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Quand les hommes prennent position

Repenser la masculinité pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe
novembre 2025

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Les 16 jours d’activisme contre la violence fondée sur le sexe est une campagne internationale annuelle qui commence le 25 novembre, Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, et se poursuit jusqu’au 10 décembre, Journée des droits de la personne.

Lorsque Joshua Hopkins a appris que sa sœur aînée et deux autres femmes du comté de Renfrew avaient été assassinées dans ce qui fut l’un des pires cas de violence conjugale de l’histoire du Canada, la nouvelle a été trop choquante pour qu’il puisse la traiter.

Au fur et à mesure que l’on en savait davantage sur les meurtres de Nathalie Warmerdam, d’Anastasia Kuzyk et de Carol Culleton – commis en septembre 2015 par l’ex-conjoint de ces trois femmes – malgré son état de choc, sa douleur et son incrédulité, Joshua Hopkins a pris conscience d’une chose très claire.

« J’aurais aimé comprendre bien avant le meurtre de ma sœur à quel point la misogynie et la violence conjugale nuisent à la société qui est la nôtre, dit-il. À mon avis, quand un homme entend les termes « violence conjugale » ou « violence faite aux femmes », il s’imagine souvent que cela ne concerne que les femmes, mais c’est faux. »

La violence fondée sur le sexe et la violence entre partenaires intimes sont de plus en plus abordées sous un nouvel angle, en l’occurrence sous l’angle d’un problème systémique dont la prévention est une responsabilité commune. Dans cette perspective, les hommes se mobilisent et lancent des initiatives visant à lutter contre ces problèmes. Ils assument le rôle crucial qui leur revient pour changer une culture qui contribue à sanctionner la violence fondée sur le sexe.

« C’est tellement important pour nous, hommes, d’agir à titre d’alliés », lance M. Hopkins, un baryton d’opéra salué par la critique. Nous devons cesser de blâmer les victimes et nous concentrer sur les agresseurs, qui, statistiquement, sont essentiellement des hommes. Nous devons nous concentrer sur la raison pour laquelle les hommes sont tellement en colère. »

Pour sa part, M. Hopkins a collaboré avec le compositeur et pianiste, Jake Heggie, et la poète et autrice, Margaret Atwood, pour créer Songs for Murdered Sisters, un cycle de chansons qui met en évidence que ces meurtres ne sont pas seulement des tragédies individuelles, mais qu’ils s’inscrivent aussi dans un schéma de violence. Le cycle de chansons a été présenté en direct sur plusieurs scènes, y compris à guichet fermé au Carnegie Hall, cette année. Une version album, finaliste aux prix Juno, et une version film sont également disponibles sur le site Web de l’initiative. 

Malgré un nombre accru d’organisations qui travaillent à la prévention de la violence fondée sur le sexe, ce type de violence est encore répandue au Canada. Selon Statistique Canada, entre 2009 et 2022, plus des deux tiers des cas d’homicide de femmes et de filles qui ont été résolus étaient fondés sur le sexe. Depuis 10 ans, on observe une augmentation de la violence fondée sur le sexe et, en 2022, 184 Canadiennes – femmes et filles – ont été assassinées, surtout par des hommes. La Nouvelle-Écosse, la Colombie-Britannique, le Nouveau-Brunswick et plus de 100 municipalités de l’Ontario ont récemment déclaré que la violence fondée sur le sexe était une épidémie.

Bienfaits pour les hommes

Comme c’est le cas pour de nombreuses formes de violence, les facteurs identitaires croisés jouent ici un rôle. Les femmes et les filles autochtones, les nouvelles arrivantes, les femmes racialisées et marginalisées, les personnes 2ELGBTQI+, les personnes non binaires, les femmes en situation de handicap et les femmes vivant dans des communautés éloignées et rurales courent un risque accru de subir des violences fondées sur le sexe. La prévention de la violence contre les populations vulnérables relève des droits de la personne, et c’est l’un des éléments fondamentaux de la construction d’une société inclusive.    

Divers projets et organismes canadiens bien établis, dont la Fondation Courage d’agir et les initiatives de la Fondation canadienne des femmes, ainsi que des initiatives de plus en plus orchestrées par des hommes, comme Les hommes et le Ruban blanc et Next Gen Men, mettent tout l’accent sur le rôle crucial que les hommes doivent jouer dans la prévention de la violence fondée sur le sexe. Selon certains organisateurs, les participants sont souvent surpris d’apprendre que, pour changer la culture de la masculinité, il faut effectuer un travail qui comporte de nombreux avantages pour les hommes.

« La santé mentale masculine est un point d’entrée pour avoir une conversation sur la façon dont nous pouvons remettre en question et briser les systèmes qui nuisent à tout le monde », déclare Trevor Mayoh, de Next Gen Men.

« Plus d’un tiers des hommes ne parleront pas de santé mentale en milieu de travail parce qu’ils ont l’impression que cela pourrait mettre leur emploi en danger », ajoute-t-il. Les hommes ne prennent généralement pas soin de leur santé en amont. Plutôt que d’aller voir un médecin quand un problème se manifeste, ils vont endurer jusqu’à ce que leur état se détériore. »

Mayoh associe cette incapacité à admettre la vulnérabilité – une caractéristique clé que certains appellent la « masculinité classique » – à des problèmes de santé épidémiques qui touchent les hommes de façon disproportionnée. Il suffit de penser aux surdoses d’opioïdes, à la solitude chronique, à l’isolement social et aux décès par suicide. Selon une étude de la Commission de la santé mentale du Canada, environ 75 % des Canadiens qui décèdent par suicide sont des hommes.

« Notre culture privilégie définitivement les hommes, même si, d’un point de vue intersectionnel, certains hommes plus que d’autres, précise M. Mayoh. Mais cette même culture tue aussi littéralement les hommes. Ils ont donc tout intérêt à jouer un rôle clé dans le démantèlement du patriarcat. »

Les messages sur le patriarcat et les privilèges, souligne-t-il, ne sont pas toujours faciles à accueillir pour les hommes lorsqu’ils sont aux prises avec la douleur, le stress et les crises familiales. Pour que les conversations sur la masculinité et la manière de la redéfinir soient constructives, selon les organisateurs, il est souvent utile de créer des espaces réservés aux hommes, où ils peuvent se sentir en sécurité et à l’aise pour se tromper et être « confus ».

Grâce au travail approfondi de Next Gen Men, l’organisation a découvert que les deux principales choses qui paralysent les hommes sont la peur de mal faire les choses et la peur d’être rejeté. Lorsqu’ils se trouvent dans une pièce avec des pairs qui parlent comme eux, ils se sentent davantage en sécurité.

« Ce changement doit se produire lors d’échanges entre pairs, explique M. Mayoh. Il ne va pas venir d’un panneau publicitaire qui dit « Ne frappez pas quelqu’un ». Il se produira lorsqu’un ami, dans un vestiaire ou une voiture, dira « Hé, ce n’est pas drôle ».

Changement marquant

Il est donc essentiel que les hommes participent activement à la prévention de la violence fondée sur le sexe. En Alberta, Rita St. Gelais, psychothérapeute agréée travaillant avec des hommes qui ont des antécédents de violence et qui désirent modifier leur comportement, en est un exemple notable. 

« Si vous voulez vous attaquer à la violence conjugale et essayer d’y mettre fin, vous devez aller à la source, c’est-à-dire les personnes qui choisissent des comportements violents, explique Mme St Gelais. Il est évidemment important de travailler avec des personnes qui vivent de la violence conjugale, mais ce n’est pas ainsi que nous y mettrons fin. »

En matière de violence conjugale, la plupart des ressources visent à aider les personnes victimes de violence dans leurs relations, ce qui est tout à fait compréhensible. Cependant, pour mettre vraiment fin au cycle de la violence, il faut investir dans les personnes qui veulent changer.

« Je pense qu’il existe un stéréotype très répandu selon lequel ces personnes sont en permanence des monstres consumés par la rage, précise Mme St Gelais. Si vous pouvez les considérer comme des personnes et passer outre cette première réaction instinctive, les rencontrer là où elles en sont et leur accorder dignité et respect, tout en laissant aux personnes qu’elles ont blessées la dignité et le respect qui leur revient, alors il est possible d’aider les personnes qui veulent changer. »

C’est un travail difficile qui vient remuer des choses sombres et lourdes. Cela peut être tellement éprouvant sur le plan émotionnel que Mme St. Gelais a lancé une initiative, Deux chaises, qui vise à faciliter l’accès à une thérapie pour les thérapeutes. Les personnes qui travaillent dans ce domaine doivent d’abord veiller à leur bien-être, mais, poursuit Mme St Gelais, comme le veut l’adage, le cordonnier est souvent mal chaussé. 

Mme St Gelais trouve son travail très enrichissant, malgré le poids émotionnel qu’il suppose. Il est également indispensable. Lorsque l’enquête du comté de Renfrew sur le triple meurtre a finalement abouti, en 2022, plusieurs des 86 recommandations de changement concernaient des interventions thérapeutiques auprès des hommes ayant des antécédents similaires à ceux de Basil Borutski, le meurtrier condamné pour trois meurtres qui est décédé en prison en 2024.

« Basil a fait plusieurs séjours en prison au cours de sa vie, mais cela n’a pas changé ses comportements, signale Joshua Hopkins, qui précise que les tribunaux avaient ordonné à Borutski de suivre un programme de gestion de la colère, qu’il avait réussi à éviter.

De nombreux défenseurs, personnes à risque et familles de victimes ont appelé à des changements profonds dans les systèmes judiciaire et carcéral et souligné qu’ils manquent de ressources pour prévenir la violence fondée sur le sexe. Certains remettent même en question la formule carcérale et militent pour que l’on investisse dans des programmes d’éducation de la petite enfance, des projets visant à modifier la culture de la masculinité et des services d’aide en santé mentale. 

« Le fait de simplement jeter les hommes en prison sans leur offrir de programmes de réinsertion ou leur apprendre à mieux gérer leur colère et leur stress ne va rien changer à cette situation, poursuit-il. Les programmes qui traitent de cette question et qui sont susceptibles d’apporter des changements réels sont vitaux. »

Autres lectures et ressources : La manosphère et la santé mentale

Illustrateur: Kasia Niton – https://sunnystreet.studio/  Instagram: @sunnystreet.studio

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