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Le VecteurConversations sur la santé mentale

Faire preuve de soutien sans avoir toutes les réponses

Cuba Gooding Jr. dans le rôle de Rod Tidwell et Tom Cruise dans celui de Jerry Maguire lors du film de 1996, qui a donné lieu à d’innombrables mèmes « aide-moi à t’aider ».

Une célèbre réplique du film Jerry Maguire est : « Aide-moi à t’aider ». Elle est tirée de la scène où le personnage joué par Tom Cruise, l’entraîneur du joueur de football Rod Tidwell, joué par Cuba Gooding Jr, réplique à celui-ci, car il s’entête et refuse les conseils. Il s’agit d’un échange habituel que vous avez peut-être en votre for intérieur. C’est mon cas. Si je vois quelqu’un qui souffre, je suis fortement tenté d’intervenir et de « régler » ce que je crois être le « problème ». En dépit de cette tentation, j’ai appris que soutenir n’est pas synonyme de réparer. Ce n’est pas mon rôle ni le vôtre de « réparer » les autres.

Commençons par le moment où vous croyez avoir perçu un « problème » de santé mentale, par exemple chez un être cher, un collègue ou un ami. Peut-être avez-vous remarqué des signes ou des symptômes indiquant un déclin de son bien-être mental, ou alors la personne vous a confié spontanément qu’elle était aux prises avec un trouble de santé mentale. À ce moment-là, il pourrait être tentant de penser : « Ce qui a fonctionné pour moi fonctionnera aussi pour elle ». Si cela se produit, il est naturel de vouloir essayer de réparer les choses en prodiguant des conseils pour que tout aille mieux. Vous aurez peut-être même envie de lui offrir une panoplie d’outils permettant de trouver des solutions.

Mais il y a de bonnes raisons de ne pas agir ainsi.

Chaque fois que j’entends le mot devrait, je tiens compte de sa provenance et des intentions qu’il recèle. Qui est en droit de dicter ma conduite? Qui sont ces gens pour décider de ce qui me convient le mieux?

DEVRAIT, POURRAIT, VOUDRAIT
Tout d’abord, il est préférable de ne pas présumer que l’on sait ce que cette personne ressent et ce qu’elle devrait faire. Je dis souvent : « Aujourd’hui, ne laissez personne vous imposer sa façon de penser, et ne vous imposez rien à vous-même ». Donc, laissons de côté nos idées préconçues quant à ce que la personne devrait faire.

Chaque fois que j’entends le mot devrait, je tiens compte de sa provenance et des intentions qu’il recèle. Qui est en droit de dicter ma conduite? Qui sont ces gens pour décider de ce qui me convient le mieux?

En tentant de régler les problèmes en dictant aux autres ce qu’ils « devraient » faire, on occulte les autres éventualités. Et si la personne avait déjà essayé ce qui a fonctionné pour vous sans grand succès? Et si c’était la première fois que quelqu’un était témoin de sa souffrance? Et si elle vous disait que « tout va bien » puis s’en va? Et si votre choix du moment ne reflète pas le leur (hormis les situations de danger imminent pour eux-mêmes ou pour autrui)?

Une approche plus aidante consiste à se centrer sur la façon dont leur comportement a un retentissement sur la vie qu’ils souhaitent mener. Il est préférable d’établir une relation et un climat de confiance, ou de les encourager à consulter un professionnel (ou autre), plutôt que de les ajouter à votre liste de choses à faire. Ces personnes ne sont pas votre projet. Et il n’est pas nécessaire de les assaillir de questions du genre « As-tu fait ce que je t’ai dit de faire? ».

SENSATION DE GUEULE DE BOIS
Une autre conséquence possible lorsque l’on essaie d’imposer nos solutions est que la personne nous évite la prochaine fois qu’elle nous rencontre. Lorsque cela se produit, nous avons tendance à nous blâmer : « Ai-je dit quelque chose de mal? » « Ai-je dépassé les bornes? »

Yvette Murray

Yvette Murray

Je vous invite à ne pas endosser ces idées, car il se pourrait en fait que la personne éprouve de la honte, du déni ou de la peur. Lorsque les gens révèlent quelque chose de personnel et dévoilent leur souffrance émotionnelle, ils se sentent souvent vulnérables.

C’est ce que j’appelle souvent le malaise de la vulnérabilité. Ils viennent de partager quelque chose qui laisse un trou émotionnel béant – comme une blessure à vif, terriblement douloureuse. Dans ce genre de situation, il se peut qu’ils entretiennent des dialogues intérieurs comme « il doit penser que je suis bizarre ou que je manque de force » ou « il ne m’aime probablement plus ».

En plus des symptômes qu’ils ressentent, le fait d’avoir une santé mentale qui décline affecte l’estime et la confiance en soi. Des sentiments négatifs consistant à se dire « Je ne suis pas à la hauteur » ou « Il doit y avoir un truc qui cloche chez moi » risquent de se manifester.

En tant que psychothérapeute, ma formation m’a amené à faire mon propre cheminement intérieur en plus du travail de groupe. L’un de mes plus grands moments de guérison et de prise de conscience durant cette période fut lorsque j’ai su déceler la douleur chez un collègue ou un mentor. À ce moment‑là, je me suis dit : « Comme moi, vous ressentez cela aussi? »

Une telle expérience procure de l’espoir, de l’optimisme et un certain réconfort par le fait de savoir que l’on n’est pas seul à souffrir ainsi. Cela permet de se concentrer sur l’amélioration de notre bien-être sans le fardeau superflu de ce que ma bonne amie et mentore Janine Driver appelle « les pensées toxiques » – autrement dit, le dialogue intérieur et l’autostigmatisation qui risquent de compromettre tout processus de guérison.

ME CONNAÎTRE, TE CONNAÎTRE
La meilleure approche pour soutenir véritablement quelqu’un est de lui signifier « Aide-moi à t’aider ». Mais comment s’y prendre? La première étape consiste à le lui demander! Par exemple : « Comment puis-je te soutenir de la meilleure façon possible? » « Que penses-tu qui peut arriver si tu faisais ceci ou cela? » « Comment puis-je t’appuyer aujourd’hui? » « Que représente la notion d’aide pour toi? »

Vous pouvez également évoquer ce qui a déjà fonctionné pour eux. Nous avons tous traversé des épreuves. Pour les surmonter, il y a de fortes chances que nous ayons eu recours à des réseaux de soutien, à la force intérieure, à la persévérance, au courage et à la persistance. Il peut donc être utile de rappeler à la personne les épreuves qu’elle a réussi à surpasser auparavant. En effet, lorsque l’on se sent mieux, on a vite tendance à oublier tout cela.

Avez-vous déjà eu une vilaine grippe et pensé : « Je ne sais pas comment je vais pouvoir passer à travers la prochaine heure, et encore moins me lever et aller au boulot demain »? Puis, quelques semaines plus tard, un collègue vous rappelle : « Tu te souviens que tu étais en congé maladie cette semaine-là? ». « Ah, j’avais oublié, parce que je suis en pleine forme maintenant. » En remémorant à l’autre ce qui l’a aidé dans le passé, dites-vous que cela pourrait bien être la chose qui l’aide le plus dans le présent.

Un appui efficace peut aussi passer par le fait de s’asseoir à côté de quelqu’un – sans dire un mot, en étant simplement là et en offrant un cadre sécurisant où il peut simplement être lui-même. Lorsque je ne me sens pas bien, le fait que quelqu’un tente de me faire sourire ou de changer mon humeur peut en fait s’avérer nuisible.

Bien sûr, il est essentiel de faire preuve d’empathie, comme l’indique la chercheuse américaine Brené Brown; cependant, on doit veiller à ne pas lancer des phrases du type « au moins ». Ainsi, lorsqu’une personne vous annonce qu’elle va divorcer, n’allez pas répondre « Bien au moins, tu as de la chance d’avoir été mariée ». Certains pourraient trouver ce commentaire amusant, mais il n’est pas pour autant utile. Une réponse plus empathique serait plutôt « Merci d’avoir partagé cela avec moi. Aide-moi à mieux comprendre ce que tu vis ».

Les aspects clés du soutien aux autres consistent à écouter et communiquer sans porter de jugement. Ces comportements se manifesteront beaucoup plus facilement si l’on se rappelle que ce n’est pas à nous d’imposer notre système de croyances aux autres, notamment la façon dont la vie « devrait » être vécue ou la manière dont les gens « devraient » agir. Il s’agit de leur vie, pas de la nôtre. En vous liant à l’autre de manière authentique, en discutant à cœur ouvert, et en l’écoutant sincèrement, vous lui apporterez un soutien précieux.

Et pour ceux qui ont du mal à recevoir du soutien, permettez-moi de vous murmurer à l’oreille : « Dis-toi que t’aider m’aide aussi! »

Yvette Murray est formatrice en santé mentale et psychothérapeute.

Auteur:
Cuba Gooding Jr. dans le rôle de Rod Tidwell et Tom Cruise dans celui de Jerry Maguire lors du film de 1996, qui a donné lieu à d’innombrables mèmes « aide-moi à t’aider ».

Photo: ©TriStar Pictures/avec la permission de Everett Collection
Les points de vue et les opinions exprimés dans cet article appartiennent uniquement à l’auteur(e) et ne représentent pas nécessairement les politiques officielles de la Commission de la santé mentale du Canada.

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