Le VecteurConversations sur la santé mentale
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Le Black Dog Institute d’Australie allie recherche et esprit communautaire. Une conversation sur la sensibilisation, l’équilibre et l’art de mettre « le sérieux en avant, et la fête en arrière ».
Si vous avez l’occasion de visiter Sydney en septembre, vous remarquerez peut-être quelque chose de surprenant : un grand nombre de personnes arborant la coupe mulet.
En effet, chaque année, le Black Dog Institute (BDI) organise sa campagne Mullets for Mental Health, où les Australiens sont encouragés à se laisser pousser les cheveux dans ce style tant décrié jusqu’à la période de collecte de fonds. Les personnes gagnantes, c’est-à-dire celles dont la crinière rapporte le plus d’argent, peuvent également remporter des récompenses, notamment le très convoité chapeau à perruque nuquette.
La coupe mulet est un moyen facile de sensibiliser le public et de collecter des fonds pour la recherche sur la santé mentale, à l’instar de la campagne canadienne Movember, qui met la moustache à l’honneur au profit de la santé mentale et physique des hommes.
Pour Helen Christensen, qui a été directrice de l’Institut BDI pendant près de dix ans, des campagnes comme celle-ci sont doublement bénéfiques. « Nous nous sommes forgé une réputation au sein de la communauté », affirme-t-elle. « Les gens sont plus susceptibles de s’impliquer parce qu’ils savent qui nous sommes, ce qui rend notre organisation plus durable. »
Le Black Dog Institute, dont le nom renvoie à l’expression « mon chien noir », employée par Winston Churchill pour décrire sa dépression, est le seul institut de recherche médicale en Australie à étudier la santé mentale tout au long de la vie. Avant que Mme Christensen rejoigne l’institut BDI en 2012, celui-ci effectuait déjà un travail innovant, principalement en réalisant des études sur la dépression résistante au traitement, tout en informant les cliniciens et autres chercheurs de ces résultats, même si cette approche était relativement inconnue en dehors de la communauté psychiatrique.
Forte de son expérience en matière d’études auprès de la population, Mme Christensen s’est efforcée de sortir la recherche des murs des hôpitaux pour l’ancrer dans la communauté. Elle a notamment contribué à opérer une réorientation stratégique vers des études communautaires et longitudinales à plus grande échelle qui sont réalisées au moyen d’Internet et axées sur les technologies. Plutôt que de se concentrer sur les cliniciens, l’Institut BDI a également commencé à proposer des formations dans les écoles et des cours destinés aux gestionnaires dans les milieux de travail.
Même si la recherche reste au cœur du travail « sérieux » de l’Institut BDI, ce sont maintenant ses événements communautaires qui le font avancer. C’est là où commence la « fête en arrière ».
Les campagnes communautaires donnent un côté ludique à la collecte de fonds, tout en rappelant aux Australiens que nul n’est à l’abri de la maladie mentale. Elles s’articulent autour d’activités qui favorisent la convivialité, comme les courses, les parcours d’obstacles et d’autres idées proposées par les membres de la communauté.
Donner la parole aux personnes ayant un savoir expérientiel
L’Institut BDI s’engage également à intégrer le vécu des personnes ayant un savoir expérientiel passé ou présent des problèmes de santé mentale. Appelée à commenter la croissance de ce domaine d’expertise, Mme Christensen explique qu’il s’agissait au départ d’un groupe consultatif formé à la suite d’un appel de propositions ouvert (un peu comme le Groupe couloir et le Conseil des jeunes de la Commission de la santé mentale du Canada), qui a évolué pour devenir une division spécialisée de l’Institut.
« Depuis le début, nous prenons en compte les connaissances des personnes ayant un savoir expérientiel des problèmes liés à la santé mentale, mais nous avons aussi reconnu que nous devions structurer l’intégration de cette expertise dans le reste des activités de l’organisation, déclare-t-elle. « Il fallait un cadre, des processus, un personnel, un réseau et des bénévoles dédiés à cette expertise. Une partie du cadre est encore en voie d’émergence, mais ce sont les personnes ayant un savoir expérientiel elles-mêmes qui dirigent ce processus. »
De même, l’Institut fait appel à l’expertise des personnes autochtones d’Australie ayant un savoir expérientiel. Grâce à son Centre d’expertise des personnes autochtones ayant un savoir expérientiel, l’Institut BDI s’investit dans des domaines tels que la recherche et la gestion de projets. Mais comme l’indique Mme Christensen, « il ne suffit pas de dire : Nous voulons améliorer la santé mentale des Autochtones, mettons donc en place un programme ».
Nous sommes les représentants d’une organisation et d’un mouvement, mais nous n’en sommes pas le moteur et nous ne pouvons pas agir à leur place, souligne-t-elle. « Quand on a la chance d’être une organisation respectée en laquelle les gens ont confiance et qui cadre avec leur travail, alors on peut aider, à condition d’y être d’abord invité. » À mesure que cette approche ciblée a gagné en importance, les partenaires autochtones sont devenus une pierre angulaire de l’Institut.
Prévention et progrès
Bien que Mme Christensen ait quitté ses fonctions de directrice de l’Institut BDI en 2021, elle reste très engagée dans l’amélioration de la santé mentale et dans les initiatives qui visent à sauver des vies partout en Australie. Elle continue à lutter contre le statu quo en se consacrant particulièrement à la prévention du suicide dans le cadre de ses fonctions actuelles à titre de professeure en santé mentale à l’Université de Nouvelle-Galles-du-Sud et d’administratrice non dirigeante du conseil d’administration de l’Institut BDI.
La prévention du suicide n’a rien de nouveau à l’Institut BDI, qui offre une vaste gamme de recherches et de ressources dans ce domaine. Toutefois, selon Mme Christensen, il manque encore une pièce essentielle du casse-tête : les données.
« C’est comme essayer de travailler les yeux bandés. L’absence de données concrètes entraîne beaucoup de désinformation et de catastrophisme », soutient-elle, ajoutant qu’il n’existe tout simplement pas de statistiques précises sur l’automutilation et les tentatives de suicide.
À titre d’exemple, Mme Christensen raconte l’histoire d’une étudiante qui a fait une tentative de surdose en prenant une quantité excessive de pilules. « À son réveil le lendemain matin, elle se sentait physiquement bien, alors elle s’est habillée et est allée à l’université comme si de rien n’était. Cette tentative n’a été consignée nulle part. Combien de fois ce genre de scénario se produit-il? On ne le sait pas. »
Pour aider à combler ces lacunes en matière de données, elle prône l’apprentissage auprès d’autres secteurs. « Les concessionnaires automobiles disposent de toutes sortes de données pour améliorer leurs affaires. Les applications bancaires consultent des indicateurs pour déterminer précisément quels investissements sont rentables et lesquels ne le sont pas. Pourquoi ne pouvons-nous pas faire la même chose pour améliorer la prévention du suicide? »
Tirer parti des outils numériques
Lorsque la COVID-19 a forcé les gens à rester chez eux, des services de santé de toutes sortes sont passés au mode virtuel, y compris les soins de santé mentale. Aujourd’hui, l’Institut BDI continue de miser sur les outils et ressources numériques de santé mentale fondés sur des données probantes et d’étudier l’efficacité des applications. Parallèlement, les Australiens peuvent demander gratuitement des services de counselling, du soutien par les pairs et d’autres services de télésanté par l’intermédiaire de l’Institut.
Si l’afflux d’outils de télésanté a rendu les options de traitement plus accessibles pour bien des gens, Mme Christensen rappelle qu’ils ne sont toutefois pas une panacée. « Les services autonomes que nous pouvons désormais offrir virtuellement n’ont pas été intégrés à notre système de santé global, explique-t-elle. Sans un dossier de santé intégré permettant au fournisseur de soins de faire le suivi, il n’y a aucun moyen de confirmer si l’état de la personne s’améliore réellement après un traitement. C’est un problème majeur. »
Pour Mme Christensen, ce virage numérique offre une occasion sans précédent de remanier un système souvent incohérent. « J’aimerais voir une vraie intégration : un modèle de soins qui inclut les services de santé virtuels doublé d’une plateforme technologique capable de les offrir. Ce n’est qu’à ce moment-là que nous verrons un véritable modèle de soins collaboratifs et axés sur le patient. »
Malgré les lacunes actuelles en matière de données et d’accès aux soins, Mme Christensen garde l’espoir que les outils et la collecte de données numériques recèlent un grand potentiel, notamment pour la prévention du suicide. « Prenons l’exemple du cancer et des maladies infectieuses. Des changements impressionnants dans la façon de traiter les patients ont été constatés au cours des 40 dernières années. La prévention du suicide, en revanche, est encore un domaine jeune. »
« En recueillant davantage de données pour améliorer les résultats, en renforçant notre capacité à fournir des soins intégrés et en mettant l’accent sur les déterminants sociaux de santé, je crois que nous pouvons vraiment accélérer la cadence en ce qui concerne la santé mentale. »
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