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La Semaine de la santé mentale de l’Association canadienne pour la santé mentale aura lieu du 5 au 11 mai. Le thème de cette année est #SantéMentaleSansMasque, une invitation lancée à toute la population canadienne à ne pas s’arrêter à la surface et à regarder la personne dans son ensemble.

Vous connaissez peut-être la chanson au sujet d’Eleanor Rigby.

« Elle garde le visage qu’elle garde dans un pot près de la porte. C’est pour qui? »

Dans cette chanson classique qui traite de la solitude, les Beatles résument magnifiquement ce que représente le fait de vivre avec une maladie mentale. Quand je traverse un épisode de trouble bipolaire, je porte toujours mon masque avant de sortir. Souvent, dans un sens littéral. Je me maquille minutieusement pour offrir au monde le visage de l’adaptation et du professionnalisme (trait de crayon ailé pour des yeux brillants! Fard rose sur les joues pour avoir l’air en bonne santé!). Lorsque je sors de chez moi, j’adopte l’attitude et le ton des personnes que je côtoie, je fournis un effort mental énorme pour penser aux gestes qui me feront paraître « normale ».

Ce masque donne l’impression que « je vais bien » quand, à l’intérieur, rien ne va plus. Quand je rentre chez moi le soir, j’enlève la peinture qui recouvre mon visage et je la regarde s’écouler et disparaître dans le drain du lavabo comme si c’était la métaphore de mon épuisement. Ensuite, je m’écrase sur mon lit, sans force.

Selon moi, cette année, le thème de la Semaine de la santé mentale est un appel à l’action. Quand on démasque l’état psychologique réel, on crée les conditions nécessaires pour réduire la stigmatisation, promouvoir la compréhension et éliminer la discrimination à l’endroit des personnes vivant avec une maladie mentale.

Se masquer : qu’est-ce que ça signifie? Qui y a recours et pourquoi?

Selon Autisme Canada, se masquer, ou « se camoufler », consiste précisément à essayer de se comporter conformément aux attentes de la société, en supprimant des symptômes ou des traits de caractère. C’est un concept qui a été le plus étudié dans le contexte de l’autisme et du trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité. Il est lié à l’idée de « dépression souriante », terme familier désignant les personnes qui affichent un sourire pour dissimuler leurs sentiments profonds.

Zachary Houle vit avec l’autisme et la schizophrénie. Il souligne que l’autisme est de plus en plus célébré dans les médias (on parle même d’« autisme chic »), mais que les représentations médiatiques peuvent masquer la réalité et la complexité des maladies.

« Dans le cas de la schizophrénie, les gens pensent immédiatement que je suis un meurtrier à la hache ou que je suis dangereux et violent, explique-t-il. Il est plus facile de faire semblant d’être normal que d’aller au bureau en sachant que je vais me faire harceler, ce qui s’est déjà produit. »

M.Houle note que beaucoup de choses ont changé depuis le moment où il a reçu son diagnostic, il y a une vingtaine d’années. Il travaille maintenant dans un milieu très progressiste et compréhensif, mais il continue de porter son masque chaque jour, c’est une seconde nature.

Et il n’est pas le seul dans cette situation. Selon un sondage réalisé en 2023 par Benefits Canada, 45 % des employés canadiens atteints d’autisme sentent que, au travail, ils doivent dissimuler les traits qui trahiraient leur autisme.

Tanya Lepine-Darwiche, une femme qui s’identifie comme vivant avec le trouble du spectre de l’autisme et qui éprouve de l’anxiété, partage cet avis. « Je porte un masque pour pouvoir entrer dans une pièce et exprimer mon opinion sans que l’on me juge parce que je suis neurodivergente, dit-elle. C’est comme faire un spectacle. » Elle note qu’il est plus difficile d’entretenir des relations sociales lorsqu’elle ne porte pas de masque. « C’est ce que je dois faire pour être socialement acceptable. »

Comme le notent M. Houle et Mme Lepine-Darwiche, il est très utile de se masquer pour promouvoir l’interaction sociale et se protéger, mais cela ne va pas sans en payer le prix : épuisement et isolation.

J’aimerais me montrer vulnérable avec les gens, leur montrer à quel point je leur fais confiance mais, au travail en tout cas, je ne pense pas pouvoir y arriver », déclare M. Houle. Mme Lepine-Darwiche explique que le fait de passer toute une journée avec un masque a eu des effets sur sa vie personnelle. En rentrant chez elle, elle avait besoin de faire une sieste de trois ou quatre heures pour refaire le plein d’énergie. « C’était vraiment difficile pour moi et pour mes relations avec ma femme et ma famille, jusqu’au jour où j’ai compris que toute mon énergie passait à faire tenir le masque », confie-t-elle.

Pourquoi le fait de se masquer nuit-il au traitement

Si vous « excellez » dans l’art de vous masquer et que vous continuez à bien fonctionner, cela peut vous amener à minimiser l’importance de vos symptômes. En fait, votre masque vous leurre vous-même, tout comme il leurre votre professionnel de la santé. Vous recevez donc un diagnostic et un soutien qui ne sont pas à la mesure de vos difficultés. C’est exactement ce que M. Houle et Mme Lepine-Darwiche ont vécu.

Quand on se masque, on ne reçoit pas tout le niveau de soutien social dont on aurait besoin. Par exemple, quand vous répondez « ça va bien », votre entourage ne peut pas deviner que vous auriez besoin d’un coup de pouce.

Dans une étude Ipsos réalisée en 2019 auprès de travailleurs canadiens, 76 % des répondants ont affirmé qu’ils seraient tout à fait à l’aise de côtoyer un collègue vivant avec une maladie mentale et qu’ils le soutiendraient, mais encore faudrait-il qu’ils le sachent.

Le critère « haut niveau de fonctionnement » ne fait partie d’aucun diagnostic, mais c’est un terme qui reflète la réalité de nombreuses personnes. Il est possible que l’on soit incapable de sortir du lit ou d’aller travailler quand on souffre d’une maladie mentale grave, mais ce n’est pas le cas pour tout le monde. M. Houle, Mme Lepine-Darwiche et moi-même pouvons le confirmer : nous fonctionnons correctement même lorsque nos symptômes sont aigus. Même mon psychiatre a fini par comprendre que ce n’est pas parce que je suis maquillée et en tenue de travail que je vais bien.

Jessica Ward-King

Jessica Ward-King publie sous le nom de « The StigmaCrusher » [la pourfendeuse de préjugés] pour sensibiliser ses lecteurs aux questions de santé mentale. De son point de vue, le thème de la Semaine de la santé mentale nous donne l’occasion de parler du masque et des différentes formes qu’il prend dans une variété de contextes sociaux, et nous invite à nous démasquer. Et parfois, on se masque littéralement : on peint sur son visage un masque disant « je vais bien », puis on l’essuie à la fin de la journée.

Stigmatisation, divulgation et masque

La stigmatisation – sous toutes ses formes – pèse beaucoup dans la balance quand on décide de porter un masque. Selon le sociologue Erving Goffman (1922-1982), les personnes neurodivergentes ou vivant avec une maladie mentale font un effort concerté pour dissimuler leurs symptômes, ou pour être « discréditées » par les autres. Même maintenant, à l’heure où nous parlons de plus en plus couramment de santé mentale, de nombreuses personnes hésitent à parler de leur vécu. Toujours dans la même étude Ipsos réalisée en 2019, 75 % des personnes interrogées ont dit qu’elles hésiteraient à parler de maladie mentale à leur employeur ou à un collègue, ou refuseraient de le faire, par peur de la stigmatisation et de la discrimination.

Goffman et d’autres auteurs ont noté que la plupart des gens portent un masque dans leur vie quotidienne. Ils essayent de se présenter d’une certaine manière dans certaines circonstances, comme dans les médias sociaux ou au travail. Cependant, se présenter sous son meilleur jour n’est pas la même chose que porter un masque car, dans ce dernier cas, l’objectif est de supprimer une partie essentielle de son identité.

Par exemple, je vis ce dilemme dans un autre contexte – en tant que lesbienne, je dois constamment choisir de divulguer (« coming out » ou « sortie du placard ») ou pas mon identité, selon les situations. Ainsi, dans une conversation, je peux utiliser un langage neutre pour éviter de parler du fait que je partage ma vie avec une femme, mais alors je ne me montre pas sous mon vrai jour.

C’est pareil quand je choisis de parler (ou pas) de ma maladie mentale. Est-ce que je montre ma vulnérabilité aux autres, ou pas? C’est une décision que je dois constamment prendre, et qui dépend de la situation, des personnes en présence, du fait que je me sens ou pas en sécurité, et de mon instinct quant aux conséquences plus ou moins négatives que pourrait avoir une « sortie du placard ».

L’œuf ou la poule

Si la stigmatisation n’existait pas, il serait inutile de porter un masque, mais pour réduire la stigmatisation, les personnes qui ont une expérience vécue de la maladie mentale doivent se lier à d’autres êtres humains – alors qu’est-ce qui vient en premier?

Si l’éducation, les campagnes de sensibilisation, les journées de commémoration et les articles comme celui-ci ont une certaine efficacité, le contact interpersonnel est essentiel selon une étude publiée en 2021 dans Society and Mental Health.

Pour ce faire, il faut toutefois que les personnes ayant une expérience vécue se démasquent, une personne et une situation à la fois. Autrement dit, il faut réduire la stigmatisation pour permettre aux gens de se sentir en sécurité et de se démasquer, mais il faut aussi que les gens révèlent leur maladie mentale et se démasquent pour réduire la stigmatisation. L’œuf ou la poule.

Pour briser ce cercle vicieux, on peut compter sur les alliés. Ils peuvent créer les conditions dans lesquelles on se sent suffisamment en sécurité pour parler de nos difficultés et se confier au sujet de la neurodivergence et de la maladie mentale. 

Selon moi, cette année, le thème choisi à l’occasion de la Semaine de la santé mentale est un appel à l’action, une invitation à me montrer tel que je suis, tantôt très fonctionnelle et performante, et tantôt pas.

Il s’agit aussi de ne pas dépenser toute mon énergie à garder un masque parfaitement peint, à ne pas me contenter de dire « je vais bien » pour m’assurer que tout le monde est à l’aise, mais à me sentir libre de dire que j’ai des difficultés si je me sens suffisamment en sécurité pour le faire.

Lorsque je rentre du travail et que je me démaquille, je veux qu’il me reste assez d’énergie pour ma famille, mes loisirs et mon bien-être.

À l’extérieur de la maison, je veux être dans un monde où je peux retirer mon masque. Je ne pourrai pas braver le monde à chaque fois, dans chaque situation et avec chaque personne, et c’est correct. Le masque peut me protéger lorsque la situation le justifie, mais si je le retire peu à peu, je peux créer des liens authentiques qui permettront aux mentalités d’évoluer.

Un an après la fondation de la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC) en 2007, l’OBNL a créé son Conseil des jeunes, un programme conçu pour faire participer les jeunes adultes (âgés de 18 à 30 ans) à la mission de la CSMC, à savoir d’améliorer le système de santé mentale du Canada.  À l’époque, le Conseil des jeunes était une initiative révolutionnaire parce qu’il marquait un mouvement vers la consultation de personnes provenant de différents horizons et ayant un savoir expérientiel en vue de transformer les attitudes entourant le bien-être mental et d’éliminer les obstacles aux soins de santé mentale. 

Fondamentalement, le Conseil des jeunes de la CSMC est un groupe de défense d’intérêts voué à amplifier les voix des jeunes. Il est composé de personnes déterminées à générer des changements positifs et dirigé par Em Alexander et Colbi Mike, les actuelles coprésidentes du Conseil.

Colbi Mike, jeune mère autochtone, documentariste et étudiante en droit issue du territoire visé par le traité no 6, au centre de la Saskatchewan, souhaite s’attaquer, entre autres dossiers, aux obstacles à la santé mentale rencontrés par les mères et aux effets de l’oppression sur les peuples autochtones.

Em Alexander, mère queer de deux enfants et membre des Premières Nations ayant aussi des ancêtres européens qui ont vécu à Terre-Neuve-et-Labrador, se passionne pour la promotion de la santé mentale et pour le soutien des personnes ayant vécu un traumatisme et celles faisant face à des obstacles systémiques dans l’accès à des soins de qualité.

Nous avons demandé aux coprésidentes du Conseil des jeunes de nous livrer leurs impressions concernant les difficultés auxquelles les jeunes font face aujourd’hui et sur ce que les systèmes de santé mentale peuvent faire pour mieux répondre aux besoins en constante évolution d’une population soumise aux facteurs de stress sans cesse changeants qui caractérisent notre époque.

Reconnaître que les difficultés vécues par les jeunes générations d’adultes sont uniques

Em Alexander and Colbi Mike

Em Alexander et Colbi Mike

Em Alexander : Les gens de mon âge ont grandi dans des environnements sensiblement différents de ceux de nos parents et de nos grands-parents, qui n’ont pas connu l’influence écrasante de technologies comme les médias numériques. Nous avons grandi avec une exposition constante aux actualités internationales, et cela peut avoir des effets puissants sur la santé mentale et le bien-être des jeunes. Ce facteur fait en sorte qu’il est particulièrement important que les programmes de santé mentale tiennent compte des points de vue et des idées des jeunes afin d’être efficaces, engageants et pertinents pour les personnes qu’ils servent.

Colbi Mike : De nos jours, les jeunes sont confrontés à des obstacles additionnels, allant de l’économie aux problèmes de santé mentale et d’usage de substances en passant par le racisme systémique. Les jeunes Autochtones, en particulier, portent le fardeau des traumatismes intergénérationnels et de la discrimination persistante, et bien des mères autochtones – sinon toutes si vous voulez mon avis – subissent du racisme systémique. J’imagine que c’est dû à un manque de connaissances de qui sont les Premières Nations et de notre cheminement de guérison sociétale.

Inclure davantage de jeunes dans les discussions concernant la santé mentale

Colbi Mike : Les jeunes amènent un regard neuf, des expériences vécues et des idées novatrices, et comme ils sont directement touchés par les politiques et les programmes, leur participation assure que ces initiatives sont pertinentes, efficaces et valorisantes. Parce qu’on a fait la sourde oreille au point de vue des jeunes par le passé, leurs besoins sont aujourd’hui mal compris. En les impliquant, non seulement on bâtit de meilleurs programmes, mais on favorise aussi le sentiment d’appartenance, le leadership et la responsabilité chez les jeunes. Je trouve qu’il est essentiel d’écouter les personnes qui ont vécu à notre époque et de faire résonner leur voix, et ce, dès maintenant.

Em Alexander : La prise en compte des voix des jeunes est un facteur déterminant dans l’élaboration des programmes, particulièrement ceux qui desservent les jeunes. Le Conseil des jeunes a été fondé en 2008, et à mes yeux, la CSMC est un chef de file lorsqu’il est question de véritablement inclure les jeunes et les personnes ayant un savoir expérientiel dans ses programmes et ses politiques. Il est essentiel que les jeunes participent aux décisions qui les concernent.

Confier aux personnes ayant un vécu expérientiel de la maladie mentale un rôle plus important dans la prise de décision

Em Alexander : On en revient toujours à ce principe essentiel : « rien sur nous sans nous ». Quand on crée ou actualise une politique qui touche les personnes ayant des antécédents de maladie mentale, celles-ci devraient faire partie du processus dès le départ. Que diriez-vous si quelqu’un élaborait des programmes d’aide pour vous sans tenir compte de votre vécu ou de vos besoins, ni des initiatives qui ont fonctionné et échoué par le passé? Vous n’en voudriez pas, évidemment. Il faudrait que les savoirs expérientiels soient pris en compte. Il s’agit d’un élément incontournable dans l’élaboration des politiques, puisque celles-ci peuvent avoir des effets à long terme sur les services, l’accès, la qualité des soins et d’autres aspects.

Colbi Mike : Il est primordial d’écouter davantage les personnes ayant une expérience vécue. Les politiques influent directement sur les réalités vécues, et les personnes concernées devraient avoir leur mot à dire. Les personnes ayant un savoir expérientiel ont des perspectives que les professionnels et les décideurs omettent parfois, c’est pourquoi leur participation assure que les politiques sont non seulement pratiques mais aussi inclusives. De plus, la participation favorise la confiance, la reddition de comptes et le succès à long terme.

Comme mère autochtone, j’ai une connaissance directe des défis liés aux obstacles, au décalage culturel et aux systèmes de soutien insuffisants. Mon vécu m’a permis de mieux comprendre les questions de l’empathie et de la sensibilité culturelle, et de veiller à ce que les programmes et politiques reflètent les difficultés et les réussites de la vie réelle.

Em Alexander : En tant que coprésidente, mon expérience vécue tant à titre personnel que comme aidante influence ma démarche. Mes objectifs sont d’incarner un leadership tenant compte des traumatismes et axé sur le rétablissement en plus de reconnaître et de célébrer les identités et expériences intersectionnelles de nos membres. Ce poste, que j’occupe depuis quelques années, me tient particulièrement à cœur, et nous fonctionnons très bien en tant que conseil, dans le respect, la confiance et le soutien mutuel.

Les prochaines étapes consistent à sensibiliser la population, à diffuser de l’information et à obtenir du financement

Colbi Mike : La réconciliation passe par l’information. Les professionnels de la santé doivent comprendre les répercussions persistantes des pensionnats, des politiques coloniales et de l’oppression systémique pour fournir des soins sécuritaires sur le plan culturel. Bien qu’on ait vu des efforts pour incorporer ces notions à certains programmes d’études, le processus est lent et inégal. L’appel à l’action 24 (parmi les 94 appels à l’action de la Commission de vérité et de réconciliation du Canada) insiste sur le caractère prioritaire de cette question, mais une plus grande responsabilisation est nécessaire pour faire en sorte que tous les travailleurs de la santé sont en mesure de soutenir les patients autochtones avec respect et compréhension.

Em Alexander : Mon expérience professionnelle au croisement du secteur sans but lucratif et celui de la santé mentale m’a appris qu’un plus grand soutien doit être donné aux travailleurs de la santé. On constate une prise de conscience croissante de ce problème, mais l’un des plus grands défis que j’observe encore est que des personnes bien intentionnées souhaitent pouvoir faire plus pour aider, mais, au niveau systémique, n’ont pas les ressources ou la capacité de le faire. Cela se répercute parfois sur le coût des services, l’accès, les temps d’attente ou l’admissibilité, mais les personnes désireuses de soutenir les autres ne manquent pas. J’espère sincèrement que le financement pour les soins de santé mentale et les programmes et initiatives connexes sera maintenu au fil des transitions de gouvernance politique.

Nous avons tous un rôle à jouer pour soutenir les personnes dans le besoin 

Em Alexander : Lorsque les gens demandent de l’aide, ne faites pas de suppositions quant à leurs identités, leurs besoins et leur vécu; à la place, demandez-leur et soyez à l’écoute. Nous vivons dans une époque difficile, particulièrement pour les personnes 2SLGBTQI+. Notre communauté est exposée à des menaces très réelles pour sa sécurité, nées de la haine et de l’ignorance à l’extérieur de nos frontières… et aussi ici, au Canada. Prenez des nouvelles des personnes faisant partie de ces groupes dans votre entourage, car elles sont particulièrement ciblées en ce moment – les communautés BIPOC, 2SLGBTQI+, les immigrants, les réfugiés et d’autres – et elles ont besoin de tout le soutien possible.

Colbi Mike : La santé mentale est intimement liée au bien-être des familles et des communautés, et pourtant les mères sont souvent confrontées à la stigmatisation, à l’isolement et au manque d’accès à des services de santé mentale sécuritaires. De ce fait, il est important de soutenir les mères en investissant dans des soins de santé mentale accessibles et appropriés ainsi que dans les services de garde et de transport.

Nous devons également mettre en place des programmes qui intègrent les savoirs culturels et le soutien communautaire, car pour les peuples autochtones, la guérison passe souvent par la reconnexion avec notre culture, notre langue et nos communautés. L’investissement dans ces secteurs peut renforcer la résilience et l’identité pour les générations à venir.

Cet article fait partie de la série intitulée Le choix des mots est important dans Le Vecteur.

Comme le fait de ne pas avoir de chez-soi, la question des mots que l’on emploie pour nommer cette réalité est complexe et comprend plusieurs aspects. Les chercheurs, les experts et les personnes ayant un savoir expérientiel se demandent s’il existe une manière de nommer et de penser le logement qui permettrait de faire avancer la conversation plutôt que de l’enliser dans la stigmatisation, les préjugés et la discrimination. Comme pour les personnes en situation d’insécurité en matière de logement – une situation que l’on peut observer sous différents angles, qu’il s’agisse de l’accès au logement ou du maintien d’un logement – il n’existe pas de bonne réponse unique.

Selon l’observatoire canadien sur l’itinérance (The Canadian Observatory on Homelessness), l’itinérance se définit comme la situation d’une personne, d’une famille ou d’une communauté qui ne peut pas compter sur un logement stable, sûr, permanent et approprié, ou qui n’a pas la possibilité ou les moyens immédiats de s’en procurer un.

Il peut s’agir de personnes qui vivent dans des refuges d’urgence, qui passent d’un sofa à l’autre, qui vivent dans des campements ou dans des environnements qui ne sont pas faits pour l’habitation humaine (comme des voitures, des garages ou des abris de fortune), et de personnes qui risquent de se retrouver dans ces conditions de vie. La définition englobe non seulement le revenu et le logement, mais aussi l’accès à l’emploi, aux soins de santé, à l’eau potable et à l’assainissement, aux écoles et à la garde d’enfants.

Le choix des mots

Les mots que nous prononçons ne changent pas en eux-mêmes l’expérience ou l’impact de l’itinérance, mais ils influent la conversation. Par exemple, des termes comme « sans maison » ou « sans logement » sont de plus en plus courants. Ils mettent l’accent non plus sur la personne, mais sur le problème plus vaste – le manque de logements abordables, un problème qui préoccupe beaucoup 45 % des personnes au Canada, d’après les résultats de l’Enquête sociale canadienne de fin 2024.

Al Wiebe connaît ce problème. Défenseur du logement à Winnipeg, il a connu l’itinérance et se décrit lui-même comme n’ayant pas d’adresse fixe. Il utilise le terme « sans-abri » pour décrire son expérience, car « une maison n’est qu’un abri, un toit au-dessus de votre tête », dit-il, notant que certaines personnes vivant dans des campements, par exemple, peuvent avoir l’impression d’avoir un « foyer », et ce, même si elles n’ont pas de « maison » dans le sens traditionnel du terme.

En outre, M. Wiebe signale que plus de 31 % des personnes sans abri sont issus de communautés autochtones, et que de nombreuses personnes appartenant à ces communautés estiment que les termes « sans logement » ou « sans maison » sont plus appropriés pour désigner les personnes qui considèrent la Terre comme leur foyer.

Le langage centré sur la personne

Ce terme correspond au langage centré sur la personne – c’est-à-dire qui met l’accent sur la personne. Par exemple, dans le cas des troubles de santé mentale, vous pourriez décrire une personne comme « vivant avec la schizophrénie » plutôt que comme « étant schizophrène ». Personne n’a ou n’est une maladie, un handicap ou un état. Dans le cas du logement, c’est le manque d’options abordables qui est le problème, et non la personne.

Pearl Eliadis parle de cette nuance dans « Turning Off the Tap : Preventing Homelessness for Victims of Violence », un chapitre de l’ouvrage intitulé Ending Homelessness in Canada : The Case for Homelessness Prevention (2024), de James Hughes.

Madame Eliadis est professeure associée à l’Université McGill et avocate. Elle compte plus de dix ans d’expérience, notamment aux Nations Unies et à la Commission canadienne des droits de la personne. En 2021, elle a mené un projet de recherche avec Melpa Kamateros dans le cadre du Collectif québécois pour la prévention de l’itinérance. Dès le départ, elles ont eu une conversation sur les mots.

Melpa Kamateros, cofondatrice et directrice générale de l’association montréalaise Shield of Athena Family Services, qui offre un refuge d’urgence aux personnes victimes de violence conjugale, estime qu’il faut faire preuve de prudence dans l’utilisation de ce terme.

« Les femmes que nous accueillons ne sont pas sans-abri, du moins pas tant et aussi longtemps qu’elles sont dans notre refuge! » Melpa Kamateros explique à Pearl Eliadis, qui tient la plume : « Il y a un argument féministe en jeu ici : le fait de qualifier l’expérience d’une femme qui a fui la violence de « sans-abrisme » place le problème politique sur elle; cela touche son identité même, alors qu’en réalité, sa situation est le produit de la violence de quelqu’un d’autre à son égard. Cette femme est provisoirement sans logement, mais cela ne fait pas d’elle une « sans-abri ».

Évolution des idées

Certains, comme Regeneration Outreach, à Brampton, en Ontario, disent « sans-abri » pour désigner quelqu’un sans domicile fixe, et « sans maison » pour désigner quelqu’un qui n’a pas de maison dans le sens traditionnel du terme, mais qui habite à un endroit, par exemple, dans un véhicule récréatif ou une structure non permanente. Blanchet House, à Portland, en Oregon, utilise indifféremment « sans logement » et « sans maison », plutôt que le terme plus stigmatisé de « sans-abri ».

Cependant, comme le font remarquer les défenseurs de cet enjeu, remplacer un terme par un autre risque d’éclipser le plus important.

« Même l’avantage de passer d’un mot chargé de connotations péjoratives à un autre qui signifie la même chose, mais sans ces connotations, n’a qu’un avantage négligeable qui dure quelques années, jusqu’à ce que le nouveau terme soit à nouveau porteur de stigmatisation », a écrit Frances Koziar, une jeune retraitée handicapée et une activiste de la justice sociale vivant à Kingston, en Ontario, dans un article d’opinion publié dans l’Ottawa Citizen.

Si le langage continue d’évoluer, ce n’est qu’une partie d’un problème beaucoup plus vaste. Le débat sur la terminologie ne devrait pas servir de vertu de façade. Il doit être doublé d’efforts réels visant à trouver des solutions aux problèmes plus graves que sont l’accessibilité au logement, la santé mentale et l’usage de substances.

Lecture complémentaire : Un toit à soi : Le manque d’options en matière de logement crée pour ainsi dire une sorte de dépaysement.

Ressource : La santé mentale : Notre façon d’en parler importe! 

Si vous évoluez au sein de certaines « bulles de filtre », la santé mentale peut sembler omniprésente. « Tant de personnes consomment de l’information sur ce sujet, sans toutefois y porter un regard critique », indique Jessica Ward-King, surnommée « StigmaCrusher » (« pourfendeuse de la stigmatisation »), titulaire d’un doctorat en psychologie expérimentale qui se décrit comme une ardente promotrice de la santé mentale (et aussi « bourrée de diplômes et de médicaments »). Elle suit une thérapie par la parole en ligne et se renseigne sur TikTok et YouTube. « À mes yeux, c’est aussi de la cybersanté mentale », affirme-t-elle. Les contenus de Ward-King s’appuient sur des recherches réalisées dans le cadre de ses études doctorales, sur son savoir expérientiel du trouble bipolaire et sur d’autres sources de données probantes, mais ces méthodes ne sont pas nécessairement la norme lorsqu’il est question de santé mentale sur Internet.

Il ne fait aucun doute que la technologie transforme la façon de recevoir des soins de santé au Canada, avec la pléthore d’applications, d’influenceurs et d’outils numériques qui font leur apparition, mais comment séparer le bon grain de l’ivraie?

« Les services de cybersanté mentale canadiens présentent des avantages indéniables : ils offrent l’anonymat, réduisent la stigmatisation et permettent aux gens d’obtenir un soutien selon des modalités qui leur conviennent, mentionne Maureen Abbott, directrice de l’Innovation à la Commission de la santé mentale du Canada. Que ce soit par la souplesse qu’elle offre quant au moment et au format de la consultation, ou la possibilité de trouver de l’aide d’urgence lorsque les services en personne ne sont pas disponibles, la cybersanté mentale transforme les soins de santé mentale. Une personne nous a raconté qu’une rencontre avec un groupe de soutien par les pairs au milieu de la nuit lui avait littéralement sauvé la vie », raconte Maureen Abbott.

Maureen Abbott

Maureen Abbott, directrice de l’Innovation à la Commission de la santé mentale du Canada, lors du Congrès annuel du Collectif international eMHIC, qui a eu lieu à Ottawa, en septembre, et où la Stratégie a été dévoilée. Face aux innombrables solutions de cybersanté mentale disponibles, des lignes directrices claires sont essentielles pour assurer la qualité clinique des outils, la sécurité des utilisateurs et la protection des données. Photo : Collectif international eMHIC.

Une stratégie pour l’avenir

La Commission de la santé mentale du Canada (CSMC) a lancé la première Stratégie en matière de cybersanté mentale pour le Canada en 2024. Ce document contient des lignes directrices guidant le développement de services de cybersanté mentale. Il met l’accent sur la sécurité clinique, sur la création de cadres pour la collecte et la conservation des données et sur les soins culturellement adaptés.

« Si les services de cybersanté mentale comportent de nombreux avantages, nous devons aussi nous attaquer à des problèmes comme la confidentialité et la qualité des services. C’est pourquoi la CSMC, avec le soutien de Recherche en santé mentale Canada, a préparé une stratégie nationale fondée sur l’apport d’un conseil consultatif diversifié formé à majorité de personnes ayant vécu des problèmes de santé mentale, poursuit Maureen Abbott. Ce document phare établit les priorités pour l’avenir de la cybersanté mentale en assurant un engagement et une collaboration véritables à l’échelle du secteur. »

En fournissant ce soutien aux créateurs de politiques et d’outils de cybersanté mentale, la CSMC peut inspirer et améliorer ce domaine au niveau systémique. Ainsi, les pratiques exemplaires se rendent jusqu’aux développeurs d’applications, aux responsables des orientations politiques et aux dirigeants du secteur de la santé, en plus de leur donner les moyens de fixer et d’adopter des standards qui contribueront à la bonne santé des utilisateurs.

En ce sens, c’est une stratégie qui rejoint les gens là où ils se trouvent – parce que la cybersanté mentale poursuit sa croissance. Selon l’American Psychological Association, plus de 20 000 applications de santé mentale étaient disponibles sur le marché en 2021.

Cette prolifération va certainement se poursuivre, puisque les outils de cybersanté mentale peuvent représenter un éventail de choix plus vaste, plus pratique, à coût moindre et, dans certains cas, de meilleure qualité que les services traditionnels, selon un éditorial intitulé The “Uberisation” of Mental Health Care: A Welcome Global Phenomenon? (La santé mentale à l’ère Uber : un phénomène mondial bienvenu?), de Ian Hickie, professeur de psychiatrie au Brain and Mind Centre de l’Université de Sydney, en Australie.

« Si les personnes ayant vécu la maladie mentale et disposant d’une capacité de recherche dans ce domaine ne réagissent pas adéquatement, d’autres instances peuvent intervenir pour répondre aux priorités des consommateurs, à savoir l’accès, le choix, le prix concurrentiel et l’expérience utilisateur. Dans le monde entier, la demande de services de santé mentale personnalisés dépasse largement l’offre », écrit Hickie.

Ici au Canada, la Stratégie de cybersanté mentale se veut un plan directeur comportant six priorités et douze recommandations pour orienter le développement de la cybersanté mentale au Canada et stimuler l’innovation – avec considération.

Par exemple, l’une des priorités est d’améliorer la qualité des outils et services de cybersanté mentale, notamment en ce qui concerne la confidentialité et la protection des données. Pour guider les dirigeants du système de santé, les provinces et territoires, les autorités sanitaires, les organismes communautaires et les chercheurs en ce qui concerne le consentement, la collecte et la souveraineté des données, la Stratégie s’inspire de principes empruntés aux Premières Nations, à savoir les principes de propriété, de contrôle, d’accès et de possession.

« La confiance est au cœur de la cybersanté mentale, affirme Michel Rodrigue, président et directeur général de la Commission de la santé mentale du Canada. L’efficacité et la sécurité des applications et des services de cybersanté mentale doivent primer. La population canadienne doit avoir la garantie que ces solutions correspondent aux standards de sécurité et de qualité les plus élevés, qu’elles prônent une gouvernance des données axée sur l’équité, qu’elles préservent la confidentialité et qu’elles tiennent compte des perspectives des personnes ayant un savoir expérientiel des problèmes de santé mentale. »

Notre pourfendeuse de la stigmatisation, Jessica Ward-King, fait remarquer qu’une personne traversant une crise ou un problème lié à sa santé mentale ne se soucie pas nécessairement de la gestion de ses données personnelles.

« La confidentialité est une préoccupation majeure à laquelle bien des gens ne réfléchissent même pas. Et la sécurité aussi est primordiale. Quand un agent conversationnel répond à une personne aux prises avec des pensées suicidaires, quels sont les dispositifs de protection en place? Quand vous recevez des conseils d’une personne qui ne connaît pas vos médicaments, quel est le risque? La présence d’une stratégie permet d’anticiper les problèmes en s’assurant que ces questions sont posées à temps. »

Certaines recommandations de la Stratégie portent sur des questions liées à la main-d’œuvre et à l’état de préparation des usagers. Les gens veulent de l’aide pour déterminer la qualité et la sécurité des ressources face à une multitude de choix sans aucune norme commune. À mesure que les outils de cybersanté mentale continueront de s’améliorer en qualité et en efficacité, il faudra établir un moyen de transmettre de l’information au sujet des solutions fondées sur des données probantes aux praticiens et de démontrer qu’elles sont à la fois sécuritaires et efficaces.

Les changements étant si rapides, la communauté de la cybersanté mentale réclame des lignes directrices qui portent précisément sur l’utilisation de l’IA dans les soins de santé mentale, plus pointues que les orientations et les normes provinciales et nationales existantes sur l’usage éthique de l’IA au Canada.

Les experts internationaux et les collaborateurs consulté en vue de la préparation de la Stratégie ont ors des consultations qui ont précédé l’élaboration de la Stratégie, les experts internationaux comme les collaborateurs canadiens ont souvent abordé la question de la création d’une bibliothèque d’applications de santé mentale et du processus d’évaluation. Pour éliminer quelques-uns des problèmes que l’on connaît au Canada en matière de cybersanté mentale, il faudrait créer une base de données contenant les applications évaluées et mettre au point un processus d’évaluation national. De plus, il faudrait procéder à un examen et une mise à jour continus des lignes directrices en matière de pratiques exemplaires, puisque la technologie, la législation et les données issues de la recherche sont en perpétuel changement, particulièrement en ce qui concerne la sécurité des données et les normes de confidentialité.

Atténuer les risques et s’y préparer

La cybersanté mentale permet d’offrir des soins à des personnes vivant en région rurale qui sont incapables de se déplacer pour voir un professionnel de la santé. Elle permet à des gens de trouver des soins culturellement adaptés à leur situation et de protéger leurs renseignements personnels, et ce, à un coût inférieur à celui des soins obtenus en personne – tant pour le fournisseur que pour le bénéficiaire. Durant la phase aiguë de la pandémie, les solutions de cybersanté mentale ont permis aux gens d’accéder aux soins pendant qu’ils pratiquaient la distanciation physique, s’isolaient ou se rétablissaient de la COVID-19.

Les consultations virtuelles pour les problèmes de santé, de santé mentale et d’usage de substances ont bondi au printemps et à l’été 2022 : près de trois personnes sur cinq au Canada ont obtenu des soins de cette manière, selon Statistique Canada.

Dans une enquête réalisée en 2021 par Inforoute Santé du Canada, 63 p. 100 des répondants ont affirmé qu’ils n’auraient pas demandé de soins de santé mentale si des solutions virtuelles n’avaient pas été disponibles.

Shaleen Jones l’a constaté personnellement. Elle est la fondatrice et directrice générale de Eating Disorders Nova Scotia, un organisme caritatif communautaire voué aux troubles de l’alimentation qui offre tous ses services sans référence ni diagnostic.

Comme bien des organismes, Eating Disorders Nova Scotia a pris un virage entièrement numérique en 2020. Tous ses services et modules de formation se donnent désormais en ligne, ce qui lui a permis d’accroître sa portée, explique Jones.

« La technologie est certainement un outil qui nous permet d’entrer en contact avec les autres, mais à mon avis, c’est la connexion personnelle qui produit l’effet le plus considérable, estime-t-elle. Comme pour tout nouvel outil, il est crucial de réfléchir à son utilisation. La Stratégie de cybersanté mentale de la CSMC permet d’anticiper les problèmes et de mettre au point des méthodes pour établir la trajectoire que prendront les services de cybersanté mentale au Canada. »

La première Stratégie de cybersanté mentale du Canada : Les six priorités

  • Améliorer la perception de la cybersanté mentale, l’utilisation de celle-ci et la sensibilisation qui l’entourent.
  • Mettre en place des ressources permettant d’évaluer l’efficacité des solutions et des programmes de cybersanté mentale.
  • Examiner la qualité des solutions et des services de cybersanté mentale, notamment en ce qui concerne la protection de la vie privée et des données.
  • Éliminer les obstacles à l’adoption de solutions de cybersanté mentale et résoudre les difficultés systémiques qui s’y rattachent.
  • Intégrer les principes IDEA (inclusion, diversité, équité et accessibilité) dans l’ensemble des activités de conception, des outils et des services de cybersanté mentale.
  • Encourager les professionnels de la santé mentale à intégrer la cybersanté mentale dans leur pratique.

La première Stratégie de cybersanté mentale du Canada : Les douze recommandations

  • Faire avancer la conception et la promotion d’un outil d’évaluation du degré de préparation à l’intention des fournisseurs de services.
  • Concevoir et mettre en place une formation complète sur la cybersanté mentale à l’intention des professionnels de la santé mentale.
  • Porter à terme et promouvoir un guide des pratiques exemplaires entourant l’utilisation des outils de cybersanté mentale.
  • Rehausser le niveau de sécurité grâce aux outils d’intelligence artificielle utilisés en santé mentale.
  • Constituer une bibliothèque nationale d’applications dédiées aux soins de santé mentale.
  • Mettre en place un réseau de personnalités influentes qui défendront les questions de santé mentale.
  • Créer un site Web et une campagne de sensibilisation du public en vue d’offrir des solutions de qualité dans le domaine de la cybersanté mentale.
  • Tirer parti de la cybersanté mentale pour pérenniser la présence d’équipes de soins de santé interdisciplinaires, comprenant des professionnels de la santé mentale.
  • Porter une attention particulière au rôle que joue la cybersanté mentale dans le cadre des initiatives du Canada en matière de bande passante à haut débit.
  • Investir dans la création de solutions de cybersanté mentale couvrant toute une gamme de services d’intensité variable.
  • Prévoir des solutions de cybersanté mentale dans tous les modèles de financement des systèmes de santé provinciaux et territoriaux.
  • Améliorer l’interopérabilité des données de santé mentale, afin de permettre aux fournisseurs d’y avoir accès tout en préservant la propriété des données personnelles.

Lecture complémentaire : Lisez la Stratégie en entier.

Ressources : Cybersanté mentale : Quel est l’enjeu?

Debra Slater est le genre de personne à qui on confierait le soin de ses proches. Née pour rendre soin des autres de son propre aveu, elle s’est occupée de sa grand-mère à Saint-Vincent-et-les Grenadines, avant d’entreprendre des études pour devenir préposée aux services de soutien personnel (PSSP) lorsqu’elle a immigré au Canada. Slater adore apprendre des aînés qui se trouvent sous sa garde, dans un centre de soins de longue durée en périphérie de Toronto. Elle les salue par leur nom, s’assurant d’établir un contact, que ce soit par le regard ou par un sourire, bavarde avec eux et s’efforce de tisser des liens avec eux, quel que soit leur état cognitif. Elle traite les clients comme des personnes, qu’elle aide à accomplir leurs activités de la vie quotidienne, par exemple prendre un bain, s’habiller et manger.

« Il faut prendre le temps de comprendre leurs émotions et leurs sentiments, affirme Slater, qui a œuvré par intermittence comme PSSP pendant plus de 20 ans. On devient un peu comme leur famille. Ils ne sont pas “mes patients”. Ce sont des individus, qui cherchent à vivre d’une manière aussi autonome que possible, et ils sont ici à la maison. Mon travail est de leur apporter confort, sérénité, amour et compagnie. Tout ça est relié dans l’atmosphère que nous essayons de créer. »

Debra Slater

Debra Slater, préposée aux services de soutien personnel, est aussi coordonnatrice du Empower PSW Network, qui revendique de meilleures conditions de travail.

Slater conserve cette attitude bienveillante, même si elle doit souvent jongler avec les besoins variés de huit résidents durant son quart de travail. Parfois, l’un d’eux a mal dormi, un autre souffre d’un problème médical… et si un des collègues de Slater s’absente, elle doit en plus prendre le relais pour une partie de ses clients. « Parfois, lorsque la journée est dure, il faut redoubler d’efforts pour demeurer pleinement présent, réfléchit-elle en faisant référence aux interventions de désescalade et de résolution de problème qu’elle doit effectuer. Il y a un prix à payer; ma santé mentale est en montagnes russes. »

De nombreux fournisseurs de soins exercent leur métier parce qu’ils ont la fibre nourricière, comme elle. Pourtant, 80 p. 100 d’entre eux ont songé à réorienter leur carrière, selon un rapport publié l’an dernier par le Centre canadien d’excellence pour les aidants (CCEA).

Partout au pays, des PSSP, des intervenants en soutien direct – qui travaillent auprès de personnes en situation de handicap – et d’autres travailleurs rémunérés dans le domaine des soins de santé se sentent stressés, surmenés et sous-payés. Cette main-d’œuvre est largement composée de femmes racisées, souvent nouvellement arrivées au Canada, qui sont confrontées à des taux élevés d’abus et de discrimination en milieu de travail.

La majorité de ces personnes, qui œuvrent dans des établissements de vie collective et assurent des soins à domicile pour divers employeurs publics et privés, sont en réalité des travailleurs à la tâche, sans avantages tels que des congés de maladie payés ou l’accès à des services de counseling.

Moins de la moitié des PSSP sondés dans le cadre d’une initiative conjointe de l’Université de Toronto et du laboratoire Upstream de l’hôpital St. Michael’s ont indiqué que leur santé était bonne ou excellente, une proportion inférieure à la moyenne nationale. Dans un article publié en 2022, les chercheurs ont constaté que plus de 20 p. 100 des répondants souffraient d’une forme de trouble dépressif, ce qui « dépasse considérablement la prévalence des épisodes dépressifs majeurs dans la population canadienne ».

Dans un pays où la population est vieillissante, le défi est de taille. Si nous ne prenons pas soin des PSSP et des autres fournisseurs de soins, comment pouvons-nous espérer qu’ils prennent en charge nos citoyens les plus vulnérables ?

Un métier à haut risque

Plus de 650 PSSP dans la région du Grand Toronto ont répondu au sondage du laboratoire Upstream, qui a révélé les statistiques suivantes :

  • 97 % d’entre eux sont nés à l’extérieur du Canada.
  • 86 % occupent un emploi précaire.
  • 89 % n’ont droit à aucun congé de maladie payé.
  • 90 % sont des femmes.
  • Bon nombre d’entre eux sont des travailleurs à la tâche touchant un salaire s’échelonnant de 17 $ de l’heure dans les soins à domicile et les soins communautaires à 25 $ dans les établissements publics de soins de longue durée.

Ce portrait éclair est représentatif de la situation des fournisseurs de soins partout au pays, selon l’article du laboratoire Upstream. Leurs conditions précaires sont « significativement associées à un risque accru de dépression. »

Au Canada, les emplois dans le domaine de la santé étaient généralement stables, mais au fil des trois dernières décennies, « les disparités dans le salaire et les conditions de travail des professionnels agréés (comme les médecins et le personnel infirmier) et d’autres travailleurs à temps partiel, temporaires, contractuels ou non syndiqués se sont creusées », rapportent les chercheurs. En raison de la volonté de décharger les patients des soins aigus et de privilégier le vieillissement à domicile, la demande de PSSP a considérablement augmenté, ces derniers représentant désormais quelque 10 p. 100 de l’ensemble des travailleurs de la santé. Cette main-d’œuvre croît relativement rapidement, affirme le Dr Andrew Pinto, directeur du laboratoire Upstream, sans que l’on s’attarde aux conséquences de ce changement.

Ces conditions de travail médiocres peuvent porter atteinte à la santé physique et mentale, souligne le Dr Pinto, qui est médecin de famille en plus de son poste de spécialiste de la santé publique. Dans un système qui récompense la « réduction des coûts » et la capacité de « faire plus avec moins », il explique que bien des PSSP craignent les représailles de leur employeur s’ils font mention de problèmes rencontrés au travail. Cela, le Dr Pinto l’a appris de ses recherches, et aussi des patients PSSP qu’il traite dans sa pratique. « Ils sont totalement dévoués à prendre soin des autres et tirent beaucoup de fierté de leur travail, dit-il, mais ne reçoivent pas le respect qu’ils méritent. »

Dr. Andrew Pinto

Le Dr Andrew Pinto : De meilleures conditions de travail donnent lieu à de meilleurs résultats de santé. Photo: Upstream Lab

Le Dr Pinto est convaincu qu’en dépit des pressions économiques et démographiques, le système peut être réformé. Parce que le système relève d’un financement public, une revendication collective de « respect des droits fondamentaux » – salaires décents, congés de maladie, accès à des ressources de santé, possibilité de signaler des problèmes systémiques – permettrait d’améliorer les conditions des fournisseurs de soins, et ce, qu’ils travaillent pour le gouvernement ou pour un employeur privé. « Personne ne veut confier ses proches à des travailleurs à la tâche, affirme le Dr Pinto. Des emplois de meilleure qualité amélioreront non seulement la santé des PSSP, mais aussi la qualité des soins qu’ils prodiguent et les résultats en matière de santé pour tous les Canadiens. »

Pour poursuivre la campagne pour une réforme des politiques, le projet de recherche du laboratoire Upstream a créé le réseau Empower PSW Network, une coalition de prestataires de soins ayant pour but de sensibiliser les gens à la cause et de revendiquer des changements. Slater, coordonnatrice du réseau, estime qu’avant tout, les PSSP ont besoin d’un plus grand soutien structuré. « Le problème ne réside pas dans le travail comme tel, mais dans la façon dont nous sommes traités. »

Des soins réduits au silence

Liv Mendelsohn, directrice générale du CCEA, connaît des PSSP qui n’ont d’autre toit que leur voiture, parce qu’ils sont incapables de se payer un logement. Des préposés lui ont raconté le stress de courir entre les centres de soins et les résidences privées pour joindre les deux bouts. « Nous dépendons de ces gens pour fournir des soins très intimes, dit-elle, mais nous n’en faisons pas assez pour préserver leur santé. » De surcroît, lorsqu’une personne dépend d’un employeur en particulier pour conserver sa permission de séjour au Canada, elle choisit souvent de garder le silence quand elle fait face à des situations de discrimination ou d’exploitation.

Le CCEA a appelé le gouvernement fédéral à imposer un salaire horaire minimal de 25 $ pour tous les PSSP. Mendelsohn signale qu’il est primordial d’offrir des avantages sociaux uniformes afin de prévenir l’épuisement et de réduire le nombre de PSSP qui migrent vers des emplois dans les soins aigus, à la recherche de plus de stabilité. Malgré l’ampleur de la tâche, elle garde espoir. « Notre système n’a pas le choix de s’améliorer, déclare-t-elle. La situation ne peut tout simplement pas continuer sans renforcer le soutien offert aux PSSP. »

« Ce qu’il faut, c’est plus que des bras, poursuit Mendelsohn, qui entrevoit une nouvelle ère où, par exemple, un aîné atteint de démence gagnerait en qualité de vie parce qu’il est pris en charge par la même personne tous les jours. Nous avons besoin de gens qualifiés et empathiques, et nous devons reconnaître qu’ils sont un maillon indispensable de notre système de santé. »

Dans une autre réalité, Kezia (nom de famille omis pour protéger ses perspectives d’emploi) aurait pu devenir une de ces travailleuses de soutien. Née en Inde, elle a passé son enfance aux Bahamas avant de déménager à l’Île-du-Prince-Édouard, où elle a fait ses études universitaires en travaillant comme PSSP et comme intervenante en soutien direct pour couvrir ses dépenses. Kezia a cuisiné, nettoyé, aidé ses clients dans les activités de la vie quotidienne, les a accompagnés à des programmes de jour et des rendez-vous médicaux. La courbe d’apprentissage était abrupte, mais grâce à des collègues bienveillants, elle a trouvé son rythme. « Nous essayions de cultiver une ambiance chaleureuse, comme à la maison, dit-elle. Avec le temps, c’est devenu une vocation. »

En revanche, Kezia, qui était au début de la vingtaine à l’époque, a aussi subi du racisme et des commentaires inappropriés à caractère sexuel. Lorsqu’elle en parlait à son gestionnaire, « c’était comme frapper un mur ». Elle sentait que ses employeurs ne la reconnaissaient pas à sa juste valeur, même après un quart de 16 heures. Si elle manquait une journée, elle n’était pas payée, ce qui grugeait son budget pour son loyer et son épicerie. Épuisée, elle négligeait sa propre santé. Après trois ans, elle a abandonné le métier.

« Si j’avais été mieux traitée, je serais peut-être restée, conclut-elle. Les PSSP sont la colonne vertébrale de notre système de santé. Mais je ne pourrai jamais y retourner. » À la place, Kezia est retournée sur les bancs d’école. Elle veut devenir infirmière.

Lecture complémentaire : La santé mentale au travail, ça compte. Comment engager la conversation.

En savoir plus : Ressources pour les aidants, du Centre canadien d’excellence pour les aidants (CCEA). 

En 2009, Zac Crouse et Corey Morris, deux kayakistes chevronnés, descendaient une rivière gonflée par la pluie en Nouvelle-Écosse lorsque Corey a été englouti par une chute d’eau, ce qui lui fut fatal. Les deux hommes planifiaient une expédition de kayak qui devait les mener de l’Ontario jusqu’à l’océan Atlantique. Traumatisé par la mort de son ami proche, Zac Crouse a entamé une thérapie et commencé à prendre des médicaments. Deux ans plus tard, sa guérison passait par une excursion de 1 500 kilomètres en solitaire.

« Au départ, il s’agissait d’un défi physique, mais aussi d’un défi cognitif de haut niveau, raconte Crouse, autrefois thérapeute en loisirs et maintenant enseignant en thérapie par le loisir à l’université. On entre dans une sorte de transe quand on passe tant d’heures à pagayer. Le cerveau finit par voir sur l’eau des motifs qui ne correspondent à aucune idée préconçue. Et il y a aussi les sons et la caresse du vent. On se sent apaisé », ajoute-t-il.

« Les mouvements répétitifs, l’effort, toutes les petites choses auxquelles il faut prêter attention pour avancer créent une sensation de fluidité, précise Crouse. Et les problèmes qu’il faut résoudre sont très pratiques et immédiats, l’avenir n’existe pas. »

Grâce à cette expédition, Crouse a pu laisser derrière lui ruminations et regrets. Elle l’a aidé à se rétablir. Chacun vit et réagit différemment aux traumatismes. Mais le voyage de Crouse illustre le pouvoir thérapeutique des « espaces bleus ».

Zac Crouse.

Zac Crouse enseigne la thérapie par le loisir. Après la mort de son ami proche, Corey Morris, il s’est lancé dans une longue expédition en kayak dans l’espoir de guérir.

Une seconde nature

Les bienfaits de la nature sont bien connus : baisse de la tension artérielle et du taux d’hormones de stress, diminution de l’anxiété, amélioration de l’estime de soi. À l’heure actuelle, de plus en plus d’études montrent que le fait de passer du temps au bord de l’eau, sur l’eau ou dans l’eau est peut-être plus salutaire que n’importe quelle autre activité de plein air. Par exemple, dans un article publié en 2022, deux chercheurs de l’Université de Californie à Davis montrent que les participants à une étude avaient ressenti les bienfaits de l’eau tout simplement en regardant un ruisseau ou une piscine. Ils s’étaient détendus, et leur tension artérielle et leur rythme cardiaque avaient diminué. Les auteurs expliquent ce constat entre autres par le fait que, à un moment de son évolution, l’être humain aurait éprouvé une diminution du stress lorsqu’il repérait une source d’eau potable dans un environnement aride.

Évidemment, tout milieu aquatique comporte aussi son lot de dangers. Selon les centres américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC), la noyade est la troisième cause de décès par blessure involontaire dans le monde. Les inondations sont parmi les conséquences les plus meurtrières du changement climatique, et elles ont tendance à déplacer ou à tuer ceux qui sont les moins susceptibles de s’échapper ou de s’adapter. Pourtant, notre espèce entretient un lien biopsychologique profond avec la structure moléculaire de l’eau, composée de deux atomes d’hydrogène et d’un atome d’oxygène.  Depuis une dizaine d’années, les chercheurs s’efforcent de décortiquer notre affinité avec l’eau et étudient en quoi l’intégration d’espaces bleus dans nos villes et nos vies pourrait s’avérer extrêmement bénéfique.

Selon Jenny Roe, psychologue de l’environnement et directrice du Center for Design and Health de l’Université de Virginie, les espaces bleus possèdent quatre propriétés qui stimulent notre système nerveux parasympathique – un réseau de nerfs qui aide notre corps à se détendre après une expérience stressante ou dangereuse.

Tout d’abord, l’eau procure une sensation d’éloignement. Tranquille ou agitée, l’eau nous incite à l’introspection ou à la connexion avec notre environnement, deux états qui rompent avec nos comportements habituels.

Deuxièmement, les espaces bleus – et tout particulièrement les vastes plans d’eau – nous procurent un sentiment « océanique », l’impression d’être plongé dans un espace sans limite où tout est possible. On peut éprouver cette sensation d’infini ailleurs, par exemple lors d’une randonnée en montagne, mais elle est encore plus prononcée dans un espace bleu, lorsque le regard balaie l’horizon ou scrute les profondeurs d’un lac.

Troisièmement, les sons et les mouvements de l’eau – qui s’écoule sur des rochers, par exemple, ou qui danse au soleil – peuvent susciter une « fascination dure », c’est-à-dire capter notre attention par la stimulation, ou une « fascination douce », qui nous plonge doucement dans une sorte d’état hypnotique laissant notre esprit libre de vagabonder sans effort. Ces deux types d’attention favorisent le mieux-être. Quatrièmement, l’eau confère un sentiment de compatibilité avec notre environnement, de confort et d’appartenance.

Dan Rubinstein

L’auteur, Dan Rubinstein, qui pratique la planche à pagaie, est parti d’Ottawa en juin 2023 pour parcourir 2 000 kilomètres sur l’eau et explorer le pouvoir thérapeutique des espaces bleus – une expédition qui lui a inspiré le livre qui va bientôt paraître, Water Borne.

État de grâce

Mat White, de l’Université de Vienne, est également psychologue de l’environnement et sans doute la plus grande autorité mondiale en matière d’espaces bleus. Il étudie ce qui se passe quand on fait une activité (planche à pagaie, nage, surf, marche, contemplation) au bord de l’eau ou sur l’eau, qu’il s’agisse de l’océan ou d’une fontaine en pleine ville. Après avoir dirigé plusieurs projets de recherche et réalisé de savants calculs, White a atteint la conclusion que les milieux aquatiques nous sont bénéfiques, car ils offrent des occasions de réduire le stress et de faire de l’activité physique.

Dans un article, Mat White résume les conclusions d’une étude ayant consisté à analyser un recensement réalisé au Royaume-Uni qui comptait environ 48 millions d’adultes. Il a constaté que plus les gens vivent près d’une côte, plus ils sont heureux et en bonne santé. « Cette étude nous montre essentiellement que ce sont les collectivités et les personnes les plus pauvres qui bénéficient de la proximité de l’eau, explique-t-il en parlant de la santé mentale et physique. Quand on est riche, peu importe le temps que l’on passe dans un espace bleu, on est en bonne santé et heureux de toute façon. Mais quand on est pauvre, l’effet est considérable. »

L’idée selon laquelle un lieu doté de certaines caractéristiques environnementales aurait le pouvoir de réduire les inégalités socioéconomiques sur le plan de la santé s’appelle l’équigénèse. C’est Rich Mitchell, chercheur en santé publique à l’Université de Glasgow, qui a inventé ce terme dans un article sur la question. Il y affirmait que, dans le domaine de la santé, les disparités liées au revenu s’estompaient dans les quartiers situés à proximité de la nature.

Selon White, la qualité des espaces bleus influe sur leurs propriétés thérapeutiques, tout comme la manière dont nous interagissons avec eux. Ces variables sont influencées par la géographie ainsi que par des différences cognitives et culturelles.  Par exemple, on a tendance à aimer retourner dans les endroits que l’on a visités quand on était enfant. Et il existe aussi des différences substantielles entre marcher et s’asseoir. De plus, les effets varient en fonction de la proximité d’un espace bleu et de la fréquence des visites.  Mais dans l’ensemble, lorsqu’on est près de l’eau, on perd la notion du temps et on a tendance à bouger. Or, chaque minute d’activité profite à notre santé.  Selon White, « ce n’est pas seulement la proximité de l’eau qui nous fait du bien », mais aussi le sentiment d’appartenance qu’elle procure et qui nous amène à passer des moments de qualité avec les autres, sur une plage par exemple.  « La présence de l’eau induit ce genre d’interactions. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous pensons que les espaces bleus atténuent les inégalités en matière de santé. Ce sont des espaces sociaux qui favorisent les contacts intergénérationnels. »

Une adaptation de Water Borne: A 1,200-Mile Paddleboarding Pilgrimage, par Dan Rubinstein, qui paraîtra en juin 2025 chez ECW Press.

Lecture complémentaire : Bien faire son deuil : Y a-t-il une bonne manière de vivre un deuil… et combien de temps cela doit-il durer?

Ressource : Où obtenir des soins? – Un guide pour s’orienter dans les services publics et privés de santé mentale au Canada.

La série du Club de lecture présente des ouvrages de qualité qui bousculent les stéréotypes et la stigmatisation.

On peut imaginer que Jonathan Stea possède un aimant affichant « J’adore la méthode scientifique » sur son frigo, car son livre évoque parfois le dévouement d’un professeur de sciences du secondaire essayant de susciter l’enthousiasme d’un public peu réceptif. Parfois, ça fonctionne.

La couverture du livre « Mind the Science » Veuillez noter que cet ouvrage est disponible en anglais seulement.

Stea y parvient haut la main. Il est professeur adjoint au Département de psychologie de l’Université de Calgary et psychologue clinicien à plein temps. Il intervient aussi souvent sur les réseaux sociaux pour réfuter des mythes et rectifier des faits. (Il arrive même que sa mère s’immisce dans la discussion virtuelle pour s’attaquer aux trolls.)

Stea s’adresse à un public de profanes, sans pointer du doigt et sans simplifier à l’excès, tout en nuance. L’auteur présente des histoires captivantes ainsi qu’un aperçu de la manière d’évaluer la recherche, tout en expliquant l’importance de l’évaluation, des tests, de la révision par les pairs et des différentes méthodes de recherche.

Toutefois, il doit lutter contre un flot incessant d’avis à l’emporte-pièce sur Internet, un vaste hyper-univers de promesses douteuses émanant d’innombrables « experts » autoproclamés en matière de santé physique et mentale, de célébrités qui endossent ces idées et d’autres encore, regroupés sous la bannière du vocable fourre-tout de « bien-être ». Il s’agit d’un espace immense qui est peu réglementé, et dans lequel de nombreux influenceurs peuvent s’installer et proposer librement des conseils allant du plus mignon au plus mortel.

Faut-il tout rejeter en bloc? Non. Par exemple, vous pourriez choisir de dépenser de jolies sommes pour un programme de repas vaguement spirituel qui suit les tendances du moment. Ce sera sans doute délicieux, même réconfortant. Mais il y a aussi des cas plus sombres, comme celui de Kirby Brown, qui a participé à une retraite de « guerriers spirituels » en Arizona. En 2009, Kirby Brown et deux autres participants sont décédés lors de la dernière activité de la retraite, à savoir une piètre imitation d’une « hutte de sudation » autochtone. Une vingtaine de participants ont aussi été transportés dans des hôpitaux à proximité.

Sécurité des consommateurs

La famille Brown a canalisé son chagrin dans une organisation dénommée SEEK Safely, vouée à sensibiliser le public aux préjudices potentiels de l’industrie du bien-être, fournir des renseignements aux consommateurs et promouvoir la sécurité et la responsabilité. Stea raconte cette histoire dans un livre titré « Saving Your Mental Health from the Wellness Industry » (ou comment protéger sa santé mentale face à l’industrie du bien-être).

De quoi devons-nous être protégés? Et bien, cela dépend. Stea raconte l’humanité avec humilité, reconnaissant nos contradictions, nos défauts et les circonstances changeantes dans lesquelles nous évoluons. Il fait part de son expérience personnelle de proche aidant, confronté à la frustration de traitements inefficaces. Jeune, il se sentait désemparé face aux limites de la science. Comment se fait-il qu’une science ayant la capacité d’envoyer un homme sur la Lune puisse du même coup plonger ses proches dans un « brouillard d’incertitude médicale »?, s’interroge-t-il.

En tant que simple mortel qui finira par tomber malade, l’auteur se demande comment il pourrait réagir à un tel événement. « Est-ce que je me tournerai vers les cristaux de guérison? Peut-être. Le désespoir nous pousse parfois à des extrémités. »

Une telle vulnérabilité dans les moments de crise peut exposer les gens à être exploités alors qu’ils sont probablement en quête de croissance, d’un sens plus profond, d’une connexion et d’un point d’ancrage paisible dans un monde où règnent le chaos et la confusion. De surcroît, les traitements inefficaces produisent des effets néfastes, vident vos poches et sapent la confiance envers les fondements scientifiques. En revanche, souligne Stea, certains traitements de mieux-être arrivent à offrir un sentiment de réconfort et de chaleur face à un système de santé fragmenté qui n’a pas toujours le temps de fournir des soins chaleureux ou des services rassurants au chevet des patients. Il faut seulement savoir faire la différence.

A cat with orange fur
Plus qu’un toutou: Votre thérapeute est-il réel ou félin? Le cas de George le chat illustre l’importance de connaître la réglementation à laquelle les professionnels du bien-être sont assujettis dans votre région.

Stea semble rempli d’espoir et de confiance envers la capacité des gens à trier un tas d’informations. J’essaie de partager ce point de vue, mais je m’interroge souvent sur notre aptitude à évaluer en permanence les données reçues pour prendre des décisions réfléchies.

La plupart des gens, qui traversent la vie à des vitesses vertigineuses, s’arrêtent-ils pour réfléchir à leurs erreurs de raisonnement et de logique « préférées »? J’aime bien la notion de conscience de soi, mais ce n’est pas tout le monde qui en fait preuve tout le temps, et encore moins dans les situations tendues, comme celles perpétuées par les interactions en ligne et les algorithmes.

La clé est de la faire évoluer. « Cette conscience est notre amie lorsqu’il s’agit de comprendre la légitimité de certaines évaluations, diagnostics et traitements liés à la santé mentale », écrit Stea. Au-delà des méthodes scientifiques quantitatives et qualitatives, l’auteur évoque les modes de connaissance autochtones, qui ne doivent pas être instrumentalisés, ainsi que la valeur du savoir expérientiel passé et présent, qui permet aux gens de partager des points de vue subjectifs sur leur vie, les événements qu’ils vivent et leurs idées.

À surveiller

Stea donne des conseils utiles pour acquérir des connaissances scientifiques et vulgarise les concepts d’essais contrôlés randomisés et d’autres processus fondés sur des données probantes. Il met en garde contre le jargon pseudo-clinique qui prétend être scientifique, mais ne se conforme pas aux méthodes de recherche. Voici un indice de taille : le refus de se soumettre à des examens par les pairs.

« La science est une machine autocritique », explique-t-il. « La révision par les pairs consiste essentiellement à demander à des experts d’un domaine scientifique d’évaluer les travaux des autres et de déterminer s’ils sont acceptables ou non, explique-t-il. Les promoteurs des pseudosciences sont experts dans l’art d’esquiver le processus d’évaluation par les pairs. Ils l’évitent complètement ou s’autopublient sur des blogues, des sites Web, des bulletins d’information ou des réseaux sociaux. Ils prétendent que leurs théories préférées ne peuvent pas être vérifiées de manière adéquate avec les méthodes scientifiques actuelles, ou ils imputent à l’élite scientifique un préjugé défavorable à leur égard », écrit-il.

Stea démystifie le concept de science dans son ensemble, en soulignant qu’il s’agit d’un outil et d’un processus, et non d’une doctrine en laquelle il faut croire. « La science n’est pas un Dieu. Ni une licorne. »

Scepticisme sain

Pour endiguer ce phénomène, Stea propose une pratique facile à mettre en œuvre : dompter son moteur de recherche. En gros, explique-t-il, c’est comme aller faire ses courses à l’épicerie et éviter les achats impulsifs. La clé : se préparer une liste. « Quelles sont les raisons de votre recherche en ligne? Le fait de savoir ce dont vous cherchez – par exemple, trouver un thérapeute ou des moyens d’améliorer votre santé – peut vous éviter de tomber dans des pièges », explique-t-il.

Un esprit critique à l’égard des informations en ligne est un atout précieux pour se frayer un chemin dans un espace virtuel surchargé. Si vous avez besoin d’un rappel, vous pourrez toujours choisir George le chat comme fond d’écran. Un chat domestique orange et blanc a été enregistré en tant qu’hypnothérapeute auprès de trois organismes professionnels britanniques par un journaliste de la BBC, révélant ainsi les failles de la certification et des titres de compétences. Cet exemple, bien qu’amusant, peut servir de rappel. « Nous tombons tous, à des degrés divers, dans le panneau des fausses nouvelles scientifiques, et il est plus facile, avec le recul, de comprendre notre méprise », écrit Stea.

Apprendre de ces erreurs et se doter de connaissances médiatiques et scientifiques peut offrir une structure et un certain contrôle face aux fausses nouvelles scientifiques qui se multiplient.

Lecture complémentaire : Club de lecture – Ça n’existe que dans sa tête : comment les préjugés sexistes nuisent à la santé mentale des femmes

Ressource : La désinformation en ligne : Si du contenu en ligne vous fait sourciller, vous devez vous questionner.

Le Mois de l’histoire des Noirs 2025 est axé sur l’héritage et le leadership des personnes noires, un sujet que nous avons exploré dans Le Vecteur sur les manifestations et sur la quête de soins adaptés sur le plan culturel. Dans le présent article, nous nous penchons sur le thème de cette année, la résistance, et explorons ses liens avec la résilience. Nous nous interrogeons sur la manière de rendre possible un avenir plus équitable en concevant des projets adaptés aux communautés africaines, caribéennes et noires, ainsi qu’à d’autres personnes non représentées par la « moyenne ».

Pendant que je faisais mon épicerie, une employée s’est approchée de moi et a commencé à passer les articles de mon panier à la caisse libre-service. Le tout s’est déroulé en silence. Je n’avais pas demandé d’aide et la préposée ne m’a pas demandé si j’en avais besoin. Elle est simplement venue se placer à côté de moi et a commencé à balayer mes produits.

Certains pourraient qualifier ce geste comme étant un bon service, mais je ne l’ai pas ressenti comme tel. J’ai plutôt eu l’impression qu’elle me pensait trop stupide ou trop lente pour payer pour mes articles. Elle n’a pas approché les autres clients qui étaient là, dont un jeune homme à une caisse voisine ainsi qu’une mère avec son enfant en bas âge à une autre. En me rappelant certaines expériences antérieures, je me suis demandé si elle croyait que j’essaierais de voler les produits.

Je suis Noire, et il m’est arrivé plus d’une fois d’être suivie dans les magasins. Pourtant, mes articles n’étaient ni discrets ni coûteux : des essuie-tout, un sac de riz et quelques autres choses – pas vraiment une sélection qui aurait permis de camoufler quoi que ce soit dans mes poches. En l’absence d’une affluence assez importante pour passer inaperçue, pourquoi méritais-je une telle attention?

D’autres hypothèses me sont passées par la tête alors que je quittais les lieux, et c’est là que j’ai remarqué que l’employée s’est approchée pour « aider » une autre cliente qui ne lui avait rien demandé. Ce que nous avions en commun, c’était nos cheveux gris.

Les préjugés, c’est l’équivalent de faire deux pas en avant, un pas en arrière

J’avais envie de soupirer et passer à autre chose, mais plus j’y réfléchissais, plus j’étais exaspérée. À quel moment le nombre de préjugés à votre encontre devient-il excessif? 

Je suis bien dans ma peau, je fais ce que j’aime et je le fais très bien, alors pourquoi cette employée arrivait-elle perturber mes pensées à ce point? Parce que ses actions me dénigraient; je me suis sentie inférieure. Cela m’a contrariée, et je ne suis pas la seule.

Selon une étude de l’American Association of Retired Persons, près de deux femmes sur trois âgées de 50 ans et plus aux États-Unis déclarent être régulièrement victimes de discrimination, et que ces expériences ont des répercussions sur leur santé mentale.

Les femmes – en particulier les femmes de couleur – portent le fardeau des préjugés intersectionnels liés notamment à l’âge, à l’appartenance ethnique, au sexe et au statut socio-économique.

Si vous vous dites « oui, mais ces chiffres concernent les États-Unis », sachez qu’au Canada aussi, nous vivons une situation semblable. Un sondage réalisé par Women of Influence en 2024 a révélé que 80 p. 100 des femmes affirment avoir été la cible d’âgisme dans leur milieu de travail. Un nombre équivalent de femmes ont été témoins de discrimination fondée sur l’âge dans le cadre de leur travail.

Comment le constatent-elles? La discrimination se manifeste quand les conseils formulés par les femmes sont ignorés, et que ces mêmes conseils sont salués lorsqu’ils sont émis par un membre de l’équipe plus jeune ou de sexe masculin. Ce sont les commentaires désobligeants, le fait d’être refusées pour une promotion et toutes sortes de comportements qui leur donnent l’impression de ne pas être entendues, de ne pas être vues ou d’être incompétentes.

Une moyenne éloignée de la réalité

Vraisemblablement, la plupart des gens ne croient pas que l’âgisme, le sexisme ou le racisme sont des principes vers lesquels il faut tendre, mais au-delà des considérations morales, des coûts de santé et des implications sociétales, ces préjugés entraînent des coûts réels pour les entreprises.

Sharon Nyangweso, fondatrice et PDG de QuakeLab, une agence multifonctionnelle de communication et d’inclusion, résume parfaitement la situation lorsqu’elle affirme que nous devons considérer l’équité comme une compétence technique.

 « Il est loin le temps où les chefs d’entreprise efficaces considéraient l’équité comme un “petit plus” intéressant au sein d’une équipe ou encore “une mesure à saveur sociale prise pour une poignée d’individus”, dit-elle. L’équité consiste plutôt à créer de meilleurs produits, services et processus. Elle vise à éviter de blesser ou de détruire des personnes parce que nous ne parvenons pas à voir plus loin que les besoins de “l’homme moyen” ».

Prenons l’exemple des oxymètres de pouls. Ces petits capteurs sont fixés à un doigt ou à un orteil et mesurent, à l’aide d’une lumière, la saturation en oxygène du sang. On les trouve partout. Selon Fortune Business Insights, ce marché était évalué à 2,24 milliards de dollars en 2023, et il devrait atteindre 3,56 milliards d’ici 2032.

On sait depuis des décennies que de multiples facteurs, de la pigmentation de la peau à la mélanine en passant par le vernis à ongles, affectent la capacité de l’oxymètre de pouls à mesurer avec précision la saturation en oxygène. Ainsi, pour les patients asiatiques, noirs et hispaniques, cela peut entraîner des lectures erronées. En outre, ces inexactitudes pourraient être associées à des disparités dans la prestation des soins, d’après le Journal of the American Medical Association.

 « Qualifieriez-vous ce dispositif d’efficace?, demande Mme Nyangweso. Peut-on affirmer qu’une personne qui a conçu un produit ne convenant pas au public auquel il était destiné est un bon ingénieur? Lorsque l’équité est intégrée en tant qu’ensemble de compétences, le processus de conception prend alors en compte toutes les personnes, ce qui donne lieu à des produits, des processus et des services de meilleure qualité et véritablement universels. » 

Du mal à vous faire comprendre?

Nos boutiques sont remplies de produits qui, sans le vouloir, ne répondent pas aux besoins du public auquel ils sont destinés. S’il vous est déjà arrivé d’utiliser un appareil audio assisté par l’IA incapable de vous comprendre en raison de votre accent, vous connaissez les limites d’une technologie conçue pour l’utilisateur « moyen ».

Que se passe-t-il lorsqu’on utilise l’IA pour prendre des décisions qui ont une incidence sur la population? Pour le moment, nous savons qu’elle peut envoyer à tort plus de Noirs en prison, prédire de manière inexacte les besoins en soins de santé des patients noirs, produire des images sexualisées de femmes asiatiques, programmer l’âgisme dans les processus de demande d’emploi, et ainsi de suite. L’IA n’est pas fautive, elle est simplement construite à partir de nos préjugés sociétaux.

Le problème ne se limite pas à l’IA. Nous possédons des téléphones intelligents, des voitures, des dispositifs de suivi de la forme physique et des prothèses de genou qui sont tous fabriqués de manière à convenir aux hommes – bien que les femmes et les autres genres en soient également des utilisateurs. Étant donné que les femmes jouent un rôle prépondérant dans les décisions d’achat, qu’elles sont à l’origine de 70 à 80 % de toutes les dépenses de consommation et qu’elles forment environ la moitié de la population, comment peut-on parler de conception efficace?

C’est ce qui se produit lorsque l’on conçoit en fonction de la « moyenne », autrement dit en fonction de l’homme blanc. Cette approche se traduit par des produits, des processus et des services inadaptés qui témoignent d’un manque de considération à l’égard du marché ciblé.

Plus étonnant encore, les produits conçus pour l’homme blanc moyen ne répondent pas non plus à la plupart des besoins de celui-ci. Pour en savoir plus, reportez-vous à l’ouvrage The End of Average de Todd Rose.

L’équité : une compétence incontournable

Lorsque vous évoluez dans un environnement qui ne vous convient pas, qui ne vous soutient pas et qui semble en fait conçu pour vous nuire, vous en payez le gros prix. C’est en partie la raison pour laquelle les discussions sur l’équité, la diversité et l’inclusion (EDI) s’accompagnent souvent d’une dimension émotionnelle.

Mme Nyangweso décrit ainsi cette convergence : « Les gens confondent notre travail dans ce domaine avec la moralité ou la moralisation, ce qui brouille les pistes et nous empêche de parler du problème que nous tentons de résoudre. Au lieu d’aborder la question comme on le ferait pour n’importe quel enjeu professionnel, les gens attendent de moi – une personne qui travaille dans ce domaine – que je sois leur évaluatrice ou la police de la moralité, explique-t-elle.

Nous devons faire en sorte que la question de l’équité soit recentrée sur les obligations et la responsabilité professionnelles. Je veux entrer dans la pièce en tant que professionnelle. Je ne suis pas là pour discuter des sentiments de chacun. Je ne suis pas là pour remettre en cause des décennies de socialisation ».

Il s’agirait non seulement d’une tâche impossible, mais surtout d’une distraction du véritable rôle de l’EDI, car elle impose une charge émotionnelle aux personnes qui tentent de résoudre de réels problèmes, sources de dangers bien concrets pour les patients, les consommateurs et les clients.

« Pour comprendre l’équité en tant que compétence technique et prendre les mesures qui s’imposent sur le terrain, il faut comprendre les trois volets ou aspects du travail d’EDI », indique Mme Nyangweso, qui les énumère comme suit :

  1. L’équité en tant qu’activité intellectuelle ou processus pédagogique.
  2. L’activisme.
  3. L’équité professionnalisée.

L’équité en tant qu’activité intellectuelle ou processus pédagogique est synonyme de recherche et de données. Par exemple, on ne peut pas affirmer que l’âgisme est un problème tant que personne ne mesure les perceptions et les répercussions.

L’activisme, comme le décrit Mme Nyangweso, est « le processus pratique par lequel nous tentons d’atteindre la libération dans le monde ».

Ce travail remet en question le statu quo, nous oblige à débattre de choses que nous tenions pour acquises et finit par pousser les gens à s’interroger sur la manière dont ils font les choses et sur les raisons qui les motivent. C’est la force émotionnelle qui déclenche le changement. Combien de débats ont été provoqués par Black Lives Matter ou Every Child Matters?

L’équité professionnalisée s’inscrit dans les tactiques de gestion du changement et constitue souvent la manière dont les organisations mettent en œuvre les processus de changement nécessaires pour devenir des producteurs, des fournisseurs et des employeurs plus équitables.

Mme Nyangweso fait remarquer qu’il existe de nombreux recoupements entre ces trois types d’actions. « Le travail des activistes soutient le secteur de l’EDI et rend possible un travail d’équité professionnalisé, et on fait appel à la recherche pour éclairer les pratiques et les approches. »

Les trois volets sont valables et répondent à des objectifs distincts. Lorsqu’on privilégie l’un d’entre eux sans tenir compte des autres, le changement réel risque non seulement d’être compromis, mais aussi de devenir impossible.

L’équité, ça fonctionne

Tous les milieux de travail se portent mieux lorsque la sécurité psychologique – le fruit de la création d’espaces équitables – est présente. La sécurité psychologique consiste à se sentir libre d’être soi-même au travail. Cela signifie que l’on peut prendre part aux activités sans craindre d’être puni ou de subir d’autres conséquences négatives. Pour les employeurs, la sécurité psychologique ne se limite pas à améliorer le climat de travail, elle est également synonyme de rentabilité financière grâce à l’augmentation de la productivité et à la diminution de l’absentéisme et du roulement de personnel.

Nous sommes tous confrontés au défi de devoir composer avec un monde inéquitable. Nous avons le choix entre perpétuer ces inégalités en prétendant qu’elles n’existent pas et qu’elles n’ont pas de conséquences pour nous ou pour ceux qui nous entourent, ou alors prendre l’initiative d’apporter des solutions concrètes en vue de changer les choses. Il faut se demander pourquoi nous ignorons les conseils des employés plus âgés; il faut dénoncer les commentaires inappropriés sur l’âge, le genre, la race, l’orientation sexuelle ou tout autre élément contraire à une interaction respectueuse.

L’absence de réflexion sur l’équité dans l’évolution du monde professionnel a des conséquences tangibles dans le monde réel. Pour effectuer nos tâches de manière efficace, que nous soyons commis d’épicerie ou concepteur de produits, nous devons apprendre, comprendre et vivre l’équité, la diversité et l’inclusion.

Illustration Holly Craib

Si nous devions attacher un sous-thème pour 2024 au magazine Le Vecteur, ce serait « Écouter et apprendre ». Nos récits ont couvert des expériences vécues de maladie mentale et de nouvelles approches thérapeutiques, en plus de proposer de nouvelles idées et des réflexions profondément éclairantes sur le bien-être et la recherche en santé mentale. Si vous avez raté ces articles en 2024, nous vous invitons à découvrir ces quelques faits saillants publiés dans le magazine au cours de l’année qui s’est achevée. Bonne année 2025!

Lectures et recommandations

Les livres sur la santé mentale couvrent une large gamme de sujets, de la recherche aux témoignages personnels, ou même la combinaison des deux. La série du Club de lecture présente des ouvrages canadiens qui explorent différents sous-thèmes. Par exemple, dans son ouvrage Lifeline: An Elegy, l’autrice Stephanie Kain relate sa relation compliquée avec une femme ayant reçu un diagnostic de dépression avec tendances suicidaires. Elle parle des conditions abjectes de son pavillon sécurisé, de la puissante médication, de la difficulté de soutenir une personne souffrant des séquelles d’une thérapie électroconvulsive, et de son propre bien-être. L’article sur cet ouvrage a été mis en nomination pour les Canadian Online Publishing Awards. Les gagnants seront annoncés en février 2025.

Lisez l’article : https://commissionsantementale.ca/vecteur/club-de-lecture-lifeline-an-elegy

Avez-vous votre copie de All In Her Head: How Gender Bias Harms Women’s Mental Health? Misty Pratt y raconte son histoire – dépression nerveuse, anxiété, dépression – ainsi que ses stratégies, ses séances de thérapie et la façon dont elles se sont conjuguées avec les étapes de sa vie, notamment la naissance de ses enfants. L’autrice et chercheuse scientifique ottavienne établit des liens entre ses expériences passées et l’analyse tranchante de la recherche contemporaine dans une optique biopsychosociale (un modèle qui tient compte des facteurs biologiques, psychologiques et sociaux qui influencent nos vies). Son analyse et ses intrigues sont captivantes.

Lisez l’article : https://commissionsantementale.ca/vecteur/club-de-lecture-ca-nexiste-que-dans-sa-tete/

Le saviez-vous?

Jessica Ward-King, pourfendeuse de préjugés reconnue, écrit régulièrement dans le Vecteur, notamment des articles de service où elle offre ses conseils et perspectives. Elle nous enseigne à être de bons alliés pour les communautés transgenres et non binaires, dans un climat politique et social qui est parfois carrément hostile, voire dangereux.

Lisez l’article : « Se mobiliser pour devenir un allié » : https://commissionsantementale.ca/vecteur/se-mobiliser-pour-devenir-un-allie/

Les trousses de naloxone peuvent renverser une surdose d’opioïdes et devraient être facilement accessibles. Il n’y a pas que les personnes vivant avec des problèmes d’usage de substances qui pourraient avoir la vie sauve grâce à la naloxone; il y a aussi celles qui vivent avec des douleurs chroniques et qui prennent des analgésiques sur ordonnance, et celles qui ont commencé à prendre ces antidouleurs par accident. Chacun de nous, dans la vie de tous les jours, peut tomber sur quelqu’un qui, pour une raison ou une autre, a fait une surdose d’opioïdes.

Lisez l’article : « Une trousse sous la main » : https://commissionsantementale.ca/vecteur/une-trousse-sous-la-main/

La thérapie hip-hop marie le hip-hop, la bibliothérapie et la musicothérapie. Au centre de thérapie Growth and Wellness de Toronto, Freda Bizimana, M.S.S., T.S.A., travaille avec de jeunes Noirs et des jeunes racialisés qui ont des démêlés avec le système judiciaire. Elle signale combien il est difficile d’entrer en contact avec un jeune Noir, surtout celui qui se retrouve en thérapie parce qu’il a des problèmes avec la justice. « Il n’a pas envie de parler à une pure étrangère, raconte-t-elle. Le hip-hop crée un pont entre nous, on arrive à communiquer à travers quelque chose qu’il aime. » Cet article a été mis en nomination pour les Canadian Online Publishing Awards. Les gagnants seront annoncés en février 2025.

Lisez l’article « Remixez votre thérapie » : https://commissionsantementale.ca/vecteur/remixez-votre-therapie/

Un récit personnel

Un témoignage apporte un éclairage unique sur une histoire de vie. La section Expérience vécue présente ce type de récits. En 2024, nous avons fait la connaissance de Gillian Corsiatto, originaire de Red Deer, en Alberta. Dans son premier roman publié, Duck Light, elle pose une question lourde de sens : « Comment peut-on s’affranchir des attentes de la société? » Elle travaille également à l’écriture d’autres livres et de pièces de théâtre. Corsiatto fait partie de la troupe d’improvisation Bullskit Comedy, en plus de cumuler trois emplois à temps partiel : elle est éducatrice communautaire et animatrice de groupes de jeunes pour la filiale de Red Deer de la Schizophrenia Society of Alberta et a été conférencière invitée pour le programme jeunesse LA TÊTE HAUTE de la Commission de la santé mentale du Canada. De plus, elle s’occupe des médias sociaux et du recrutement pour la fanfare des Red Deer Royals (dans laquelle elle a déjà joué du tuba). Et plus récemment, elle a décroché un emploi consistant à emballer et à mettre en boîte des caramels pour une petite entreprise à domicile. Si vous n’aviez jamais rencontré une personne atteinte de schizophrénie, ça vient de changer.

Lisez l’article : « À quoi ressemble la vie des personnes atteintes de schizophrénie? » https://commissionsantementale.ca/vecteur/a-quoi-ressemble-la-vie-des-personnes-atteintes-de-schizophrenie/

Pendant ce temps, Jessica Ward-King, surnommée « The Stigma Crusher » en anglais, partage régulièrement des récits personnels dans cette section, en plus de ses articles informatifs. Dans « Oui, moi », la défenseure de la santé mentale, détentrice d’un doctorat en psychologie et de connaissances de première main du trouble bipolaire, explique pourquoi sa maladie mentale lui a valu la classification de personne en situation de handicap au sens de la Loi sur l’équité en matière d’emploi.

Lisez l’article : « Oui, moi » : https://commissionsantementale.ca/vecteur/oui-moi/

Restez à l’affût pour découvrir de nouveaux articles passionnants en 2025. Vous pouvez les recevoir tous les mois directement dans votre boîte de réception en vous abonnant ici : Abonnement au Vecteur – Commission de la santé mentale du Canada

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