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Le VecteurConversations sur la santé mentale

Lorsqu’on emploie un langage stigmatisant, le climat risque de s’assombrir.

Cet article fait partie de la série intitulée « Le choix des mots est important » dans Le Vecteur.

« Je déteste cette température bipolaire », s’exclame mon amie. « Une minute il fait beau et la suivante il pleut. Je ne sais jamais quoi porter le matin.  Je lève les yeux au ciel », puis elle s’excuse. « Je suis désolée. J’ai oublié. » Elle n’est pas la première à utiliser mon diagnostic pour décrire quelque chose de négatif, et elle ne sera pas la dernière, mais ça fait mal chaque fois.

Les gens empruntent très souvent une terminologie clinique pour illustrer leurs expériences. Combien de fois avez-vous entendu quelqu’un dire qu’il souffre d’un TOC alors qu’en réalité il veut confirmer qu’il est très organisé? Il n’est certes pas rare d’entendre une personne réagir à une situation farfelue en disant « C’est complètement débile! C’est de la pure folie! » Nous avons tous entendu de pareilles expressions (voire les avons nous-même prononcées). Mais ce n’est pas parce qu’une chose est courante qu’elle est acceptable. L’utilisation de ce genre de langage outrancier minimise la gravité des maladies mentales tout en causant du tort aux personnes qui doivent vivre avec ces difficultés. De plus, cela affecte notre perception des problèmes de santé mentale.

Le phénomène d’activation associative survient lorsque nous attachons inconsciemment une émotion à une idée. En général, ce processus se produit tellement rapidement que nous n’avons même pas conscience du lien qui est établi. Pourtant, notre cerveau travaille sans relâche pour réagir aux mots que nous employons et entendons. Lorsque mon amie évoque le temps qu’il fait, elle associe simultanément une émotion négative au trouble bipolaire. Ce rapprochement peut sembler tout à fait anodin, mais ses effets sont tenaces. Et il constitue un des facteurs qui contribuent à répandre le langage stigmatisant.

Pourquoi en faire tout un plat? Faut-il vraiment être aussi pointilleux? Ce ne sont que des mots.

Talking illustration

Or, ces mots ont un grand retentissement sur les gens. Réfléchissez à un moment où quelqu’un vous a lancé des propos blessants. Comment vous êtes-vous senti? Si vous vivez avec des problèmes de santé mentale, il peut être décevant de vous rendre compte qu’une personne que vous considériez comme une alliée a inconsciemment nourri des idées négatives à votre égard. Il peut aussi être frustrant de constater que l’on minimise votre diagnostic pour faire une blague ou pour dramatiser une situation. Bien sûr, les personnes qui ont entendu notre conversation sur la météo ont pu s’en inspirer pour forger leur propre opinion négative sur le trouble bipolaire. Comment réagiraient-elles si elles-mêmes ou un de leurs proches recevaient un diagnostic de maladie mentale?

Le langage évolue constamment, pendant que nous nous efforçons de mieux comprendre la santé mentale et de nous améliorer dans ce domaine. Ce n’est peut-être pas toujours facile, mais c’est tout à fait possible de suivre l’évolution du vocabulaire jugé acceptable. Ainsi, vous pourriez commencer par vous renseigner sur le langage stigmatisant et les solutions de remplacement possibles.

Par ailleurs, essayez d’éviter les réactions défensives si quelqu’un vous demande de corriger votre langage. Cela signifie probablement que cette personne se soucie suffisamment de vous pour vous éviter de commettre à nouveau la même erreur. Nous sommes nombreux à résister d’instinct à l’idée de supprimer des mots de notre vocabulaire, mais il faut savoir que cette tâche se simplifie avec la pratique. Et comme le choix de nouveaux mots est l’un des moyens les plus simples de contribuer à réduire la stigmatisation entourant la santé mentale, l’effort en vaut la chandelle.

Mon amie et moi avons rangé nos parapluies. Le soleil perçait désormais les nuages et illuminait nos visages. « Ce que je voulais dire, c’est que la température est imprévisible en ce moment. J’aurais dû formuler cela différemment. J’ai parlé sans réfléchir. Je tâcherai de faire mieux la prochaine fois. » Et, depuis ce jour lointain, c’est une promesse qu’elle a su tenir.

Consultez les autres articles de la série : Langage axé sur la personne d’abord.

Auteure:

Samantha Bennett

Fait partie de l’équipe de marketing et de communication de la CSMC. Elle milite avec ferveur dans le domaine de la santé mentale et a vécu l’expérience de la maladie mentale. En plus de ses activités d’artisanat et de couture, elle aime s’occuper de son chien et de ses chats et explorer Ottawa en compagnie de son conjoint et de ses deux enfants.

Les points de vue et les opinions exprimés dans cet article appartiennent uniquement à l’auteur(e) et ne représentent pas nécessairement les politiques officielles de la Commission de la santé mentale du Canada.

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