À 26 ans, Gillian Corsiatto, de Red Deer en Alberta, est une autrice reconnue. Son premier roman, Duck Light, soulève une question importante : « Comment peut-on échapper aux attentes de la société? » Elle travaille également à l’écriture d’autres livres et de pièces de théâtre. Madame Corsiatto fait également partie de la troupe d’improvisation de Bullskit Comedy.
Gillian Corsiatto
Par ailleurs, elle cumule trois emplois à temps partiel : elle est éducatrice communautaire et animatrice de groupes de jeunes pour la filiale de Red Deer de la Schizophrenia Society of Alberta et a été conférencière dans le cadre du programme jeunesse LA TÊTE HAUTE de la Commission de la santé mentale du Canada. De plus, elle gère les médias sociaux et le recrutement pour la fanfare des Red Deer Royals (dans laquelle elle jouait du tuba), et plus récemment, elle a décroché un emploi consistant à emballer et à mettre en boîte des caramels pour une petite entreprise à domicile.
Sa vie semble bien remplie, cependant, madame Corsiatto est consciente de l’importance de la bonne gestion du stress. « Ce n’est pas du 9 à 5. Je m’assure d’avoir suffisamment de temps pour me reposer et pour m’occuper de moi à la maison », dit-elle.
Si vous ne connaissez pas de personne atteinte de schizophrénie, vous venez d’en rencontrer une.
Gillian Corsiatto fait partie des plus de 147 500 Canadiens atteints de schizophrénie, une maladie mentale grave.
Nouvelles normes
Dans le but de veiller à ce que les personnes qui vivent avec la maladie obtiennent de meilleurs résultats et nourrissent le même espoir envers l’avenir que madame Corsiatto, la Commission de la santé mentale du Canada, en partenariat avec le Centre des sciences de la santé mentale Ontario Shores, a facilité la mise en oeuvre du projet de démonstration national des Normes de qualité sur la schizophrénie, une synthèse des meilleures données probantes médicales, auxquelles participent quatre sites de démonstration au Canada : Adult Forensic Mental Health Services au Manitoba; Hôtel-Dieu Grace Healthcare et Association canadienne pour la santé mentale à Windsor en Ontario; Newfoundland and Labrador Health Services à Terre-Neuve-et-Labrador ainsi que Seven Oaks Tertiary Mental Health Facility en Colombie-Britannique. Les professionnels de la santé recevront une formation sur les pratiques exemplaires en matière de thérapie et de médication, ainsi que sur les moyens d’aider les patients et leurs familles à faire face à la maladie sur le long terme.
Cette initiative constituera un grand soulagement pour de nombreuses personnes. Les symptômes de la schizophrénie ont tendance à apparaître à l’adolescence ou au début de l’âge adulte, comme ce fut le cas pour Gillian Corsiatto, qui raconte qu’elle avait environ 13 ans lorsqu’elle a commencé à avoir des délires.
Symptômes précoces
« Je croyais voir des morts, raconte-t-elle. J’avais beaucoup de mal à être attentive à l’école et, socialement, je ne m’intégrais pas vraiment aux groupes d’autres élèves en raison de mon comportement étrange et des sujets que j’abordais. C’est alors que j’ai commencé à avoir des hallucinations. À ce moment-là, j’étais vraiment plongée dans mon petit monde. » Madame Corsiatto explique qu’elle s’est aussi mutilée pour apaiser sa détresse psychologique.
Il n’a pas été facile de surmonter sa psychose et ses autres symptômes. À 14 ans, elle a passé du temps dans un service psychiatrique, où elle a reçu une médication et où l’on a suivi l’évolution de ses symptômes. Cela a fini par l’aider, confirme-t-elle, mais les médicaments avaient des effets secondaires. « J’étais tout le temps fatiguée. Et j’étais affamée. J’ai fini par prendre énormément de poids. » Elle se souvient aussi de l’attitude de certains soignants qui estimaient que les patients devaient être disciplinés et punis.
« On nous traitait comme si nous étions une bande de jeunes voyous, et non pas des enfants malades, comme s’il s’agissait de problèmes de comportement, causant des ennuis. Je suis adulte maintenant et je peux me défendre, mais je regrette de ne pas avoir dit quelque chose à l’époque ou de ne pas me faire entendre, car je sentais réellement le manque de considération dont je faisais l’objet. »
Les symptômes de madame Corsiatto se sont toutefois considérablement améliorés grâce à la thérapie et aux médicaments. Pendant la majeure partie de son secondaire, elle n’a pas eu d’hallucinations et a pu gérer ses études et ses activités parascolaires. Elle a même cessé de prendre ses médicaments pendant un certain temps, mais cela n’a pas duré. Après avoir obtenu son diplôme d’études secondaires, elle est entrée au Red Deer College (aujourd’hui Polytechnic), où elle s’est spécialisée en musique. « Mes études ont été stressantes. Je n’ai pas terminé le programme », dit-elle. En plus de la médication qu’elle prenait pour l’anxiété, elle a recommencé à prendre des médicaments contre les psychoses. « Ce fut une période difficile, explique Gillian Corsiatto. Mais je me suis adaptée à tout cela. »
Le chapitre suivant
Peu à peu, cependant, les médicaments et la thérapie ont porté leurs fruits et, depuis quatre ans, madame Corsiatto réussit à se construire une vie qu’elle apprécie, avec le désir d’aider les jeunes atteints d’une maladie mentale grave et un grand espoir pour l’avenir. « Je veux vraiment faire carrière dans l’écriture », dit-elle, alors qu’elle travaille sur la suite de Duck Light.
« Je sais qu’il y a de l’espoir pour l’avenir, et je sais que je ferai toujours face à cette maladie, mais je suis maintenant convaincue que je peux la gérer, que je suis bien plus que ma schizophrénie, et que si les choses tournent mal, je dispose des moyens d’y remédier. »
Par exemple, elle indique que les hallucinations et les idées délirantes continuent d’être présentes chez elle, « mais dans une bien moindre mesure qu’auparavant. Plusieurs facteurs influencent le fait que je les reconnaisse ou non avec certitude. Les médicaments y sont pour beaucoup, mais l’expérience de vie joue également un rôle. J’ai appris à jauger les réactions des autres ou, si je suis avec quelqu’un en qui j’ai confiance, à lui demander ce qu’il ressent à ce moment-là. Si je suis en public et que je me retrouve face à une hallucination, mais que personne autour de moi ne semble la remarquer ou y réagir, cela me laisse présumer qu’il s’agit bel et bien d’une hallucination. Par contre, le stress, le manque de sommeil et la solitude sont des facteurs qui rendent plus difficile le fait de savoir s’il s’agit d’une réalité ou non. »
Elle voit comment le système de santé mentale peut améliorer le traitement des jeunes atteints de schizophrénie, et fait remarquer qu’un nombre considérable de personnes touchées par une maladie mentale sont également confrontées à des problèmes d’usage de substances, à la recherche d’un logement convenable et à des listes d’attente pour obtenir des soins. « C’est du cas par cas. Je suis sur une liste d’attente pour une évaluation en matière d’autisme; en revanche, je pense que si je vais à l’hôpital, je pourrai obtenir de l’aide assez rapidement. Si j’ai besoin d’un rendez-vous d’urgence avec mon psychiatre, c’est aussi possible. »
Expériences individuelles
Madame Corsiatto tient à ce que les gens sachent que toutes les personnes atteintes de schizophrénie vivent leur maladie de manière différente. Si vous souhaitez connaître la réalité d’une personne, « adressez-vous à elle, et ne faites pas de généralisation », dit-elle.
Quant aux jeunes qui suivent un traitement pour lutter contre la schizophrénie, elle ajoute : « Il ne faut pas seulement se centrer sur le traitement médicamenteux et la maladie. Il est très important de se pencher sur ce qui vous procure du bonheur. Qu’est-ce que vous aimez faire? De quoi tirez-vous une grande fierté? Qu’aimeriez-vous accomplir? »
En répondant à ces questions pour elle-même, madame Corsiatto a l’impression de « vivre un rêve ».
Chaque fois qu’elle s’exprime en public, elle a le sentiment de dissiper des préjugés. « J’aime transformer la mentalité des gens qui pensent comprendre ce qu’est la schizophrénie. “Voilà comment une personne atteinte de schizophrénie va se comporter”… et puis je me pointe. Puis, ils se disent que cette personne est tout à fait normale. Cela me plaît beaucoup. Changer la façon dont les gens conçoivent la schizophrénie et leurs interactions avec les personnes aux prises avec cette maladie. Ils peuvent me parler comme si j’étais une personne normale – parce que c’est le cas. »
Ressource : Où obtenir des soins – Un guide pour s’orienter dans les services publics et privés de santé mentale au Canada.
Ressource : Lutter contre la stigmatisation dans les soins de santé.