Le VecteurConversations sur la santé mentale
Club de lecture – Ça n’existe que dans sa tête
Le livre de Misty Pratt, portant le sous-titre How Gender Bias Harms Women’s Mental Health » (ou comment les préjugés sexistes nuisent à la santé mentale des femmes), prône des perspectives plus ambitieuses et des soins mieux intégrés.
octobre 2024Restez à l’affût!
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La série du Club de lecture présente des ouvrages de qualité qui bousculent les stéréotypes et la stigmatisation, dans le cadre de notre section Représentations sur la culture pop et la santé mentale.
Il n’est pas question seulement de préjugés sexistes, bien que ce terme générique soit utile pour désigner les nombreux maux de la société, les croyances héritées du passé, le manque de données, les clichés historiques et la stigmatisation qui ont un retentissement négatif sur les soins de santé mentale prodigués aux femmes.
Ça n’existe que dans sa tête
Veuillez noter que cet ouvrage est disponible en anglais seulement.
L’auteure, Misty Pratt, est chercheuse et vulgarisatrice scientifique installée à Ottawa. Elle s’est appuyée sur la recherche médicale, sur des entretiens avec des praticiens et sur son savoir expérientiel passé en matière de soins de santé mentale pour rédiger un livre (Greystone Books, mai 2024) qui déboulonne des concepts dépassés comme l’hystérie, qui porte un regard critique sur le complexe industriel de l’autogestion de la santé et qui examine les constructions culturelles de la maladie mentale.
Ce n’est pas vous, c’est le capitalisme
Au chapitre 7, Mme Pratt pose la question suivante : « Êtes-vous aux prises avec une maladie mentale ou plutôt une surcharge mentale? ». Elle y souligne le lien entre l’épuisement professionnel et la dépression, sur la base d’une étude menée auprès de travailleurs finlandais. Cette étude montre que les personnes en situation d’épuisement professionnel sont plus susceptibles de devenir dépressives, et que celles en situation de dépression sont plus sujettes à l’épuisement professionnel.
Dans cette boucle, Mme Pratt fait remarquer que lorsque les femmes vivent de l’épuisement – au sens général d’être excessivement fatiguées par la charge mentale et la vie quotidienne – elles reçoivent parfois un diagnostic d’anxiété ou de dépression. Toutefois, il peut s’agir d’un faux diagnostic qui occulte des problèmes économiques et sociaux plus profonds, tels que le patriarcat (chapitre 6), ce qui se traduit à terme par des traitements inefficaces.
Madame Pratt invite les lecteurs à réfléchir à leur situation de manière plus holistique. En d’autres termes, la raison pour laquelle vous n’arrivez plus à sortir du lit est-elle davantage liée au monde catastrophique dans lequel vous vivez, à votre situation économique ou à un manque de pouvoir, et non à vous en tant que personne?
Une révélation porteuse de sens
« Personnellement, cette prise de conscience a complètement changé mon rapport à moi-même et à ma maladie mentale, écrit Mme Pratt. Je crois qu’un diagnostic erroné d’épuisement professionnel nourrit l’illusion que ma maladie mentale est attribuable à un défaut de personnalité, à un état d’esprit négatif, aux gènes de ma famille ou à un déséquilibre dans mon cerveau, plutôt qu’à une interprétation se rapprochant davantage de la vérité : Je suis confrontée à un problème social qui a des conséquences émotionnelles réelles et concrètes ».
Elle a trouvé cette prise de conscience libératrice, mais souligne qu’il peut être bouleversant de constater que l’on n’a pas autant de contrôle sur son bien-être que l’on aurait pu le croire. Cependant, en adoptant un point de vue plus global, il est possible de « redécouvrir ses propres capacités, les limites auxquelles on est assujetties et les minuscules gestes de résistance que l’on peut poser ».
Mme Pratt prend soin de ne pas définir la forme que cette résistance pourrait ou devrait prendre pour les gens. Elle examine ses propres préjugés dans le livre, évitant activement ce qu’elle appelle le piège du « syndrome de bien-être de la femme blanche », qui porte un privilège et encourage souvent des solutions simples qui sont à la mode ou basées sur l’appropriation culturelle. Il n’y a pas de liens affiliés à des œufs de jade ni d’allégations ringardes dans ce livre. En fait, la culture du bien-être et les soins personnels sont réimaginés d’une manière qui tient compte de nos multiples facettes : spirituelle, sociale, relationnelle, cognitive, émotionnelle et financière.
Se réapproprier son histoire
Madame Pratt raconte son histoire – dépression nerveuse, anxiété, dépression – ainsi que ses stratégies, ses séances de thérapie et la façon dont elles se sont conjuguées avec les étapes de sa vie, notamment la naissance de ses enfants. Elle tisse des liens entre ses expériences passées et l’analyse tranchante de la recherche contemporaine dans une optique biopsychosociale (un modèle qui tient compte des facteurs biologiques, psychologiques et sociaux qui influencent nos vies).
Un autre fil conducteur est l’histoire de la grand-mère de Mme Pratt, Dorothy Mavis Buckler, qui était aux prises avec un trouble bipolaire dans les années 1980, une époque où on en savait beaucoup moins, où la stigmatisation était douloureuse et systémique, et où les traitements étaient embryonnaires. Mme Pratt se souvient du regard qu’elle portait sur l’état de sa grand-mère, du haut de ses cinq ans.
« Lorsqu’on perd la tête, où va-t-elle?, écrit-elle. Lorsque notre esprit part à la dérive, est-ce que nous bondissons et tentons de le rattraper, comme un gamin se lancerait à la poursuite de son ballon perdu par jour de grand vent? ».
Les cliniciens agissaient comme si les symptômes de sa grand-mère étaient exagérés. Mme Pratt se penche sur le discours entourant l’hystérie et s’interroge sur ce qui aurait pu être différent aujourd’hui pour sa grand-mère. En contraste avec les expériences personnelles et les recherches de Mme Pratt, le lecteur y trouve une dose d’espoir : les choses se sont améliorées, même s’il reste encore énormément à faire.
Par exemple, lorsque Mme Pratt y va de son manifeste, vers la fin, ses appels à l’action sont tellement intelligents et évidents que l’on se demande pourquoi on ne les a pas encore appliqués.
« Mon souhait est que toutes les femmes aient accès à des options de traitement biopsychosociales efficaces, qu’elles ne donnent leur consentement qu’après avoir été correctement informées, qu’elles reçoivent un soutien en fonction de leurs préférences et de leurs valeurs, et qu’elles bénéficient de meilleurs soins lors de l’arrêt de leur médication, écrit-elle.
Cela peut se faire en collaboration avec des psychiatres, des psychologues, des travailleurs sociaux, des défenseurs des droits des patients et toute autre personne travaillant à l’amélioration des soins de santé mentale. Autrement dit, il est possible de trouver un terrain d’entente sur lequel tout le monde a sa place, un endroit où les portes s’ouvrent sur des choix accessibles à chaque individu qui le souhaite. »
Lecture complémentaire: Lifeline: An Elegy: le roman de Stephanie Kain brosse un portrait inédit de sa réalité auprès d’une personne proche vivant avec la maladie mentale.
Ressource : Où obtenir des soins? – Un guide pour s’orienter dans les services publics et privés de santé mentale au Canada.
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