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Il y a moins d’un an, un sondage mené par l’organisation de prévention de la violence fondée sur le genre Ruban blanc et la société de sondage Angus Reid a révélé que la majorité de la population canadienne ignorait tout de la « manosphère », un espace numérique qui, selon les observateurs, est utilisé pour promouvoir des opinions haineuses et misogynes chez les jeunes hommes.
Il est probable que le nombre de personnes qui connaissent la manosphère soit plus élevé aujourd’hui, grâce en grande partie au drame policier britannique acclamé par la critique Adolescence qui a été diffusé sur Netflix au début de 2025 et qui a suscité un débat sur le sujet. Pourtant, on comprend encore très mal cet espace complexe et les répercussions que certains discours qui y sont diffusés peuvent avoir sur la violence fondée sur le genre, les femmes, les personnes 2ELGBTQI+ et d’autres communautés vulnérables, ainsi que sur le bien-être des garçons et des jeunes hommes.
La « manosphère » est le nom donné à un vaste réseau informel de groupes d’hommes qui communiquent en ligne grâce aux outils et espaces suivants :
Les origines (lien en anglais seulement) de la manosphère remontent aux mouvements pour les droits des hommes apparus dans les années 1970 et 1980 en réaction à la deuxième vague du féminisme qui avait permis aux femmes d’obtenir certaines avancées. De nombreux membres de groupes de défense des droits des hommes ont désigné le féminisme comme la cause principale d’une série de problèmes sociaux.
Les groupes de défense des droits des hommes ont depuis migré vers Internet, où ils ont été rejoints par d’autres groupes, notamment des groupes de défense des droits des pères, des séducteurs professionnels (« pick-up artists ») et des célibataires involontaires (« incels »). En 2009, ce mouvement était déjà connu sous le nom de « manosphère ». Comparée au mouvement contestataire des années 1970, qui se servait des réunions en personne, de la presse écrite, de la radio et de la télévision pour faire valoir ses arguments, la manosphère a une portée beaucoup plus vaste, en particulier auprès des jeunes, dont beaucoup possèdent des tablettes et des téléphones intelligents et ont accès à Internet sans surveillance.
Les discussions en ligne sur la masculinité ne constituent pas en soi un risque pour la santé mentale, mais certains sites et contenus particuliers peuvent avoir un effet sur le bien-être des garçons et des jeunes hommes. En outre, on constate des répercussions négatives sur la santé mentale au sein des communautés touchées, notamment une augmentation de la discrimination, de la stigmatisation et de la violence fondée sur le genre, lesquelles sont encouragées dans certaines parties de la « manosphère ».
Voici quelques-uns des effets négatifs sur la santé mentale qui inquiètent les experts.
On s’inquiète beaucoup du fait que certains jeunes hommes et garçons soient radicalisés et poussés à commettre des actes violents sous l’influence de ce qu’ils voient et entendent. En 2018, un homme de 25 ans, inspiré par une communauté misogyne en ligne, a publié un message annonçant que « la rébellion des incels avait commencé » avant de foncer avec une camionnette sur des piétons sur un trottoir de North York, à Toronto. Dix personnes sont décédées; 16 autres ont été blessées.
La violence fondée sur le genre, la haine et la discrimination envers les communautés vulnérables ont des répercussions négatives sur la santé mentale et le bien-être de tous. Les contenus négatifs peuvent avoir de graves conséquences.
Les parents peuvent se renseigner sur la « manosphère » et certains des termes couramment utilisés pour être en mesure de repérer rapidement les problèmes potentiels.
Les parents, les familles, les enseignants, les tuteurs et toutes les personnes qui jouent un rôle de modèle peuvent guider les jeunes face aux médias numériques en instaurant des dialogues ouverts et sincères et en leur apprenant la littératie médiatique, explique Kyle Ganson. Voici quelques conseils pratiques de M. Ganson :
« Je pense que l’autre moyen est de promouvoir activement ce que vous voulez que vos enfants fassent », dit Ganson. « Par exemple, les parents de jeunes garçons doivent leur enseigner à devenir des hommes et leur transmettre les valeurs de la masculinité. Les enfants apprennent essentiellement en observant. Ils apprennent en regardant leurs parents et les autres figures masculines de leur vie. »
Et ce rôle n’est pas exclusif aux parents, dit Humberto Carolo de Ruban blanc.
« On a besoin que les hommes, surtout, dénoncent cette mouvance pour aider à faire taire les idéologies haineuses et montrer aux jeunes hommes ce que c’est que d’être solidaire et d’incarner une masculinité saine, dit M. Carolo. Nous avons besoin de modèles pour nous ouvrir et parler à ceux qui nous entourent de nos problèmes et gérer nos émotions de façon plus saine. »
Humberto Carolo, expert en prévention de la violence fondée sur le genre reconnu mondialement et chef de la direction de Ruban blanc, dont l’objectif est de mobiliser les hommes et les garçons comme alliés dans la promotion de l’égalité entre les genres et des masculinités saines. Ancien coprésident et membre actuel du conseil d’administration de la Global MenEngage Alliance, M. Carolo est membre fondateur du North American MenEngage Network. Il a acquis une expérience interculturelle considérable dans divers environnements, notamment au Brésil, au Cap-Vert, au Sri Lanka, au Kenya, en Papouasie–Nouvelle-Guinée, au Vietnam, en Zambie et en Éthiopie. Il siège au Conseil consultatif externe pour le Centre de soutien et de ressources sur l’inconduite sexuelle du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes, et est membre du Comité d’examen des décès dus à la violence familiale du gouvernement de l’Ontario et de la Commission permanente sur la promotion de l’égalité des sexes de la coalition Religions for Peace.
Kyle T. Ganson, Ph. D., M. Serv. soc., est professeur adjoint à la Faculté de travail social Factor-Inwentash de l’Université de Toronto. Ses recherches portent sur les troubles de l’alimentation, la dysmorphie musculaire et les comportements de renforcement musculaire chez les adolescents et les jeunes adultes, particulièrement chez les garçons et les jeunes hommes. M. Ganson est le chercheur principal de la Canadian Study of Adolescent Health Behaviors, une étude nationale longitudinale sur les comportements liés à la santé, notamment les troubles alimentaires et les comportements visant à développer la masse musculaire, chez les adolescents et les jeunes adultes canadiens dans les 13 provinces et territoires du Canada. M. Ganson a publié plus de 125 articles scientifiques évalués par des pairs dans des revues de premier plan consacrées à la santé des adolescents, aux troubles alimentaires, à l’image corporelle et à l’usage de substances. Ses recherches ont été présentées, entre autres, sur CBC, CTV News, U.S. News and World Report, Healthline, Fatherly et Runner’s World. M. Ganson possède plus de 10 ans d’expérience directe dans le domaine du travail social clinique et enseigne cette discipline à des étudiants à la maîtrise en services sociaux.
David Garzon est directeur du marketing et des communications chez Ruban blanc. M. Garzon est responsable de l’élaboration et de la mise en œuvre d’initiatives stratégiques de marketing et de communication visant à mobiliser divers partenaires, à promouvoir les efforts philanthropiques et à sensibiliser le public aux objectifs et à la portée de l’organisation. Il a travaillé en Bolivie, au Guatemala et en Colombie, où il a animé des ateliers et mis en œuvre des projets sur l’égalité des sexes, les masculinités, les droits des personnes 2SLGBTQI+, la violence fondée sur le genre, le féminisme, l’émancipation des jeunes, la santé et le commerce équitable. M. Garzon est titulaire d’un baccalauréat en sociologie et en études latino-américaines et caribéennes de l’Université York, ainsi que d’un certificat en réflexions critiques sur les masculinités du Center for Social Research, Appropriate Technology and Capacity Building, en Bolivie.