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Le VecteurConversations sur la santé mentale

Rédiger son histoire en fin de vie a des effets thérapeutiques.

Coutume plus que centenaire, la notice nécrologique, ou obituary, en anglais, est l’avis écrit qui annonce la mort d’une personne et fournit quelques détails biographiques. 

Selon le dictionnaire Merriam-Webster, le mot anglais obituary, du latin médiéval obituarius qui signifie sombre, voire menaçant, aurait été utilisé pour la première fois en 1703. Le français dispose du mot « obituaire », mais lui préfère le terme « notice nécrologique » ou « nécrologie ». Ce dernier, d’origine grecque, signifie « discours relatif à la mort », et son emploi date de la même époque, selon le Robert. Depuis le 18e siècle, il est d’usage qu’un membre de la famille ou un ami rédige cette notice. Ce n’est jamais une partie de plaisir ni une tâche à prendre à la légère, mais le rituel est devenu si habituel qu’il existe même des ouvrages qui recensent les meilleures notices.  Certaines organisations préparent à l’avance la notice des personnages célèbres, l’industrie funéraire fournit conseils et modèles, et des prête-plume peuvent l’écrire pour vous. Mais un nombre croissant de personnes écrivent leur propre notice nécrologique.  

Certaines de ces « autonotices », irrévérencieuses, avouant candidement un certain nombre de défauts, de conflits familiaux ou des problèmes de santé mentale, font sourire des gens qui ne connaissaient pas du tout la personne défunte et deviennent virales.  C’est ainsi que la composition d’Angus Macdonald, de Glace Bay, en Nouvelle-Écosse, figure maintenant à la rubrique des notices comiques sur le site Legacy.com, pour son humour et son caractère poignant. Dans ce texte qu’il a rédigé avant sa mort à l’âge de 67 ans, en 2016, ce monsieur a écrit : « Je pense avoir été un chic type, malgré mes antécédents punk et en dépit de ce que certaines et certains diront de moi. Que savent-ils de moi, de toute façon? J’ai aimé ma famille et j’en ai pris soin dans les bons moments comme dans les mauvais. J’ai fait de mon mieux. »

À l’approche de la mort, certains « autobiographes » veulent tirer les choses au clair, régler des comptes ou réconforter leurs proches avec honnêteté, humour et courage, y voyant peut-être aussi l’occasion de réfléchir à l’ensemble de leur vie, à leurs réussites, triomphes, ratés et regrets, ainsi qu’aux leçons apprises. Ce peut être aussi un moyen de léguer quelques sages paroles qui, dans leur esprit du moins, valent d’être préservées. Les personnes qui, se sachant proches de la fin, décident d’écrire sans fard y trouvent peut-être un éclairage précieux qui leur permet d’accepter paisiblement l’inévitable.

Une vie sous la lorgnette
Thérapeutes, conseillers et coachs en écriture constatent l’effet bénéfique qu’a sur leur clientèle la rédaction de leur propre avis de décès, peu importe leur âge ou le nombre d’années censé leur rester.

L’idée peut sembler morbide, mais elle gagne en popularité comme autoexamen thérapeutique et comme moyen de clarifier certains éléments importants de la vie.

Il n’est pas forcément facile d’envisager sa propre mortalité mais, disent les spécialistes, une réflexion sur ce qu’on aimerait voir dans sa notice nécrologique peut déboucher sur une vie meilleure : plus heureuse, plus sensée et plus productive. Notons d’ailleurs que le verbe obire, racine latine du mot anglais obituary, signifie « aller vers », « se présenter devant ».

« L’exercice amène certaines personnes à jeter un regard critique sur leur vie et à se dire : “Ma vie est tout à fait contraire à ce que je voudrais qu’on retienne de moi” », dit Talia Akerman, conseillère en santé mentale autorisée chez Humantold, à New York. Sa clientèle est composée en majorité de gens dans la jeune vingtaine qui souffrent de dépression, d’anxiété ou d’un traumatisme et qui cherchent une réponse aux grandes questions de la vie tout en tentant de se remettre d’expériences pénibles et de construire leur vie d’adulte.

La thérapie existentielle, démarche largement fondée sur les idées élaborées par Viktor Frankl, psychiatre réputé du début du 20e siècle, invite à rédiger son propre avis de décès comme moyen de trouver un sens et un but authentiques à sa vie.  Selon Akerman, « l’exercice vous force à placer un miroir devant votre vie, vos gestes, vos valeurs et les gens qui vous entourent. Il provoque un moment très intense qui vous amènera peut-être à constater que ce reflet ne correspond pas à ce que vous voulez et à apporter des changements. Je demande alors aux gens de repérer des thèmes dans leur notice. “Si vous devez changer quelque chose, comment vous y prendrez-vous?” » Dans d’autres cas, les gens sont surpris que l’image ressemble davantage au portrait espéré qu’ils ne l’attendaient.

Pour une personne qui souffre de dépression, cette rédaction est l’occasion de travailler avec son thérapeute à stimuler son estime de soi, à se reconnecter avec ce qui va bien et à retrouver l’espoir. « Cela leur rappelle leurs forces, ce qui est particulièrement bénéfique, souligne Akerman. Pour certaines personnes vivant avec une maladie mentale, l’exercice est toutefois un peu plus difficile. Tout le monde n’est pas prêt à faire ce bilan. C’est alors qu’un bon thérapeute a un rôle à jouer. Vous devez instiller un espoir dans la personne, l’accompagner le temps qu’elle arrive à s’approprier cet espoir. »

Il peut être utile de relire sa notice nécrologique au bout de quelques mois ou de quelques années pour voir en quoi la vie a changé, pour le meilleur ou pour le pire, et réfléchir de nouveau à la voie à suivre.  « J’incite les gens à conserver leur notice, mais si l’idée les bouleverse trop, je propose de la conserver pour eux seuls, dans un endroit sûr, et d’y revenir avec eux, explique Akerman. Ils pourront vérifier s’ils ont apporté les corrections qu’ils souhaitaient ou, dans le cas contraire, pourquoi rien n’a changé. »

Changements de direction
Akerman rappelle que la pandémie en a forcé beaucoup à transformer leur vie professionnelle ou à composer avec des pertes de tous types qui ont parfois mené à une crise de santé mentale, ce qui a rendu la rédaction de la notice nécrologique encore plus pertinente.  

« Je pense que cet outil a été vraiment utile pendant la COVID, mentionne-t-elle. Pour plusieurs, à défaut de pouvoir maîtriser quoi que ce soit sur le plan social, il restait possible de déterminer que faire de sa vie, de revenir sur ses valeurs, sur ce qui compte vraiment et sur ce qu’il y avait lieu de changer, sur le plan professionnel ou relationnel. »

Peu importe notre âge et peu importe que la mort soit lointaine ou proche, réfléchir à notre vie passée, présente ou à venir a d’évidents avantages : on y trouve la quiétude nécessaire pour se réorienter et apprécier tout simplement qui on est, où on en est, ce qu’on a accompli et ce qu’on aimerait bien faire avant de disparaître.


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Lectures complémentaires :

est l’autrice d’After Daniel: A Suicide Survivor’s Tale. Elle enseigne le journalisme au Collège Algonquin à Ottawa.
Les points de vue et les opinions exprimés dans cet article appartiennent uniquement à l’auteur(e) et ne représentent pas nécessairement les politiques officielles de la Commission de la santé mentale du Canada.

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