré avoir eu des interactions avec la police parce qu’ils se sont adressés à elle pour obtenir de l’aide, ayant été victimes d’un crime, ou lors d’une arrestation ou d’un échange informel.
- Plus des trois quarts des participants à l’entrevue ont déjà été menottés ou ont été immobilisés physiquement par la police.
- Le quart des participants à l’entrevue ont eu une interaction avec la police au cours de laquelle ils ont subi une blessure mineure (n’exigeant pas de soins médicaux). Ce genre d’interaction s’est soldé par une blessure grave (exigeant des soins médicaux) pour 12% d’entre eux.
- Les participants au sondage ont généralement dit être satisfaits, plutôt qu’insatisfaits, du comportement adopté par la police lors d’interactions avec elle, en particulier lorsqu’aucun crime ne leur était reproché (p. ex. crises de santé mentale).
- Un peu plus de la majorité de participants à l’entrevue ont affirmé avoir eu des interactions dans l’ensemble positives avec la police. Le tiers d’entre eux ont plutôt affirmé le contraire.
Faits saillants de la section 6 – Perceptions approfondies de la dernière interaction
- Nous avons posé des questions détaillées aux participants à l’entrevue à l’égard de leur dernière interaction avec un policier.
- Les dernières interactions des participants à l’entrevue avec la police étaient de nature diverse, mais s’inscrivaient habituellement dans un contexte de crise de santé mentale (28%), de contrôle policier dans la rue (18%) ou de demande d’aide à titre de victime de crime (18%).
- La majorité des participants à l’entrevue, y compris ceux qui étaient en situation de crise de santé mentale, ont estimé avoir été traités de façon juste par les policiers avec lesquels ils ont eu des contacts. À titre d’exemple:
- 85% d’entre eux ont dit avoir été traités avec respect par les policiers.
- 76% d’entre eux étaient satisfaits de la façon dont les policiers avaient agi dans une situation donnée.
- Les participants à l’étude ont par ailleurs dit ne pas toujours avoir compris la raison ou les conséquences de leur interaction avec des policiers ou avoir des réserves à l’égard des explications que ceux-ci leur ont données à cet égard.
- La majorité des participants à l’entrevue ont été satisfaits du comportement adopté par les policiers lors de leur dernière interaction avec eux, 80% d’entre eux disant que les policiers s’étaient bien comportés envers eux.
- De nombreux participants à ont indiqué que les policiers auraient pu mieux se comporter lors de leur plus récente interaction avec eux. À titre d’exemple:
- Près de la moitié des participants ont indiqué que les policiers auraient pu mieux faire face à la situation.
- Plus du tiers des participants ont indiqué que dans la même situation les policiers devraient à l’avenir adopter un autre comportement.
Faits saillants de la section 7 – Recommandations des participants
- La plupart des participants ont pensé qu’il serait utile que le policier ait accès à des renseignements des base sure la personne atteinte de maladie mentale avant de se présenter devant elle, en particulier si ce policier savait comment les utiliser.
- Quatre-vingt-dix pour cent des participants à l’entrevue ont dit croire qu’il était « très » ou « extrêmement » important de fournir aux policiers la formation voulue sur la façon de gérer des situations de crises de santé mentale.
- Les participants ont recommandé qu’un programme de formation destiné à apprendre aux policiers comment gérer des situations mettant en cause des personnes atteintes de maladie mentale comporte les volets suivants : a) bonnes aptitudes à la communication, b) compréhension de la maladie mentale et de ses manifestations, c) expression de la compassion et du respect à l’égard d’autrui et d) aptitudes au règlement des conflits par des moyens non violents.
- Voici d’autres moyens possibles d’améliorer les perceptions des personnes atteintes de maladie mentale à l’égard de la police ainsi que leurs interactions avec elle : a) établissement de liens étroits entre la police et les milieux de santé mentale, b) reconnaissance et promotion des bonnes pratiques policières, c) recrutement et choix des policiers, d) création au sein des forces policières de modèles positifs pour les policiers, e) accroissement de la responsabilisation et des mécanismes de surveillance de la police et f) participation des professionnels de la santé aux interventions de la police auprès de personnes ayant des problèmes de santé mentale.