Si vous êtes en état de détresse, veuillez appeler ou texter le 988 n’importe quand. En cas d’urgence, appelez le 9-1-1 ou rendez-vous à votre service d’urgence local.

Cherche désespérément le sommeil

Sleep-Featured

Par Suzanne Westover

Cette semaine, un mot commençant par « s » est sur toutes les lèvres.

En as-tu eu assez?

En as-tu eu trop?

Et de quelle qualité? Mieux que d’habitude? Pire?

Je parle, bien sûr, du sommeil.

Depuis que l’heure a changé, dimanche dernier, pour nous faire passer de l’heure avancée à l’heure normale, un sujet déjà complexe devient encore plus compliqué.

Socialement, on comprend de mieux en mieux les mécanismes du sommeil et ses répercussions sur tout – aussi bien sur la mémoire que sur la santé mentale. Pourtant, certains d’entre nous pensent toujours que le fait de ne pas dormir est un indice de productivité. Les vedettes de LinkedIn promettent des idées valant des milliards de dollars si seulement vous pouviez exploiter 20 heures de « productivité » par jour.

Et puis il y a ceux qui sont tellement désespérés d’optimiser leurs moments de repos que cette obsession se transforme en un cercle vicieux de fatigue.

La question à un milliard de dollars – Que seriez-vous prêt à faire pour une bonne nuit de sommeil?

Le sommeil est une industrie qui vaut des milliards de dollars. En 2023, on évaluait « l’économie du sommeil » à plus de 100 milliards de dollars, et ce chiffre ne devrait cesser d’augmenter1. Pensez aux applications et aux anneaux de suivi; réveille-matin spéciaux et couvertures lestées; matelas en mélatonine et en mousse à mémoire de forme.

Ironiquement, la glorification du sommeil, et son revers, sa marchandisation, ne font qu’ajouter à la pression ressentie par ceux pour qui le sommeil est un rêve lointain.

Une autre façon de penser

Tout le monde devrait pouvoir dormir. Après tout, c’est gratuit et à portée de main. Mais cette façon de penser ne tient pas compte du sommeil sous l’angle de l’équité en matière de santé.

Pensez à ceux qui travaillent de nuit. Leur rythme circadien est déréglé, évidemment. Il y a de nombreuses années, mon mari était un jeune officier de navire. Le « quart de nuit » (« Dog Watch » en anglais2)

est un rite de passage : surveiller le pont plongé dans l’obscurité, de minuit à 4 h du matin chaque « matin », une période pendant laquelle l’état de veille exige un effort surhumain, et beaucoup de café et de beignes rassis. Les infirmières, les médecins urgentistes, les premiers répondants connaissent tous les conséquences néfastes du décalage entre l’horloge biologique et l’horloge professionnelle.

Les parents de nouveau-nés comprendront aussi.

Je me souviens, lorsque je venais d’avoir mon bébé, qui était prématuré, je devais régler une alarme pour me réveiller péniblement toutes les trois heures afin de le nourrir. Je me levais et marchais dans un état d’épuisement débilitant. Mais le manque de sommeil a des conséquences qui vont bien plus loin que la simple « fatigue ». Qu’il s’agisse de troubles cognitifs ou d’instabilité émotionnelle, ou encore de réflexes plus lents ou de difficultés à se concentrer, le manque de sommeil est bien une forme de torture.

C’est aussi un gaspillage pour le portefeuille du pays. Selon une étude publiée en 2022 dans Sleep Health3,

l’insomnie et les symptômes qui y sont associés coûtent environ 1,9 milliard de dollars à l’économie canadienne. Cela comprend les coûts directs comme les visites chez le médecin, les somnifères et les thérapies, et les coûts indirects comme la baisse de productivité.

Alors, c’est quoi un bon sommeil?

Les adultes doivent avoir un sommeil de bonne qualité sans interruption pendant au moins sept à neuf heures par nuit.  Mais il ne s’agit pas seulement d’accumuler des heures. Un sommeil de qualité passe par des phases de sommeil profond et de sommeil paradoxal. Diana McMillan, professeure au Collège des sciences infirmières de l’Université du Manitoba, décrit l’un de ces processus comme un « nettoyage à haute pression pour le cerveau ». Pendant le sommeil, votre cerveau nettoie littéralement les déchets métaboliques grâce au système glymphatique.

La plupart des adultes passent par différentes phases de sommeil toutes les 70 à 110 minutes, l’idéal étant d’avoir quatre à cinq cycles complets par nuit. L’insomnie occasionnelle est tout à fait normale. Mais si vous ne vous sentez souvent pas reposé après une nuit complète de sommeil, votre sommeil n’est peut-être pas réparateur.

Comment puis-je mieux dormir ce soir?

Pour ceux qui veulent mieux dormir – qui ne sont pas limités par des horaires de travail exigeants et qui ne veulent pas transformer leur repos en une sorte de course aux données – misez sur l’habitude. Allez au lit chaque soir à la même heure et créez un rituel pour vous détendre. Faites de votre chambre à coucher un sanctuaire propice au sommeil, glissez-vous dans des draps propres et optez pour des rideaux ou des stores foncés. Évitez de consommer de l’alcool avant de vous coucher, car cela perturbe le sommeil paradoxal.

Fixez des limites pour ce qui est des appareils électroniques : pas de télévision dans la chambre, et surtout pas d’ordinateur portable ou de tablette au lit. La lumière bleue trompe votre cerveau en lui faisant croire que c’est l’heure de se réveiller. Si votre chambre fait également office de bureau à domicile, utilisez un paravent pour bloquer les facteurs de stress liés au travail.

Pourquoi suis-je encore fatigué après huit heures de sommeil?

La qualité est plus importante que la quantité. Des problèmes de santé comme l’apnée du sommeil, le syndrome des jambes sans repos ou les troubles anxieux peuvent nuire à la qualité du sommeil.

Rébecca Robillard, directrice de la recherche clinique sur le sommeil à l’Université d’Ottawa, explique que même votre téléphone « silencieux » peut perturber votre repos. Il émet des sons subtils qui peuvent nuire à un sommeil réparateur sans pour autant vous réveiller complètement. Si votre téléphone vous sert de réveil, placez-le à une distance raisonnable.

Qu’en est-il des technologies de suivi du sommeil?

Jusqu’à récemment, notre seul truc pour dormir consistait à compter les moutons, une pratique qui remonte probablement aux bergers du Moyen Âge.

L’arrivée sur le marché d’une série d’applications permettant de mesurer le sommeil n’est pas forcément une bonne chose. Certaines personnes développent une « orthosomnie » – une obsession pour les données relatives au sommeil qui finit par aggraver leurs troubles du sommeil. Mme Robillard recommande de prendre les scores de sommeil « avec beaucoup de recul », en précisant que « si vous avez l’impression d’avoir mieux dormi, c’est probablement le cas ». Votre corps est souvent meilleur juge que votre montre intelligente.

Mais que faire si vous avez l’impression qu’il vous est impossible de bien dormir?

C’est là que nous devons aborder la question de l’équité en matière de sommeil. Tout le monde n’est pas égal en matière de qualité du repos. Les conseils habituels ne s’appliquent pas aux travailleurs de nuit, aux nouveaux parents ou aux personnes qui cumulent plusieurs emplois. Comme le fait remarquer Mme Robillard : « Dire aux gens qu’ils doivent dormir davantage ne trouve pas vraiment d’écho auprès d’une mère célibataire qui a deux emplois et quatre enfants ».

Au lieu de « culpabiliser » les gens à propos de leur sommeil, nous devons nous attaquer aux obstacles systémiques. Selon certains chercheurs, il faudrait commencer par se pencher sur les politiques relatives à l’heure avancée (ou l’heure d’été), car on a remarqué que ce changement d’heure correspondait à une augmentation des hospitalisations liés aux accidents et à l’automutilation.

Quand dois-je m’inquiéter de mon sommeil?

Règle du Dr McMillan : « Si, pendant plus de trois mois, vous avez de la difficulté à dormir ou que vous ne vous sentez pas reposé après une nuit de sommeil, parlez-en à votre médecin traitant. » Un sommeil de mauvaise qualité peut être le signe de problèmes de santé sous-jacents et entraîner de graves conséquences à long terme, notamment des maladies cardiovasculaires, du diabète et des troubles mentaux.

Si les mesures de base en matière d’hygiène du sommeil ne suffisent pas, envisagez une thérapie cognitivo-comportementale pour l’insomnie. Mme Robillard insiste sur le fait qu’il s’agit du « traitement de première intention » avant les médicaments.

Conclusion

Nos contes pour enfants parlent depuis longtemps de l’importance du sommeil et de notre impossibilité à le contrôler – que l’on pense à la Belle au bois dormant qui dort 100 ans ou à la Princesse au petit pois qui cherche le parfait repos.

Nous ne comptons peut-être plus les moutons et suivons nos cycles de sommeil rapide sur nos poignets, mais nous continuons à lutter pour trouver le repos.

Le sommeil est enfin reconnu comme un pilier de la santé, au même titre que l’alimentation et l’exercice physique. Le sommeil influe sur la santé mentale et vice versa. C’est une influence à deux sens qui a été suffisamment vérifiée pour que le sommeil fasse désormais partie des priorités de la santé publique.

Mais voici le point le plus important à retenir : soyez indulgent envers vous-même quand il s’agit de sommeil. Tout le monde ne peut pas dormir d’un sommeil parfait. Misez sur ce que vous pouvez contrôler, demandez de l’aide au besoin et n’oubliez pas que même une toute petite amélioration peut avoir de grands effets.

Et n’oublions pas la promesse la plus ancienne du sommeil.

Demain, on essaye à nouveau.

Pour en savoir plus : Sommeil et santé mentale – Quelle est la connexion?

PARTAGEZ CETTE PAGE

Avis de non-responsabilité

Le contenu publié sur nos blogues ne vise en aucun cas à remplacer l’avis d’un médecin, un diagnostic ou un traitement. Pour toute question relative à votre santé mentale, demandez toujours l’avis de votre professionnel de la santé. Si vous êtes en détresse, vous pouvez téléphoner ou envoyer un message texte au 988 à tout moment. En cas d’urgence, appelez le 9-1-1 ou rendez-vous à votre service d’urgence local.