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À 19 ans, Gavin Oregan avait un problème de jeu, même s’il ne s’en est rendu compte qu’après avoir accumulé plus de 30 000 $ de dettes. Il avait de l’argent à la banque lorsqu’il a quitté Whitby, en Ontario, pour étudier à Ottawa. Il avait toujours géré son travail à temps partiel, ses revenus et son épargne avec sérieux et discipline.
Mais, loin de chez lui et entouré d’amis qui jouaient en ligne, Gavin n’a pu résister à l’attrait des sites de paris sur son téléphone. « Ce n’était même pas tant une question d’argent », dit-il à propos de sa pratique régulière des paris sportifs, qui le privait de sommeil et grevait son budget. En tant que personne vivant avec un trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité, ou TDAH, Gavin explique que c’est l’euphorie du gain qui l’a rendu accro et l’a poussé à « rechercher cette sensation ».
Aujourd’hui âgé de 21 ans et étudiant en journalisme au Collège algonquin, Gavin confie qu’il traversait alors une période sombre et isolée. « Aucun de mes amis n’était au courant », poursuit-il. « Ça m’a ruiné. »
C’est son père qui, après avoir découvert les chiffres alarmants sur les comptes bancaires de son fils, a fait les cinq heures de route pour lui parler en personne de la gravité de la situation. C’est alors que Gavin a reconnu être malade.
Avec de l’aide, il s’est libéré de sa dépendance. Il admet aujourd’hui avoir eu de la chance d’avoir un père prêt à intervenir pour remettre son fils sur la bonne voie, tant sur le plan financier qu’émotionnel. En racontant son histoire, il espère que d’autres jeunes dans une situation analogue se reconnaîtront et chercheront de l’aide.
« N’ayez pas peur d’admettre le problème et d’en parler », conseille-t-il. Un thérapeute l’a aidé à comprendre l’influence de son TDAH sur chacune de ses décisions. Il a appris à utiliser des outils cognitifs pour surmonter les moments où l’envie d’adrénaline procurée par le jeu devient irrésistible.
« J’en ai vraiment envie, mais cela dure 20 secondes », déclare Gavin. Il a trouvé des outils à utiliser dans ces moments-là. Le thérapeute m’a recommandé de téléphoner à quelqu’un ou de faire autre chose.
Selon Gavin Oregan, « ce n’était pas une question d’argent, mais une quête de sensation. » La dette, le jeu et l’anxiété pèsent lourdement sur la génération Z, tiraillée entre les pressions économiques et les tentations numériques auxquelles les générations précédentes n’ont jamais été confrontées.
Le soutien apporté par son thérapeute et les personnes croisées aux rencontres hebdomadaires de joueurs anonymes lui a été d’une aide précieuse. Il travaille à temps partiel comme gérant d’une épicerie et, avec l’aide de sa famille, il est parvenu à rembourser la plupart de ses dettes. Aujourd’hui, il essaie de mener une vie plus équilibrée et de faire des pauses entre le travail et ses préoccupations financières. Se consacrer aux études, au travail et à l’entraînement s’est avéré bénéfique, mais Gavin réalise maintenant qu’on ne peut pas être occupé tout le temps.
Pièges financiers
Selon une recherche menée par Gaming, Gambling and Technology Use (GGTU), qui fait partie du département de formation du Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH), « les jeunes de 10 à 24 ans ont un taux de dépendance au jeu plus élevé que les adultes ».
Par les médias sociaux, les jeunes sont plus exposés que les personnes plus âgées aux nouvelles formes de contenu lié au jeu. L’euphorie du gain peut soulager temporairement l’anxiété et la dépression, mais sa recherche constante peut entraîner des problèmes de santé mentale si elle n’est pas reconnue comme une dépendance.
Des études montrent que les hommes sont particulièrement vulnérables à la publicité et à la pression des pairs les incitant à s’adonner aux paris sportifs, comme ceux qui ont rendu Gavin accro.
Selon les recherches, l’impact sur la santé mentale peut être grave. Selon une étude, les adolescents ayant des problèmes de jeu ont aussi des taux nettement plus élevés d’idées suicidaires et de tentatives de suicide que les non-joueurs et les joueurs sociaux.
L’intervention est cruciale. Gavin admet qu’il a eu de la chance d’avoir une famille qui l’a confronté à son problème et l’a aidé à rembourser ses dettes et à trouver des interventions efficaces, comme la thérapie et le soutien de groupes de pairs.
La facilité d’accès aux jeux en ligne ne suffit pas à expliquer les difficultés financières d’un nombre croissant de jeunes adultes. L’écart grandissant entre les salaires et le coût de la vie, le taux élevé de chômage chez les jeunes et le manque de logements abordables contribuent à l’endettement plus que jamais.
Selon un rapport de Statistique Canada de 2024 produit par James Gauthier et Carter McCormack, en 2025, environ 56 % des jeunes Canadiens âgés de 18 à 29 ans seront endettés d’une quelconque façon, ce qui brosse un portrait révélateur du contexte financier des jeunes Canadiens.
Toujours selon messieurs Gauthier et McCormack, le coût du service de la dette a également augmenté pour les jeunes. Chez les moins de 35 ans, le ratio des frais d’intérêt par rapport au revenu disponible a augmenté de 2,4 points de pourcentage pour atteindre 9,7 % en 2023.
Concrètement, les jeunes ménages consacrent 10 cents de chaque dollar gagné au remboursement de leurs dettes, comparativement à environ 7 cents en 2022.
Selon le rapport, les prêts étudiants, les dettes de carte de crédit et les prêts personnels sont les dettes les plus courantes chez les jeunes. Il est tout simplement plus difficile pour les jeunes de joindre les deux bouts aujourd’hui. L’anxiété est liée à l’incertitude économique à tout âge, mais elle est particulièrement aiguë chez les jeunes adultes qui ont moins de connaissances financières et qui tentent de construire leur vie sur des bases financières solides.
Ces conclusions font écho aux expériences et aux perspectives de jeunes comme Serena Dawson (nom fictif), qui prend une année sabbatique à 19 ans pour essayer de planifier son avenir dans des circonstances très différentes de celles des générations précédentes, dont elle trouve les conseils dépassés.
« À la mi-vingtaine, nos parents et grands-parents occupaient déjà un emploi qu’ils conserveraient pendant des décennies, planifiaient l’achat d’une maison et fondaient une famille », observe Serena. « Aujourd’hui, les jeunes adultes occupent des emplois à temps partiel jusqu’à la fin de la vingtaine, voire la trentaine, même s’ils ont fait des études postsecondaires. L’achat d’une maison est tout simplement impossible pour la plupart, les coûts croissants du logement et des dépenses quotidiennes absorbant la totalité de leur budget. Nous continuons donc à louer, sans pouvoir investir dans l’immobilier. »
Serena souligne également que l’incertitude économique pousse de nombreux jeunes à retarder ou à renoncer à la parentalité. La santé mentale peut souffrir lorsque les attentes et la réalité sont si radicalement opposées.
Gavin et Serena en conviennent : la génération Z est en difficulté. « Tous les jeunes peinent à joindre les deux bouts », confie Gavin à propos de ses amis et camarades de classe, qui cumulent souvent deux emplois à temps partiel ou plus tout en essayant de poursuivre des études postsecondaires. « Tout le monde est fatigué. »
Les frais de scolarité, de transport collectif et de logement ne cessent d’augmenter, tandis que les salaires stagnent. « Quand je regarde le coût de la vie, je ne pense pas que je pourrai un jour posséder une maison », s’inquiète Gavin.
Trouver des solutions
Aider les jeunes à naviguer dans le monde complexe des finances personnelles en période économique difficile nécessitera des mesures à plusieurs niveaux. Le rapport de Statistique Canada suggère qu’il faudra « une éducation financière, des options d’allègement de la dette accessibles et des politiques de soutien de la part du gouvernement et des institutions financières ».
Malgré un contexte économique difficile pour les jeunes, Gavin s’efforce de ne pas céder au pessimisme et reste confiant dans la poursuite de sa carrière en journalisme sportif. Il soutient la baisse des coûts de logement et de transport en commun pour les étudiants. Il souhaite également que les organisations sportives révisent leurs politiques de jeu pour prévenir les habitudes de pari dangereuses chez les amateurs.
Mais plus que tout, il souhaite que la thérapie et le soutien en santé mentale soient plus accessibles et abordables pour les personnes de son âge. « Ça aide vraiment de s’ouvrir et de parler. »
Lectures suggérées : De nouvelles connaissances pour une nouvelle réalité : L’argent et la santé mentale sont intrinsèquement liés.
Guide : Où obtenir des soins de santé mentale au Canada : Un guide pour s’orienter dans les services publics et privés.
Ressources :
- « Money and Youth » (en anglais seulement) – Fondation canadienne d’éducation économique
- « Pay for post-secondary: A student’s guide to financial aid across Canada » (en anglais seulement)
- « Getting in (and out of) debt » (en anglais seulement) – Legal Rights for Youth (B.C.)
- Youth Gambling Prevention (en anglais seulement)
- Fondation Jeunes en Tête