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Le VecteurConversations sur la santé mentale

Le silence ne rime aucunement avec force lorsqu’il s’agit de la santé mentale des hommes

Par Michel Rodrigue

Michel Rodrigue, à gauche, dégustant une boisson gazeuse (un plaisir rare !) avant le match de hockey - les Canadiens de Montréal, bien sûr.

Michel Rodrigue, à gauche, dégustant une boisson gazeuse (un plaisir rare !) avant le match de hockey – les Canadiens de Montréal, bien sûr.

Bien avant de savoir ce qu’était la santé mentale, je savais que les hommes n’en parlaient pas. Certains sujets étaient tout simplement balayés sous la table, à commencer par les sentiments personnels profonds. Parler de ces sujets était contre nature, malvenu et embarrassant, pour ne pas dire une émasculation.

Ce n’est que plus tard, quand j’ai découvert le concept de la stigmatisation, que j’ai compris la vérité. Quand les hommes restent silencieux, ça fait mal à tout le monde.

Des quelque 4 000 décès par suicide estimés au Canada chaque année, 75 % sont des hommes. Pour les hommes âgés de 15 à 39 ans, le suicide est la deuxième plus grande cause de décès (après les décès accidentels). Il est évident que nous en avons long à dire sur ce sujet.

La stigmatisation engendre le silence
Mon père a travaillé dans le domaine de la construction pendant la plus grande partie de sa vie. Dans son équipe exclusivement masculine, si quelqu’un se blessait en travaillant, les premiers soins lui étaient aussitôt administrés. Personne n’hésitait ou n’avait peur de ne pas faire ou dire la bonne chose. Personne ne remettait en question la masculinité de cette personne ou ne jugeait sa personnalité. Chacun était conscient de la réalité : ça aurait pu arriver à n’importe lequel d’entre eux.

De la même manière, personne n’est à l’abri de la maladie mentale. Pourtant, si quelqu’un avait fait une crise de panique sur les lieux de travail, j’ai l’impression que les réactions auraient été entièrement différentes. C’est ce que fait la stigmatisation.

Mais une autre caractéristique de la maladie mentale la distingue : elle est invisible. Nous pouvons voir quelqu’un boiter à cause d’une blessure à la jambe, tout comme nous pouvons lire la température d’une personne qui fait de la fièvre. Les problèmes de santé mentale, quant à eux, passent souvent inaperçus.

J’ai appris cette leçon à la dure quand l’un de mes amis proches est décédé par suicide.

D’un point de vue extérieur, Sylvain avait tout pour être heureux : une épouse aimante, deux magnifiques filles, une famille bienveillante, des amis proches et une entreprise florissante. C’est du moins ce que nous croyions.

Ce n’est qu’après son suicide, en mai 2005, que nous avons appris qu’il faisait semblant d’aller travailler depuis plusieurs mois.

J’essaie d’imaginer à quel point cette période a dû être difficile pour lui, à quel point il a dû se sentir honteux et gêné de garder jalousement ce lourd secret. Je repense au rôle joué par la stigmatisation dans son décès. Et cela me rappelle que nous avons beaucoup de pain sur la planche dans ce domaine, particulièrement nous, les hommes.

Michel avec ses parents Lionel et Lucille.

Michel avec ses parents Lionel et Lucille.

Transposer les idées en action
Au cours de mes sept années à la Commission de la santé mentale du Canada, j’en ai énormément appris sur la santé mentale des hommes. J’ai découvert les preuves de plus en plus convaincantes de l’existence d’une dépression distincte affectant les hommes et caractérisée par des symptômes externalisés comme l’irritabilité, la colère et l’usage de substances.

J’ai appris qu’en plus de l’isolement, l’usage de substances et la dépression, qui comptent parmi les facteurs de risque les plus importants du comportement suicidaire chez les hommes, d’autres facteurs font en sorte que certains sous-groupes présentent un risque encore plus élevé. Par exemple, les taux de tentative de suicide chez les membres des Premières Nations, Inuits et Métis qui s’identifient comme des hommes faisant partie d’une minorité sexuelle ou d’une minorité de genre (notamment les hommes gais ou bisexuels, les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et les hommes trans) sont jusqu’à 10 fois plus élevés que chez les hommes de ce groupe qui ne sont pas autochtones.

Mais je crois que la chose la plus importante que j’ai apprise, c’est qu’en tant qu’hommes, nous devons apprendre à arrêter d’avoir peur de nous montrer vulnérables.

Parler ouvertement de notre santé mentale est l’un des meilleurs moyens de la protéger, peu importe à quel point ça nous paraît contre nature.

Dans les cas les moins pires, le silence entraîne l’isolement, même en présence de personnes qui seraient ravies d’offrir leur soutien. Dans les pires cas, ce silence peut coûter une vie. Il est temps que les hommes acceptent de se mettre dans des situations inconfortables, laissent de côté les idéaux masculins et déballent tout sur la table.

 Michel Rodrigue est président et directeur général de la Commission de la santé mentale du Canada.

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Les points de vue et les opinions exprimés dans cet article appartiennent uniquement à l’auteur(e) et ne représentent pas nécessairement les politiques officielles de la Commission de la santé mentale du Canada.

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