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Quand il est temps de démissionner pour aller à la recherche de soi-même

Une femme travaillant dans un environnement professionnel, se livrant calmement à l'écriture d'un livre à son bureau.

Lorsque j’ai quitté mon emploi au plus fort de la pandémie, ce n’était pas après des mois de désengagement silencieux. Je n’ai pas non plus dansé de joie. Je ne me reconnaissais pas non plus dans les reportages des médias sur les gens qui démissionnent.

Je n’étais pas comme cette hôtesse de l’air dont l’histoire est devenue virale qui a annoncé son départ de façon spectaculaire par haut-parleur avant de se jeter sur le toboggan d’urgence dans une sortie peu glorieuse. Je n’étais pas non plus quelqu’un qui se contentait de faire le strict minimum, refusant d’exécuter toute tâche supplémentaire en guise de protestation silencieuse. 

Je démissionnais, au sens propre du terme. Je concédais la défaite sans me laisser abattre. J’avais fini par accepter que je ne pouvais plus éviter quelque chose d’indésirable. 

Après presque dix ans, je m’étais lentement rendu compte qu’un travail que j’avais aimé et auquel je m’étais dévouée ne m’avait pas redonné autant que je l’espérais.

Comme une grenouille dans une marmite, je mijotais à feu doux. Et bien que ce mythe ait apparemment été démenti et que les grenouilles aient en fait le bon sens de sortir de la marmite dans laquelle elles sont en train de cuire, moi, je mijotais dans mon propre jus.

Ce n’était pas un choix conscient.

Comme beaucoup de femmes de mon âge qui mènent une carrière professionnelle tout en conciliant leur vie personnelle, j’étais déchirée entre le désir de me démarquer dans mon travail et la nécessité d’être présente pour ma famille. Mais on a vendu à ma génération un appât et un piège. 

La société nous a dit que nous pouvions tout avoir. Nous pouvions être des supers mères à la tête de conseils d’administration cuisiner des biscuits la fin de semaine (personne ne nous a dit que nous risquions de nous brûler).

Nous sommes donc nombreuses à tenter de réaliser cette promesse, mais nous avons découvert à la dure qu’elle avait ses limites. Au début, on gravit facilement les échelons. Mais c’est plus difficile quand on dégringole pour ensuite remonter, au gré des besoins de vos enfants, de la personne qui partage votre vie ou de vos parents âgés. 

Beaucoup d’entre nous se retrouvent à mi-chemin, trop bas pour être maîtres de leur destin, mais juste assez haut pour sentir le poids des responsabilités. J’ai donc mis les bouchées doubles. J’ai déployé un maximum d’efforts pour me délester de l’entrave qui me retenait à mi-chemin.

J’ai donc entrepris d’apprendre tout ce que je pouvais au sujet de la santé mentale, sujet qui était du ressort de l’organisme pour lequel je travaillais. J’avais une pile de livres sur ma table de nuit. J’ai lu les ouvrages de Simon Sinek et d’Adam Grant, qui ont simplifié la psychologie organisationnelle.

J’ai parcouru d’innombrables récits d’expériences personnelles.

J’ai étudié l’empreinte laissée par les traumatismes intergénérationnels et les cicatrices indélébiles du racisme sur la psyché.

J’ai composé des articles d’opinion sous la douche. J’ai pratiqué des entretiens en lavant la vaisselle. J’ai griffonné des conseils sur du papier humide pendant les cours de natation de ma fille. J’ai constamment scruté l’actualité pour voir comment notre organisme pourrait être encore plus pertinent. J’ai écouté des balades, regardé des documentaires et lu des articles jusque tard dans la nuit. Au lieu de me reposer pendant les trajets en autobus, c’est là que j’ai écrit mes meilleurs articles.

Oui, je voulais vraiment mieux comprendre. Mais ma motivation n’était pas entièrement altruiste. Je voulais être la meilleure. Je voulais m’affirmer comme source d’information fiable et faire reconnaître ma valeur. J’ai trouvé un sens à ce travail, mais je n’ai pas vu qu’il commençait à me définir dangereusement.

Je ne lisais plus les romans policiers que j’avais toujours aimés. J’écrivais rarement pour le simple plaisir d’écrire. Mon bien-être physique passait désormais au second plan. Ce n’est que plus tard que j’ai constaté l’ironie de la situation : je travaillais à l’amélioration de la santé mentale et du bien-être d’autrui, alors que je négligeais les miens.

Peu à peu, mon travail est devenu non seulement une simple occupation, mais une partie centrale de mon identité. Si vous déployez suffisamment d’efforts (infructueux) pour devenir irremplaçable, votre valeur en milieu de travail augmentera jusqu’à ce que la loi des rendements décroissants ne se manifeste. 

Vous travaillez de plus en plus assidûment. Vous faites plus d’heures. Vous ne refusez jamais de donner un coup de main à un collègue dans le besoin. Vous levez constamment la main. « J’ai une idée », tel était mon mot d’ordre en réunion. Inévitablement, il me revenait de concrétiser ces « idées ». Et je m’en réjouissais. Je me croyais invincible et cela alimentait mon mythe. Je peux tout faire, me disais-je. J’étais la personne sur laquelle on pouvait toujours compter. Je ne laisserais jamais tomber personne.

Et tout marche sur des roulettes… jusqu’à ce que la fatigue vous tombe dessus. Alors, vous commencez à faire de petites erreurs. Enfin, votre jugement s’obscurcit et votre humeur se dégrade. J’étais déçue de moi-même. Chacun de mes efforts se retournait contre moi. J’étais devenu mon travail, mais je n’aimais plus ce que j’étais.

Pour moi, ce fut le point de non-retour. Je n’étais pas une professionnelle de la santé ni une première intervenante. Je n’étais pas quelqu’un que son travail mettait en danger. Il y a de l’héroïsme et du sacrifice dans ce genre d’altruisme.

Pour ma part, je faisais un choix, ce qui signifie que je pouvais aussi ne pas le faire.

Mais renoncer à un travail qui a pris trop d’importance pour vous ne se fait ni facilement ni sans conséquences.

Je me souviens encore du moment où j’ai éteint mon ordinateur portable pour la dernière fois. J’ai éteint mon téléphone. J’ai soigneusement plié les cordons d’alimentation des appareils. J’ai placé le tout dans une boîte en carton et je l’ai scellée comme une capsule temporelle. Et d’une certaine manière, c’est exactement ce que c’était. Je rangeais les années formatrices de ma carrière et je n’étais pas tout à fait sûre de ce qui m’attendait.

Même si mes collègues allaient terriblement me manquer et que, bien plus tard, je pleurerais la perte de nombreux aspects de mon travail qui m’apportaient de la joie, je savais que j’avais quelque chose d’important à faire. Un emploi ne se quitte pas forcément le cœur joyeux. Ou sans dire un mot. Parfois, les choses sont trop compliquées pour se résumer à une seule émotion. C’est peut-être à ce moment-là qu’il est temps de remettre sa démission pour aller à la recherche de soi-même…

Suzanne Westover

Suzanne Westover est une écrivaine d’Ottawa, ancienne rédactrice de discours et gestionnaire des communications à la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC).

Casanière, toujours le nez dans un livre, elle prépare un excellent pain au citron (certains diraient qu’elle fait des merveilles en un seul mets) et aime regarder des films avec son époux et sa fille de 11 ans.

Le temps que Suzanne a passé à la CSMC a renforcé son intérêt envers la santé mentale, et elle continue d’apprendre toute sa vie sur le sujet.

Avertissement

Le contenu de nos blogues n’est pas destiné comme substitution à une opinion médicale, professionnelle, à un diagnostic ou à un traitement. Demandez toujours conseil à votre fournisseur de soins de santé si vous avez des questions concernant votre santé mentale. Si vous êtes en état de détresse, veuillez appeler ou texter le 988 n’importe quand. En cas d’urgence, appelez le 9-1-1 ou rendez-vous à votre service d’urgence local.

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