Si vous êtes en état de détresse, veuillez appeler ou texter le 988 n’importe quand. En cas d’urgence, appelez le 9-1-1 ou rendez-vous à votre service d’urgence local.

Le VecteurConversations sur la santé mentale

D’une maison pleine à un nid vide

L’une des principales ironies du rôle des parents en tant qu’éducateurs est que votre travail consiste à vous rendre insignifiant. Les bébés naissent, les enfants sont élevés et grandissent, puis un jour — finalement — la plupart sont suffisamment indépendants pour quitter le foyer familial.

Auparavant, c’était une trajectoire typique au Canada. Aujourd’hui, la transition n’est pas toujours aussi linéaire. Les défis économiques tels que le coût élevé du logement et la précarité de l’emploi, ainsi que les changements sociodémographiques comme le besoin de poursuivre des études postsecondaires plus poussées, font que les fameux enfants « boomerang » partent et reviennent, parfois à plusieurs reprises.

Pour les parents qui restent derrière, que ce soit de façon temporaire ou définitive, ce passage à la phase suivante de la vie peut être difficile à gérer. Pourtant, en tant que parent, c’est aussi l’occasion de renouveler ses relations avec soi-même, son partenaire, ses amis et sa famille — incluant avec les enfants qui sont en train de faire leur saut dans la vie adulte.

Ma femme et moi sommes à l’aube de ce changement : nos filles jumelles entreront à l’université cet automne. Pour nous préparer à ce double départ, Lisa et moi passons beaucoup de temps à discuter avec des amis, des voisins et des collègues dont les enfants ont déjà quitté la maison ou sont sur le point de le faire.

Une amie nous a dit que le départ de ses enfants avait changé sa vie plus profondément qu’à leur naissance. Un autre, dont le beau-père a emménagé chez lui après que ses filles soient allées à l’université, a évoqué le vent de changement qui souffle dans son foyer, notamment le fait de s’occuper de parents âgés, avec l’incidence que ceci a également sur la configuration de sa maisonnée. Ma propre mère m’avait prévenu que notre maison pourrait ressembler à une gare ferroviaire pendant un certain temps : vous ne saurez pas qui vient ou part, ni combien de temps la personne restera.

Prochain arrêt
Bien que l’éventail des réactions et des circonstances varie grandement, dans l’ensemble, ce que les gens nous ont dit reflète les résultats des recherches et les conseils des professionnels de la santé mentale. Pour Barbara Mitchell, professeure de gérontologie et de sociologie à l’Université Simon Fraser, le « stéréotype du syndrome du nid vide a été largement démystifié en tant que mythe culturel ». Elle adopte un point de vue objectif sur ce phénomène et sur d’autres changements majeurs dans la vie. Il s’agit d’aborder la phase du nid vide comme l’un des nombreux carrefours du cours linéaire normal de l’existence, tout en restant attentif et prêt à faire face à tout ce qui pourrait suivre.

Vélo de montagne dans Charlevoix, au Québec

Vélo de montagne dans Charlevoix, au Québec : L’auteur, avec Daisy, Lisa Gregoire et Maggie. Passer d’une maison pleine à un nid vide est l’occasion de renouveler les relations avec soi-même, son partenaire, ses amis et sa famille — surtout avec les enfants qui font le saut dans la vie adulte.

« La plupart des parents trouvent que c’est une expérience positive », affirme Mme Mitchell. « Ils ont fait leur travail et sont maintenant libérés des responsabilités quotidiennes. Ils ont construit les bases pour leurs enfants — et des ailes — afin qu’ils puissent devenir des adultes autonomes. »

Malgré cette tendance générale, si elles sont ancrées dans un rôle traditionnel de femme au foyer, certaines femmes, tout comme bien sûr certains hommes, ressentent un fort sentiment de perte lorsque les enfants partent. Bien que cette tristesse et cette désorientation (communément désignées « syndrome du nid vide ») soient souvent de courte durée, Mme Mitchell souligne qu’environ 20 % des parents y sont confrontés et que, dans les cas extrêmes, cela peut nécessiter une intervention.

Mme Mitchell, qui mène des recherches sur les transitions familiales depuis le temps où elle était étudiante de cycle supérieur au milieu des années 1980, et qui est peut-être la seule spécialiste au Canada à posséder cette expertise, note que le nid vide est un phénomène relativement récent en Amérique du Nord. Historiquement, au moins un enfant restait régulièrement auprès des parents vieillissants, surtout dans les régions rurales. Mais avec l’urbanisation de la population, l’augmentation de l’espérance de vie et l’essor de la classe moyenne aisée après la Seconde Guerre mondiale, les mères et les pères se sont retrouvés de plus en plus seuls durant leurs vieux jours.

Bien sûr, les parents issus de ce qu’elle décrit comme des « groupes culturels collectivistes » ont souvent des expériences totalement différentes, comme le fait de rester au sein d’un foyer multigénérationnel ou de considérer le départ d’un enfant pour ses études ou son mariage comme un signe de réussite. « Le contexte de l’environnement familial est important », déclare Mme Mitchell. « Il existe de nombreuses complexités potentielles ».

Parmi ces complexités, il y a les facteurs de stress aggravants comme les problèmes de santé ou la retraite, qui peuvent exacerber les émotions négatives.

Au Canada, la santé mentale et le bien-être sont en fait influencés par de nombreux facteurs, notamment l’expérience de vie, le milieu de travail et l’environnement familial, ainsi que les conditions sociales et économiques qui ont un impact fondamental sur notre bien-être.

Loriann Quinlan, psychologue à Edmonton, qui se spécialise dans le traitement des adultes aux prises avec de l’anxiété et ayant aidé des clients vivant avec le syndrome du nid vide et confrontés à d’autres transitions de la vie, sait que chaque personne et chaque famille vit ce changement différemment. Et comme ce changement peut s’accompagner de toute une gamme d’émotions, allant de la tristesse et du chagrin à l’excitation et à la joie, elle conseille à ses clients d’aborder le processus sans jugement, d’accepter le malaise et de prendre soin d’eux-mêmes.

Prendre le temps de mieux se connaître, de mieux connaître son partenaire et les autres membres de son entourage peut être une bonne démarche, dit-elle, car, en tant que parents, nous investissons énormément de temps et d’énergie dans nos relations avec nos enfants. Il n’est donc pas étonnant que nous soyons désorientés et nous sentions vides lorsque nous n’arrivons plus à définir clairement une partie aussi importante de notre identité — construite pendant tant d’années.

En tant que parents, nous investissons énormément de temps et d’énergie dans nos relations avec nos enfants. Il n’est donc pas étonnant que nous soyons désorientés et nous sentions vides lorsque nous n’arrivons plus à définir clairement une partie aussi importante de notre identité — construite pendant tant d’années.

Un virage vers le mieux
Ce changement est aussi l’occasion d’apprécier l’avis des jeunes adultes qui partent et qui prennent leur indépendance.

« C’est une occasion extraordinaire pour les parents et les enfants de se voir mutuellement à travers un nouveau prisme », dit Mme Quinlan, « et de changer la dynamique et, espérons-le, de se connecter à un niveau plus profond. »

Pour y parvenir, elle recommande de garder les lignes de communication ouvertes. Parler de ses pensées et de ses craintes nous aide à comprendre d’où viennent les autres. Ne pas fuir les conversations sur le bien-être nous aide également à savoir quand il est temps de demander de l’aide. Il peut s’agir d’une simple discussion avec un ami ou d’un contact avec une ressource plus formelle en matière de santé mentale.

Tandis que l’internet facilite l’accès, l’évolution rapide des technologies de communication et d’autres phénomènes récents, tels que la pandémie et le resserrement du marché du logement, influencent également la façon dont les parents gèrent le départ de leurs enfants, note Mme Mitchell, qui souhaite effectuer davantage de recherches sur l’impact de « ces facteurs qui se chevauchent ». D’un côté, les jeunes adultes entrent dans un monde de plus en plus incertain ; de l’autre, vous pouvez passer un appel vidéo avec eux, où qu’ils soient. Du moins en théorie.

Mon amie Eleanor Fast, qui accompagnera son fils à l’université lorsque mes filles partiront l’automne prochain, avoue avoir « traqué » son fils aîné en ligne pendant qu’il était à l’université aux États-Unis ces deux dernières années. Il ne répond pas toujours à ses textos, et il peut être difficile de planifier des appels vidéo, alors elle vérifie son compte Instagram — « pour avoir une preuve de vie » — et voir s’il a affiché des itinéraires de course récents sur l’application Strava.

« Le monde est peut-être plus difficile maintenant qu’il ne l’était lorsque j’ai quitté la maison à l’âge de 18 ans », déclare Mme Fast, « mais les enfants ont toujours besoin de sortir. Ils ont été isolés ces deux dernières années à cause de la pandémie et ont manqué beaucoup de choses. »

La pandémie était la plus grande inquiétude de Mme Fast lorsque son fils a quitté la maison — elle craignait qu’il se sente seul à suivre des cours en ligne alors qu’il était confiné dans un dortoir — mais il s’est avéré que tout allait bien. Et bien qu’elle et son mari étaient vraiment heureux d’avoir une maison pleine, ils ont trouvé très agréable de pouvoir se concentrer sur un seul enfant. Ils prévoient déjà des activités qu’ils pourront faire en couple, comme de longues randonnées à vélo.

« J’aime mes enfants et j’aime être avec eux », dit Mme Fast, « mais je veux qu’ils aient leur propre vie, et faire des plans pour l’avenir aide à contrecarrer la tristesse qu’occasionne leur départ ».

Cela résume l’état d’esprit dans lequel Lisa et moi nous trouvons lorsque nous réfléchissons au passé et préparons notre prochain chapitre. Dans deux mois, l’une de nos filles déménagera dans un endroit qui se trouve à une distance de plusieurs provinces, et même si l’autre ira à l’université dans la ville où nous vivons, et qu’elle a récemment décidé de rester à la maison la première année au lieu d’aller en résidence universitaire, nous sommes conscients du fait qu’il s’agit simplement d’un nouveau rythme à expérimenter.

Nos enfants ne sont plus des enfants. Ils — et nous aussi — sommes à la fois excités et nerveux face au parcours qui nous attend. Et comme très souvent au cours des 18 dernières années, nous pouvons apprendre beaucoup d’eux.

Auteur: est l’auteur de Born to Walk : The Transformative Power of a Pedestrian Act et publie des articles dans The Walrus et The Globe and Mail.
Photo principale : Des enfants sur un vélo tandem Légende : Maggie Rubinstein avec sa sœur Daisy Rubinstein sur le vélo tandem de leurs parents, un cadeau de mariage il y a 20 ans.
Les points de vue et les opinions exprimés dans cet article appartiennent uniquement à l’auteur(e) et ne représentent pas nécessairement les politiques officielles de la Commission de la santé mentale du Canada.

Derniers articles

Oui, moi.

Les raisons pourquoi ma maladie mentale me classe dans la catégorie des personnes en situation de handicap au sens de la Loi sur l’équité en matière d’emploi

Apprenez-en plus

Huit grandes idées qui changent des vies dans le monde entier

Découvrez des initiatives mondiales visionnaires qui redéfinissent la façon dont nous dispensons les services de santé mentale et y avons accès

Apprenez-en plus

Club de lecture – Ça n’existe que dans sa tête

Le livre de Misty Pratt, portant le sous-titre How Gender Bias Harms Women's Mental Health » (ou comment les préjugés sexistes nuisent à la santé mentale des femmes), prône des perspectives plus ambitieuses et des soins mieux intégrés.

Apprenez-en plus

Santé et sécurité psychologiques en milieu de travail : Des outils à portée de main

Restez à l’affût! Abonnez-vous au magazine Le Vecteur dès aujourd’hui! Share This Catalyst Related Articles A new toolkit offers supports for improving working conditions and practices in health-care operations. Read...

Apprenez-en plus