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Louise Bradley, en discussion avec la ministre de la Santé Patty Hajdu
Le 20 mai, j’ai eu une discussion virtuelle franche et variée avec la ministre de la Santé du Canada, Patty Hajdu. Depuis le début de la pandémie de COVID-19, Mme Hajdu est devenue une figure familière partout au Canada, elle qui contribue fidèlement aux points de presse quotidiens visant à tenir la population informée des interventions de santé publique orchestrées par le gouvernement fédéral.
C’est donc presque à propos qu’un test d’alarme d’incendie ait été déclenché dans son immeuble au moment même où notre entretien commençait. S’excusant avec son humour pince-sans-rire, la ministre admet que le télétravail n’est finalement pas l’idylle que tout le monde imaginait.
Au son de la sirène qui retentit périodiquement, je me rappelle que depuis le 15 janvier, elle répond sans répit à une urgence nationale. J’avais envie de savoir comment elle traversait cette période, non seulement en sa qualité de politicienne, mais aussi comme individu.
Je commence par lui demander comment elle va. Sa réponse franche reflète une réalité à laquelle nous sommes nombreux à pouvoir nous identifier. « Honnêtement, ça varie de jour en jour. Et je crois qu’il est essentiel de normaliser les sentiments de peur, de frustration, de colère et d’anxiété. Ces sentiments ne se limitent d’ailleurs pas à la pandémie. Nous sommes susceptibles de les ressentir à peu près n’importe quand. Mais en ce moment, ils sont évidemment exacerbés. »
En effet, Mme Hajdu a non seulement travaillé auprès de populations vulnérables comme directrice d’un refuge de Thunder Bay, mais elle a aussi emprunté la route solitaire de la monoparentalité et sait que, lorsque vos propres ressources sont sur le point de s’épuiser, la moitié de la bataille pour accéder aux soins est juste de s’y rendre.
« J’avais l’habitude d’aller chercher mes enfants à l’école et d’interrompre mon propre travail pour recevoir le counseling dont notre famille avait besoin, explique-t-elle. Les soins virtuels permettent de franchir tellement d’obstacles. Ils sont aussi une excellente solution pour les personnes qui craignent pour leur confidentialité. Ayant vécu dans une collectivité rurale, je sais aussi combien il peut être difficile d’obtenir de l’aide professionnelle si ce n’est d’une personne croisée à l’aréna ou à l’école. »
« Nous faisons tous les efforts pour faire connaître ces soins aux gens, poursuit la ministre Hajdu. Lorsque j’entends parler de communautés qui unissent leurs moyens de financement afin de recueillir de l’argent pour obtenir des psychothérapies, j’aimerais que nous puissions en faire davantage pour informer les gens que nous avons mis tout un coffre d’outils à leur disposition. »
Mais la ministre ne tarde pas à signaler que les ressources additionnelles ne sont pas une panacée. « À mes yeux, la pandémie a révélé, en substance, ce que ceux d’entre nous qui se démènent dans le dédale de la santé mentale savent depuis très très longtemps. Si vous n’avez pas le confort de base d’un logement où vivre, si vous n’avez pas un emploi qui vous procure un sentiment de valorisation, si vous n’avez pas de liens au sein de votre communauté, tous ces outils ne feront pas disparaître vos problèmes. »
Fervente défenseure des plus vulnérables, Mme Hajdu s’est montrée visiblement affligée lorsque j’ai mentionné que le counseling pourrait être utile pour les personnes dont les besoins élémentaires ne sont pas comblés.
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« Je vais prendre le risque de vous dire quelque chose, répond-elle de la voix claire de celle qui a vu la dure réalité de l’itinérance. C’est presque contraire à l’éthique d’offrir du counseling à une femme qui a été violée dans un refuge où elle n’a pas d’autre choix que de rester. Il faut la sortir de cet environnement pour l’amener en lieu sûr. C’est seulement là qu’on pourra commencer à soigner son traumatisme. »
L’authenticité de Mme Hajdu est palpable, même par l’entremise de Zoom. Et je ne suis pas la seule à la ressentir. Lorsque je lui demande ce qui lui donne de l’espoir durant cette période difficile, elle n’hésite pas.
« Vous savez, je vis des jours difficiles, moi aussi. Des jours où je m’ennuie de mon mari et de mes enfants. Des jours où, comme tout le monde, j’ai un intense besoin de contacts humains, raconte-t-elle, expliquant que les exigences liées à son travail avaient bouleversé sa routine et qu’elle devait demeurer dans la capitale nationale pendant des semaines à la fois, alors que sa famille est établie à Thunder Bay. Jusqu’à ce que je reçoive un courriel de quelqu’un qui me remercie pour mon bon travail. » À ce moment, ses yeux s’illuminent, et je ne crois pas que ce soit causé par le reflet de l’écran.
« Lorsqu’une personne tend la main de cette façon, en dépit des épreuves qu’elle traverse, pour m’offrir des mots d’encouragement, je me rappelle que même si elle est peut-être moins spontanée ces temps-ci, la bonté est la vertu qui nous permettra de passer à travers cette crise. Nous nous sentons peut-être un peu éreintés et désespérés, mais cette connexion, l’esprit de communauté qui nous unit au Canada, ce sera notre salut. »
En parlant de communauté, Mme Hajdu mentionne un organisme de sa ville natale qui a converti son programme de jardinage pour jeunes à risque en un programme de préparation de dîners pour les enfants n’ayant plus accès aux repas fournis à l’école.
« Ils ne savaient pas s’ils recevraient du financement pour ce projet. Ils ont juste mobilisé des bénévoles et mis l’épaule à la roue pour combler un besoin. C’est inspirant. »
D’aucuns pourraient affirmer que Mme Hajdu a fait la même chose. « Je n’étais aucunement préparée à cela, reconnaît-elle. Nous apprenons au fur et à mesure. Mais je crois que nous réalisons des apprentissages très importants. Nous apprenons à innover plus rapidement. Nous apprenons à mieux collaborer avec d’autres administrations et sans partisanerie. Et nous apprenons que nous sommes peut-être tous beaucoup plus forts que nous le pensions. »
Je conclus en demandant à la ministre de décrire son expérience à la tête de ce qui est sans doute le portefeuille le plus important et le plus complexe du gouvernement… en trois mots.
Elle marque une pause. Mais comme toujours, elle relève le défi. « Aujourd’hui, je dirais intensité, inspiration et optimisme. L’intensité est évidente, je crois. L’inspiration est ce qui nous rassemble. Et l’optimisme parce que je suis convaincue que nous sommes assez résilients pour émerger de cette crise non seulement transformés, mais meilleurs. »
L’alarme d’incendie continue de résonner lorsque nous mettons fin à notre conversation, un rappel que le travail de la ministre est loin d’être achevé.
Si vous êtes en état de détresse, communiquez avec le centre de crise ou le centre d’aide aux victimes d’agression sexuelle le plus près de chez vous. En cas d’urgence, appelez le 9-1-1 ou rendez-vous à votre service d’urgence local.
Louise Bradley
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