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Le VecteurConversations sur la santé mentale

Et qui se manifestent autour de nous : ouragans, incendies, catastrophes naturelles. Les liens entre le climat et la santé mentale – et les moyens de réagir.

Au mois de mars dernier, un petit groupe s’est réuni aux abords du canal Rideau dans un geste symbolique de deuil collectif. Il n’avait pas fait assez froid pour que le tronçon de huit kilomètres de long puisse demeurer gelé, de sorte que l’emblématique patinoire resterait fermée jusqu’à la fin de l’hiver. Cette veillée, organisée par l’association Écologie Ottawa, a permis aux gens de se rassembler et de discuter du changement climatique ainsi que des pertes encourues. Les participants se sont rassemblés en bordure du canal, un lieu dont la mémoire est figée sur tant de cartes postales et de récits de voyage, pour « vivre collectivement [leur] sentiment d’incertitude, sans savoir ce qui [les] attend au cours des années à venir », comme l’indiquait l’invitation électronique.

Le fait que la réalité mondiale du changement climatique a une incidence directe sur notre vie quotidienne – et que nous réalisons que nous ne pourrons bientôt plus nous adonner à certaines activités – nous aide à assimiler un concept catastrophique vertigineux, lequel est susceptible de provoquer des sentiments de chagrin, d’anxiété et d’incertitude.

Mais comme l’a indiqué Trish Audette-Longo, rédactrice d’opinion, dans le Canada’s National Observer, cette situation pourrait-elle aussi nous inciter à passer à l’action? « Sur l’échelle des perturbations climatiques, où notre attention collective se concentre forcément sur les répercussions erratiques des incendies de forêt, des inondations et d’autres pertes, une saison de patinage annulée sur le canal Rideau pourra passer pour un événement anodin », écrit-elle, en soulignant qu’une vision apocalyptique risque d’occulter toute éventualité d’avenir meilleur.

En d’autres termes, au lieu de se projeter dans des scénarios idéalistes, irréalistes ou de fin du monde, il convient de réfléchir à ce que nous pouvons faire maintenant.

Comprendre le mental dans le domaine environnemental
Le terme hyperonyme écoanxiété est utilisé pour décrire un certain nombre d’états émotionnels et mentaux liés à une prise de conscience aiguë du changement climatique ainsi qu’à une détresse concomitante face à ses implications menaçantes pour l’avenir.

Définie par l’American Psychological Association comme une « peur chronique de la catastrophe environnementale », elle se manifeste par la colère, l’épuisement, la phobie et le désespoir. Elle peut causer des réactions d’anticipation, des cauchemars et même une « orthorexie climatique », un trouble évoqué par Britt Wray dans son ouvrage Generation Dread: Finding Purpose in an Age of Climate Crisis, où elle le décrit comme « une obsession pour une alimentation naturelle dans l’intérêt de l’environnement ».

Les habitants des régions en proie à des phénomènes météorologiques extrêmes éprouvent généralement des sentiments intenses de peur et de tristesse liés au climat (tout comme ceux qui en subiront les conséquences au cours des années à venir). Deux personnes sur trois interrogées dans le cadre d’un questionnaire phare de la revue Nature (10 000 personnes âgées de 16 à 25 ans vivant dans 10 pays) ont rapporté avoir ressenti ces émotions. Par ailleurs, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a décrit les répercussions des désastres environnementaux sur la santé mentale dans son rapport d’évaluation de 2022.

Bien que l’écoanxiété ne fasse pas partie de la nomenclature du DSM-5, de nombreuses recherches sont en cours sur le sujet, comme en témoigne le titre d’un article de l’Université d’Helsinki intitulé « Understanding the Mental in Environmental », qui présente les travaux de Panu Pihkala, professeur auxiliaire d’écothéologie. Selon ce dernier, l’une des interventions cliniques pratiquées est celle de la « vision binoculaire », qui consiste, pour les thérapeutes, à aider leurs clients à envisager la coexistence de nombreuses circonstances positives et négatives, au lieu d’entretenir une logique catastrophique consistant à voir les événements comme tous noirs ou tous blancs.

Le renforcement de ce sentiment de résilience est l’un des cinq thèmes qui se sont dégagés d’une étude exploratoire réalisée en 2021 par Pauline Baudon et Liza Jachens sur le traitement de l’écoanxiété. L’étude a été publiée dans un numéro spécial de l’International Journal of Environmental Research and Public Health sur les effets psychologiques du changement climatique. Outre le travail de réflexion des praticiens et leur formation, les autres thèmes mis de l’avant consistaient à encourager les clients à agir, à les mettre en contact avec la nature et à les aider à nouer des liens sociaux de façon à bénéficier d’un soutien émotionnel en s’intégrant à différents groupes.

Après avoir pris connaissance des différentes écoles de pensée, l’étude a révélé que toutes les approches prônaient le travail de groupe pour soutenir le processus émotionnel et mettaient l’accent sur la capacité à relier son ressenti individuel en matière d’écoanxiété à celui des autres et à des enjeux sociaux plus vastes.

Humour noir?
L’une des formes de thérapie de groupe consiste à prendre un sujet grave et à lui insuffler une certaine légèreté. Dans un article du Guardian de mars intitulé How Do You Laugh About Death (ou Comment rire de la mort?), par exemple, les humoristes se servent du changement climatique comme tremplin pour aborder des thèmes difficiles, et pour tenter de jeter un pont entre les polarités politiques et de dialoguer avec les négationnistes. Les participants à la Climate Comedy Cohort, un programme de bourses de neuf mois du Center for Media and Social Impact de l’American University et de l’organisme à but non lucratif Generation180, réalisent des courts métrages et soumettent des idées à des réseaux de télévision sur des questions qui recoupent celles de la race et du travail. L’objectif est de débattre du climat, même de manière irrévérencieuse, afin de stimuler l’engagement civique, ce qui, pour bien des gens, peut se révéler un moteur de changement beaucoup plus motivant que la fatalité. Celles et ceux qui ne se sentent pas encore prêts à rire de sujets délicats peuvent se tourner vers les Carbon Conversations (présentes dans des villes du monde entier), qui vise à aider les gens à affronter leurs craintes concernant le changement climatique. Cette action permet de maintenir leur engagement et leur motivation écologique en vue d’agir et de modifier leur mode de vie de manière durable.

Peut-être en avez-vous déjà fait votre affaire, notamment en adoptant les sacs et les gourdes réutilisables. Bien qu’ils méritent leur place, ces petits changements de mode de vie me rappellent le concept d’optimisme cruel, forgé par Lauren Berlant, théoricienne de la culture à l’Université de Chicago. Il consiste à traiter des problèmes systémiques aux causes profondes, comme la dépression ou l’obésité, en proposant aux gens une solution individuelle simpliste, le plus souvent dans un langage guilleret. Bien que l’idée semble prometteuse pour résoudre un problème majeur, cette solution est en réalité cruelle du fait qu’elle dissimule des causes sous-jacentes derrière des récits néolibéraux de contrôle de soi – comme l’adoption d’un style de vie sain ou l’abonnement à un centre de remise en forme –, ce qui a pour effet de détourner l’attention des gens de la préoccupation principale, puis de retarder la recherche d’éventuelles pistes de solution. Si nous voulons trouver des solutions efficaces au phénomène du changement climatique, il faut que nos échanges et nos actions évoluent au rythme du tic-tac de l’horloge climatique.

Approches collectivistes
Bien que ces choix individuels puissent certes se cumuler, une démarche exclusivement néolibérale risque de nous faire perdre de vue l’ensemble de la forêt au profit d’un seul arbre.

Comme l’a expliqué Matt Hoffman, professeur de sciences politiques à l’Université de Toronto et codirecteur du laboratoire environnemental de l’École Munk, au Toronto Star : il faut créer un mouvement sociétal permettant de faire du changement climatique une question qui transcende les clivages politiques. Chaque citoyen peut exprimer ses préoccupations auprès des élus, aux urnes et à la banque (par exemple en optant pour des investissements sans combustibles fossiles). Ce sont des gestes que les individus peuvent poser pour exercer une pression en amont et parvenir à des réformes systémiques.

La rubrique « Solutions » de The Narwhal, un média canadien à but non lucratif spécialisé dans les questions environnementales, propose des moyens de combiner espoir et action. Cette série brosse le portrait de personnes et de communautés qui réagissent en temps réel aux « systèmes réglementaires défaillants [en] générant des idées en faveur de sociétés plus écologiques et en redéfinissant l’exploitation des ressources naturelles ». Les témoignages visent à inspirer le public en s’intéressant aux problèmes de fond – et à ce qui est mis en œuvre pour tenter de les résoudre. On y aborde notamment les énergies renouvelables et la refonte des lois canadiennes sur l’environnement, en plus d’offrir des conseils sur les gestes de la vie quotidienne.

Le deuil a également sa place dans la mesure où nous sommes tous confrontés aux conséquences du changement climatique. Ce que nous choisissons de pleurer peut mettre en lumière notre dépendance fondamentale à l’égard d’écosystèmes sains et vigoureux, et faire ressortir les responsabilités politiques et éthiques qui sont les nôtres vis-à-vis de ces systèmes, des autres et de la nécessité d’agir. Ce constat est tiré d’un article paru en 2020, intitulé « You Can Never Replace the Caribou (On ne pourra jamais remplacer le caribou) : Inuit Experiences of Ecological Grief From Caribou Declines ». Dans cet article, son autrice principale, Ashlee Cunsolo, évoque les approches collectivistes – la capacité de construire un « nous » – qui renvoient à notre rapport aux autres et à notre responsabilité d’atténuer la dégradation de l’environnement causée par les activités humaines.

Auteure : est gestionnaire des contenus et des communications stratégiques à la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC).

Fateema Sayani est gestionnaire des communications à la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC).

Les points de vue et les opinions exprimés dans cet article appartiennent uniquement à l’auteur(e) et ne représentent pas nécessairement les politiques officielles de la Commission de la santé mentale du Canada.

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