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Rendre visible l’invisible

des mains se tiennent en formant une colombe

Temps de lecture estimé: 7 minutes

CSMC & – Société de l’arthrite du Canada

Nous sommes heureux de vous présenter le premier article de la série CSMC &, conçue pour mieux connaître les membres de Partenaires Santé, pour déterminer où nos réalités se recoupent et pour découvrir la meilleure façon de nous soutenir les uns les autres.

À l’occasion du Mois de sensibilisation à l’arthrite, qui a lieu chaque année en septembre, Debra Yearwood, directrice du marketing et des communications à la Commission de la santé mentale du Canada, s’est entretenue avec Trish Barbato, présidente et chef de la direction de la Société de l’arthrite du Canada, lors d’un échange approfondi. 

Lorsque j’ai demandé à Trish de me décrire sa plus grande préoccupation en tant que présidente et chef de la direction de la Société de l’arthrite du Canada, elle m’a surprise en énumérant une liste d’obstacles qui ressemblaient beaucoup à ceux auxquels nous sommes confrontés ici, à la CSMC.

« L’arthrite ne se voit pas, c’est une maladie sournoise; un jour vous êtes pleinement fonctionnel, le lendemain, vous êtes terrassé par une poussée. Vous vous sentez isolé et avez peur du jugement qui accompagne le fait d’être étiqueté comme une personne souffrante. »

C’est un peu comme le jour de la marmotte pour les personnes atteintes de cette maladie.

Attitudes désobligeantes. Coché.

Difficultés à planifier. Coché.

Lutte constante contre les préjugés. Coché.

J’ai hoché la tête, car ces réalités rejoignaient les préoccupations que nous entendons si souvent de la part des personnes vivant avec un problème de santé mentale ou une maladie mentale.

Invisible. Épisodique. Stigmatisé.

Une réalité partagée

L’arthrite et la maladie mentale sont des tyrans invisibles. Et comme il n’y a pas de remède à l’horizon, les gens doivent souvent se débrouiller avec des diagnostics incomplets, des traitements limités et des ressources insuffisantes.

Trish a exposé sa problématique de la manière suivante : « Si voir, c’est croire, comment amener les gens à voir les ravages de l’arthrite dans la vie des personnes atteintes de la maladie, de sorte qu’ils croient que cette maladie mérite le financement, la reconnaissance et la recherche dont elle a grandement besoin? »

Tandis que Trish détaillait les aspects de sa tâche colossale, je lui ai demandé comment elle gérait sa propre arthrite, qu’elle endure depuis 20 ans et qui affecte ses mains.

« Nous avons un adage qui veut que le mouvement soit une lotion », a dit Trish, qui défie tous les stéréotypes en tant qu’instructrice de conditionnement physique certifiée et ceinture noire de kung-fu. « Les mouvements sont vraiment le meilleur des médicaments, car sans eux, nous n’avons pas la lubrification qui soulage nos douleurs articulaires, ni les bienfaits que procurent une plus grande force et une réduction de la fatigue. »

Il s’agit là d’un message important, car non seulement les personnes qui ressentent des douleurs ont tendance à rester sédentaires, mais il existe également une corrélation connue entre la pratique d’une activité physique et l’amélioration de la santé mentale. Étant donné que les personnes atteintes d’arthrite sont deux fois plus susceptibles de souffrir de dépression que la population générale, j’ai interrogé Trish sur la relation entre la douleur chronique et les problèmes de santé mentale.

La douleur est personnelle 

Elle a cité en exemple sa mère, qui est affaiblie par l’arthrite et dont les pertes s’accumulent au point d’assombrir les moindres plaisirs de sa vie.

« La douleur vous isole en exigeant toute votre attention. Elle vous épuise jusqu’à l’os — et le fait d’afficher un sourire peut vous amener à vous sentir plus épuisé qu’avant », a déclaré Trish.

En décrivant son quotidien avec la douleur chronique comme un périple profondément personnel et solitaire, elle a ajouté : « Il est difficile de se faire dérober, petit à petit, sa mobilité, ses passions, sa vie professionnelle. »

De fait, l’arthrite est la principale cause d’invalidité et de limitations professionnelles au Canada. Pourtant, avec des connaissances et une bonne compréhension, la possibilité de mettre en place des aménagements pourrait redonner espoir aux personnes mises à l’écart trop tôt. Trish l’a démontré visuellement en brandissant un objet étrange que je n’avais jamais vu auparavant.

« C’est une souris verticale!, s’est-elle exclamée. Un si petit investissement ergonomique peut littéralement sauver la vie de quelqu’un comme moi. »

Malheureusement, de nombreux jeunes avec lesquels elle s’est entretenue hésitent à demander des aménagements, craignant les réactions négatives, voire l’incrédulité.

Le fossé de l’empathie 

« L’idée reçue selon laquelle l’arthrite est une maladie de personnes âgées est très répandue, explique Trish. En réalité, plus de la moitié des personnes touchées ont moins de 65 ans. » Et bien que 20 % de la main-d’œuvre canadienne soit atteinte d’arthrite, la société manque encore d’empathie quant à la complexité de son impact.

Même parmi les personnes âgées, Trish rejette catégoriquement l’idée que la douleur et la perte de mobilité constituent un processus naturel de vieillissement, au même titre que les cheveux gris ou les rides.

Trish Barbato, Présidente et chef de la direction, Société de l’arthrite du Canada

« Il ne s’agit pas d’une maladie anodine, s’est indigné Trish. On ne peut pas juste reprendre le dessus en claquant des doigts. C’est très compliqué. Les traitements, lorsqu’ils existent, comportent leurs propres inconvénients. Les médicaments puissants sont synonymes d’effets secondaires non négligeables, parfois effrayants. Et pour certaines formes d’arthrite, le remplacement de l’articulation représente la seule option. »

Cependant, les délais d’attente pour une intervention chirurgicale dépassent souvent les six mois recommandés, laissant les personnes dans une situation intenable.

« Je vais peut-être m’emporter, » prévient-elle en riant, mais il n’y a rien de drôle dans ces retards, qu’elle qualifie de carrément inacceptables.

« La vie des gens est en suspens pendant qu’ils attendent, ce qui a de graves conséquences sur le plan pratique, financier et psychologique. Il faut une responsabilisation plus affirmée. Point à la ligne. »

Pour cette raison, Trish, en collaboration avec 21 organisations partenaires de partout au pays, a décidé de prendre le taureau par les cornes.

Les actes résonnent plus fort que les mots

« Nous sommes en train d’élaborer un Plan d’action contre l’arthrite, et le mot clé est “action” », s’exclame-t-elle. « Je n’ai plus de temps à perdre avec des ouvrages qui prennent la poussière. J’ai connu ça! Le seul fait de convoquer les membres de ce groupe est en soi un engagement à l’action, car nous dépassons le cadre habituel. »

Le Plan d’action s’appuie sur divers points de vue, car l’arthrite « frappe différemment » en fonction de l’âge, de la race ou du sexe, dit-elle.

En tant que cofondatrice de la Fondation canadienne de la ménopause, dirigée par des bénévoles, Trish milite pour mettre fin à la stigmatisation et lancer le dialogue sur des questions de santé habituellement considérées comme taboues.

« Nous devons commencer à mettre en lumière des sujets marqués par la stigmatisation, à l’instar de ce qu’a fait la CSMC avec la maladie mentale, dit-elle, et nous devons voir les maladies chroniques dans une perspective d’expériences diverses. Il faut que nous puissions dire : “Regardez, l’arthrite est vécue différemment par les femmes ménopausées, par les femmes en âge de procréer, par les femmes noires, etc.” Nous ne pouvons pas prétendre qu’il existe une solution universelle. »

Elle m’a ensuite raconté l’histoire bouleversante d’une femme qui venait d’accoucher et dont l’arthrite était si douloureuse qu’elle était incapable de soulever son nouveau-né. « Et les gens disent que ce n’est pas grave? » Trish a secoué la tête.

Unir les forces

Après avoir longuement discuté avec Trish, je suis plus que jamais convaincue que même si notre clientèle se reconnaît dans une maladie particulière, il n’en reste pas moins que leur vie pourrait être embellie par un meilleur accès à une gamme de services que le système actuel n’est pas en mesure de leur proposer.

« Nous disposons d’une ligne téléphonique ou d’une messagerie électronique, mais la plupart du temps, les gens sont à la recherche de services qui ne relèvent pas de notre système de soins actifs… ils ont besoin de soutien en matière de santé mentale, de physiothérapie ou d’ergothérapie, de médicaments coûteux », a expliqué Trish.

Je lui demande ce qui se passe lorsque les gens ne peuvent pas trouver ces services ou n’en ont pas les moyens.

La réponse — comme on peut s’y attendre — est qu’ils s’en privent. C’est dans ces domaines où les activités se chevauchent que nous voyons un potentiel de résolution concertée des problèmes.

En tant que partenaires de santé, nous avons la possibilité d’amplifier nos besoins collectifs.

Et c’est précisément ce que la série « CSMC & » a l’intention de faire.

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