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Le VecteurConversations sur la santé mentale

La série du Club de lecture présente des ouvrages de qualité qui bousculent les stéréotypes et la stigmatisation.

On peut imaginer que Jonathan Stea possède un aimant affichant « J’adore la méthode scientifique » sur son frigo, car son livre évoque parfois le dévouement d’un professeur de sciences du secondaire essayant de susciter l’enthousiasme d’un public peu réceptif. Parfois, ça fonctionne.

La couverture du livre « Mind the Science » Veuillez noter que cet ouvrage est disponible en anglais seulement.

Stea y parvient haut la main. Il est professeur adjoint au Département de psychologie de l’Université de Calgary et psychologue clinicien à plein temps. Il intervient aussi souvent sur les réseaux sociaux pour réfuter des mythes et rectifier des faits. (Il arrive même que sa mère s’immisce dans la discussion virtuelle pour s’attaquer aux trolls.)

Stea s’adresse à un public de profanes, sans pointer du doigt et sans simplifier à l’excès, tout en nuance. L’auteur présente des histoires captivantes ainsi qu’un aperçu de la manière d’évaluer la recherche, tout en expliquant l’importance de l’évaluation, des tests, de la révision par les pairs et des différentes méthodes de recherche.

Toutefois, il doit lutter contre un flot incessant d’avis à l’emporte-pièce sur Internet, un vaste hyper-univers de promesses douteuses émanant d’innombrables « experts » autoproclamés en matière de santé physique et mentale, de célébrités qui endossent ces idées et d’autres encore, regroupés sous la bannière du vocable fourre-tout de « bien-être ». Il s’agit d’un espace immense qui est peu réglementé, et dans lequel de nombreux influenceurs peuvent s’installer et proposer librement des conseils allant du plus mignon au plus mortel.

Faut-il tout rejeter en bloc? Non. Par exemple, vous pourriez choisir de dépenser de jolies sommes pour un programme de repas vaguement spirituel qui suit les tendances du moment. Ce sera sans doute délicieux, même réconfortant. Mais il y a aussi des cas plus sombres, comme celui de Kirby Brown, qui a participé à une retraite de « guerriers spirituels » en Arizona. En 2009, Kirby Brown et deux autres participants sont décédés lors de la dernière activité de la retraite, à savoir une piètre imitation d’une « hutte de sudation » autochtone. Une vingtaine de participants ont aussi été transportés dans des hôpitaux à proximité.

Sécurité des consommateurs

La famille Brown a canalisé son chagrin dans une organisation dénommée SEEK Safely, vouée à sensibiliser le public aux préjudices potentiels de l’industrie du bien-être, fournir des renseignements aux consommateurs et promouvoir la sécurité et la responsabilité. Stea raconte cette histoire dans un livre titré « Saving Your Mental Health from the Wellness Industry » (ou comment protéger sa santé mentale face à l’industrie du bien-être).

De quoi devons-nous être protégés? Et bien, cela dépend. Stea raconte l’humanité avec humilité, reconnaissant nos contradictions, nos défauts et les circonstances changeantes dans lesquelles nous évoluons. Il fait part de son expérience personnelle de proche aidant, confronté à la frustration de traitements inefficaces. Jeune, il se sentait désemparé face aux limites de la science. Comment se fait-il qu’une science ayant la capacité d’envoyer un homme sur la Lune puisse du même coup plonger ses proches dans un « brouillard d’incertitude médicale »?, s’interroge-t-il.

En tant que simple mortel qui finira par tomber malade, l’auteur se demande comment il pourrait réagir à un tel événement. « Est-ce que je me tournerai vers les cristaux de guérison? Peut-être. Le désespoir nous pousse parfois à des extrémités. »

Une telle vulnérabilité dans les moments de crise peut exposer les gens à être exploités alors qu’ils sont probablement en quête de croissance, d’un sens plus profond, d’une connexion et d’un point d’ancrage paisible dans un monde où règnent le chaos et la confusion. De surcroît, les traitements inefficaces produisent des effets néfastes, vident vos poches et sapent la confiance envers les fondements scientifiques. En revanche, souligne Stea, certains traitements de mieux-être arrivent à offrir un sentiment de réconfort et de chaleur face à un système de santé fragmenté qui n’a pas toujours le temps de fournir des soins chaleureux ou des services rassurants au chevet des patients. Il faut seulement savoir faire la différence.

A cat with orange fur
Plus qu’un toutou: Votre thérapeute est-il réel ou félin? Le cas de George le chat illustre l’importance de connaître la réglementation à laquelle les professionnels du bien-être sont assujettis dans votre région.

Stea semble rempli d’espoir et de confiance envers la capacité des gens à trier un tas d’informations. J’essaie de partager ce point de vue, mais je m’interroge souvent sur notre aptitude à évaluer en permanence les données reçues pour prendre des décisions réfléchies.

La plupart des gens, qui traversent la vie à des vitesses vertigineuses, s’arrêtent-ils pour réfléchir à leurs erreurs de raisonnement et de logique « préférées »? J’aime bien la notion de conscience de soi, mais ce n’est pas tout le monde qui en fait preuve tout le temps, et encore moins dans les situations tendues, comme celles perpétuées par les interactions en ligne et les algorithmes.

La clé est de la faire évoluer. « Cette conscience est notre amie lorsqu’il s’agit de comprendre la légitimité de certaines évaluations, diagnostics et traitements liés à la santé mentale », écrit Stea. Au-delà des méthodes scientifiques quantitatives et qualitatives, l’auteur évoque les modes de connaissance autochtones, qui ne doivent pas être instrumentalisés, ainsi que la valeur du savoir expérientiel passé et présent, qui permet aux gens de partager des points de vue subjectifs sur leur vie, les événements qu’ils vivent et leurs idées.

À surveiller

Stea donne des conseils utiles pour acquérir des connaissances scientifiques et vulgarise les concepts d’essais contrôlés randomisés et d’autres processus fondés sur des données probantes. Il met en garde contre le jargon pseudo-clinique qui prétend être scientifique, mais ne se conforme pas aux méthodes de recherche. Voici un indice de taille : le refus de se soumettre à des examens par les pairs.

« La science est une machine autocritique », explique-t-il. « La révision par les pairs consiste essentiellement à demander à des experts d’un domaine scientifique d’évaluer les travaux des autres et de déterminer s’ils sont acceptables ou non, explique-t-il. Les promoteurs des pseudosciences sont experts dans l’art d’esquiver le processus d’évaluation par les pairs. Ils l’évitent complètement ou s’autopublient sur des blogues, des sites Web, des bulletins d’information ou des réseaux sociaux. Ils prétendent que leurs théories préférées ne peuvent pas être vérifiées de manière adéquate avec les méthodes scientifiques actuelles, ou ils imputent à l’élite scientifique un préjugé défavorable à leur égard », écrit-il.

Stea démystifie le concept de science dans son ensemble, en soulignant qu’il s’agit d’un outil et d’un processus, et non d’une doctrine en laquelle il faut croire. « La science n’est pas un Dieu. Ni une licorne. »

Scepticisme sain

Pour endiguer ce phénomène, Stea propose une pratique facile à mettre en œuvre : dompter son moteur de recherche. En gros, explique-t-il, c’est comme aller faire ses courses à l’épicerie et éviter les achats impulsifs. La clé : se préparer une liste. « Quelles sont les raisons de votre recherche en ligne? Le fait de savoir ce dont vous cherchez – par exemple, trouver un thérapeute ou des moyens d’améliorer votre santé – peut vous éviter de tomber dans des pièges », explique-t-il.

Un esprit critique à l’égard des informations en ligne est un atout précieux pour se frayer un chemin dans un espace virtuel surchargé. Si vous avez besoin d’un rappel, vous pourrez toujours choisir George le chat comme fond d’écran. Un chat domestique orange et blanc a été enregistré en tant qu’hypnothérapeute auprès de trois organismes professionnels britanniques par un journaliste de la BBC, révélant ainsi les failles de la certification et des titres de compétences. Cet exemple, bien qu’amusant, peut servir de rappel. « Nous tombons tous, à des degrés divers, dans le panneau des fausses nouvelles scientifiques, et il est plus facile, avec le recul, de comprendre notre méprise », écrit Stea.

Apprendre de ces erreurs et se doter de connaissances médiatiques et scientifiques peut offrir une structure et un certain contrôle face aux fausses nouvelles scientifiques qui se multiplient.

Lecture complémentaire : Club de lecture – Ça n’existe que dans sa tête : comment les préjugés sexistes nuisent à la santé mentale des femmes

Ressource : La désinformation en ligne : Si du contenu en ligne vous fait sourciller, vous devez vous questionner.

Les points de vue et les opinions exprimés dans cet article appartiennent uniquement à l’auteur(e) et ne représentent pas nécessairement les politiques officielles de la Commission de la santé mentale du Canada.

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