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J’étais à la recherche de familles comme la mienne et, si possible, d’espérance. Elles étaient là pendant tout ce temps

Par Ester Eisen

Les préjugés m’amènent à signer ce texte par un pseudonyme. Pourquoi? Parce que mon enfant est une personne aimable, attentionnée, généreuse et résiliente, entre autres grandes qualités. Et que cette jeune personne a aussi des problèmes de santé mentale qui l’amènent à avoir des comportements violents. Heureusement, le mythe voulant que tous les gens aux prises avec des problèmes de santé mentale soient violents est progressivement déconstruit. Mais qu’en est-il des personnes dont les problèmes de santé mentale comportent des éléments de violence?

Récemment, j’ai suivi une formation de la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC) sur les premiers soins en santé mentale (PSSM). On y explique que les préjugés sont le principal obstacle au soutien : « Contrairement aux cas de blessures physiques, les gens sont moins susceptibles d’aider une personne ayant un problème lié à la santé mentale ou à l’usage de substances ou de demander de l’aide pour elles-mêmes » (PSSM, module 1, sujet 3, Introduction).  

Et les préjugés peuvent devenir un obstacle de taille pour celles et ceux qui se décident à chercher de l’aide. Je comprenais déjà l’importance d’une intervention précoce, mais peu de professionnels mettaient en place un espace favorisant une discussion constructive sur la situation de ma famille ou l’émergence d’un espoir de rétablissement. Les organismes n’étaient pas en mesure de me mettre en contact avec d’autres parents vivant aussi des épisodes de violence à risque élevé. Dans les groupes de parents auxquels j’ai participé, on n’abordait pas le sujet de la violence. C’est pourquoi au début de 2018, j’ai amorcé mes propres recherches.

J’espérais trouver une famille comme la mienne où la situation s’était améliorée. Je comprenais que cela ne signifiait pas que notre situation s’améliorerait elle aussi, mais je voulais pouvoir dire à mon enfant que cette évolution avait été possible pour d’autres. 

J’étais certaine que nous n’étions pas les seuls, mais mes recherches ne me menaient qu’à des sites Web qui affligeaient mon enfant de tous les pires stéréotypes. Puis, une nuit d’août 2018, j’ai interrogé Google désespérément jusqu’à l’aube. Et j’ai fini par trouver, au Royaume-Uni, des parents, des professionnels et des universitaires qui possédaient des connaissances et manifestaient leur empathie. Leur recherche validait notre réalité à plusieurs égards. La découverte de ces personnes qui me répondaient par de l’information, des ressources et de la bienveillance a eu un effet transformateur – et a fini par ouvrir un dialogue au Canada.

Comme j’espérais aider aussi d’autres familles en plus de la mienne, j’ai transmis ces ressources internationales à des organismes et des thérapeutes. Quelques-uns d’entre eux se sont montrés réceptifs. Adopt4Life m’a appuyée, et un membre de son personnel m’a suggéré un cours utile. Mais la plupart des professionnels se sont abstenus de tout engagement. Comme ils étaient la source d’une bonne part des préjugés, leur réaction m’a démoralisée. 

Encouragée par une amie, j’ai soumis un projet au Programme d’application des connaissances SPARK de la CSMC, qui l’a accepté en décembre 2018. Mon objectif était d’amener la recherche internationale au Canada. Vu mon statut de particulier sans source de financement (c’est-à-dire sans apport financier de mon employeur), mon projet dépendait d’outils à faible coût tels que la technologie de téléconférence et la diffusion de l’information par des moyens électroniques.

SPARK m’a énergisée, tout comme ma mentore à la CSMC, Kam Tello. Plusieurs membres du personnel de la CSMC se sont dits ravis de voir un projet sur ce sujet. Ces encouragements m’ont soutenue pour la suite. Mme Tello a continué de me conseiller au cours de la construction de mon plan, et elle m’a aidée à garder le moral quand le projet semblait faire du surplace. De plus, ce travail a donné un sens à ma situation familiale et m’a aidée dans les moments difficiles.

En juillet 2019, j’ai persuadé Adopt4Life d’organiser des webinaires avec mes contacts : le premier avec la professeure Julie Selwyn; le deuxième avec Helen Bonnick et Al Coates. Ces trois personnes pourtant très occupées ont donné de leur temps pour communiquer leur savoir au Canada, et je leur en serai toujours reconnaissante. Leurs webinaires ont été visionnés plus de 1 000 fois dans les mois qui ont suivi leur diffusion initiale en 2020. Les parents qui ont regardé les webinaires se sont sentis moins isolés, tandis que les professionnels se sont sensibilisés à cet enjeu et ont appris qu’à l’étranger, il fait l’objet de discussions ouvertes. Les conversations entre universitaires, organismes et pouvoirs publics canadiens se poursuivent. 

Et ma famille? Pendant la pandémie, les familles comme la mienne ont beaucoup souffert, tout comme celles qui vivaient d’autres formes de violence familiale. En janvier 2022, je me suis inscrite au programme Connexions familiales (CF), offert au Canada par la Fondation Sashbear. CF est un programme international d’acquisition de compétences fondé sur la thérapie comportementale dialectique (TCD) et destiné aux familles de personnes atteintes de dysfonctionnement émotionnel. Je connaissais ce programme gratuit depuis des années, mais j’ignorais qu’il soutenait même les familles où le dysfonctionnement émotionnel débouche sur des dysfonctionnements comportementaux tels que la violence ou l’agressivité.

Tant par sa forme que par son contenu, le programme CF se distingue de la TCD parentale, qui n’avait pas été d’un grand secours pour ma famille. Les familles de CF vivent un éventail de problèmes de santé mentale pouvant comprendre la violence. Les cours sont animés par des parents bénévoles dont plusieurs ont vécu des expériences qui ressemblent beaucoup à la mienne. Dans certains cas, leurs enfants se sont épanouis, et ces familles en donnent le crédit à CF. D’autres vivent encore des difficultés, mais les parents sont maintenant en meilleure posture et, donc, mieux en mesure de soutenir leur enfant. Ma famille fait maintenant partie de ce second groupe. Depuis peu, on dirait même que nous nous rapprochons du premier groupe.

Au départ, j’étais à la recherche de familles comme la mienne et, si possible, d’espérance. Elles étaient là pendant tout ce temps – ici même, au Canada –, mais les préjugés étouffent les conversations, même les plus encourageantes.  

Les PSSM sont centrés sur la conversation, notamment l’écoute et la communication exemptes de jugement. Dans mon projet SPARK, j’énonçais l’objectif suivant : « En donnant suite à cette proposition, la Commission de la santé mentale du Canada offrira une plateforme où la recherche internationale pourra se faire connaître et où un dialogue pourra s’amorcer. » Depuis que j’ai suivi la formation de PSSM, j’ai réfléchi davantage au volet dialogue de cette plateforme. Il y a plusieurs années, s’il y avait eu moins de préjugés et davantage de dialogue, j’aurais pu découvrir que CF pouvait nous aider, m’inscrire à ce programme et en tirer profit. Si, tout en appliquant des mesures appropriées de protection de la vie privée, nous nous exprimons plus ouvertement, les familles pourront se parler de ce qui les a aidées. 

Enfin, je peux dire à mon enfant que je connais des familles qui ont vécu les mêmes difficultés que nous et qui, aujourd’hui, s’en sortent bien. Pour moi, maintenant, le dialogue ne porte donc plus uniquement sur la sensibilisation, mais aussi sur l’espoir. Grâce à la CSMC ainsi qu’à l’impulsion, au mentorat et à l’appui donnés par SPARK, ce dialogue a commencé au Canada. 

Cet article de blogue est publié sous pseudonyme afin de protéger la vie privée de l’autrice. Ester Eisen a participé au programme SPARK en 2019, après quoi elle s’est engagée dans des activités de bénévolat. Elle fait maintenant partie des nombreux pairs coanimateurs bénévoles de Connexions familiales, par l’entremise de la Fondation Sashbear. Elle vit avec sa famille à Toronto.

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