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Un geste audacieux

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Des personnes qui se soutiennent dans un cercle

CSMC & – Crohn et Colite Canada

Par Debra Yearwood

Soyez les bienvenus au quatrième article de la série CSMC &, conçue pour faire connaître les membres de PartenaireSanté, pour déterminer où nos réalités se recoupent et pour découvrir la meilleure façon de nous soutenir les uns les autres.

À l’occasion du Mois de la sensibilisation à la maladie de Crohn et à la colite, qui a lieu chaque année en novembre, et du 50e anniversaire de Crohn et Colite Canada, la directrice du marketing et des communications de la CSMC, Debra Yearwood, s’est entretenue avec Lori Radke, présidente et cheffe de la direction de Crohn et Colite Canada, pour en savoir plus sur les réalisations qui jalonnent les cinq dernières décennies et sur le long chemin qui reste à parcourir.

Mon entretien avec Lori Radke, présidente et cheffe de la direction de Crohn et Colite Canada, s’est rapidement ancré dans la réalité.

Étant donné que l’année 2024 marque le 50e anniversaire de Crohn et Colite Canada, j’ai demandé à Lori de réfléchir à son legs. « Quel chemin avez-vous parcouru, et vers quoi vous dirigez-vous? »

« D’aussi loin que je me rappelle, la maladie de Crohn et la colite ont constitué une trame de fond dans ma vie », a expliqué Lori, qui est fille unique et dont la mère a été diagnostiquée pendant sa grossesse. « C’était il y a plus de 50 ans. Et à l’époque, il n’y avait aucune information. Absolument rien. »

Il y a cinq décennies, malgré la gravité des symptômes, les professionnels de la santé faisaient complètement abstraction de cette maladie, qu’ils considéraient simplement comme « imaginaire ».

La connexion entre l’esprit et l’intestin

Aujourd’hui, on comprend que les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), dont la maladie de Crohn et la colite sont les formes les plus courantes, provoquent une inflammation de la muqueuse du tractus gastro-intestinal. Lors de crises aiguës, les MICI peuvent interrompre le processus digestif du début à la fin, y compris l’absorption adéquate des nutriments et l’élimination des déchets. Cela peut provoquer des diarrhées incessantes, des crampes sévères et des selles ensanglantées. Il arrive que les traitements cessent d’être efficaces, et la chirurgie devient un passage obligé.

Outre les symptômes physiques, jusqu’à un tiers des personnes vivant avec une MICI ressentent également des sentiments d’anxiété et de dépression.

« Bien sûr, aujourd’hui, nous comprenons qu’il existe un lien profond entre l’esprit et l’intestin, et si nous parvenons à gérer les symptômes du stress grâce à la thérapie cognitivo-comportementale, par exemple, nous serons en mesure de mieux gérer les symptômes physiques – mais souvent, cela s’accompagne de frais à débourser. La dure réalité est que nous ne savons toujours pas ce qui cause ces maladies intestinales incroyablement douloureuses et terriblement gênantes. Aucun remède ne se profile à l’horizon, même si j’espère que nous nous en rapprochons. »

La technologie à la rescousse

Et c’est ce fossé entre la situation actuelle et un futur remède que Lori tente de combler.

« Notre organisme a été fondé en 1974 par un groupe de parents inquiets. Ils souhaitaient naturellement trouver un remède à la maladie. Nos efforts ont donc toujours été axés sur cet objectif – mener des recherches qui nous donnent un espoir réaliste – en amassant 150 millions de dollars et en remettant quelque 400 bourses. »

Or, il y a environ six ans, des patients ont commencé à presser l’organisation d’élargir son champ d’action.

« Et nous les avons écoutés », a précisé Lori.

Les patients affirmaient que si trouver un remède devait être la priorité, il fallait aussi penser à améliorer la qualité de vie, dans l’immédiat. À la suite de ces demandes, Crohn et Colite Canada s’est rapidement mobilisé en misant sur la puissance de la technologie pour ouvrir de nouvelles portes, au sens propre comme au figuré.

L’application AllezIci en est un excellent exemple.

Conçue pour répondre à un besoin urgent de la communauté et créée avec le soutien des services Web d’Amazon, elle fournit des indications détaillées sur les toilettes qui peuvent être utilisées sans qu’aucune question ne soit posée dans les lieux publics au Canada. 

Des chaînes de magasins, des bâtiments municipaux, des bureaux gouvernementaux et des restaurants acceptent d’être répertoriés sur l’application. Après l’avoir téléchargée, les gens parviennent à mieux planifier leurs déplacements et leurs sorties, ou à localiser les installations sanitaires d’urgence à proximité, sans avoir à faire d’achat ni à quémander un droit d’entrée. L’application a été téléchargée 46 000 fois, offrant un fil d’Ariane vers 3450 toilettes publiques, et ce n’est pas fini.

Lori Radke, présidente et cheffe de la direction de Crohn et Colite Canada
Lori Radke, présidente et cheffe de la direction de Crohn et Colite Canada

Faire tomber les tabous

« L’idée est simple, mais elle change radicalement la donne, a expliqué Lori. Les MICI, ce n’est pas comme la fois où vous et moi avons eu la diarrhée l’année dernière. Ces maladies inflammatoires de l’intestin peuvent être tout à fait incapacitantes et il arrive que l’on se sente isolé. L’incontinence demeure un sujet tabou. Nous avons tous des fonctions corporelles, mais nous n’avons pas normalisé le fait d’en parler. L’application AllezIci est l’une des façons par lesquelles nous tentons d’apporter un changement concret et, ce faisant, de changer les mentalités. »

En bref, Crohn et Colite Canada s’efforce d’alléger le double fardeau des symptômes et de la stigmatisation.

« Nous avons créé Crohn et Colite Connect, une plateforme en ligne inspirée de Facebook et destinée exclusivement aux personnes vivant avec une MICI ainsi qu’à leurs aidants, en réponse directe au besoin criant de recevoir du soutien par les pairs chez ceux et celles qui vivent avec la maladie. Les MICI touchent près de 0,9 % de la population. Si elles ne sont pas rares, elles le sont suffisamment pour que peu de gens connaissent quelqu’un qui a vécu la maladie.

C’est là que la Marche Gutsy entre en scène.

Joindre le geste à la parole

Organisé dans 50 villes d’un bout à l’autre du pays et rapportant près de 2,4 millions de dollars, il s’agit à la fois d’une importante collecte de fonds et d’un exercice précieux de rapprochement au sein de la communauté.

« Je me souviens d’avoir rencontré une fillette qui était aux anges. Elle rayonnait en disant à son père : “Regarde! Regarde toutes les toilettes portatives le long du chemin! Tu vas pouvoir le faire!” Cette inclusivité, elle est encore trop rare. »

En parlant d’inclusion, j’ai demandé à Lori comment les lieux de travail s’en sortaient en ce qui concerne les aménagements, et quelles mesures pourraient être prises pour faciliter la vie des personnes qui portent déjà le lourd fardeau de la gestion d’une maladie complexe et épisodique – dont les symptômes sont souvent désagréables et douloureux.

« Je pense qu’il y a des gestes simples que les employeurs peuvent poser, de manière proactive. Notamment, indiquer aux gens qu’ils peuvent faire des pauses pendant les réunions s’ils en ont besoin. Il faut normaliser cela. Aussi, proposer des journées de bien-être, pour que les gens puissent prendre congé sans avoir à se justifier. Mais en réalité, comme la santé intestinale et digestive n’est pas seulement invisible, mais qu’elle est systématiquement exclue des conversations bienséantes, la seule véritable solution consiste à exprimer ses besoins. Et cela peut être difficile ».

Mais Lori a ajouté que l’une des choses qui lui procurent le plus de joie est de voir le vent tourner progressivement. « Au sein de notre communauté, il existe un groupe courageux d’influenceurs, comme Paula Sojo, qui vit avec la maladie de Crohn ».

La puissance de l’influence

Paula a été opérée 15 fois et a subi une stomie à l’âge de 18 ans. Elle a fait de cette chose qu’elle trouvait autrefois répugnante un accessoire de mode, en créant sa propre entreprise de housses de stomie personnalisées.

Elle refuse d’être invisibilisée ou de se taire sous prétexte que son expérience pourrait mettre quelqu’un mal à l’aise. Elle se tient debout et affirme : « Je suis belle, je suis forte, et surtout, je suis vivante ».

Car, comme le dit Lori, « aussi terrifiante que puisse être la perspective d’une stomie, elle peut vous sauver la vie ».

Et c’est ce message, qui consiste à faire tomber les tabous pour mieux sensibiliser le public et même les professionnels de la santé, qui oriente les efforts de l’organisation pour aller de l’avant. 

La vie…interrompue

La sensibilisation engendre la compréhension, qui, par la suite, se transforme en empathie. Et l’empathie est essentielle aux yeux des personnes atteintes de la maladie de Crohn et de la colite.

« C’est le seul moyen de créer une société où les adultes qui vivent avec cette maladie aujourd’hui pourront en parler ouvertement et servir de modèles au très grand nombre d’enfants qui sont diagnostiqués et qui devront faire face à ce défi tout au long de leur vie. »

Bien que le diagnostic soit le plus souvent posé avant l’âge de 30 ans, l’incidence de la maladie de Crohn et de la colite a doublé chez les enfants de moins de dix ans depuis 1995. 

« C’est indéniablement préoccupant », a souligné Lori, ajoutant qu’en 2023, 11 000 personnes ont été diagnostiquées, ce qui représente un nouveau diagnostic toutes les 48 minutes.

« Ce sont bien plus que de simples statistiques, a exprimé Lori. Ce sont des vies humaines. Des vies sur le point de prendre une direction que personne ne souhaitait ou ne prévoyait ».

Des vies comme celle d’une bonne amie de sa fille, âgée de 14 ans, qui était censée passer son été au camp de vacances, en toute insouciance, avec ses amies.

Mais au lieu de faire du canot et des feux de camp, elle a passé la saison estivale clouée à un lit d’hôpital, nourrie par une sonde, avec une stomie temporaire, après avoir subi l’ablation de 25 centimètres de son intestin.

Lorsque Lori évoque ce récit, elle doit marquer une pause pour se ressaisir. Elle jette un coup d’œil à son bureau et fouille dans ses papiers.

« Je m’étais préparée à cet entretien, mais cette histoire ne figurait pas dans mes notes. Je me disais que mon rôle, lorsque nous allons voir l’amie de ma fille à l’hôpital, est de soutenir sa mère. Et que si je ne travaillais pas dans ce domaine, est-ce que j’aurais la moindre idée de ce que je peux faire pour l’aider? Probablement pas. Et c’est ce que nous nous efforçons de changer ».

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