Si vous êtes en état de détresse, veuillez appeler ou texter le 988 n’importe quand. En cas d’urgence, appelez le 9-1-1 ou rendez-vous à votre service d’urgence local.

Le VecteurConversations sur la santé mentale

La Journée mondiale de la prévention du suicide a lieu tous les ans le 10 septembre. Cette année, la Journée se déroulera sous le thème « Changer le discours sur le suicide ». Ce thème vise à transformer notre perception d’un problème complexe. Nous devons délaisser la culture du silence et de la stigmatisation au profit d’une culture d’ouverture, de compréhension et de soutien.

Si vous avez perdu espoir et que vous avez du mal à vous en sortir, si vous avez des idées suicidaires ou si vous vous inquiétez pour quelqu’un qui en a, appelez ou envoyez un texto au 9-8-8 à n’importe quel moment du jour ou de la nuit.

Un soir, il y a quelques années, Aja Sax s’est retrouvée seule dans son appartement, complètement submergée par des idées suicidaires. Elle avait déjà connu de tels états, mais jamais avec autant d’intensité.

« Dans les jours qui ont précédé mon épisode le plus sombre, je voulais mettre fin à mes jours, car je ne voyais pas comment les choses pourraient s’améliorer, se souvient-elle. Je croyais ne plus jamais pouvoir être heureuse. »

Aja ajoute que, d’aussi loin qu’elle se souvienne, elle a toujours vécu des épisodes de dépression.  À l’âge de 12 ans, elle a demandé à ses parents de l’aider à obtenir une aide professionnelle, en vain. « Mon père m’a ri au nez. Et ma mère s’est exclamée : “Qu’est-ce qui pourrait bien te déprimer à ton âge?” ».

Jeune adulte, lorsqu’elle se confiait à des amis, elle avait l’impression que beaucoup d’entre eux « invalidaient » ce qu’elle ressentait et lui conseillaient tout bonnement de méditer ou de faire du yoga au lever du soleil. Heureusement, elle a aussi reçu du soutien – en ligne et en personne – de gens qui la prenaient au sérieux et qui semblaient deviner exactement comment et quand se préoccuper d’elle. L’une de ces personnes l’a même aidée à traverser sa pire nuit et à prendre des mesures pour demander de l’aide au matin.

« Ces relations virtuelles m’ont sauvé la vie », assure-t-elle.

Des statistiques qui font frémir

Selon l’Organisation mondiale de la Santé, plus de 700 000 personnes meurent par suicide chaque année dans le monde. Dans la plupart des pays, le taux de suicide est plus élevé chez les jeunes que dans les autres groupes démographiques, y compris au Canada, où le suicide est la deuxième cause de décès chez les jeunes adultes de 18 à 34 ans.

Pour lutter contre cette épidémie et réduire les taux de suicide, il faut absolument changer un certain discours susceptible de causer encore plus de tort et le remplacer par des paroles qui, comme en témoigne Aja, peuvent sauver des vies. Pour ce faire, la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC) a récemment lancé #ClavardagePrudent, une ressource conçue pour changer la façon dont nous parlons de l’automutilation et du suicide.

Mis au point par une équipe de prévention du suicide dirigée par la professeure Jo Robinson, d’Orygen, un institut de recherche australien axé sur la santé mentale des jeunes, #ClavardagePrudent constitue le premier ensemble de lignes directrices internationales fondées sur des données probantes et conçues pour aider les jeunes de 12 à 25 ans à parler d’automutilation et de suicide. Il existe également une ressource destinée aux soignants. Les deux outils comprennent des indications claires et exhaustives sur la manière d’éviter les termes et les images risqués ainsi que les déclencheurs émotionnels lors de conversations sur le suicide et l’automutilation.

« Il y a beaucoup d’idées fausses sur la façon dont nous intervenons auprès des gens, et cela découle en partie du langage lui-même, explique Nagi Abouzeid, membre du Conseil des jeunes de la CSMC, inscrit au programme de maîtrise en sciences de la réadaptation à l’Université de Montréal. Les lignes directrices #ClavardagePrudent contiennent une section contenant des expressions dangereuses, comme “commettre un suicide” par opposition à l’expression plus sûre “décéder par suicide”. Les gens utilisent cette terminologie désuète sans vraiment connaître son origine. »

Le choix des mots est important

Avant d’être décriminalisé en 1972 au Canada, le suicide était un acte criminel que l’on « commettait », et les personnes ayant fait une tentative de suicide pouvaient faire l’objet de poursuites. Bien que le suicide ne soit plus un crime depuis plus de 50 ans, les mots « commettre » ou « commis » ont toujours une connotation immorale, ce qui peut susciter un sentiment de honte chez les personnes concernées. Or, la honte peut empêcher une personne en détresse de chercher de l’aide.

L’écrivaine torontoise Doris Sommer-Rotenberg est l’une des premières à avoir sonné l’alerte en ce qui concerne le rôle que joue le langage dans notre perception du suicide. En effet, dans un numéro de 1998 du Canadian Medical Association Journal, elle dénonçait l’utilisation de l’expression « commettre un suicide ». Poussée par le désir de « garder vivante la vitalité » de son fils, un médecin d’une trentaine d’années décédé par suicide, ainsi que par la volonté d’aider à prévenir de pareilles tragédies, elle a contribué à lancer un mouvement visant à corriger le langage du suicide.

En outre, elle a fait campagne pour qu’une chaire de recherche sur le suicide – la première du genre en Amérique du Nord – soit créée au nom de son fils, Arthur Sommer-Rotenberg, à son alma mater, l’Université de Toronto. « Le fait qu’il n’existait encore aucune chaire consacrée au suicide témoigne du silence qui a toujours entouré cette question », fait-elle remarquer.

En 2016, Mme Sommer-Rotenberg a reçu la Médaille du service méritoire du gouverneur général du Canada, en récompense pour son travail de sensibilisation sur le silence et la stigmatisation qui entourent le suicide. Depuis qu’elle a publié son éditorial, il y a 25 ans, on parle davantage du suicide, en partie grâce aux médias sociaux. Toutefois, il reste encore beaucoup à faire dans la manière dont nous en parlons.

« Si les médias sociaux permettent de tisser des liens entre les jeunes, ils peuvent aussi compromettre leur sécurité, explique Nitika Rewari, directrice des Programmes de prévention et de promotion à la CSMC. Nous avons donc la responsabilité d’aider les jeunes à acquérir les outils et les connaissances nécessaires pour communiquer virtuellement en toute sécurité au sujet du suicide et de l’automutilation. Les lignes directrices #ClavardagePrudent peuvent nous aider à y parvenir. »

Souvent, comme on l’a vu plus haut avec Aja Sax, des forums virtuels animés par un intervenant qualifié peuvent aider les participants à obtenir du soutien et des conseils avisés de la part d’autres personnes ayant une expérience vécue du suicide et de l’automutilation. Toutefois, le paysage numérique de la santé mentale abrite également des influenceurs, des sites de conseils sur le suicide et même des productions à gros budget qui peuvent s’aventurer en terrain dangereux.

« La série Netflix Treize raisons met en scène certains des éléments qui, selon nous, ne doivent pas être diffusés. Par exemple, on y traite des moyens par lesquels les gens tentent de s’enlever la vie », explique Mme Rewari, en faisant remarquer que la série aborde des sujets de santé mentale parmi les plus complexes de la société, comme le suicide chez les adolescents, l’intimidation et la toxicomanie. Selon elle, de tels sujets, notamment ceux qui touchent au suicide et à la maladie mentale, mériteraient d’être traités de manière plus sûre, plus délicate et plus responsable, ce qui éviterait de stigmatiser le suicide et encouragerait les téléspectateurs à offrir de l’aide ou à en demander lorsqu’ils en ont besoin.

Des ressources utiles

Si certains débattent encore du lien de causalité entre cette série et l’augmentation du taux de suicide pendant le mois où elle a été diffusée, les auteurs d’une étude menée aux États-Unis affirment pour leur part qu’elle est effectivement associée à une hausse importante du nombre de suicides chez les jeunes. Les chercheurs ont conclu qu’il est justifié de faire preuve de « prudence avant d’exposer un enfant ou un adolescent à cette série ».

Grâce aux lignes directrices #ClavardagePrudent – extraordinairement claires et directes – les gens qui prennent part aux discussions et les créateurs de contenu peuvent apprendre facilement à se servir des avertissements de sensibilité et à éviter les images, thèmes ou termes risqués.

« En tant que jeune adulte, j’apprécie vraiment le caractère pratique des suggestions, affirme Alisha Haseeb, inscrite à un programme de premier cycle en Sciences de la santé à l’Université McMaster, et membre du Conseil des jeunes de la CSMC.

Dans ces lignes directrices, on ne se contente pas de proposer des pratiques exemplaires. On offre des solutions de rechange concrètes et réalisables. On explique pourquoi certaines méthodes de conversation et de communication sont plus efficaces que d’autres, ce qui démontre que ces lignes directrices sont ancrées dans une pratique fondée sur des faits. Elles nous incitent à prendre des décisions qui reflètent nos intentions. »

Elle ajoute : « Je pense que la lecture de ces lignes directrices est un excellent moyen de réfléchir aux termes que nous utilisons, aux effets qu’ils ont et au type de message que nous envoyons. »

C’est grâce à la méthode utilisée par la professeure Jo Robinson pour mettre au point #ClavardagePrudent que ces lignes directrices sont si accessibles. En effet, l’équipe de prévention du suicide d’Orygen a consulté un large éventail de personnes représentant différentes cultures du monde entier, ce qui va bien au-delà du processus habituel d’évaluation par les pairs, généralement limité à d’autres universitaires et chercheurs.

« Ce qui me donne confiance en cette ressource, c’est qu’elle a été conçue en collaboration avec des jeunes qui ont vécu l’expérience de l’automutilation ou du suicide, ou qui ont aidé quelqu’un qui s’automutilait ou qui était suicidaire, explique Mme Haseeb. Je pense qu’il y a trop souvent un décalage entre, d’une part, la génération qui conçoit les services et les lignes directrices destinés aux jeunes et, d’autre part, la façon dont les jeunes utilisent réellement ces services. »

Une telle approche a facilité l’adaptation de #ClavardagePrudent dans 14 pays outre l’Australie, dont la Corée du Sud, le Nigeria, la Finlande, le Brésil et, bien sûr, le Canada.

« Je suis ravie d’avoir collaboré avec la CSMC pour publier les lignes directrices #ClavardagePrudent partout au Canada, déclare Jo Robinson, d’Orygen. Plus que jamais, il est crucial de donner aux jeunes autant qu’aux parents et aux prestataires de soins de la communauté, des outils pour discuter d’automutilation et de suicide en toute sécurité sur les plateformes numériques. Ensemble, nous espérons créer un espace virtuel plus sûr pour les jeunes et faire en sorte que les personnes à risque demandent plus facilement de l’aide. »

Ressource: #ClavardagePrudent – Un guide pour communiquer en ligne en toute sécurité au sujet de l’automutilation et du suicide.

Lecture complémentaire: Survivre au suicide d’un être cher : Surmonter la stigmatisation, le chagrin et la perte et emprunter le chemin de la guérison, de l’espoir et du soutien auprès d’une communauté après le décès par suicide d’un être cher. Une histoire personnelle.

Author: , Ph. D., est historienne et s’intéresse aux enjeux sociaux. Son travail est régulièrement publié dans le Globe and Mail et le Toronto Star. Elle a remporté un Prix du magazine canadien et elle a signé plusieurs livres.
Les points de vue et les opinions exprimés dans cet article appartiennent uniquement à l’auteur(e) et ne représentent pas nécessairement les politiques officielles de la Commission de la santé mentale du Canada.

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