L’agriculture et l’élevage sont considérés comme deux des métiers les plus stressants, autant physiquement que mentalement. Des facteurs uniques associés au travail agricole pourraient conduire à de piètres résultats sur le plan de la santé mentale et même au suicide. Les producteurs (cultivateurs et éleveurs) du Canada sont particulièrement susceptibles de vivre des problèmes de santé mentale comme la dépression et l’anxiété et pourraient être moins résilients en raison des agents stressants qui pèsent sur eux (JonesBitton et coll., 2020). Alors qu’une large part des études sur la résilience sont axées sur les agriculteurs en particulier, certains facteurs concernent les producteurs.
Pourquoi les agriculteurs sont-ils à risque?
Divers facteurs peuvent augmenter le risque de suicide chez une personne, et lorsque de multiples facteurs de risque pèsent plus lourd que les facteurs favorisant la résilience, il est plus probable que la personne envisage le suicide (Sharam et coll., 2021).
- Incertitude financière. Les agriculteurs doivent composer avec l’incertitude fnancière causée par des facteurs hors de leur contrôle pouvant occasionner un stress considérable. Ils dépendent d’une météo favorable pour obtenir une récolte lucrative, ont parfois des dettes liées au coût d’exploitation élevé de leur ferme et sont exposés à des facteurs économiques comme les tarifs douaniers et les accords commerciaux.
- Obstacles aux services de santé mentale. Parce que les agriculteurs vivent souvent dans des régions rurales et éloignées comptant une faible population, leur accès aux services de santé mentale est souvent limité. Bien que les technologies émergentes et la télésanté puissent aplanir certains obstacles (Rojas et coll., 2020), plus de la moitié des producteurs canadiens ne sont pas branchés à l’Internet haute vitesse, ce qui compromet l’accès aux services en ligne (Innovation, Sciences et Développement économique Canada, 2019). De plus, même lorsqu’ils ont accès à des soins de santé mentale, les producteurs sont parfois réticents à demander de l’aide. Non seulement ce geste est-il stigmatisé dans les communautés agricoles parce qu’il est souvent associé à la faiblesse, mais les gens pourraient aussi craindre pour leur confdentialité dans un milieu peu populeux où leur conseiller psychologique pourrait aussi être leur voisin.
- Isolement. Le travail agricole est souvent efectué de façon isolée. Les communautés rurales et éloignées ont beau être petites et soudées, leur population est faible, de sorte qu’elles disposent de ressources de soutien plus limitées. Si l’autonomie et l’autosufsance plaisent à certains producteurs, l’isolement pourrait également leur donner le sentiment d’être seuls à connaître des difcultés sur le plan de la santé mentale. Les personnes qui se sentent isolées ou déprimées doivent savoir qu’elles ne sont pas obligées d’éprouver ces sentiments. De l’aide est disponible pour elles.
- Séparation foue entre le travail et la vie personnelle. Puisqu’ils vivent souvent sur leur lieu de travail, les agriculteurs peuvent avoir l’impression de toujours devoir travailler. Ils pourraient aussi sentir l’obligation de travailler dès l’instant où le temps est favorable. Il peut être difcile pour eux de décompresser et de relaxer en raison de ces facteurs. En outre, comme de nombreuses exploitations agricoles sont des entreprises familiales, la dynamique familiale, l’écart entre les générations et le transfert des exploitations agricoles peuvent exacerber les tensions entre leur vie professionnelle et personnelle.
- Facilité d’accès aux armes à feu. Les cultivateurs et les éleveurs ont souvent facilement accès à des armes à feu, qui sont le moyen de suicide le plus létal. (Arnautovska et coll., 2014; Morgan et coll., 2016; Jones-Bitton et coll., 2020)
Qu’est-ce que les communautés peuvent faire pour prévenir le suicide chez les agriculteurs?
- Les communautés rurales et éloignées pourraient assurer un accès à des services de santé mentale oferts en personne, en ligne ou par téléphone. Elles ont intérêt à faire connaître ces services à la population au moyen de campagnes d’information, par exemple des campagnes de prévention du suicide, afn de réduire la stigmatisation et d’augmenter les demandes d’aide et l’ofre d’aide.
- Elles peuvent créer des occasions de tisser des liens sociaux en invitant les gens à participer à une activité.
- Des services adaptés aux besoins en santé mentale des agriculteurs devraient être créés dans le cadre d’une stratégie nationale (Jones-Bitton, sans date).
- Les fournisseurs de soins de santé pourraient repérer les personnes (en particulier les hommes) ayant des pensées suicidaires en prêtant une attention particulière aux indices subtils traduisant une possible soufrance, comme le langage corporel et le ton de voix. De meilleures formations sont requises pour assurer que les professionnels de la santé sont en mesure de déceler la dépression (Ogrodniczuk et Olife, 2011; Paraschakis et coll., 2016).