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Le VecteurConversations sur la santé mentale

La mobilisation de l’ensemble de la communauté scolaire (parents, pairs, éducateurs) peut atténuer les effets néfastes à long terme de l’intimidation. Voici un tour d’horizon des modèles prometteurs permettant de créer des environnements plus accueillants pour les enfants.

L’intimidation, notamment la cyberintimidation, est un phénomène de plus en plus répandu et inquiétant. Un enfant sur trois a déjà été victime d’intimidation à un moment de sa vie, mais les conséquences à long terme sur les jeunes et les adultes sont parfois dévastatrices. De plus en plus de données attestent de ses effets néfastes sur la santé mentale et physique. Des études montrent également qu’il peut y avoir des répercussions durables sur le plan social et financier.

« La vie est ainsi faite »
Contrairement aux attitudes sociales qui perdurent, nous savons aujourd’hui que l’intimidation ne fait pas partie intégrante de la croissance et n’est pas un rite de passage anodin. Les enfants et les adolescents qui subissent de l’intimidation sont beaucoup plus susceptibles de développer des symptômes psychosomatiques que ceux qui y échappent. Parmi les problèmes liés à l’intimidation couramment signalés figurent une santé fragile, une perte d’appétit, des troubles du sommeil, des maux de tête, des douleurs abdominales, des difficultés respiratoires et de la fatigue.

Pour Eric, l’intimidation a commencé à l’école primaire : les intimidateurs qui le prenaient pour cible ont mené une incessante et pénible offensive contre lui. Il se souvient des effets de cette intimidation : de l’anxiété, des maux de tête, des nausées, une perte de poids et une dégradation complète de son estime de soi. Mais il ne s’agissait pas là des seuls soucis d’Eric. Après deux ans, sans espoir à l’horizon, il a atteint son point de rupture : « Je me fichais de vivre ou de mourir », dit-il. Sa famille, qui cherchait désespérément de l’aide, s’est tournée vers un psychiatre, lequel a décidé de retirer Eric de l’école et de lui faire suivre un traitement intensif. Heureusement, après un certain temps, le vent a changé pour lui. En fait, il est devenu en quelque sorte le défenseur des laissés-pour-compte parmi ses camarades. Aujourd’hui, Eric se dit « chanceux ».

Les jeunes victimes d’intimidation peuvent se sentir isolés, avoir du mal à faire confiance aux gens et être privés d’amitiés positives. Les jeunes qui en viennent à croire qu’ils ne peuvent rien faire pour changer leur situation peuvent tout simplement baisser les bras. Ce sentiment d’échec peut également conduire au désespoir et à la certitude qu’il n’y a pas d’issue, souvent parce qu’ils estiment que le fait d’en parler à quelqu’un ne changera rien. Ils pourraient aussi choisir de souffrir en silence plutôt que de risquer d’aggraver la situation ou encore s’imaginer que l’intimidation finira par cesser s’ils se taisent.

Lorsque les jeunes victimes d’intimidation deviennent des adultes, ils sont susceptibles d’avoir des difficultés relationnelles et d’éviter les interactions sociales. Les problèmes d’estime de soi et de confiance envers les autres peuvent miner les relations personnelles importantes ainsi que leur vie sociale et professionnelle. Les victimes d’intimidation présentent également un risque accru de troubles émotionnels à l’âge adulte, notamment de troubles dépressifs et anxieux, de troubles paniques, d’anxiété généralisée et de suicide.

« Selon les données probantes, un grand nombre d’épreuves vécues pendant l’enfance ont des effets négatifs à long terme sur la santé mentale et physique, a déclaré le Dr Keith Dobson, professeur de psychologie clinique à l’Université de Calgary. De plus, la littérature récente démontre un lien étroit entre l’intimidation et la dépression et d’autres problèmes de santé ultérieurs. »

Modèles de comportement
Pourquoi y a-t-il encore de l’intimidation? De nombreux experts dénoncent l’absence d’une approche systématique du problème à l’école. Longtemps, c’est aux enseignants que revenait la tâche de lutter contre les comportements d’intimidation, mais ils devaient d’abord en être témoins. Par ailleurs, la responsabilité de signaler le problème incombait souvent à l’étudiant, de sorte qu’une grande partie du problème ne faisait jamais l’objet d’un signalement.

Teacher talking to student

C’est là qu’intervient la prévention proactive de l’intimidation.

Il existe de nombreuses recherches consacrées aux interventions contre l’intimidation, et plusieurs programmes scolaires ont fait l’objet d’une évaluation scientifique. Certains, comme le programme KiVa en Finlande, se concentrent sur la mobilisation des témoins d’actes d’intimidation. Ils s’appuient sur le pouvoir de la réaction des pairs pour inhiber ou encourager ce type de comportement.

D’autres programmes cherchent plutôt à créer activement un environnement scolaire plus agréable. Le plus réputé d’entre eux, le programme Olweus pour la prévention de l’intimidation, est également le plus éprouvé. Mis au point par le regretté psychologue suédois et norvégien Dan Olweus, il repose sur l’idée que l’intimidation découle souvent de la tolérance générale et culturelle à l’égard de la victimisation. Dans cette optique, le programme aborde l’intimidation du point de vue de l’ensemble de l’écosystème des écoles.

Le programme Olweus agit donc en changeant le climat social entourant l’intimidation : en sensibilisant les étudiants, en adoptant des normes contre l’intimidation et en faisant en sorte que les enseignants communiquent clairement leurs positions contre l’intimidation. Mais le programme va bien au-delà de la simple dynamique entre étudiants et enseignants. En effet, tous les adultes de l’école reçoivent une formation élémentaire sur l’intimidation, pas seulement les éducateurs et les administrateurs, mais aussi les membres du personnel de la cafétéria, les conducteurs d’autobus, les concierges, etc.

Le programme est efficace lorsque tous ces adultes agissent comme des modèles positifs, renforcent les bons comportements et refusent la victimisation. Dans le cadre de ce processus, des attentes claires quant aux comportements acceptables, ainsi que les conséquences du non-respect de ces attentes, sont établies. En rompant avec la culture du secret qui entoure les actes d’intimidation, chaque personne contribue à favoriser un 

milieu où il est approprié et souhaitable de signaler ces agissements. Lorsque la lutte contre l’intimidation devient la responsabilité de chacun, la culture de l’école s’en trouve rapidement imprégnée.

Les recherches confirment le succès des programmes scolaires visant à réduire les comportements d’intimidation. De fait, une étude récente portant sur 69 essais cliniques randomisés a conclu que ces interventions réduisent non seulement l’incidence de l’intimidation et de la victimisation, mais améliorent de surcroît la santé mentale des étudiants.

Une communauté bienveillante
Si les parents s’engagent dans la prévention de l’intimidation, et surtout s’ils y participent activement, le programme scolaire connaîtra encore plus de succès. Les parents sont à même de donner le bon exemple en se mobilisant, en sensibilisant et en appuyant les mesures de lutte contre l’intimidation.

Mais comme l’intimidation ne se limite pas aux corridors de l’école et à la cour de récréation, et que les enfants victimes d’intimidation ne sollicitent pas forcément de l’aide, les parents et les éducateurs doivent également être à l’affût des signes avant-coureurs. Il peut s’agir notamment de blessures inexpliquées, de vêtements, de livres, d’appareils électroniques ou de bijoux perdus ou endommagés, de maux de tête ou d’estomac fréquents, de symptômes de maladie ou de prétextes pour les simuler, ou encore de changements dans les habitudes alimentaires (comme le fait de soudainement sauter des repas ou de faire des excès de nourriture). Dans cette situation, il est possible que les jeunes rentrent de l’école le ventre vide parce qu’ils n’ont pas mangé le repas du midi. Ils peuvent également éprouver des difficultés à dormir ou faire souvent des cauchemars, voir leurs résultats scolaires baisser, perdre tout intérêt pour les travaux scolaires (ou ne plus vouloir aller à l’école), perdre soudainement leurs amis ou éviter les situations sociales, ressentir de l’impuissance ou une baisse de l’estime de soi, ou adopter des comportements autodestructeurs comme faire une fugue ou se mutiler.

Par ailleurs, il est possible pour les parents de donner à leurs enfants les moyens de tenir tête aux intimidateurs. Commencez par aborder la question de l’intimidation et la nature des amitiés saines. De leur côté, les enfants apprendront à signaler les cas d’intimidation dont ils sont témoins. Dans ce cas, il est essentiel que les parents les aident à comprendre pourquoi ils ne doivent pas assister passivement à ce genre de situation et leur offrent des conseils pratiques sur la manière de gérer la situation. De telles actions peuvent faire toute la différence dans l’issue du conflit.

Des programmes comme LA TÊTE HAUTE, offerts par la Commission de la santé mentale du Canada, peuvent également jouer un rôle crucial pour favoriser des milieux scolaires sains en fournissant aux étudiants et aux jeunes les outils, la confiance et l’inspiration nécessaires pour devenir des leaders en matière de santé mentale et de bien-être au sein de leur école et leur communauté.

Si l’intimidation peut avoir des effets négatifs à long terme, ce n’est pas forcément le cas, selon le Dr Dobson. L’important est d’agir et d’intervenir pour le bien des autres et de soi-même. Si vous connaissez un enfant victime d’intimidation, essayez de comprendre ce qui se passe et intervenez si la situation l’exige. Si vous avez été victime d’intimidation et que vous en subissez les conséquences, des ressources sont disponibles pour vous aider à vous rétablir.

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Les points de vue et les opinions exprimés dans cet article appartiennent uniquement à l’auteur(e) et ne représentent pas nécessairement les politiques officielles de la Commission de la santé mentale du Canada.

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