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Le VecteurConversations sur la santé mentale

Une conversation avec Stephanie Knaak, Ph. D., chercheuse en matière de stigmatisation structurelle

Stephanie Knaak

Stephanie Knaak

Stephanie Knaak étudie la stigmatisation structurelle depuis près d’une décennie. Elle est spécialiste des politiques, des lois et des pratiques fondamentales de notre système de soins de santé qui désavantagent les personnes aux prises avec une maladie mentale.

« Mais cela ne signifie pas que j’ai toutes les réponses », a-t-elle déclaré depuis son bureau à Golden, en Colombie-Britannique, où elle travaille depuis le début de la pandémie. « Parfois, je me sens dépassée. C’est un véritable défi à relever puisque certaines personnes ne voient pas la stigmatisation structurelle, alors que d’autres suffoquent sous son poids. Tout dépend de votre situation. »

Lorsqu’on lui demande comment s’attaquer à un phénomène aussi invisible pour certains et aussi évident pour d’autres, elle marque une pause. « Dans les milieux de soins de santé, si vous ne le mesurez pas, il n’a tout simplement aucune importance. Nous devons montrer aux fournisseurs de soins et aux administrateurs le coût réel de ces angles morts en leur donnant des outils qui les mettent en lumière. Ensuite, nous devons utiliser les preuves de ces lacunes pour plaider en faveur de leur élimination. »

Nouvelles frontières
Mme Knaak et ses collègues de la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC) explorent de nouveaux territoires. Par exemple, ils schématisent la topographie à laquelle les personnes vivant avec une maladie mentale doivent faire face lorsqu’elles cherchent à obtenir des soins de santé physique de base.

« La santé mentale d’une personne peut n’avoir aucun lien avec la raison de sa visite, mais elle devient un énorme obstacle à l’obtention d’un diagnostic et d’un traitement appropriés et opportuns parce que les affections physiques sont souvent rejetées ou vues uniquement sous l’angle de leur diagnostic de santé mentale, explique-t-elle. Le système n’a pas les freins et les contrepoids nécessaires pour s’assurer que ces angles morts sont décelés. C’est l’équivalent d’une montagne, et nous devons l’indiquer sur un schéma pour pouvoir la pointer du doigt et nous demander comment nous allons bien pouvoir l’escalader. »

Contrairement aux premiers explorateurs qui étaient aveugles à leurs propres limites, Mme Knaak aborde ce nouveau corpus de recherche avec l’humilité née de l’expérience.

« Nous découvrons de nouvelles choses tous les jours. Ce domaine d’étude est énorme. Il est presque intimidant de mettre en place des jalons puisque la situation évolue constamment devant vos yeux. Mais quelqu’un doit être le premier à le faire. Quelqu’un doit dire haut et fort que nous devons nous améliorer parce que les gens subissent les conséquences de l’inertie du système. Nous devons faire bouger les choses. Même si nous devons faire marche arrière et recommencer, nous devons passer à l’action. »

Si vous l’élaborez … ils l’adopteront
Mme Knaak pense qu’en imposant un changement de politique dans les milieux de soins de santé, une attitude différente suivra. « Prenez le lavage des mains, par exemple. Parce qu’il existe des normes pour savoir quand, où et comment le faire, les hôpitaux en font l’évaluation afin de respecter les protocoles. Si nous voulons que les choses changent pour les personnes vivant avec une maladie mentale, nous devons rédiger des protocoles qui nomment et traitent explicitement les comportements qui se manifestent par la stigmatisation structurelle. »

« D’une certaine manière, il est plus facile de changer l’attitude d’une seule personne, a déclaré Mme Knaak, qui a travaillé à l’élaboration de nombreux programmes de formation sur la lutte contre la stigmatisation Changer les mentalités de la CSMC. Mais ce qui me passionne, c’est l’effet d’entraînement qui se produit lorsque vous faites des efforts pour changer l’ensemble de la culture des soins. Il a la capacité d’améliorer l’expérience de chaque personne qui franchit la porte. »

Poser des jalons
Le prochain objectif de Mme Knaak et de l’équipe chargée de lutter contre la stigmatisation structurelle : créer les outils qui aideront les organisations à tracer la voie vers l’amélioration des soins. Il pourrait s’agir de bulletins de rendement sur la stigmatisation structurelle, d’enquêtes sur la satisfaction des clients ou d’autres outils d’évaluation.

« Tout cela a pour but de recenser les obstacles et les pièges qui peuvent créer des expériences décourageantes et dommageables pour les gens lorsqu’ils sont vulnérables et qu’ils en ont le plus besoin, dit-elle. Essentiellement, nous demandons aux gens qui travaillent dur au sein d’un système imparfait de désapprendre ce qu’ils ont été conditionnés à croire et d’être ouverts à faire les choses différemment, pas seulement en tant que professionnels, mais aussi en tant que personnes. »

Elle fait référence à la façon dont la stigmatisation est gravée dans l’ADN des organisations, ainsi que dans le nôtre. « C’est comme si la stigmatisation se situait au niveau cellulaire, littéralement. Elle vibre constamment sous la surface, et peut éclater à tout moment, entraînant des résultats désastreux. »

Quand le travail devient personnel
Stephanie Knaak sait de quoi elle parle. Elle a vu un de ses proches tenter d’obtenir de l’aide d’un système qui n’est pas conçu pour répondre efficacement aux besoins d’une personne aux prises avec une maladie mentale.

« C’est ironique, mais l’heure de vérité avait sonné pour mon travail. Toutes les choses que je documentais en tant que chercheuse ont été mises à nu. J’avais des points de données, des entrevues auprès d’informateurs clés et des rapports d’une centaine de pages. Ils disaient tous que le système est défaillant. Mais quand vous le vivez de près, vous voyez bien qu’il gêne le processus de guérison plus qu’il ne l’aide. . . . Pour moi, ce travail est devenu plus personnel, et plus impératif, comme jamais il ne l’avait été auparavant. »

Lorsqu’on lui demande à quoi ressemble le succès, sa réponse est étonnamment simple. « J’entends souvent les membres de ma famille qui ont eu un cancer faire l’éloge du système pour les soins rapides, efficaces et bienveillants qu’ils ont reçus. Tout ce que je veux, c’est la même chose lorsqu’une personne est aux prises avec une maladie mentale.

Est-ce trop demander? »


Cet article est le troisième d’une série au sujet de la stigmatisation structurelle. Auparavant, nous avons parler avec un fournisseur de soins et un utilisateur de service.

Suzanne Westover

Une écrivaine d’Ottawa, ancienne rédactrice de discours et gestionnaire des communications à la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC). Casanière, toujours le nez dans un livre, elle prépare un excellent pain au citron (certains diraient qu’elle fait des merveilles en un seul mets) et aime regarder des films avec son époux et sa fille de 11 ans. Le temps que Suzanne a passé à la CSMC a renforcé son intérêt envers la santé mentale, et elle continue d’apprendre toute sa vie sur le sujet.

Les points de vue et les opinions exprimés dans cet article appartiennent uniquement à l’auteur(e) et ne représentent pas nécessairement les politiques officielles de la Commission de la santé mentale du Canada.

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