Le VecteurConversations sur la santé mentale
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Quels sont les ingrédients de funérailles réussies? Le bon et le mauvais côté des adieux.
C’est peut-être le signe que je prends de l’âge, mais j’assiste de plus en plus souvent à des funérailles ces derniers temps, tant et si bien que j’ai commencé à les noter. Non, je n’évalue pas l’argent dépensé pour la cérémonie, les fleurs, le cercueil ou l’urne. Soyons honnêtes : que vous ayez fait appel à un traiteur ou enrôlé vos amis, les sandwichs à la salade d’œufs restent des sandwichs à la salade d’œufs. Je n’ai jamais assisté à des funérailles dans le but de manger un bon repas. Je me demande plutôt si l’événement nous aidera, mes proches et moi, à faire notre deuil.
Je ne cherche ni à trouver des occasions de pleurer ni à me complaire dans ma tristesse. Je souhaite simplement faire mes adieux à la personne qui est partie, et peut-être apprendre quelque chose sur elle.
Les funérailles sont aussi diverses que peuvent l’être les défunts. Certaines cérémonies sont formelles et on y discute à voix basse sur les bancs d’église. D’autres sont plus décontractées et se déroulent dans un pub, où des images du défunt défilent en boucle pour rappeler ses moments heureux. D’autres fois, les rituels de la mort se déroulent selon la volonté du défunt ou de ceux qui lui survivent, loin des églises, des cimetières et des restaurants.
Les flammes de l’enfer
Personnellement, je n’ai pas de préférence. Il faut simplement que les funérailles accomplissent leur fonction d’aider les gens à faire leur deuil. Ce qui m’irrite, c’est quand des choses n’ayant rien à voir avec l’idée de « faire ses adieux » prennent soudain toute la place. Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai assisté à un service funèbre, seulement pour me retrouver au beau milieu d’un discours où l’on tente de me convertir pour faire de moi une fidèle pratiquante. (Le mot « éternel » y revient souvent).
Comprenez-moi bien. Les personnes présentes forment un public captif, et je peux comprendre l’attrait de lui adresser un message. Je ne m’oppose pas à un service religieux. Mais je suis révoltée que l’on profite du moment pour faire passer un message politique, culpabiliser les infidèles, fustiger les vivants pour leur manque d’assiduité ou, dans un cas, réduire au silence les membres d’une famille qui voulaient prononcer quelques mots d’adieu.
J’attribue aussi une mauvaise note aux funérailles qui dévoilent trop leur côté mercantile. Par exemple, lorsque l’officiant n’a pas pris le temps de mémoriser le nom du défunt et qu’il le prononce mal ou l’oublie complètement. Ce sont des fausses notes qui arrachent les personnes en deuil à la solennité du moment et les catapultent brutalement dans la dimension purement commerciale de l’événement.
Parfois, les choses tournent au fiasco, comme lorsque le défunt est mal positionné ou qu’il y a erreur sur le corps et qu’on récolte les cendres d’un pur étranger. J’ai entendu parler d’un enterrement où en place et lieu des photos de l’être cher qui auraient dû défiler en arrière-plan, ce sont quatre minutes de porno qui ont été projetées devant les endeuillés. Ces funérailles-là méritent un zéro.
Des funérailles sur mesure
Soyons justes, les échecs ne sont pas tous imputables aux organisateurs. Bien souvent, les personnes en deuil ou les participants font de l’événement un moment inoubliable pour de mauvaises raisons. Je n’ai encore jamais pris d’égoportrait lors d’un enterrement, mais c’est apparemment une activité de plus en plus populaire. Ensuite, il y a les fauteurs de trouble et les chahuteurs qui voient dans les funérailles l’endroit idéal pour se battre ou régler des comptes, car qui ne va pas à des funérailles pour assister à un match de boxe — n’est-ce pas le point culminant de petites guerres intestines qui séparent les membres d’une même famille depuis des décennies?
En Chine, la présence de danseuses exotiques à des funérailles est devenue un tel fléau que certaines municipalités ont dû légiférer. Vous vous demandez peut-être comment on a bien pu en arriver là? C’est que, en Chine, plus il y a de monde à des funérailles, plus le défunt aura de chance dans l’au-delà. Donc, pour attirer un maximum de personnes, certains organisateurs faisaient appel à des danseuses. Étant donné que des enfants assistent aussi aux funérailles, cette pratique est difficilement justifiable.
Il faudrait leur proposer d’offrir le spectacle ailleurs, ou après les funérailles. Contrairement aux mariages, les funérailles ne sont pas précédées d’une répétition générale. Cela signifie que les gens arrivent souvent là les nerfs à fleur de peau, en état de choc ou dépassés par les événements. Le deuil est également une affaire très intime que chacun vit à sa façon. Certains pleurent, d’autres non. Certains crient, d’autres se replient sur eux-mêmes. Le deuil dure quelques semaines, mois ou années, selon la culture de chacun, sa personnalité, la nature du lien qui l’unissait au défunt, l’étape où il en est dans sa vie, autant de facteurs qui influencent la durée du deuil.
Mais quelle que soit la durée du deuil, les funérailles en sont souvent le point de départ, et c’est souvent à cette occasion que les gens prennent conscience du cercle de soutien qui les entoure. Une étude réalisée en 2022 au moyen d’une combinaison de méthodes portait sur l’incidence des pratiques funéraires sur la santé mentale des personnes endeuillées. Pour ce qui est de la capacité à faire son deuil, les résultats ne sont pas concluants. Cependant, une étude qualitative montre pour sa part que les rituels funéraires, y compris les funérailles, sont efficaces lorsque les personnes endeuillées ont leur mot à dire sur la forme que prennent ces rituels et qu’elles ont l’occasion de faire leurs adieux dans un contexte qui est significatif pour eux. Les résultats soulignent également le rôle important qu’ont joué les officiants de cérémonies funéraires pendant la pandémie.
Les funérailles peuvent être un moyen concret de montrer notre soutien aux vivants. Elles peuvent être l’occasion de nous sentir entourés pendant une période difficile et constituer un pan essentiel du travail du deuil. Mais elles devraient surtout nous aider à composer avec la perte et à intégrer l’idée que l’être cher a disparu. Or, si je retiens d’une cérémonie que l’officiant a échoué dans sa tâche ou qu’un groupe s’est battu à l’extérieur, alors les funérailles sont ratées. Je ne vais pas à des funérailles pour assister à un dîner-spectacle. Je ne vais pas à des funérailles pour qu’on essaie de me convertir. Je vais à des funérailles pour recevoir du soutien et en donner.
Après s’être penchée sur le sujet pour rédiger cet article, Debra Yearwood, leader certifiée en santé, a dressé une liste de lecture de rap conscient. Elle signe régulièrement des articles dans Le Vecteur.
Illustration : Holly Craib
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