Si vous êtes en état de détresse, veuillez appeler ou texter le 988 n’importe quand. En cas d’urgence, appelez le 9-1-1 ou rendez-vous à votre service d’urgence local.

Le VecteurConversations sur la santé mentale

Dans ce quatrième et dernier article de la série, nous explorons les coûts de la thérapie et les décisions financières que les gens prennent lorsqu’ils cherchent de l’aide.

Lorsque Katie McCowan, fondatrice du réseau de thérapeutes à prix abordable Affordable Therapy Network, en était à sa dernière année de formation de thérapeute, elle a commencé à éprouver des problèmes de santé mentale et a décidé de suivre une thérapie.

« J’étais aux études, je travaillais comme serveuse et je ne gagnais pas beaucoup d’argent. Je me suis donc retrouvée à chercher sur Google des options abordables de thérapie en Ontario », raconte‑t‑elle, en évoquant les raisons qui l’ont poussée en 2015 à lancer cette base de données en ligne à l’échelle du Canada. Pour répondre à ses besoins, elle a eu recours à une thérapie offerte par son école à 40 $ par séance et a également essayé un thérapeute privé à 140 $. Mais même si les séances privées se sont révélées utiles, elles lui coûtaient une journée de salaire. « Les honoraires de 40 $ étaient raisonnables, mais je ne pouvais pas choisir mon thérapeute, alors que la compatibilité avec le patient est très importante ».

Madame McCowan a réalisé qu’il s’agissait là d’un problème courant et s’est dit : « Et si je créais un site Web et répertoriais les thérapeutes qui proposent des honoraires moins élevés, permettant ainsi aux gens de communiquer avec eux plus facilement »? Elle a commencé en faisant appel à ses précieux collègues, car les nouveaux diplômés ont souvent des honoraires moins élevés. La nouvelle s’est répandue. Le réseau s’est agrandi. Et pendant la pandémie, la demande a explosé.

Le site Web regroupe aujourd’hui plus de 550 thérapeutes reconnus, qui proposent tous des honoraires dégressifs et, pour la moitié d’entre eux, des places subventionnées à 65 dollars ou moins (dont certaines options gratuites ou des paiements basés sur vos moyens). « Une grande variété de thérapeutes s’inscrivent sur notre liste, et la plupart d’entre eux proposent une quantité de places à bas prix – environ cinq – qui sont subventionnées ».

Bien que ces honoraires réduits représentent en général moins de la moitié du prix d’une thérapie en pratique privée, compte tenu des réalités socio-économiques actuelles, « je suis consciente que cela équivaut à beaucoup d’argent aux yeux de plusieurs », dit-elle. Néanmoins, Madame McCowan estime que les honoraires en vigueur dans le secteur privé sont justes et appropriés. « Les thérapeutes ne facturent pas plus cher qu’ils ne le devraient. Ils doivent suivre une formation approfondie et se soumettre à des supervisions rigoureuses; c’est une profession très exigeante ».

L’insécurité financière et la thérapie
Si vous trouvez qu’il est plus difficile de joindre les deux bouts dernièrement, vous avez raison. Selon l’Enquête sociale canadienne sur la qualité et le coût de la vie, l’indice des prix à la consommation a augmenté de 6,8 % en 2022 – la plus forte hausse en quarante ans – les coûts des aliments (+8,9 %), du logement (+6,9 %) et des transports (+10,6 %) ont connu les plus fortes augmentations.

Cette situation a eu des répercussions sur la santé mentale de nombreuses personnes. La moitié de notre population a été touchée par « l’inflation, l’économie et l’insécurité financière », selon un sondage post-pandémique réalisé par Recherche en santé mentale Canada (RSMC), et « présente des signes de détérioration de leur santé mentale ». En fait, depuis le sondage de l’année dernière, ce groupe a signalé « une hausse de l’anxiété (33 %) et de la dépression (32 %), des pensées suicidaires (31 %), ainsi que de la dépendance à l’alcool (23 %) ou au cannabis (22 %), » pour ne citer que quelques exemples.

De fait, le stress financier peut non seulement avoir des conséquences directes sur la santé mentale, mais aussi sur les décisions relatives à la thérapie et aux autres ressources en matière de santé mentale. Au Canada, les services de psychothérapie et de psychologie peuvent être couverts (en partie ou en totalité) par une assurance maladie privée, comme les régimes d’assurance fournis par un employeur, ou achetés directement par un particulier. Les fournisseurs de services de santé mentale fournissent des soins plus spécialisés, qui varient en fonction de la gravité du problème. La recommandation d’un médecin est exigée pour certains services, tandis que d’autres sont autogérés et offerts en ligne, par téléphone ou par messagerie texte. D’autres relèvent du secteur public (financé par les gouvernements) ou sont fournis par des organismes de charité, des groupes communautaires et d’autres organisations. À titre d’exemple, l’Association canadienne pour la santé mentale dispose de bureaux qui orientent les gens vers des services de soutien — notamment des services de counseling gratuits mis à disposition dans quelques-unes de ses 330 communautés réparties dans 70 régions dans l’ensemble du Canada.

Les programmes de l’ACSM sont « efficaces et adaptés à la réalité culturelle », ce qui est non négligeable si l’on considère les répercussions de l’insécurité financière sur la santé mentale et l’accès aux mesures de soutien, notamment à la thérapie, pour diverses populations. Pour ne citer qu’un exemple, le sondage de RSMC a révélé que les personnes racisées, les membres des communautés 2ELGBTQI+, les jeunes adultes (âgés de 18 à 34 ans), les étudiants et les personnes sans emploi, à faible revenu ou en difficulté financière sont plus susceptibles de signaler des niveaux élevés d’anxiété.

Des barèmes d’honoraires pour améliorer l’accès
Pour faciliter l’accès aux soins de santé mentale, le Calgary Counselling Centre mis en place un système d’honoraires dégressifs depuis son ouverture en 1962, explique sa directrice générale, Robbie Babins-Wagner, qui est également professeure adjointe et instructrice spécialisée à l’Université de Calgary.

« Nous devons nous assurer de répondre aux besoins des personnes vulnérables, y compris celles qui sont en situation de précarité financière en raison de problèmes de santé physique, des troubles de santé mentale ou d’autres enjeux sociaux », explique la Dre Babins-Wagner, dont la passion tient à « la pratique clinique et au fait de veiller à ce que les clients obtiennent les meilleurs résultats auxquels ils peuvent aspirer ». Dre Babins-Wagner et son équipe ont recours à des méthodes et à des outils à la fois fondés sur la recherche scientifique et sur les données, notamment la mesure des résultats « séance par séance » (avec des outils sous forme de questionnaires en 24 langues) et la modélisation financière. « Nous utilisons ces données pour mieux comprendre de quelle façon nous aidons les gens et pour améliorer ce que nous proposons ».

Après avoir reçu une demande, le Centre affecte chaque nouveau client à un conseiller « au plus tard le lendemain à midi » et ne procède à aucune évaluation formelle de ses ressources. « Nous demandons au client quel est son revenu et nous lui faisons confiance », explique-t-elle. Lorsqu’un client dit qu’il n’a pas les moyens de payer les honoraires proposés, nous lui répondons : « Votre conseiller en discutera avec vous; les honoraires ne seront pas un obstacle aux services. Le conseiller a la possibilité de réduire les honoraires à 8 dollars de l’heure, mais si cela s’avère nécessaire, nous les réduirons davantage. Nous voulons vraiment éviter que les frais soient un obstacle ».

Le Centre recueille ces données, explique Dre Babins-Wagner, « parce que nous voulons comprendre les besoins et les préoccupations de notre clientèle ». Grâce à un processus interne fondé sur des données à l’aveugle, chaque fois qu’il y a un changement d’honoraires, « nous examinons quels étaient les honoraires suggérés, ainsi que ce que le client pouvait se permettre. Nous entrons ensuite ces renseignements dans notre base de données et les analysons pour vérifier si les clients appartenant à certains groupes de revenus ont plus de difficultés que d’autres et s’il est nécessaire d’apporter des changements. C’est le genre de modifications que nous apportons au barème d’honoraires, et nous le testons souvent pour nous assurer qu’il donne les résultats escomptés, à savoir la satisfaction des besoins de la clientèle ».

Compte tenu des difficultés économiques que Calgary traverse depuis la fin de 2014, elle explique que le Centre revoit désormais son barème tous les ans ou tous les deux ans, au lieu de tous les cinq ans, « parce que nous savons qu’il n’est pas avisé d’attendre trop longtemps, sachant que les gens sont frappés plus durement que par le passé. Nous nous appuyons donc sur les données et les conditions actuelles pour analyser ces facteurs ».

Trouver les moyens
Elana Bloom, psychologue et directrice des services de mieux-être et de soutien sur le campus de l’Université Concordia, reconnaît qu’il peut être difficile de « se retrouver parmi les ressources disponibles en santé mentale ». Bien que son expertise ne soit pas liée à l’accessibilité financière en soi, elle comprend cette problématique grâce à sa pratique clinique et connaît les ressources en santé mentale dans sa province, en particulier celles qui s’adressent à la population étudiante.

« Au Québec, les personnes (y compris les jeunes adultes) peuvent avoir accès à des services de santé mentale et à des services psychosociaux, notamment la psychothérapie et le soutien en cas de crise, dans les CIUSSS » [Centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux]. À l’Université Concordia, nous offrons une variété de services de santé mentale, dont des programmes de mieux-être et de la psychothérapie avec des conseillers et des psychothérapeutes. Si vous n’êtes pas en mesure d’accéder aux services ou aux ressources en temps opportun, ou s’il y a une liste d’attente, vous pouvez également faire appel à des services privés ».

La Dre Bloom préconise une « conception globale du mieux-être » – où le fait de consulter un thérapeute peut faire partie d’une stratégie de mieux-être élargie intégrant aussi les autosoins, les interactions sociales et le bien-être physique – et le recours à la technologie pour tirer le maximum des outils et des ressources de santé mentale autogérés. « Étant moi-même psychologue, je connais les bienfaits de la psychologie et de la consultation d’un thérapeute, explique-t-elle. Cependant, je pense aussi que la santé mentale ne se résume pas à une simple rencontre avec un psychologue; il est important de prendre soin de sa santé mentale et de son bien-être au moyen de stratégies variées basées sur la résilience, lesquelles vont au-delà de la consultation d’un psychologue ou d’un thérapeute ».

Elle souligne par ailleurs que des services sont disponibles pour répondre aux besoins particuliers de certaines populations, comme les Autochtones, les membres de la communauté 2ELGBTQI+ et les personnes d’origine Africaine, Caribéenne ou Noire.

La thérapie 2.0?
Certes, les jeunes (et le reste d’entre nous) mènent de plus en plus leur vie en ligne – et cela vaut aussi pour les thérapies – mais toutes les applications de santé mentale ne se valent pas. Par exemple, on a vu les données personnelles de gens divulguées aux fins de marketing et, dans un autre cas, le numéro d’une ligne téléphonique d’urgence figurant dans une application était erroné. La Commission de la santé mentale du Canada a découvert cette erreur lorsqu’elle a consulté des jeunes pour élaborer la première stratégie au pays en matière de cybersanté mentale, laquelle vise à améliorer les pratiques dans ce domaine; elle sera publiée au début de l’année 2024.

Dans le but de contrôler la validité et la sécurité des applications de santé mentale, la CSMC a également lancé un Cadre d’évaluation des applications de santé mentale. Les développeurs, les concepteurs et les propriétaires d’applications peuvent s’en servir pour évaluer leurs applications et en améliorer la sécurité, la qualité et l’efficacité. Le Cadre comporte en outre des éléments d’information sur la sécurité, la responsabilité sociale et l’équité, et présente les perspectives de divers groupes, âges et populations.

Outre les options numériques, Madame McCowan précise qu’il est également important d’en parler à son médecin de famille. « Je considère qu’il est facile de basculer dans un engrenage où l’on a l’impression qu’il n’y a pas d’issue. Le fait de consulter quelqu’un, d’obtenir son point de vue objectif, et de bénéficier de différentes ressources ou de divers types de soutien, est très salutaire ».


Ressource : Où obtenir des soins – Un guide pour s’orienter dans les services publics et privés de santé mentale au Canada.

Autres lectures : Comment rompre avec son thérapeute.

Lisez la série l’argent et santé mentale.

Auteure : est écrivaine, journaliste et professionnelle de la communication et du contenu créatif. Elle a pour passion d’apprendre, de raconter des histoires et d’inspirer les autres.

Simona Rabinovitch

Les points de vue et les opinions exprimés dans cet article appartiennent uniquement à l’auteur(e) et ne représentent pas nécessairement les politiques officielles de la Commission de la santé mentale du Canada.

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