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Nous associons souvent la faim à notre estomac.
Et si je vous disais que c’est plutôt votre cerveau qui a faim?
Qu’il s’agisse de nos choix alimentaires ou de ce que nous déposons dans notre assiette, notre cerveau réclame le maximum d’énergie de notre nourriture. La Dre Bonnie J. Kaplan nous explique pourquoi. Pionnière de la psychologie nutritionnelle, elle est également professeure à la mi-retraite à l’École de médecine Cumming de l’Université de Calgary.
Le cerveau est l’organe le plus gourmand en micronutriments, c’est-à-dire en vitamines et minéraux provenant de notre alimentation. Bien que le cerveau ne représente que deux pour cent de notre poids corporel, il absorbe 20 pour cent de tous les nutriments ingérés par notre organisme.
Mais pourquoi est-il important pour nous de connaître cette statistique?
Parce que de récentes études révèlent que l’alimentation a une incidence sur notre humeur, pour le meilleur ou pour le pire.
Selon des recherches fondées sur des données probantes en psychiatrie nutritionnelle, plusieurs chercheurs spécialisés dans ce domaine affirment qu’il existe une corrélation entre nos apports alimentaires et les résultats en matière de santé mentale.
Si les livres, les émissions et les articles parus dans les médias font la promotion d’un mode de vie sain, ils véhiculent pour la plupart le même mantra : « consommez plus d’aliments sains et complets ».
Pourtant, la triste réalité veut que plus de la moitié des Nord-Américains ingurgitent des aliments transformés. Pourquoi?
La réponse invisible : le concept de « la faim insoupçonnée du cerveau »
Plus de 50 % d’entre nous se nourrissent d’aliments ultra-transformés, geste qui laisse notre cerveau affamé. Comment?
Le concept se nomme « la faim insoupçonnée du cerveau » – une conséquence négative que notre cerveau subit lorsqu’il est carencé en micronutriments essentiels, comme les vitamines et les minéraux.
La privation silencieuse du cerveau est aggravée par la consommation régulière d’aliments ultra-transformés riches en sucre, en sel et en gras. Ces « substances alimentaires » sont dépourvues des vitamines et minéraux essentiels à la bonne santé du cerveau, et l’absence de ces nutriments clés a pour effet d’affecter les performances globales du cerveau, notamment en situation de crise.
La Dre Kaplan compare ce phénomène des neuro-nutriments à la grossesse. « Lorsqu’une femme est enceinte, si elle ne se nourrit pas suffisamment, les aliments approvisionneront en priorité le fœtus, déplaçant les nutriments et l’oxygène là où ils sont le plus nécessaires en mode critique, à savoir en situation de crise. »
« De la même façon dans le cerveau, lorsque l’on gère une crise et que cela implique le combat ou la fuite, notre corps déplace prioritairement les nutriments là où nous devons être actifs. Si vous ne fournissez pas assez de nutriments à votre corps et à votre cerveau, tout est détourné de manière sélective en vue de résoudre la crise, et la situation stressante – ainsi, des parties de votre cerveau et de votre corps risquent alors de subir des carences. »
Pourquoi le rôle de l’alimentation est déterminant dans la quête d’une meilleure santé mentale?
La mission de vie de la Dre Kaplan a été condensée dans un livre de 368 pages intitulé The Better Brain: Overcome Anxiety, Combat Depression, and Reduce ADHD and Stress with Nutrition.
Vous trouverez à l’intérieur de ses pages des recherches fondées sur des données probantes, de judicieux conseils en matière de nutrition, ainsi que des recettes à base d’aliments complets dont la contribution à nourrir notre cerveau est scientifiquement prouvée.
Par exemple, des aliments sains comme les légumes verts feuillus, les poissons riches en bon gras, les petits fruits foncés, les noix et l’huile d’olive (ingrédients qui figurent dans la cuisine méditerranéenne) ont été reconnus pour leurs bienfaits sur notre cerveau, que ce soit de manière proactive à chaque étape du processus de vieillissement, ou de manière protectrice en ralentissant le déclin des facultés intellectuelles et en améliorant les fonctions cognitives.
Et pourquoi devrions-nous faire attention à ce que nous mangeons, pour le bien de notre cerveau?
Vous vous dites peut-être : « Je sais déjà ce qu’il faut faire » (en théorie), mais lorsqu’il s’agit de manger de manière saine, en général, on parle du « comment ».
Mais là où la plupart d’entre nous achoppent, c’est dans la mise en pratique, soit le « pourquoi ».
Le fait de se concentrer sur le pourquoi pour instaurer et opérer des changements peut s’avérer un puissant moteur permettant d’améliorer la santé physique et mentale.
Matière à réflexion… pour le cerveau
Chercheuse éminente dans le domaine des sciences nutritionnelles depuis plus de 50 ans, la Dre Kaplan entend continuer à persuader les sceptiques au sein de la profession médicale quant au rôle véritable joué par la nutrition dans notre résilience psychologique et émotionnelle.
« Chaque clinique de santé mentale devrait sensibiliser les patients à l’importance des aliments complets et à la nécessité de se débarrasser des produits chimiques ultra-transformés, mais aussi à la fonction des nutriments sur le cerveau » indique Dre Kaplan.
Et la deuxième étape? Lever le voile sur ce que signifie pour les patients de consommer des aliments complets, afin qu’ils puissent reproduire ce mode de vie alimentaire sain à la maison.
« Lorsqu’un patient est référé pour la première fois à un service de santé mentale, il devrait d’emblée être informé de la façon de privilégier un régime alimentaire sain avant de recevoir un traitement quelconque, » explique la Dre Kaplan. « On devrait aussi lui demander de faire le suivi des coûts, car les personnes qui font ce suivi lorsqu’elles adoptent un régime alimentaire plus sain sont stupéfaites de constater qu’elles économisent de l’argent – nous devons leur inculquer des méthodes peu coûteuses pour le faire. »
Un autre objectif dont la Dre Kaplan m’a fait part est son désir de nous influencer (en raison de son grand intérêt pour la base physiologique du comportement humain) afin de non seulement comprendre comment manger mieux, mais aussi de savoir pourquoi il faut le faire. Et le pourquoi est important.
« Les gens ne comprennent pas pourquoi ils devraient améliorer leurs habitudes alimentaires, » affirme la Dre Kaplan. « Il est probable que la raison en soit le manque d’éducation ou de connaissances… savoir comment et quoi manger n’est pas suffisant en matière de nutrition saine. La nutrition constitue la base de notre résilience mentale. »