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Aujourd’hui, la littératie financière doit faire appel à la capacité à gérer ses émotions aussi bien que son budget. Une telle approche amènerait les gens à considérer les facteurs convergents et interdépendants qui influencent leurs choix et leur avenir. La série « L’argent et la santé mentale » explore précisément les liens entre le portefeuille et le bien-être. Le thème de cette année est axé sur les nouvelles connaissances pour une nouvelle réalité. Voici les sujets abordés jusqu’à présent :
o Semaine 1 : Parler constamment d’inconstance. Préoccupations et désillusions propres à une génération.
o Semaine 2 : Dystopie et détresse financières. Que se passe-t-il quand les jalons traditionnels sont hors de portée et que les tentations en ligne nous éloignent de nos objectifs?
o Semaine 3 : L’intelligence artificielle marque un tournant décisif : quels sont ses impacts sur le marché du travail et notre santé mentale?
Ce dernier volet de la série propose des moyens concrets pour réduire l’anxiété financière en ces temps incertains.
Conseils
Il y a fort à parier que la plupart sont déjà tombés sur un témoignage porteur d’espoir affirmant que certains objectifs – comme devenir propriétaire, prendre sa retraite ou fonder une famille – sont plus accessibles que le croient beaucoup de Canadiens. Mais plus nous faisons défiler la page à la recherche du conseil miracle, plus l’angoisse monte. En fait, tous nos rêves peuvent devenir réalité, pour peu qu’on ait 150 $ par semaine à investir dans des produits financiers.
Pour quiconque a de la difficulté à effectuer ses paiements minimums chaque mois, ce genre de conseil peut non seulement sembler déplacé, mais aussi raviver des inquiétudes financières, voire un sentiment de découragement. C’est pourquoi il importe de se rappeler qu’en matière d’argent, il n’y a pas de recette miracle, même si une vidéo TikTok laisse croire que tout le monde peut y arriver, quel que soit son revenu.
De plus, beaucoup de conseils financiers proposent des solutions purement individualistes, faisant fi des nombreux facteurs qui échappent à notre contrôle. L’endroit où nous vivons, nos parents, l’époque où nous sommes nés, chaque facteur a une influence marquée sur les revenus que nous accumulerons au fil de notre vie. Acheter une maison ou fonder une famille est aujourd’hui bien plus difficile pour les jeunes que pour les générations précédentes, principalement en raison de facteurs aggravants tels que l’élargissement des écarts de revenus, la précarisation de l’emploi au Canada et une crise de l’abordabilité liée à la hausse du coût de la vie.
Dans ce contexte, il apparaît clairement que tous les conseils financiers ne se valent pas et que certains principes largement répandus sur l’épargne et la gestion budgétaire ne s’appliquent tout simplement pas à tous, encore moins aux jeunes générations.
« Comparer sa situation à celle de ses parents peut faire naître un sentiment d’échec, mais c’est tout simplement une autre réalité. Et c’est bien là toute la difficulté », souligne Jessica Moorhouse, qui est devenue une référence incontournable en matière de finances au Canada grâce à son populaire balado « More Money ».
Culture du travail acharné
Chaque génération fait face à ses propres défis, mais, pour les jeunes adultes d’aujourd’hui, l’accès à l’emploi demeure l’un des enjeux majeurs. Actuellement, le chômage chez les jeunes oscille autour des taux observés lors de périodes de crise économique grave, comme la récession qui a suivi le krach boursier de 2008.
Selon les données de juillet 2025, le taux de chômage chez les jeunes (15-24 ans) atteint 12,6 %, soit le taux le plus élevé depuis 2010, si l’on exclut les premières années de la pandémie. Il s’agit des jeunes qui recherchent actuellement un emploi, par opposition à ceux inscrits à temps plein dans un programme postsecondaire ou dans l’incapacité de travailler pour diverses raisons.
Le taux d’emploi chez les jeunes adultes révèle une réalité bien différente : moins de 54 % d’entre eux occupent actuellement un emploi, soit le niveau le plus bas depuis la fin des années 1990, à l’époque où la génération X faisait son entrée sur le marché du travail.
Plusieurs éléments entrent probablement en ligne de compte, dont l’incertitude économique liée aux droits de douane sur certaines exportations canadiennes et le ralentissement des embauches pour les postes de débutants en raison des prévisions selon lesquelles l’intelligence artificielle (IA) pourrait automatiser certaines tâches subalternes. Dans ce contexte, pas étonnant que certains jeunes adultes en viennent à considérer l’achat d’une propriété, la fondation d’une famille ou même la retraite comme des objectifs hors de portée.
« La génération Z a tendance à composer avec les difficultés en mêlant humour et bravade », explique Serena Dawson (nom fictif), une jeune Ontarienne de 19 ans en année sabbatique. « Nous évoluons dans une “culture du travail acharné“ qui privilégie le travail au détriment de la vie personnelle. Les mots-clics glorifiant le travail acharné sont en vogue, et les influenceurs diffusent des vidéos montrant des journées de travail qui s’étendent de 5 h à minuit en enchaînant plusieurs boulots. Parmi les expressions familières les plus répandues figurent “hustle“ (se démener), “grind“ (travailler sans relâche) et “get that bread“ (gagner sa croûte). »
Mme Dawson poursuit : « Dans un contexte où les difficultés financières touchent un grand nombre de personnes, ces comptes en ligne et leurs discours “motivants” sur l’éthique de travail offrent un écho rassurant, atténuant le sentiment de solitude face à l’anxiété, à la dépression et au manque de sommeil. »
Selon elle, l’antidote à tout cela réside dans la construction d’une communauté où l’on peut échanger sur les expériences et les angoisses qu’engendre le fait de travailler 17 heures par jour tout en peinant à payer son loyer.
Jessica Moorhouse propose d’aborder sans détour les problèmes systémiques qui freinent les jeunes dans leurs efforts pour joindre les deux bouts, tout en mettant en lumière les éléments porteurs d’espoir.
« Il faut trouver les côtés positifs pour soi-même », déclare Mme Moorhouse. « Il est important d’essayer de trouver une motivation à poursuivre et à améliorer votre situation financière et de tracer votre propre chemin en dépit des injonctions extérieures. Sinon quoi, on jette l’éponge? »
Ennuyeux
Bien sûr, cet ami qui construit son empire sur les réseaux sociaux donne l’impression d’avoir trouvé une voie rapide, prestigieuse et palpitante vers la richesse. Pourtant, les chemins les plus fiables vers la sécurité financière sont souvent d’une grande banalité. C’est pourquoi Mme Moorhouse prône l’approche « s’enrichir lentement ».
« Restez ennuyeux, restez simple », dit-elle. « Cela vous aidera à rester centré et à ne pas vous égarer. J’ai rencontré des gens qui ont fait des sacrifices extrêmes pour atteindre l’indépendance financière et la retraite précoce, pour finalement constater que ce rêve accompli ne comblait pas leur quête de bonheur. »
Mme Moorhouse affirme que se dépasser pour devenir millionnaire avant 30 ans peut sembler génial, mais que cette quête comporte des limites importantes et peut se faire au détriment d’autres objectifs essentiels, tels que les études et la création de liens sociaux, familiaux et communautaires. Elle recommande de se concentrer plutôt sur les bases.
Mme Moorhouse conseille de planifier, d’investir tôt et de choisir des solutions économiques. « Commencez petit, préparez le terrain et soyez constant – c’est ça le truc. »
Même s’ils semblent ennuyeux – y compris dans le cadre de conseils financiers – les frais peu élevés jouent un rôle essentiel, souvent sous-estimé, dans la constitution d’un capital. Parce que les frais semblent insignifiants, beaucoup négligent des facteurs tels que le ratio des frais de gestion (RFG), sans se douter que certains fonds proposés par des institutions financières imposent des frais si élevés qu’ils compromettent toute perspective de croissance. Beat the Bank: The Canadian Guide to Simply Successful Investing, de l’ancien banquier Larry Bates, fait le tour de la question et propose d’autres options.
Bien que certaines données suggèrent que la génération Z investit plus jeune que les générations précédentes, les gains associés à cette avance peuvent être compromis par des choix de produits qui versent des dividendes dérisoires. Au fond, c’est une question d’équité : les personnes les plus aisées bénéficient statistiquement de meilleurs rendements sur leurs placements ET de taux d’intérêt plus avantageux. Même si cette inégalité est inhérente au système actuel des finances personnelles et difficile à contourner, il est essentiel de maîtriser les bases de la littératie financière pour saisir les enjeux liés aux taux d’intérêt et aux frais élevés.
« Bien que l’école publique n’offre pas de formation en finances personnelles, il est possible, grâce à des ressources gratuites, d’apprendre les fondements de l’investissement et d’élargir ses horizons », indique Serena Dawson. « Certains jeunes de ma génération investissent chaque mois de petites sommes – entre 50 et 100 $, selon leurs moyens – et parviennent ainsi à faire fructifier progressivement leur épargne. »
Une dernière façon peu séduisante de réduire le stress financier est de créer une entreprise « ennuyeuse ». Que ce soit comme activité secondaire ou carrière à long terme, gérer une entreprise d’aménagement paysager, de nettoyage résidentiel ou de déneigement peut offrir une source de revenus stable. Comme ces activités ne risquent pas d’être remplacées par l’intelligence artificielle de sitôt, elles représentent une option stratégique à long terme.
Suivre sa voie, prendre soin de soi, bâtir une communauté et communiquer
L’attrait grandissant pour les entreprises dites « ennuyeuses », combiné à la tendance de la génération Z à cumuler les petits boulots, pourrait bien annoncer un futur essor de l’entrepreneuriat au Canada.
Historiquement, les personnes exclues du marché du travail traditionnel (généralement en raison de pratiques discriminatoires fondées sur le genre, l’origine ethnique, le handicap, l’identité sexuelle ou l’âge) se sont tournées vers l’entrepreneuriat. D’après Serena Dawson, redéfinir les mécanismes de conciliation travail-vie personnelle pourrait atténuer certains problèmes liés à l’emploi.
« Les modalités de travail non traditionnelles sont très populaires auprès de la génération Z », mentionne Mme Dawson. « Même une activité secondaire liée à un centre d’intérêt peut insuffler de la joie dans le quotidien professionnel et de la légèreté à une vie professionnelle souvent exigeante. »
Il se pourrait que de plus en plus de personnes repensent la vie à la maison, alors que de nombreux jeunes adultes n’ont plus les moyens de vivre seuls, malgré le récent ralentissement du marché immobilier et la baisse des loyers qui en découle.
Un article récent du magazine Maclean’s, intitulé « Why Gen Z Will Never Leave the Nest », explore le phénomène des jeunes adultes vivant toujours chez leurs parents et souligne que beaucoup ne perçoivent pas cette situation comme une incapacité à quitter le nid. Au contraire, les gens se réjouissent des avantages sociaux et – bien sûr – économiques de la cohabitation intergénérationnelle.
La génération Z se montre aussi économe à d’autres égards. Le magasinage de seconde main et la quête de bonnes affaires, parfois perçus comme une tendance marginale, traduisent en réalité une volonté de limiter l’achat de biens peu durables sur le plan environnemental – comme ces meubles bon marché qui ont envahi successivement les salons et les décharges.
D’une certaine façon, tout cela s’inscrit dans une logique d’autosoins. Si les soins personnels évoquent souvent les journées au spa ou la thérapie par le magasinage, leur véritable essence réside dans les efforts déployés pour prendre soin de la personne que l’on sera demain. Et cela éclaire une bonne partie des enjeux auxquels font face les jeunes adultes : incertitudes liées à l’IA, guerres commerciales, coût de la vie élevé et perspectives d’emploi limitées.
« Prenez soin de vous, sans compromis ni gêne », encourage Serena Dawson. « Entre le manque de temps pour se reposer et le coût élevé du logement, de la nourriture et des loisirs, prendre soin de soi est devenu un véritable défi. »
Mme Dawson poursuit : « Face au stress extrême qui touche l’ensemble de la société, des mesures gouvernementales et des lois doivent être créées pour le citoyen ordinaire, sans quoi rien ne changera. Il est donc particulièrement important de prendre soin de soi et des autres et de trouver des moyens d’évacuer le stress. »
« Mobilisez votre réseau de soutien : partagez un repas avec un voisin, dialoguez ouvertement et honnêtement avec vos amis, et laissez votre foi éclairer votre chemin. Et pour l’amour du ciel, nourrissez votre corps! Dans un monde qui nous divise et nous isole, le plus important que nous puissions faire est de prendre soin de nous-mêmes et de bâtir une communauté. »
Ressource:
- Cours Indigenous Peoples’ Money & Youth (en anglais seulement)
- Où obtenir des soins de santé mentale
Auteure: Christine Sismondo prend part à la réflexion nationale sur les enjeux politiques et intellectuels à travers ses écrits et ses recherches.