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Troquer les lunettes contre un casque d’écoute

alex blajan

Par Jessica Ward-King, B.Sc., Ph.D.

J’ai déjà été une inconditionnelle des livres. Pour être tout à fait honnête, je dirais que les livres continuent de m’émouvoir, que ce soit par leur doux parfum terreux, la texture du papier sous mes doigts ou le bruissement des pages lorsque je les tourne délicatement. Je peux disparaître des heures dans une bouquinerie.  Lorsque je suis partie étudier à l’étranger, je me suis procuré une liseuse pour son côté pratique – je ne pouvais quand même pas traîner toute ma bibliothèque –, mais je ne l’ai jamais vraiment adoptée. J’ai toujours préféré les livres.

Imaginez donc mon désarroi, dans mon dernier épisode dépressif, lorsque ma concentration s’est détériorée au point où je n’arrivais même plus à lire.  Les livres avaient toujours été un réconfort et une forme d’évasion, qui tout à coup m’échappaient.  J’étais complètement perdue et désespérée.

C’est là qu’une amie m’a suggéré d’essayer les audiolivres.  J’ai ricané.  Je n’étais pas le genre de personne qui écoute des audiolivres. 

Mais l’idée a tranquillement fait son chemin. Je m’ennuyais de lire.  Je m’ennuyais d’apprendre.  Je m’ennuyais de découvrir de nouvelles idées. 

Lorsqu’on m’a donné l’occasion d’écouter deux audiolivres gratuitement, mon épouse m’a fortement encouragée à le faire.  (En réalité, notre discussion a plutôt ressemblé à ceci : « Essaie.  Je n’en peux plus de t’entendre te plaindre que les livres te manquent.  C’est gratuit, alors tu vas choisir deux livres et tu vas les écouter tous les deux pour en avoir le cœur net.  Et si ça ne fait pas l’affaire, on n’en parlera plus. » Et comme une bonne épouse, j’ai dit « Oui, chérie. »)

Après avoir parcouru le catalogue, j’ai téléchargé deux livres qui paraissaient intéressants. 

Ne le dites pas à ma femme, mais… elle avait raison. 

Je ne parvenais plus à lire mes livres adorés, mais clouée sur le divan (à cause de la dépression), j’étais capable d’écouter.  Lorsque j’arrivais à me lever et aller marcher dans la rue, j’étais capable d’écouter.  Lorsque je réussissais à sortir et prendre l’autobus, je pouvais apprendre, engager de nouvelles conversations, garder mon cerveau actif.  Les audiolivres sont devenus une passerelle vers mes capacités cognitives, qui avaient dégringolé après deux ans de dépression bipolaire.  Ils ont rehaussé mon estime de moi, alors que j’étais convaincue que j’étais devenue stupide et lente.  Ils ont été une bouée et une fenêtre ouverte sur un monde qui me paraissait si loin.

Il faut souligner que tous les audiolivres ne sont pas créés égaux et qu’ils ne fonctionnent pas pour tout le monde.  Tout d’abord, sachant que la durée moyenne d’un audiolivre est d’au moins dix heures, il ne suffit pas que le sujet vous plaise, la voix, l’accent et le débit du narrateur sont des critères déterminants (je l’ai appris à la dure!).  De plus, il faut aussi choisir les bons types de livres.  Si vous les écoutez en vue d’étudier ou de prendre des notes, sachez qu’il est difficile (voire impossible) d’annoter ou de référencer un audiolivre.  Enfin, il existe une panoplie de textes et d’essais plus courts – autopubliés ou non édités – intercalés dans les ouvrages à succès et autres favoris indépendants, donc assurez-vous de bien choisir comment vous dépensez vos crédits.  Mais dans l’ensemble, les abonnements et le coût des livres individuels sont raisonnables (selon votre degré de voracité comme lecteur) et les forfaits sont habituellement personnalisables.  Pour nous faciliter la tâche, ma conjointe et moi partageons un compte où nous mettons en commun nos livres et nos crédits. 

J’ajouterais, en terminant, qu’une foule de livres de développement personnel et de psychologie sont offerts en téléchargement. C’est un moyen facile de garnir sa bibliothèque, de se remonter le moral avec une belle lecture ou de consulter des ressources utiles pour mieux se comprendre et prendre soin de sa santé.   

En tant qu’ancienne apôtre du livre (en rémission?), je crois qu’il y a pire dans la vie que de troquer ses lunettes contre un casque d’écoute pour retrouver le plaisir de s’évader dans un récit.  La maladie mentale nous vole déjà tant de petits plaisirs de la vie. S’il existe un moyen de retrouver un peu de joie, il serait dommage de nous en priver.  Prenez le conseil de mon épouse :  choisissez deux livres et écoutez-les tous les deux pour en voir le cœur net.  Et si vous décidez que ce n’est pas pour vous, c’est OK.  Mais ne lui dites pas qu’elle avait raison.  Sa tête ne fera qu’enfler encore davantage.

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