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Les nouvelles frontières des capacités   

A young woman in headphones with her dog is sitting on the bed and typing on her laptop

Par Ainsley Huard

Imaginez, si vous le voulez bien, que vous vous réveillez un jour et que votre vie est complètement méconnaissable. Cela pourrait arriver pour beaucoup de raisons, bonnes ou mauvaises. Que faites-vous? Est-ce que vous vous écroulez ou vous continuez à avancer? Ou vous essayez de réinventer le champ des possibles?

Lâcher prise sur ce qui est connu

Une maladie grave a changé ma vie. Il y a beaucoup de choses que j’aime faire, mais que je ne peux plus faire. Pour m’adapter, j’ai dû changer ma façon de vivre. Je peux encore marcher, mais pas très longtemps. Les nouvelles raquettes que j’avais achetées sont maintenant remisées. Je regarde par la fenêtre et je rêve de l’époque où je pouvais prendre mon équipement et partir en randonnée. Je me souviens du sentiment de vivre l’instant présent. Faire de l’exercice et du sport est devenu impossible pour moi. La plupart du temps, je n’ai même pas la force de faire une brassée de lavage. Aller prendre un café avec un ami est un petit miracle, car je ne sais jamais comment je vais me sentir le moment venu. Faire une petite course est désormais une grande entreprise. Je me bats pour faire les choses simples que vous tenez pour acquises.

Ma vie ne ressemble plus à ma vie d’avant. Perdre l’accès à ce qui est important pour mon bien-être m’a bouleversée d’une manière que j’ai du mal à décrire. Les mots perte et deuil semblent totalement inadéquats pour décrire ce que je ressens. Quel mot rendrait justice au sentiment de m’être fait dérober toute joie? Comment pourrais-je décrire mon incrédulité? Comment pourrais-je exprimer le sens de ces questions : « Et si je ne retrouvais plus jamais ma vie d’avant? Suis-je handicapée? » Les personnes vivant avec une maladie chronique ou une incapacité comprendront les nuances de cette question.

Les contrées sauvages de l’altérité

J’apprends à naviguer dans ce nouvel espace entre le connu et l’inconnu, dans les contrées sauvages de l’altérité. Mais j’ai appris que je ne suis pas seule.  En effet, 22 % des Canadiens vivent avec une incapacité, et je soupçonne que ce nombre ne cesse d’augmenter de façon exponentielle.

J’ai découvert une nouvelle communauté composée de milliers de personnes comme moi. Explorateurs réticents de cet arrière-pays, nous sommes parfois vus, mais nous sommes souvent invisibles. J’explore les frontières d’un nouveau terrain, mais je ne reconnais pas le paysage. De nouvelles frontières. De nouveaux repères. Nous enfilons le casque d’archéologue et fouillons les strates, les vestiges, les ruines de fortifications démolies ou subsistantes. Comme des pionniers, nous cherchons de l’or, une vision dorée d’un avenir meilleur.

Heureux vagabonds, veuillez faire demi-tour

J’aperçois des panneaux indicateurs dans ce voyage, mais je cherche toujours la carte. Ce n’est pas une randonnée bucolique. Ce n’est pas un moment Insta, ni un mini-congé. Ce n’est pas pour les âmes sensibles. C’est un voyage ardu sur une route longue et sinueuse.

Parfois, je rêve d’un long tunnel sombre. De faibles faisceaux de lumière apparaissent à travers de minuscules fissures. Il n’y a pas assez de lumière pour voir le chemin à suivre, mais juste assez pour m’empêcher d’être paralysée par l’obscurité. Nous, prospecteurs des contrées sauvages, savons une chose ou deux sur les longues nuits de l’âme. Nous savons ce que c’est de se perdre pendant un certain temps puis de soudainement retrouver son chemin, parfois même de défricher des sentiers. Nous ne marchons pas sur la pointe des pieds dans des champs de tulipes, mais plutôt dans des champs de mines. Nous ne crions pas sur les toits : « Hé! regardez-moi! ». Avec précaution et en silence, nous racontons notre parcours à nos proches : notre expérience de vie, les moments éprouvants, l’adversité et les petites victoires. Il faut du courage pour mettre son âme à nu.

Peut-être qu’un jour je vous rencontrerai sur ce chemin, même si je vous conseille de prendre une autre direction. Si cela arrive, je promets de vous faire signe, de ralentir, de vous serrer dans mes bras et de vous indiquer le prochain panneau indicateur sur la route. Voyageur intrépide. Cœur vaillant. Je vous vois. Je vous souhaite d’aller bien.

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