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Le VecteurConversations sur la santé mentale

Orientations futures pour l’inclusion des personnes handicapées

On voit souvent l’incapacité comme un enjeu qui touche un petit sous-groupe de population. Pourtant, la pandémie a élargi la portée de cette définition – on n’a qu’à penser aux symptômes de la COVID-19 de longue durée – qui pourrait englober aussi les problèmes de santé mentale qui affecteront la plupart des gens au cours de leur vie. En d’autres mots, l’incapacité – de courte ou de longue durée – est susceptible de s’introduire dans la vie de chacun, que ce soit à titre personnel ou comme aidant, et les politiques doivent refléter cette réalité. Or, bien que les politiques canadiennes sur l’invalidité aient énormément progressé au cours des dernières années, des obstacles continuent de limiter l’inclusion des personnes handicapées.

Normaliser l’incapacité
Comme personne ayant des incapacités, j’ai besoin de diverses adaptations en milieu de travail afin de réduire ma douleur et de fonctionner correctement, par exemple un horaire flexible, un poste de travail ergonomique, un logiciel de dictée vocale et la possibilité de faire du télétravail.

Je suis atteinte d’hydrocéphalie, de paralysie cérébrale et de douleurs chroniques, en plus de la dépression et de l’anxiété, qui limitent encore davantage ma capacité de fonctionnement. Bien que mes douleurs chroniques minent ma santé mentale, je ne peux pas me permettre la psychothérapie dont j’ai besoin parce que les coûts liés à mes incapacités, par exemple pour la physiothérapie, amputent mon maigre revenu. J’ai réussi à couper dans certaines dépenses depuis le début de la pandémie, mais cette capacité est essentiellement liée au fait que je dois m’isoler pour éviter d’attraper la COVID-19, qui aurait des effets dévastateurs sur ma santé (la paralysie cérébrale entrave la respiration). En revanche, l’isolement a aussi un coût : il amplifie la dépression, l’anxiété et la solitude. Ce phénomène n’a évidemment rien de neuf pour les personnes ayant un handicap ou une maladie chronique. Des recherches ont révélé que ceux et celles vivant avec de telles incapacités ont présenté les pires résultats sur le plan de l’emploi et de la santé durant la pandémie.

Un large spectre pour favoriser l’inclusion
Je raconte aujourd’hui mon parcours personnel dans l’espoir de normaliser le dialogue au sujet des mesures d’adaptation et de promouvoir une approche simplifiée. Si nous voulons combler les lacunes politiques et orienter les démarches futures en matière d’inclusion des personnes handicapées, nous devons donner une voix aux gens ayant un savoir expérientiel. Expertes de leur propre vie, les personnes vivant avec des incapacités épisodiques ou variables ou des handicaps invisibles, par exemple, peuvent faire connaître les défis auxquels elles font face au quotidien afin d’éclairer les politiques sur le travail, les soins de santé et d’autres systèmes. Pour assurer que les politiques reflètent les besoins de la clientèle visée, des chercheurs recommandent que les personnes ayant un handicap soient prises en compte dans les recherches et consultées à titre d’expertes. Une telle démarche permettrait d’aplanir les obstacles à l’inclusion sociale et de traiter ouvertement des questions de politique entourant l’emploi et la sécurité financière.

Le vieillissement de la population soulève également de nouvelles questions, notamment en ce qui concerne le déclin de la capacité fonctionnelle avec l’âge. Les politiques sur l’invalidité ne devraient-elles pas couvrir toutes les personnes se trouvant confrontées à des limites nouvelles ou inattendues dans leur vie de tous les jours?

Dans la province la plus populeuse du Canada, le Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées (POSPH) offre actuellement un soutien du revenu et de l’emploi ainsi que des prestations pharmaceutiques seulement aux personnes ayant « une incapacité physique ou mentale importante qui est continue ou récurrente et dont la durée prévue est d’au moins un an ». Cette définition étroite, centrée sur les incapacités permanentes et les maladies chroniques sans perspective d’amélioration, exclut les incapacités épisodiques, temporaires ou variables comme la COVID-19 de longue durée, notamment la confusion mentale, l’essoufflement et d’autres symptômes débilitants. Bien que la couverture de l’Assurance-santé de l’Ontario ait récemment été élargie, les personnes atteintes de la COVID-19 de longue durée ont du mal à s’y retrouver dans le système de prestations, puisque leur maladie est considérée comme invisible et difficile à diagnostiquer.

Combler les lacunes
Bien que les régimes d’aide sociale soient indispensables, les prestations sont attribuées essentiellement en fonction des incapacités fonctionnelles. Autrement dit, pire une personne se porte, meilleur sera le soutien financier auquel elle sera admissible. Toutefois, le régime fait aussi en sorte qu’il est difficile pour les personnes ayant un handicap de briser le cycle de la pauvreté et de l’aide au revenu. Pour se sortir de l’aide sociale, elles doivent être en mesure de travailler à temps plein (ou du moins suffisamment pour gagner leur vie). Or, la plupart des bénéficiaires du POSPH ne sont pas aptes à travailler, et ceux qui le sont doivent souvent se contenter d’emplois mal rémunérés (synonymes de longues journées à l’ordinateur) qui ne reflètent pas leurs compétences (comme les postes dans les centres d’appel).

Malheureusement, ce type d’obstacles systémiques à l’emploi ne sont que trop répandus. En 2019, j’ai postulé au répertoire d’étudiants en situation de handicap du gouvernement fédéral, un programme d’emploi permettant à des étudiants d’acquérir une précieuse expérience de travail dans la fonction publique. Ma candidature a toutefois été rejetée en raison de mon statut d’étudiante à temps partiel (le programme s’adresse uniquement aux étudiants à temps plein). J’ai eu beau expliquer que mon handicap m’obligeait à étudier à temps partiel pour tenter d’être acceptée, rien n’y faisait.

On pourrait aussi citer l’exemple de la Loi canadienne sur l’accessibilité, adoptée en 2019, qui vise à éliminer les obstacles dans les domaines de l’emploi, de l’environnement bâti, de la communication, de l’information, de la prestation de services et des transports. Dans bien des cas, les ajustements en milieu de travail sont mineurs – un horaire adapté, le télétravail, un poste ergonomique –, mais les lourds processus d’approbation occasionnent souvent des retards frustrants.

De même, le gouvernement fédéral a mis en place la Stratégie sur l’accessibilité au sein de la fonction publique, qui prévoit l’embauche de 5000 personnes handicapées d’ici 2025. Les candidats et candidates doivent fournir une preuve médicale lors du processus de sélection afin de bénéficier d’adaptations en matière d’évaluation. Ce critère paraît raisonnable, pourtant le recours à un service centralisé pour la documentation des adaptations réduirait le coût des billets médicaux pour des personnes qui, souvent, ont un faible revenu (et n’ont pas nécessairement accès à un médecin de famille).

La mise en lumière de ces obstacles est l’un des volets des efforts de défense des personnes handicapées. Ce travail a aussi porté sur le projet de loi C-22, la Loi sur la prestation canadienne pour les personnes handicapées, qui propose un montant mensuel visant à réduire la pauvreté chez les personnes handicapées. Dans l’année qui suivra son entrée en vigueur (elle est actuellement présentée au Sénat), la Loi permettra de distribuer des fonds nécessaires et de susciter l’espoir d’un avenir meilleur chez ces personnes. Au cours de cette période de douze mois, la Loi prévoit « offrir à des personnes handicapées issues de milieux variés » l’occasion de collaborer à l’élaboration des règlements, du processus de demande, des critères d’admissibilité et du montant de la prestation. J’espère que ces consultations donneront lieu à la formulation d’une définition élargie de l’incapacité et qu’elles favoriseront l’accès équitable aux services adéquats afin que les personnes ayant un handicap puissent mener une vie professionnelle et citoyenne remplie.

Auteure : est travailleuse de soutien par les pairs au Centre de soutien pour les victimes d’agression sexuelle d’Ottawa. Passionnée de littérature, elle est diplômée du programme de traduction de l’Université d’Ottawa. Dans ses temps libres, elle s’adonne à la lecture, à la rédaction de critiques littéraires et au yoga.
Les points de vue et les opinions exprimés dans cet article appartiennent uniquement à l’auteur(e) et ne représentent pas nécessairement les politiques officielles de la Commission de la santé mentale du Canada.

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