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Servir avec cœur

En Monica McAlduff, la First Nations Health Authority (FNHA, ou autorité sanitaire des Premières Nations) a trouvé une figure rassembleuse dont le parcours reflète la transformation qu’elle cherche à réaliser. La CSMC a rencontré la nouvelle directrice générale pour en savoir plus sur son travail, sur sa vision pour le prochain chapitre de l’organisation et sur sa détermination à suivre un chemin empreint de bienveillance.

Enfin à la maison

Après près de trois décennies à œuvrer dans un système qui l’accueillait volontiers, mais où elle ne s’est jamais sentie entièrement chez elle, Monica McAlduff est enfin de retour au bercail.

Nouvelle directrice générale de la First Nations Health Authority (FNHA), Monica est animée d’une conviction tranquille qui transperce l’écran lors de notre rencontre virtuelle.

« Les soins culturellement sécuritaires et centrés sur le patient sont au cœur de la mission de notre organisation », explique-t-elle, ses mots empreints à la fois de son expertise professionnelle et de son savoir expérientiel.

Pour Monica, la direction de la FHNA représente un jalon dans une carrière menée avec une méticuleuse intentionnalité. Ayant d’abord exercé comme infirmière en psychiatrie clinique, puis poursuivi des études supérieures et occupé des postes de direction, elle comprend foncièrement que les patients des Premières Nations ne peuvent pas guérir dans un système dysfonctionnel.

« Comme infirmières, nous ne sommes pas naturellement orientées vers les fonctions de direction, parce que notre instinct nous porte à donner des soins », indique Monica.  Pourtant, c’est cette vision centrée sur la personne qui fait souvent défaut aux échelons supérieurs de l’administration conventionnelle des soins de santé.

« Lorsque j’étais infirmière, je travaillais quotidiennement auprès de patients ayant des problèmes de santé mentale et d’usage de substances. J’ai appris que pour soutenir une personne dans son cheminement vers le bien-être, il faut traiter la personne entière et comprendre l’environnement et les relations qui l’entourent », explique-t-elle.

C’est cette philosophie, alliée à sa foi inébranlable dans la résilience des Autochtones, qu’elle met aujourd’hui à contribution pour relever les défis qui l’attendent.

Enracinée dans la communauté

Monica est animée d’un sincère désir de servir.

Sa mère, survivante des pensionnats, a travaillé comme aide-infirmière, lui transmettant des valeurs de dur labeur et d’intégrité.

« Ma mère a pour devise : si vous faites quelque chose, mettez-y tout votre cœur, raconte-t-elle, un éclat dans les yeux. Jamais un mot dur ne franchit ses lèvres. Lorsqu’elle est confrontée à du racisme ou de la haine, elle s’élève au-dessus de ces incidents. Quand j’étais jeune, elle a pris la résolution que son passé ne dicterait jamais son avenir, ni l’avenir de sa famille. »

En tant que survivante de deuxième génération des pensionnats, Monica saisit de manière intime les effets des traumatismes intergénérationnels. Elle reconnaît sans détour qu’elle tente toujours de recoller certains morceaux du passé que ses grands-parents ont préféré garder enfouis jusqu’à tout récemment.

Ce lien personnel avec les séquelles persistantes de la colonisation oriente sa façon d’intervenir au sein de systèmes de guérison profondément marqués par les traumatismes historiques. 

Monica McAlduff, DG, FNHA

Entre deux mondes

Lorsque je la questionne sur ses premières expériences comme infirmière psychiatrique, elle est gagnée par l’émotion, essuie ses larmes derrière ses lunettes à monture noire. Elle se remémore des patients autochtones traités avec dédain et mépris, et comment elle s’est sentie obligée de garder son identité secrète, de peur d’être discréditée par ses pairs.

Instinctivement, je m’excuse d’avoir abordé ce sujet sensible, mais elle répond avec douceur : « Dans notre culture, les larmes sont porteuses de guérison. Elles n’ont pas à être cachées. »

Cette dualité entre vulnérabilité et force définit sa vision du leadership.

« J’ai travaillé dans un système où je devais taire ma propre identité, même si j’avais toutes les raisons d’en être fière, explique-t-elle. Comment pouvais-je prodiguer des soins authentiques tout en camouflant ma propre authenticité? »

Avec le racisme et la discrimination ancrés profondément dans le système de santé, les professionnels de santé qui se sentent obligés de dissimuler ou de réprimer une partie fondamentale de leur être peuvent rapidement constater une érosion de leur identité et un épuisement de leur empathie.

La quête pour résoudre cette contradiction deviendrait déterminante dans l’œuvre de Monica McAlduff.

C’est pour cette raison qu’elle se sent aujourd’hui appelée à se rendre aussi visible que possible, en cherchant à ouvrir la voie à ceux et celles qui la suivront.

« Ce poste est plus qu’un emploi pour moi, souligne Monica.

C’est un hommage à la jeune fille qu’elle a été. Un moyen d’aplanir le chemin pour d’autres, quelle que soit l’identité qu’ils ont du mal à célébrer. Et une façon de réécrire l’avenir.

Rétablir la foi envers le principe fondamental de la médecine : ne pas nuire.

Le cadre novateur sur l’humilité culturelle élaboré par la FNHA cible les iniquités et vise à les éradiquer, favorise l’humilité culturelle, garantit le respect des détenteurs de savoir et se tient à la disposition des communautés pour répondre à leurs besoins.

Son objectif, comme le souligne Monica avec éloquence, « est de semer une graine pour cultiver une prairie ».

De même, bien qu’elle reconnaisse les progrès collectifs, citant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, les 94 appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation du Canada et le rapport provincial In Plain Sight (en anglais seulement) de la Colombie-Britannique, ses yeux demeurent fixés sur le travail qui l’attend.

« Des personnes continuent de mourir dans les établissements de santé en raison des préjugés et du racisme. Même si le système est à bout de souffle et que le personnel travaille sans relâche, cela reste absolument inadmissible. »

Cela dit, Monica prévient que toute norme – même pensée avec le plus grand soin – ne sera efficace que si elle est correctement mise en place.

« Les listes de cases à cocher ne génèrent pas de changements significatifs », prévient-elle. La FNHA elle-même a fait l’objet d’une évaluation selon ce cadre, parce que les préjugés peuvent s’insinuer même dans les défenses les plus robustes.

« C’est l’évaluation faite par les patients qui attestera des progrès accomplis. Quand une personne autochtone vous fait savoir qu’elle s’est sentie entendue et traitée avec bienveillance, c’est là l’épreuve de vérité. »

Selon elle, cela se réalisera uniquement quand le savoir et les connaissances des patients concernant leur propre processus de guérison seront reconnus et appuyés, et lorsque le système offrira un environnement culturellement sûr pour les fournisseurs de soins.

En fin de compte, Monica est convaincue que la mise en œuvre du cadre sur l’humilité culturelle à l’échelle du système profitera à tous ceux qui franchiront ses portes, quelle que soit leur origine. Mais le désavantage subi par les membres des Premières Nations en quête de soins demeure toujours au premier plan du travail de la FNHA.

Une démarche holistique

Le Conseil de la santé des Premières Nations, une organisation provinciale qui représente les Premières Nations de la Colombie-Britannique et qui est imputable à celles-ci, a élaboré une stratégie sur dix ans pour agir sur les déterminants sociaux de la santé. Elle reconnaît que le « système » lui-même est constitué d’une constellation d’écoles, d’eau, de territoire, de soins de santé, de logement, de familles, de communauté et de culture.

« À tire d’organisme mandaté pour piloter l’exécution de cette stratégie, la FNHA reconnaît que l’on ne peut pas s’occuper de la santé en vase clos, illustre-t-elle. Les systèmes coloniaux qui ont ébranlé nos pratiques de santé ont aussi perturbé nos relations avec le territoire, l’eau, la langue et avec nous-mêmes. »

Et en ce qui concerne l’intégration des modes de connaissance autochtones et le respect des traditions culturelles dans les systèmes de santé de façon générale, Monica est d’avis que l’heure n’est plus aux excuses.

« Dans notre culture, les relations sont centrales. Tout est basé sur les relations, explique-t-elle. Ça commence par la base. Sur quel territoire est-ce que je me situe? Quelles communautés se trouvent à proximité? Qui suis-je? Qui êtes-vous? Comment pouvons-nous créer quelque chose ensemble? »

Un leadership de cœur

Notre entretien tire à sa fin, et Monica se reporte à la sagesse de sa mère : « Dirige avec ton cœur, ou laisse la place à quelqu’un d’autre. » Pour elle, diriger la FNHA est l’aboutissement d’un parcours profondément personnel et une occasion de transformer les soins de santé pour les sept générations à venir.

« Nous pouvons bâtir un système où aucune personne autochtone n’a besoin de cacher son identité pour recevoir ou fournir des soins. C’est vers cet avenir que je marche : un avenir où la sécurité culturelle n’est pas une arrière-pensée, mais une pierre d’assise. »

Monica est solidement ancrée dans deux mondes, maîtrisant à la fois le langage institutionnel des systèmes de santé et les approches traditionnelles du bien-être qui soutiennent les communautés autochtones depuis des millénaires.

Pour conclure, Monica revient à la lumière qui guide son travail.

« Pous nous, pour les Premières Nations, la culture, c’est la médecine. Elles ne forment qu’un. »

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Le contenu publié sur nos blogues ne vise en aucun cas à remplacer l’avis d’un médecin, un diagnostic ou un traitement. Pour toute question relative à votre santé mentale, demandez toujours l’avis de votre professionnel de la santé. Si vous êtes en détresse, vous pouvez téléphoner ou envoyer un message texte au 988 à tout moment. En cas d’urgence, appelez le 9-1-1 ou rendez-vous à votre service d’urgence local.