Si vous êtes en état de détresse, veuillez appeler ou texter le 988 n’importe quand. En cas d’urgence, appelez le 9-1-1 ou rendez-vous à votre service d’urgence local.

Le VecteurConversations sur la santé mentale

Ce numéro à trois chiffres, facile à retenir, pour la prévention du suicide, permet aux personnes ayant besoin d’un soutien immédiat d’appeler ou d’envoyer un texto pour obtenir de l’aide.

Au début du mois de novembre, l’acteur américain Mark Duplass a fait une publication sur Instagram au sujet de ses problèmes de santé mentale, tenant notamment un espace en direct pour discuter de ses stratégies d’adaptation, y compris « le déni temporaire d’une partie de l’obscurité lourde pour pouvoir me concentrer sur la lumière ». 
 
L’acteur, qui a joué dans The Morning Show et The Mindy Project, a encouragé ses abonnés à composer le 988, un service d’appel et de messagerie accessible en tout temps, qui existe aux États-Unis depuis juillet 2022. Mentionnés dans chaque publication, référence, article et conversation, ces trois chiffres pourraient bientôt être connus de toutes et de tous, comme c’est le cas pour le 911.
 
La ligne d’aide 988 pour la prévention du suicide a été lancée au Canada le 30 novembre. Cela signifie que n’importe qui, n’importe où au Canada, peut obtenir de l’aide par téléphone ou par texto 24 h sur 24.
 
En composant ou en envoyant un texto au 988, les appelants obtiendront un soutien bilingue, adapté à leur culture et tenant compte des traumatismes de la part d’intervenants formés.
 
Bien que le service soit conçu pour répondre aux personnes à risque de suicide, personne ne sera refusé. Les personnes qui cherchent à accéder à d’autres services de soutien en santé mentale pourront être dirigées vers d’autres services dans leur région, par exemple.
 
« Cela permettra de sauver des vies », déclare Michel Rodrigue, président et directeur général de la Commission de la santé mentale du Canada. « Le service 988 est bien plus qu’un numéro; c’est un soutien essentiel. Un simple appel en temps de crise peut marquer un tournant. Cette ligne d’écoute téléphonique permet de briser le silence et d’aider les gens ».
 
Comment fonctionne le service?
L’appelant peut composer le 988 ou envoyer un texto à ce numéro et il recevra un bref message lui confirmant qu’il est au bon numéro. On lui posera des questions de base, par exemple, s’il souhaite parler à quelqu’un en anglais ou en français. L’appelant est ensuite mis en relation avec un intervenant dûment formé de sa collectivité, qui l’écoutera et le soutiendra.
 
Les appels et les textos au 988 sont confidentiels. Aucun renseignement permettant d’identifier une personne ne sera divulgué ou partagé en dehors du réseau 988, sauf si la loi l’exige ou le permet, ou lorsque la situation nécessite une intervention d’urgence.
 
Le service repose sur des approches collaboratives axées sur la personne, privilégiant les interventions les moins intrusives pour accroître la sécurité. En cas de risque immédiat pour la sécurité d’une personne, le service des urgences peut être appelé.
 
Ce service a été mis en place par le gouvernement du Canada et est offert par le Centre de toxicomanie et de santé mentale sous la forme d’un modèle communautaire décentralisé, par l’intermédiaire de plus de 39 centres et organismes partenaires dans tout le pays, y compris des centres de détresse et des lignes d’écoute téléphonique, ainsi que des organismes nationaux, comme Jeunesse, J’écoute, et locaux, comme South Asian Canadians Health and Social Services (SACHSS), un organisme sans but lucratif situé à Brampton, en Ontario. Les intervenants locaux qui répondent aux appels et aux textos sont formés selon des modèles de prévention du suicide certifiés et reconnus mondialement, comme la formation appliquée en techniques d’intervention face au suicide, aussi appelée ASIST en anglais.
 
Kathyrn Leroux a suivi cette formation. Elle est responsable des médias, du marketing et de la communication au Centre de détresse d’Ottawa et de la région, l’un des centres affiliés à la ligne d’aide téléphonique 988. Les appels provenant des indicatifs 613 et 343 sont dirigés vers le centre. Les intervenants suivent la formation ASIST dans le cadre de leur formation de 60 heures, qui couvre tous les aspects du service, du système téléphonique à l’écoute active, en passant par l’intervention en cas de crise. 
 
Comme les intervenants vivent dans les collectivités locales, ils disposent des connaissances locales nécessaires pour orienter les appelants vers d’autres services sociaux ou d’urgence au besoin. Lorsqu’un appel provenant d’une autre collectivité ou d’une autre ville est transféré à un centre en raison d’un volume d’appels trop élevé, les intervenants s’appuient sur des services comme le 211, une base de données de services de soutien communautaires, pour orienter les appelants. Le fait de désigner des centres auxquels transférer les appels permet d’éviter les longs délais d’attente et de s’assurer que les centres sont en mesure de répondre à la demande. Lorsqu’il y a du temps d’attente, les appelants recevront un message les encourageant à rester en ligne ou dans le fil de discussion.
 
Enseignements tirés des États-Unis
Les préoccupations quant à la capacité ont été examinées dans le cadre d’études sur le déploiement du 988, notamment un document d’information de la Commission de la santé mentale du Canada publié en 2021, soulignant qu’une nouvelle ligne pourrait également accroître le volume d’appels – parfois au-delà de la capacité à doter le service en personnel. Les responsables du déploiement au Canada ont pu s’inspirer des États-Unis et des Pays-Bas – où le numéro est le 113 – pour se faire une idée de la situation avant la mise en œuvre.
 
Aux États-Unis, près d’un milliard de dollars a été investi dans ce service, qui a répondu à près de 5 millions de contacts depuis juillet 2022. Selon le Substance Abuse and Mental Health Services Administration (administration des services de santé mentale et d’abus de substances) du gouvernement américain, le temps de réponse moyen est passé de 2 minutes 39 secondes à 41 secondes au cours de la première année, et le service est soutenu par plus de 200 centres d’appel locaux et publics. Au fil du temps, le service 988 aux États-Unis s’est enrichi de services de texto et de clavardage en espagnol et de services spécialisés pour les jeunes 2ELGBTQI+. Parmi les développements à venir, mentionnons des services de vidéoconférence pour mieux servir les personnes sourdes et malentendantes. À mesure que le service se bonifie, d’autres campagnes publiques pourraient s’avérer nécessaires. Un article récent du USA Today a montré qu’un an après sa mise en œuvre, peu de gens (13 %) aux États-Unis connaissaient l’existence du service 988. 
 
Au Canada, la mise en place et la gestion du 988 représentent une tâche complexe. Un service doit être conçu en tenant compte de l’immensité, de la diversité et des principes d’inclusion du pays, en plus des considérations techniques. Par exemple, à Terre-Neuve-et-Labrador, dans le nord de l’Ontario et à Yellowknife, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a dû mettre en place le numéro à 10 chiffres avant de mettre le 988 en service.
 
Les Canadiens commenceront à voir des renseignements circuler sur les médias sociaux d’ici février, à mesure que le service est mis en œuvre et que les fournisseurs de services s’adaptent. Au Canada, le service 988 est financé par le gouvernement canadien à raison de 158 millions de dollars sur trois ans. 
 
Au fur et à mesure de son déploiement, 988 fournisseurs suivront le nombre de contacts (appels et SMS), les temps d’attente et le taux d’abandon – lorsqu’un appelant ou un texteur met fin au contact avant de se connecter avec un intervenant – dans le but d’améliorer les délais de service.
 
Parlez-en rapidement, parlez-en souvent
Cette phrase – « Parlez-en rapidement, parlez-en souvent » – sert de raccourci pour les intervenants et pour toute personne participant à des conversations sur le suicide. Elle insiste sur le dialogue ouvert, direct et sans jugement qui est au cœur des initiatives de formation.
 
« Le discours est important », explique Mme Leroux du Centre de détresse d’Ottawa. « Nous voulons nous éloigner des questions du genre “Pensez-vous à vous faire du mal?” et poser des questions plus directes comme : “Pensez-vous au suicide?”, puis “Avez-vous fait quoi que ce soit pour vous faire du mal aujourd’hui?”. Cela permet vraiment de se concentrer sur le sujet, cela aide les gens à s’ouvrir et à se sentir à l’aise. Cela montre que vous êtes prêt à en parler et à le faire de manière directe, et permet de déterminer où les gens se situent et de leur apporter l’aide dont ils ont besoin ».
 
Les intervenants sont formés pour désamorcer les crises à l’aide d’une série de questions permettant de déterminer l’ampleur du problème et les prochaines étapes. Selon Mme Leroux, quel que soit l’appel, l’objectif est le même : mettre les gens en sécurité ou leur proposer un plan de sécurité.
 
L’ampleur du problème
Au Canada, le suicide demeure un problème de santé publique important qui touche des personnes de tous âges, de tous genres et de tous milieux. Certaines communautés canadiennes sont touchées de manière disproportionnée par le suicide, notamment les filles, les hommes et les garçons, les personnes purgeant une peine fédérale, les survivants d’une perte par suicide ou d’une tentative de suicide, les personnes 2ELGBTQIA+ et certaines communautés des Premières Nations, des Métis et des Inuits.
 
Selon Statistique Canada, environ 4 500 personnes meurent par suicide chaque année au pays, soit environ 12 personnes par jour. Pour chaque personne qui décède par suicide, de nombreuses autres sont en proie à des pensées suicidaires ou font des tentatives de suicide.
 
Les causes du suicide sont complexes : elles sont d’ordre biologique, psychologique, social, culturel, spirituel, économique, et autres. Selon Edwin S. Shneidman, un éminent chercheur dans le domaine, les personnes qui songent au suicide et qui font une tentative de suicide désirent mettre fin à une douleur psychique profonde et intense. Notre façon d’en parler importe. Des représentations et des messages sûrs, factuels et responsables sur le suicide et sa prévention peuvent avoir une incidence positive sur la prévention des décès par suicide.
 
Pour avoir une incidence réelle et positive lorsque l’on parle du suicide, il faut décrire les mesures à prendre pour le prévenir et donner des exemples porteurs d’espoir et de résilience quant au rétablissement, et présenter les ressources disponibles pour obtenir de l’aide et du soutien.
 
Changements sociétaux
C’est ainsi que le discours évolue.
En juin, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a publié un rapport intitulé Se laisser guider par les résultats : repenser le Cadre fédéral de prévention du suicide, dans lequel il formule une série de recommandations, dont les suivantes :
 
  • reconnaître l’impact de la consommation de substances sur la prévention du suicide au Canada et financer la recherche sur les interventions;
  • créer une base de données nationale permettant de mieux recueillir les données nationales sur le suicide, les tentatives de suicide et les mesures de prévention efficaces;
  • remplacer les axes d’« espoir » et de « résilience » mentionnés dans le Cadre par ceux de « sens » et de « connectivité ».
Ce changement de langage fait écho à d’autres perspectives. Par exemple, dans de nombreuses communautés autochtones, des termes comme « promotion de la vie » ou « mieux-être » sont plus souvent utilisés pour aborder le sujet. Le Cadre du continuum du mieux-être mental des Premières Nations — mis au point par Thunderbird Partnership Foundation, avec des partenaires autochtones et non autochtones — souligne que l’espoir, le sens, le sentiment d’appartenance et le fait d’avoir un but sont le socle de nombreuses formes de savoirs autochtones. Comme l’explique le Cadre, si ces quatre aspects sont en harmonie dans la vie quotidienne d’une personne, elle éprouve un sentiment de plénitude qui la protège et agit comme un amortisseur contre les troubles de santé mentale et de possibles comportements suicidaires.
 
Moira Farr, autrice d’After Daniel : A Suicide Survivor’s Tale (Le récit d’une survivante du suicide), qui traite du décès de son conjoint, s’est entretenue avec Le Vecteur plus tôt cette année. Journaliste et formatrice, elle effectue des recherches et écrit sur divers sujets pour des publications nationales et internationales. Elle a remarqué un changement de discours depuis la publication de son livre, en 1999.
 
« Je dirais que depuis 20 ans, les gens parlent plus ouvertement des problèmes de santé mentale, y compris du suicide, explique-t-elle. Les campagnes visant à faire connaître comment et où obtenir de l’aide et à amener les gens à parler plus honnêtement de leurs propres problèmes de santé mentale me semblent avoir été une force positive », ajoute-t-elle.
 
En encourageant la compréhension et l’empathie, nous pouvons créer un environnement dans lequel les gens se sentent en sécurité et à l’aise de parler de leurs problèmes de santé mentale. Cela signifie qu’il faut aussi reconnaître que le fait de demander de l’aide est un signe de force – et non de faiblesse – et que la santé mentale est tout aussi importante que la santé physique.
 
« La création de cette ligne d’écoute téléphonique souligne la réalité et l’importance de la prévention du suicide », déclare M. Rodrigue, directeur général de la Commission de la santé mentale du Canada. « Cela démontre bien que le suicide est un problème de santé publique important qui touche des personnes de tous âges et de tous horizons, et qu’il est possible de le prévenir. Il s’agit d’un effort collectif qui permettra de sensibiliser un plus grand nombre de Canadiens afin de favoriser leur bien-être. » 
 
Outils et ressources
Auteure : est gestionnaire des communications à la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC).
Les points de vue et les opinions exprimés dans cet article appartiennent uniquement à l’auteur(e) et ne représentent pas nécessairement les politiques officielles de la Commission de la santé mentale du Canada.

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