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Êtes-vous en train de lire ces quelques mots dans la salle de bains? Vous ne seriez pas la première personne à le faire.
La culture numérique a envahi des pans intimes de nos vies, dont nos chambres à coucher et tables à manger. Il en va de même pour ces instants autrefois épargnés — comme la file d’attente à l’épicerie ou, plus grave encore, au volant de notre véhicule, un coup d’œil furtif jeté à l’écran.
Ces notes, ces textos, ces fils de nouvelles et ces publications s’accumulent jusqu’à en faire une habitude quotidienne, et cela devient l’essence même de notre vie. Notre espace mental est envahi.
J’entends de plus en plus souvent des gens, proches ou inconnus, affirmer qu’ils veulent reprendre le contrôle de leur cerveau. Ils cherchent des moyens efficaces d’y parvenir, qu’il s’agisse de s’adonner à un nouveau passe‑temps concret comme le piano ou bien d’installer des applications favorisant la concentration.
Réfléchir à la manière des publications Facebook
J’ai lu le livre de Johann Hari, intitulé Stolen Focus: Why You Can’t Pay Attention lors de sa sortie en 2022 et un passage m’a particulièrement marquée.
Dans son livre, l’auteure fait remarquer que les solutions simplistes comme « ne pas toucher à son téléphone » ne sont pas adaptées à la réalité de la conception de ces appareils.
Ils sont en effet pensés pour produire de la dopamine et nous pousser à passer beaucoup plus de temps que prévu, explique Sophie H. Janicke-Bowles, psychologue des médias et professeure associée à l’université Chapman, en Californie, dans Psychology Today. Madame Janicke-Bowles affirme que nous devons nous éduquer aux notions d’utilisation « saine » des technologies.
La technologie diffère selon la vie de chacun
C’est la raison pour laquelle nous avons intitulé cet article « Créer son propre régime numérique ». Ce titre renvoie aux natures distinctes et aux besoins variés qui caractérisent notre consommation technologique. Oui, nous le savons, nous sommes tous en ligne en train de vous conseiller de vous éloigner de l’écran. Mais n’est-ce pas là le défi de notre époque? Un régime numérique n’a pas la même signification d’une personne à l’autre. Par exemple, une collègue se réveille le matin en se répétant la phrase « un moment au soleil avant les heures d’écran » pour donner le ton à sa journée. Pour elle, cela fonctionne à merveille.
Organiser des plans, commander de la nourriture, demander un taxi, fixer un rendez-vous amoureux, trouver une nouvelle chemise ou postuler un emploi sont autant de gestes qui requièrent une interaction avec un écran. Cela pèse lourd sur notre intellect, notre temps, notre concentration, notre estime de soi et nos relations.
Bien sûr, il faut y voir des aspects positifs. À la Commission de la santé mentale du Canada, nous élaborons, promouvons et encourageons l’utilisation d’outils électroniques de santé mentale de qualité, à la fois sécuritaires et adaptés à la culture, afin de pallier les lacunes du système de soins de santé. Des soins de santé mentale sur demande, au creux de votre poche. C’est un plus.
Tout cela pour dire que nous ne pouvons pas arrêter le progrès technologique, mais que nous devons prôner un meilleur contrôle de la manière dont cette technologie est utilisée afin de ne pas hypothéquer nos capacités de concentration.
Regardez vos amis dans les yeux!
Le bar de mon quartier a installé sur le mur et a inscrit sur son menu le message suivant : « Regardez vos amis dans les yeux! » Il s’agit à la fois d’une réprimande et d’une invitation à se déconnecter, puis à s’abandonner à un art perdu, celui du contact visuel et de la conversation entre humains. L’endroit est décontracté, peu éclairé et le service est excellent. Cela devrait suffire à nous éloigner du tourbillon de nos téléphones, mais ce n’est pas le cas. Ce petit rappel, c’est un peu comme si on nous tendait un miroir – hum… quand cette histoire de téléphone est devenue si normale? Si nous avons besoin qu’on nous le rappelle, alors on ne peut pas s’étonner de l’épidémie de solitude qui sévit sur la planète. J’essaie de fréquenter cet endroit. Ailleurs, on a l’impression que tout le monde fixe le regard vers le bas, plus absorbé par un écran que par l’expression des autres personnes.
Un mot du chirurgien
Lorsque le chirurgien général des États-Unis se prononce, on peut affirmer sans trop se tromper que la question est grave. En juin 2024, le Dr Vivek H. Murthy a demandé que des avertissements soient affichés dans les médias sociaux pour sensibiliser les jeunes aux problèmes de santé mentale. Ce genre d’avertissement est prévu pour les problèmes de santé publique importants qui nécessitent une prise de conscience et une action immédiate à l’échelle nationale. Bien que, je dirais, cela ne se limite pas à l’Amérique, car les réseaux sociaux ne connaissent pas de frontières.
Cet avertissement rappelle que l’adolescence étant une période vulnérable pour le développement du cerveau, l’exposition aux médias sociaux au cours de ces années mérite une vigilance accrue. Les contenus extrêmes, inappropriés et préjudiciables continuent d’être largement accessibles aux enfants et aux adolescents, mais en n’oubliant pas que les médias sociaux offrent aussi des interactions positives et un soutien social, en particulier pour les jeunes marginalisés, notamment les minorités raciales, ethniques, sexuelles et de genre.
On y relève que les chercheurs estiment que l’exposition aux médias sociaux peut surstimuler le centre de récompense du cerveau et, lorsque la stimulation devient excessive, il est possible que cela actionne des circuits comparables à ceux de l’usage de substances ou des jeux d’argent.
Les fonctions qui nous rendent « accros » infiltrent notre cerveau : les notifications, la lecture en continu, le défilement infini, les mentions « j’aime » et les symboles de « cœur », sans oublier les algorithmes qui nous présentent perpétuellement tout ce qui nous intéresse. Ding! Ping!
Ressentir les choses
Cette invasion technologique peut se manifester par des réactions fortes : des périodes au cours desquelles on se débranche complètement ou bien on s’engage dans des activités plus tactiles — comme le travail manuel du bois ou la création d’une nouvelle collection de disques de vinyle. Pour plusieurs, il importe également de renouer avec des moments de rencontres en personne, comme au théâtre ou lors de concerts.
J’aime les spectacles où les téléphones sont interdits. Au début de l’année 2024, un spectacle de comédien Trevor Noah m’a donné l’impression d’être vraiment présente. J’ai observé les détails de la configuration de l’ancien théâtre, les réactions des gens, le montage de la scène et les enjeux décortiqués à coups de morceaux d’humour tranchants. Il a fallu le boycottage de nos appareils imposé par les services de sécurité pour que j’arrive à me sentir aussi bien.
Le soulagement de profiter de l’expérience sans être gêné par une mer de petits écrans et de ressentir ce sentiment de collectivité. J’admets que le désir d’immortaliser ces instants sur mon fil d’actualité ou pour mes souvenirs personnels a traversé mon esprit. Mais, je me souviens de l’époque où l’on achetait simplement le chandail du groupe pour montrer que l’on était là.
Je me trouve sur un pont générationnel. Enclavée dans un cadre de référence de la génération X, je me situe à la croisée des mondes virtuels et hors ligne. Je sais ce que c’est que de passer un appel sur un téléphone à cadran (parfois dans une cabine téléphonique) en utilisant un numéro que j’ai mémorisé. J’écris en lettres cursives, j’envoie des lettres par la poste, je règle mes achats en argent, je lis les journaux sur papier. Avant, je trouvais un emplacement grâce à une carte en papier ou un numéro de téléphone dans l’annuaire, je consultais des microfiches, j’enregistrais des cassettes mixtes pour flirter ou pour avoir une monnaie d’échange, je prenais des photos sur pellicule et je devais attendre leur retour dans quelques jours de la boutique spécialisée – ou patienter une heure dans les cas urgents – pour voir le résultat. Je m’interroge souvent sur les différentes expériences des personnes nées avec le numérique.
La tradition de la narration – qu’il s’agisse d’histoires orales ou de mots écrits – pour transmettre un savoir ou partager des récits personnels représente une autre forme de nostalgie d’une époque passée. L’essai The Crisis of Narration de Byung-Chul Han retrace l’évolution de la narration. Autrefois, il s’agissait d’un lien créé autour d’un feu de camp qui nous reliait à notre passé et nous proposait une vision de l’avenir, alors que ces lieux ont aujourd’hui été remplacés par des écrans. L’auteur désigne ce changement comme une transition vers la vente d’histoires, une distinction qui supprime l’aspect artistique et place nos vies personnelles dans un cadre commercial, ce qui est, en substance, ce que nous faisons. Comme le dit l’adage, dans les médias sociaux, vous êtes le produit.
En fin de compte, notre relation avec la technologie est une affaire personnelle. Nous devons concevoir notre régime numérique en fonction de nos réalités, de nos valeurs et de nos besoins, et tenir compte de la manière dont il peut enrichir notre vie. Des choix réfléchis et des pauses intentionnelles permettront d’atténuer certains des effets néfastes de la technologie et de favoriser notre bien-être mental.
Branchez-vous, présentez vos idées sur un usage optimal du numérique, puis débranchez-vous pour vous consacrer à une autre activité. Des livres, les amis, des sorties ou une pause de la technologie. Nous sollicitons toutes les propositions possibles et imaginables pour trouver l’équilibre idéal. Vous, comment faites-nous? Faites‑nous-en part sur les médias sociaux ou par courriel : mhcc@mentalhealthcommission.ca. (Nous n’acceptons pas les cartes postales, mais nous devrions probablement le faire.)
Lecture complémentaire — Soutien technologique : Les services de cybersanté mentale font tomber les obstacles. Nous nous penchons sur le potentiel de l’intelligence artificielle ainsi que sur les stratégies permettant d’éviter certains pièges.
Fateema Sayani
Une habituée des organismes à vocation sociale, ainsi que des salles de presse, où elle a passé plus de 20 ans aux commandes de nombreuses activités, de la stratégie à la collecte de fonds. Ses écrits, qui couvrent une foule de sujets allant des politiques à la culture populaire, sont parus dans des publications de premier plan à la grandeur du Canada et lui ont valu des prix pour ses reportages sur la justice sociale. Forte de ses diplômes, de ses certificats et de ses activités bénévoles, elle s’est donné pour mission de changer l’image des communautés sous-représentées. Malgré son horaire chargé, elle trouve encore le temps de se plonger dans la scène musicale canadienne.
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