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Le VecteurConversations sur la santé mentale

Satya Hinduja, d’Alchemic Sonic Environment, dirige une expérience sonore immersive. Photo: Alex Barankevych

La spiritualité est-elle de retour? Les micromessages envoyés sur WhatsApp peuvent-ils améliorer le bien-être de façon mesurable? Ces questions, et d’autres encore, ont été abordées lors du 9e Congrès annuel du Collectif international eMHIC (cybersanté mentale), organisé en septembre dernier à Ottawa par la Commission de la santé mentale du Canada. Des centaines de délégués provenant de dizaines de pays se sont réunis pour approfondir leur réflexion sur le thème « Renforcement des capacités numériques : Soutien universel à la santé mentale 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 ». L’équipe de la revue LeVecteur a choisi des idées et des concepts pour s’en inspirer.

1. Trois grands enjeux

Les jeunes ne seront probablement pas surpris d’apprendre que les trois grands enjeux qui les préoccupent sont l’emploi, la santé mentale et le climat. Ce constat de l’UNICEF a guidé la mise au point d’une plateforme de soutien psychologique à la demande pour les jeunes appelée USupportMe. Mise à l’essai dans plusieurs pays d’Europe de l’Est et d’Asie centrale, cette plateforme flexible peut être adaptée à une région donnée. Conforme au Règlement général sur la protection des données et assortie d’un soutien en matière de sécurité, cette ressource offre des services de santé mentale évolutifs en marque blanche.

2. Mettre fin à la « boucle de désespoir » qu’est Google

SANE, un organisme australien offrant des services aux personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale complexes, a ainsi défini les dédales que traversent souvent les patients : d’abord orientés vers un site Web, puis une ligne d’assistance, ensuite un médecin de première ligne et enfin un psychologue, dont la liste d’attente est de six mois, ils se rabattent alors sur « Dr Google ». Pour rompre ce cycle, SANE a créé un nouveau modèle de soutien psychosocial axé sur le choix, la continuité, le libre accès et la rapidité d’intervention. Son approche comprend l’auto-aiguillage, la télésanté, les programmes numériques et les séances de groupe, et offre un espace d’apprentissage en ligne géré par les Autochtones au sein de leur communauté de rétablissement. Les soins continus offerts permettent d’éliminer le modèle traditionnel de congé. « L’avenir appartient aux modèles de soins mixtes, déclare Rachel Green, présidente et directrice générale. C’est la technologie au service des gens. »

3. Les décisions de l’âme

« Où est passée l’âme dans la psychologie clinique? », s’interroge Allan Donsky, professeur au département de psychiatrie de l’Université de Calgary et consultant au Canadian Institute of Natural and Integrative Medicine. Au-delà des interventions fondées sur le diagnostic, il préconise l’adoption de pratiques thérapeutiques plus contemplatives visant à favoriser la conscience de soi. En développant son discours intérieur, une personne peut passer d’un état apathique à l’épanouissement en abordant de grandes questions, comme l’acceptation de soi, le sens de sa vie, la liberté et les relations. Allan Donsky souligne que la thérapie existentielle a été largement délaissée dans les années 1970, mais qu’il existe un regain d’intérêt pour l’exploration des dimensions intérieures, ce que nous pourrions appeler le cœur, l’esprit ou l’âme. « Que signifie être humain? demande-t-il. C’est une question universelle. Chaque culture a sa façon propre d’envisager les dimensions les plus profondes de la vie. »

4. La famille d’abord

Nicole Waldron, militante en matière de santé mentale, a qualifié les aidants familiaux de premiers intervenants. Ils sont les premiers sur les lieux pour aider les membres de leur famille, et sont souvent le maillon invisible dans les soins de santé mentale. Elle a prononcé un discours percutant appelant à une meilleure collecte de données et à un soutien de l’écosystème des aidants familiaux afin de favoriser leur bien-être, de les sensibiliser et de les informer. « Que signifie le terme OTC? Que signifie le terme MD? Comment naviguer dans un système où un être cher a été criminalisé? »

(Le terme OTMC désigne une ordonnance de traitement en milieu communautaire et le terme MS désigne un mandataire spécial.)

Nicole Waldron, militante en matière de santé mentale, considère les aidants familiaux comme les premiers intervenants.
Photo : Collectif international eMHIC

5. Un guichet unique

Par où commencer? Lorsque les possibilités sont nombreuses et que vous avez besoin de soutien, quelle est la première étape? Lors du Congrès annuel, Jeunesse, J’écoute a lancé l’application Ressources autour de moi. Il s’agit d’un répertoire de ressources fiables partout au Canada. En 2020, l’organisme a enregistré 20 millions d’interactions, et ce répertoire l’aide à fournir encore plus de soutien dans un plus grand nombre de régions et de bien plus de façons, que ce soit en ligne, par texto ou encore en personne.

6. Exprimer ses émotions en langue des signes

Le Bangladesh compte quelque 500 praticiens (300 psychiatres et 200 psychologues) pour une population de 180 millions d’habitants, un fossé énorme à combler. C’est pourquoi M Tasdik Hasan, chercheur doctorant à l’Université Monash de Melbourne, en Australie, dirige un projet pilote conçu en collaboration avec des personnes sourdes, des soignants, des fournisseurs de soins de santé et des interprètes en langue des signes. Il note que les communautés de personnes sourdes, au Bangladesh et dans le monde entier, sont historiquement ignorées lorsqu’il s’agit de mettre en place des solutions accessibles et inclusives en matière de santé mentale. Ensemble, ils ont conçu des outils adaptés à la culture et à la langue pour faire connaître la terminologie de base de la santé mentale, comme le trouble de stress post-traumatique, le stress et la dépression, en langue des signes.

7. Renforcer les capacités des communautés petites et isolées

Aux Philippines, le projet ATIPAN offre des services de télésanté aux communautés autochtones de la région des Visayas occidentales, où l’accès aux soins de santé est souvent limité par la distance, la topographie (notamment les îles, les montagnes et les zones agricoles ou côtières), les conflits armés, les barrières linguistiques et les contraintes financières. Pour remédier à ces enjeux, l’équipe du projet a mis en place, sur une période de deux ans, des infrastructures et des intervenants-pivots communautaires pour les patients. Baptisé d’après le mot hiligaynon « atipan » (qui signifie « prendre soin »), le projet offre des consultations gratuites, une formation pour les coordinateurs communautaires et des médicaments de base.

8. Des outils numériques

Le projet Pode Falar offre un soutien en santé mentale aux Brésiliens âgés de 13 à 24 ans par le biais d’un site Web, d’Instagram et de WhatsApp. Un robot conversationnel nommé Ariel s’occupe du triage automatisé et offre une assistance en fonction de la complexité des préoccupations des utilisateurs. Ces derniers peuvent accéder à des conseils d’autosoins (« Je veux prendre soin de moi »), lire ou partager des récits anonymes sur des difficultés surmontées (« Je veux être inspiré »), et obtenir du soutien supplémentaire auprès d’un agent humain (« Je veux parler »). Cette initiative de grande envergure, qui porte sur la santé mentale dans une région pauvre en ressources, a été mise en lumière lors d’une table ronde explorant la question suivante : « Les régions à faibles et moyens revenus sont-elles prêtes à bénéficier d’outils numériques en santé mentale? » Le programme prend en charge les services de messagerie textuelle, électronique et WhatsApp.

Saisir des idées au vol

Les séances régulières du Congrès de style « partager et emprunter » permettent de prendre des projets qui ont bien fonctionné ailleurs et de les appliquer à votre propre travail. Dans cet esprit, nous souhaitons présenter quelques concepts intéressants.

Dialogues sur la santé mentale

Les personnes qui assistent à une conférence sur la santé mentale sont généralement des spécialistes. Pourquoi ne pas en faire profiter le reste du monde? Le programme Time to Change du Royaume-Uni, qui a duré 15 ans et pris fin en 2021, avait pour but de réduire la stigmatisation au moyen de contacts sociaux. Des personnes ayant vécu des problèmes de santé mentale ont dialogué avec des inconnus afin de démystifier la maladie mentale. Ils se sont rendu à des concerts ainsi que dans des bibliothèques et des marchés agricoles, a expliqué Sue Baker, membre de l’Ordre de l’Empire britannique et fondatrice de Time to Change.

Un esprit sain

Compositrice, artiste sonore, productrice et disc-jockey, Satya Hinduja, fondatrice d’Alchemic Sound Environment, s’intéresse au lien entre le son, la musique, la technologie et la santé. Elle a orchestré une expérience d’écoute profonde, conçue pour susciter des états de réflexion, de réceptivité et d’échange. Les participants ont pu envisager le son comme une expérience thérapeutique, leur permettant ainsi de réfléchir aux bruits qui les entourent, aux fréquences, aux vibrations et à leur propre intériorité.

Un phare dans le brouillard

Il existe d’innombrables applications pour favoriser la santé mentale sur le marché. Comment savoir laquelle choisir? Lors du Congrès, la Commission de la santé mentale du Canada a publié la première Stratégie de cybersanté mentale du Canada. Ce document phare renferme 6 priorités et 12 recommandations visant à définir l’avenir de la cybersanté mentale au Canada. Utilisez-le pour promouvoir, guider et développer votre travail.

Soigner par la narration

Au Liban, une application Web appelée « Étape par étape » offre de l’aide en santé mentale au moyen de récits dans lesquels des personnages fictifs souffrant de dépression se rendent chez un professionnel de la santé. À partir d’une histoire illustrée de 15 minutes, les utilisateurs découvrent des techniques d’adaptation en observant la façon dont le personnage s’approprie ces techniques pour les appliquer dans sa vie. Le deuxième segment de 15 minutes est interactif : le personnage de professionnel de la santé approfondit les techniques thérapeutiques et propose aux utilisateurs des activités pour renforcer ce qu’ils ont appris.

Entendu lors du Congrès de l’eMHIC

  • Faire avancer les choses : Les mots « action collaborative», ou « collaboraction », signifient travailler ensemble pour faire progresser l’accès aux services de santé mentale.
  • Au-delà de tout ce qui brille : Il ne s’agit pas de technologie en soi, mais plutôt de personnes et de confiance. Les outils permettent de faire ce travail et le numérique ne connaît pas de frontières géopolitiques.
  • Faire de la place pour notre travail : Ian Hickie, professeur de psychiatrie au Brain and Mind Centre de l’Université de Sydney, en Australie, a parlé de « l’ubérisation de la santé mentale». Si les personnes ayant vécu la maladie mentale et disposant d’une capacité de recherche dans ce domaine ne réagissent pas adéquatement, d’autres instances peuvent intervenir pour répondre aux priorités des consommateurs que sont l’accès, le choix, les prix concurrentiels et l’expérience utilisateur. Dans le monde entier, la demande de services en santé mentale personnalisés dépasse largement l’offre.
  • Donner un sens : « Nous sommes tous encouragés lorsque quelqu’un croit en nous », a déclaré Anil Thapliyal, directeur général du Collectif, dans son discours de clôture.

À venir : Le 10e Congrès annuel se tiendra à Toronto en novembre 2025. Manifestez votre intérêt et apprenez-en davantage en consultant le site (uniquement en anglais) : https://events.emhicglobal.com/register-your-interest-for-emhic-2025/.

Lecture complémentaire : Soutien technologique : Les services de cybersanté mentale font tomber les obstacles

Auteur: Fateema Sayani est gestionnaire de contenu à la Commission de la santé mentale du Canada. Dans un esprit de collaboration, elle écrit régulièrement sur la technologie, la société, la culture populaire et ses liens avec la santé mentale.
Les points de vue et les opinions exprimés dans cet article appartiennent uniquement à l’auteur(e) et ne représentent pas nécessairement les politiques officielles de la Commission de la santé mentale du Canada.

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