Je n’ai pas eu de rendez-vous galant depuis belle lurette (ma femme et moi avons célébré nos 16 ans de mariage en août), mais je me souviens encore combien c’était pénible – et oui, même à l’époque, les rencontres se passaient en ligne. On fouille des dizaines, voire des centaines de profils pour en dénicher un qui semble correspondre à ce que l’on recherche, puis on clavarde avec la personne pour sonder son intérêt… Vient ensuite le rendez-vous proprement dit, où on vérifie s’il y a une réelle compatibilité entre vous. C’est épuisant. Et il est légitime d’être sélectif : c’est d’un partenaire de vie qu’il s’agit après tout, pas seulement d’une soirée en bonne compagnie. J’ai eu beaucoup de chance de trouver ma princesse après avoir embrassé beaucoup de crapauds.
La recherche d’un thérapeute ressemble beaucoup à ce type de démarche de rencontre, mais elle se complexifie encore davantage lorsqu’on tente de trouver un psychologue ou des services de santé mentale en tant que personne 2ELGBTQIA+. Les candidats potentiels se raréfient quelque peu. Mais contrairement aux rencontres en ligne, pour lesquelles il existe des applications spécialisées, la quête de services de santé mentale ciblant précisément la population 2ELGBTQIA+ ressemble davantage à une odyssée.
Si je veux parler de mon vécu en tant que personne queer avec un thérapeute ou un prestataire de services qui comprenne intrinsèquement cette expérience sans que je sois obligée de l’éduquer, je vais devoir trouver quelqu’un qui fait partie de la communauté queer. Cela exigera quelques démarches supplémentaires. Il est déjà assez difficile de trouver un psychologue ayant des disponibilités et dont l’approche thérapeutique vous convient sans avoir en plus à chercher quelqu’un qui soit membre de la communauté queer, d’autant plus qu’il n’existe pas d’application réservée aux thérapeutes queers où on pourrait rejeter un profil en le faisant « glisser vers la gauche ».
Lorsque je suis sortie du placard, j’avais la chance de vivre dans une grande métropole disposant de services de santé mentale destinés spécialement aux jeunes 2ELGBTQIA+. J’ai pu travailler sur le traumatisme associé à ma sortie du placard avec une personne thérapeute qui comprenait la réalité d’être queer et qui avait parcouru le même chemin que moi. Je n’ai pas eu à expliquer les moindres détails de mon expérience ou à m’arrêter pour expliquer l’histoire des luttes de ma communauté, la signification historique de la Fierté ou les raisons pour lesquelles je voulais ou ne voulais pas révéler ma sexualité à ma famille ou à mes amis; ces choses étaient connues et comprises. Pendant nos séances, je me sentais vue et entendue, et je ne pense pas que j’aurais ressenti la même chose avec une personne ne faisant pas fait partie de ma communauté.
Nous avons besoin de plus de services conçus pour et par la communauté 2ELGBTQIA+, qui sont offerts dans des espaces sûrs non seulement pour les jeunes 2ELGBTQIA+, mais pour tous les membres de la communauté queer qui désirent obtenir des services de santé mentale adaptés aux besoins d’une population marginalisée.
Je n’ai pas toujours besoin d’un thérapeute 2ELGBTQIA+, tout dépend de ce que je veux traiter. Actuellement, je me concentre sur des facteurs de stress liés au travail, sur mon style d’adaptation et sur d’autres choses que je peux aborder avec un interlocuteur qui n’a pas forcément une compréhension profonde de ma culture 2ELGBTQIA+. Il n’est pas membre de cette communauté – et il m’a été plus facile de le trouver pour cette raison – mais cela n’entrave pas mes objectifs thérapeutiques actuels. Un psychologue n’est pas un partenaire de vie, mais bien un fournisseur de services. Dans cette optique, il faut se demander de quel type de service nous avons besoin et s’il est indispensable que la personne soit culturellement compétente compte tenu de nos identités intersectionnelles. Parfois, c’est le cas si les problèmes à traiter sont liés à ces identités, parfois non.
Comme personne 2ELGBTQIA+, il n’est pas facile de trouver un prestataire de services de santé mentale s’identifiant comme queer et répondant à tous nos besoins, et nous devons souvent nous contenter de ce que nous trouvons. Il existe des ressources pour nous aider (Psychology Today est une ressource populaire qui adopte une optique 2ELGBTQIA+), mais on peut avoir l’impression de chercher une aiguille dans une botte de foin quand on est en quête d’un thérapeute correspondant en tous points à nos attentes. En ce sens, c’est comme chercher l’âme sœur. Si vous êtes en quête d’un nouveau fournisseur de services, essayez de tâter le terrain et d’organiser des rencontres avec quelques candidats prometteurs pour découvrir si leur approche vous convient et, comme je me plais à le dire, si vous êtes sur la même longueur d’onde. Parce que c’est une chose qu’ils comprennent votre point de vue en tant que personne 2ELGBTQIA+, mais s’ils ne saisissent pas votre personnalité dans son ensemble, alors la relation thérapeutique est vouée à l’échec.
Lorsque vous aurez trouvé la personne qui vous plaît le plus, donnez-lui une chance et laissez la relation s’épanouir. Cependant, si cela ne fonctionne pas après un certain nombre de séances, n’hésitez pas à lui demander de vous orienter vers un collègue. Il ou elle devrait être en mesure de vous mettre en contact avec un thérapeute queer qui pourrait mieux correspondre aux problématiques que vous avez identifiées ensemble. De cette façon, vous n’aurez pas à revenir à la case départ – et aucun bon thérapeute ne se sentira offensé si la relation ne fonctionne pas. Cela se produit tout le temps (et ils le ressentent aussi). Et si vous avez un psychologue ou un fournisseur de services (médecin, infirmière praticienne, travailleur social, etc.) qui ne répond pas à vos besoins sur le plan des compétences culturelles (c’est-à-dire qu’il ne fait pas partie de la communauté 2ELGBTQIA+), n’hésitez pas à lui demander de vous recommander un collègue queer. Vous pourriez être surpris de constater qu’il a déjà quelqu’un en tête ou qu’il peut vous aider à trouver cette personne par l’entremise de ses réseaux.
En résumé, il n’est pas facile de trouver un prestataire de services de santé mentale 2ELGBTQIA+ compétent sur le plan culturel, mais c’est une tâche qui est souvent incontournable pour les membres de la communauté queer qui cherchent des services. Si c’est votre cas, gardez espoir. Il existe des ressources qui peuvent vous aider à trouver un psychologue ou un autre fournisseur de services qui comprendra votre parcours. Il peut être ardu de dénicher la perle rare, mais contrairement aux rencontres amoureuses, il ne s’agit pas ici de trouver un partenaire de vie – et vous n’êtes pas obligé de l’épouser!
Jessica “StigmaCrusher” Ward-King est titulaire d’un doctorat en psychologie expérimentale de l’Université de Londres, en Angleterre, et d’un baccalauréat en psychologie de l’Université McGill.
Elle possède un savoir expérientiel du trouble bipolaire de type II puisqu’elle vit avec cette maladie mentale chronique depuis l’adolescence.
Elle travaille sans relâche pour lutter contre la stigmatisation entourant la santé mentale et les maladies psychiatriques en tant que conférencière, auteure et créatrice de sa chaîne YouTube.