Le VecteurConversations sur la santé mentale
Entre traditions revisitées et effluves de sucreries
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À l’occasion des fêtes de fin d’année, ma voix intérieure se fait particulièrement critique alors que je suis partagée entre la fascination suscitée par un Noël commercial et celle, profondément ancrée, de Kwanzaa. Comment s’orienter dans le dédale des ornements tapageurs, des guirlandes clinquantes et autres atours artificiels du temps des fêtes?
Ce récit est le premier de la série consacrée à la santé mentale pendant les fêtes. Si les festivités de fin d’année peuvent être source de joie, en revanche, elles peuvent aussi éveiller des sentiments de stress et de deuil. Découvrez dans cette collection comment des personnes ont réussi à surmonter ces difficultés.
Tout commence par une joie enfantine. Une effervescence suscitée par la perspective des festivités, de la bonne bouffe, de la convivialité et, bien sûr, des cadeaux. Rien n’est aussi parfait que la période de Noël. Enfin, presque. Quelques tiraillements se mettent de la partie.
Il y a les inquiétudes causées par tant d’excès. En fait, l’inquiétude n’est pas tout à fait le bon terme. Ça ressemble davantage à une sensation de frustration qu’à de l’inquiétude – ou à de la culpabilité, en fait. Vous connaissez ce genre de pensées qui nous traversent l’esprit. Devrais-je me laisser tenter par ces délicieux biscuits? C’est Noël après tout. Combien? Probablement juste un… mais ils sont tout petits. Quelle quantité de beurre et de sucre peuvent-ils contenir? Oh, mais ils sont tellement moelleux – et ils disparaissent si vite. C’est à peine si j’ai eu le temps d’y goûter. Je pourrais en manger deux ou trois… et pourquoi pas dix-sept?
Puis vient la culpabilité. J’ai beaucoup trop mangé. Tout ce beurre et ce sucre. Beurk! Je crois que je sens le durcissement de mes artères. Ensuite viennent les promesses habituelles de faire mieux le lendemain. Demain, je mangerai une salade… mais voilà que quelqu’un m’invite à bruncher. Le lendemain, je soupe avec des amis et, c’est comme ça, je ne les ai pas vus depuis une éternité. On en profite! L’alcool coule à flots! Santé tout le monde! Voilà la meilleure bouteille de rhum de ma vie! Oh, et que dire de ce Côtes du Rhône? Les remords surviennent au petit matin, exprimés de cette voix éraillée que je ne réserve que pour moi-même. Encore raté! Mais la valse entre le plaisir et le châtiment ne fait que commencer.
Je suis charmée par le strass et les paillettes. Toutes ces couleurs et cette luxuriante verdure parfumée. Des dizaines d’ampoules lumineuses tapissent chaque pièce de la maison, évoquant le décor d’un conte de fées. J’adore cette ambiance chaleureuse de Noël. Mais est-ce excessif? Combien de guirlandes puis-je installer avant qu’il y en ait trop? Ces parures sont-elles élégantes ou de mauvais goût? Que signifie l’expression « moins, c’est mieux »? Qu’est-ce que les décorateurs pensent de ce concept?
Je ne tarde pas à me plonger dans les magazines de décoration, chacun offrant des conseils contradictoires. Ma maison n’est pas très grande, et je n’ai pas une flopée de volontaires à ma disposition pour l’ornementer. Quelqu’un pourrait-il aussi m’expliquer pourquoi je voudrais un sapin tout blanc? Ou un complètement rouge? Tout cela ressemble davantage à une stratégie de marketing qu’à la fête de Noël. Une approche plus traditionnelle serait-elle préférable? Honnêtement, pour moi, le chapelet de maïs soufflé suspendu ressemble plutôt à un vecteur d’infestation de souris. Qui plus est, la façon dont le chien reluque le bol de maïs soufflé me pousse à croire que je devrai surveiller le sapin 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Tout cela semble inutilement formel et contraignant. J’ai peut-être un côté démodé.
Combien coûte l’achat de décorations, de nourriture, de cadeaux? Beaucoup trop. Pas assez? Combien de familles se privent alors que je gaspille de l’argent pour acheter les objets les plus inutiles qui soient? Je regarde mes cloches argentées soigneusement posées à côté de mon renne doré et de mon grand bol de babioles scintillantes et je me demande si cet argent n’aurait pas été mieux dépensé à faire un don? Suis-je égoïste et égocentrique?
Toutes ces préoccupations marquent la culmination de mes névroses, dans une période communément appelée le temps des fêtes.
À tout cela s’ajoute une culpabilité secrète que je porte dans mon cœur. La culpabilité d’être Noire et de célébrer Noël – je me plais à la surnommer « ma culpabilité de Kwanzaa ». Ce sentiment s’éveille en moi déjà quelques mois avant la célébration de la culture Afro-Américaine, qui se déroule sur une semaine à partir du 26 décembre. Pourquoi cette culpabilité? Parce que je ne participe pas aux festivités de Kwanzaa. Je ne suis même pas certaine d’en avoir envie. Pourtant, un tel aveu de la part d’une femme Noire fière et – j’aime à le penser – progressiste, peut équivaloir à proclamer mon statut de « biscuit Oreo » ou de « noix de coco », c’est-à-dire une personne noire à l’extérieur, blanche à l’intérieur.
Kwanzaa n’est pas censé remplacer Noël, mais le moment de son arrivée fait tout de même naître une certaine compétition. Voilà une rivale plus saine et plus réfléchie. Alors que je me frotte les mains en attendant avec gourmandise les plats riches et les desserts copieux qui caractérisent ma gloutonnerie de Noël, je devine le contraste des mets que goûteront mes sœurs de Kwanzaa : des fruits, des légumes et du maïs. La culpabilité m’étreint.
La fête de Kwanzaa est une création judicieuse d’une personne Noire issue du milieu universitaire. Essentiellement, il s’agit de célébrations axées sur le recueillement, puis de sept soirées où l’on porte un toast à la diaspora Noire et à notre capacité à triompher d’innombrables combats. Elle s’impose doucement, porteuse d’aspirations comme l’unité, l’autodétermination, le travail collectif, la responsabilisation, la coopération économique, la raison d’être, la créativité et, avant tout, la foi. À l’occasion de Kwanzaa, on offre des cadeaux faits maison et on évite le mercantilisme. On remplace les jeux de lumière par sept bougies allumées.
Pourtant, en dépit de la qualité du message et des valeurs positives véhiculées par cette fête, je l’évite, préférant adhérer à une tradition qui suscite en moi des interrogations quant à la présence ou non de Noirs parmi les rois mages.
Ma culpabilité à l’égard de Kwanzaa ne date pas de sa création dans les années 1960 ni de sa montée en popularité dans les années 1990. Non, mon amour – ou pour parler franchement, ma haine – de Noël a commencé quand j’étais enfant. Personne dans ma famille ne ressemblait au Père Noël et, jusqu’à très récemment, tous les anges des sapins avaient une chevelure dorée et des pommettes roses. Comme j’ai été dotée de mon premier foyer à l’âge de 28 ans, il n’y avait aucune chance que le Père Noël descende par la cheminée quand j’étais gamine. Et la Barbade, lieu de résidence de ma famille, est dépourvue de tout sapin. En fait, entre le gui, les atocas, la farce et la dinde, les coutumes liées à Noël ont été pour ma famille autant d’occasions de découvrir de nouveaux horizons. Cela dit, nous avons adopté ses coutumes et, avec le temps, nous les avons faites nôtres.
Ainsi, chaque année, je sors toutes les boîtes de décorations de Noël de mon sous-sol. J’installe des lumières à l’extérieur et à l’intérieur de ma maison, et je chante et danse – comme Carlton dans la série télévisée Le Prince de Bel-Air – sur des cantiques d’allégresse. Merci, Sir Paul McCartney, de me laisser vous accompagner à la chansonnette, sur cette incontournable ritournelle qu’est Wonderful Christmastime. Bien que les intentions de Kwanzaa soient louables, les traditions qui y sont rattachées me sont encore plus étrangères que celles de Noël. Pourquoi devrais-je renoncer à mes traditions et à celles de toute une vie?
Certes, je n’en suis pas une, mais, comme toute bonne chrétienne, j’ai appris à adapter les traditions de Noël à mes propres besoins culturels. Donc cette année, nous servirons des plats composés de riz et de pois, de poisson et de queue de bœuf. Je consulte le programme Weight Watchers pour trouver des recettes festives, mais équilibrées et, bien que nous disposions d’une jolie cheminée, nous accrocherons nos bas de Noël le long de la rampe d’escalier près de la porte d’entrée. Comme d’habitude, la cime de notre sapin sera ornée d’un couple de tourtereaux étincelants plutôt que d’un ange.
Chaque année, je trouve de nouvelles façons de m’approprier cette période des fêtes, en ajoutant quelques touches qui me ressemblent et en retirant tout ce qui reflète une mentalité coloniale. Au fur et à mesure que j’adapte chaque facette de Noël à ma situation et à mes aspirations, j’apprends à faire la paix avec les autres aspects de cette fête qui revêtaient autrefois une signification différente. Avec un peu de chance, les seuls biscuits Oreo chez moi seront ceux que je dégusterai en regardant un film de Noël sur la chaîne Hallmark. Joyeuses fêtes!
Voici d’autres ressources pour favoriser votre bien-être pendant les fêtes :
Comment redonner (ou demander de l’aide) durant la période des fêtes (Commission de la santé mentale du Canada)
Cinq façons de protéger votre santé mentale durant le temps des fêtes (Association canadienne pour la santé mentale)
Debra Yearwood
Professionnelle des communications qui compte plus de 20 ans d’expérience en tant que cadre dans le secteur de la santé, est passée maître dans tous les domaines, du marketing social aux communications en période de crise. Lorsqu’elle ne siège pas au conseil d’administration de PartenaireSanté ou de Top Sixty Over Sixty, elle se consacre à l’écriture de son livre sur l’épanouissement des personnes âgées (pourquoi s’arrêter maintenant?). Cadre certifiée en santé le jour, militante de la diversité et collaboratrice de magazine la nuit, Debra est celle à qui l’on fait appel lorsque vient le temps d’expliquer ou de résoudre un problème.
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