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Le VecteurConversations sur la santé mentale

Combler les lacunes dans les systèmes de soins de santé mentale

Fabiola Phillipe

Fabiola Phillipe

Fabiola Phillipe, une mère, une sœur et une amie, était gentille, compatissante, généreuse et humble. Elle était également aux prises avec des problèmes de santé mentale consécutifs à des expériences de solitude et d’isolement social pendant sa jeunesse. En proie à la dépression, elle a commencé à consommer des substances en guise de réconfort et de substitut au soutien et à la compréhension dont elle avait besoin.

Avant son décès en 2017, Fabiola avait été aux prises avec la dépendance aux substances durant près de deux décennies. Certes, toutes ces années étaient parsemées de périodes de hauts et de bas, mais l’aide semblait toujours hors de sa portée.

Pendant plusieurs années, elle s’est adressée à différentes institutions. Mais, elle a eu des difficultés à accéder aux services ou a été refusée parce que ses besoins étaient considérés comme dépassant le cadre des soins. En raison de ces expériences, Fabiola a commencé à refuser catégoriquement tout traitement, malgré l’insistance des membres de sa famille, qui se sentaient mal équipés et impuissants à la soutenir tout en essayant de s’orienter eux-mêmes dans des systèmes de soins de santé complexes.

Considérant les lacunes qu’elles ont constatées dans le système, la sœur de Fabiola, Marie Philippe-Remy, et sa fille, Lydia Philippe, ont lancé la Fondation Fabiola pour la sensibilisation et le soutien en toxicomanie et santé mentale (FAMHAS) en 2018 pour promouvoir la sensibilisation et réclamer des changements dans les soins de santé mentale pour les communautés africaines, caraïbéennes et noires (ACN).

Les morceaux manquants

Marie Philippe-Remy

La sœur de Fabiola, Marie Philippe-Remy

Selon un article du département de psychiatrie de l’Université Columbia, la communauté noire adulte est moins disposée à demander de l’aide, même si le risque pour ses membres de vivre avec de graves problèmes de santé mentale est de 20 % plus élevé que pour les autres communautés. Les jeunes adultes noirs (âgés de 18 à 25 ans) ont également été décrits comme présentant « des taux plus élevés de problèmes de santé mentale et des taux plus faibles d’utilisation des services de santé mentale par rapport aux jeunes adultes blancs et aux adultes noirs plus âgés ». Les raisons pour lesquelles ces taux d’accès aux services sont plus faibles dans les communautés ACN sont nombreuses. Toutefois, une étude de Santé publique Ottawa en 2020 a mis en évidence trois raisons communes : le coût, les temps d’attente et la difficulté à trouver des fournisseurs ayant les compétences culturelles appropriées et une identité et une expérience communes. En rendant l’accès aux soins plus difficile, ces obstacles exacerbent leurs problèmes de santé mentale.

En apportant son soutien à Fabiola, Marie a commencé à en apprendre de plus en plus sur les systèmes de soins de santé mentale. Pourtant, en tant que sa principale championne, elle se sentait souvent épuisée lorsqu’elle ne parvenait pas à trouver les soins dont sa sœur avait besoin. Elle était également régulièrement frustrée de se sentir elle-même incapable de comprendre comment Fabiola se sentait piégée par sa dépression et sa dépendance aux substances. « Comment pouvez-vous ne pas vouloir aller mieux? » se rappelle-t-elle s’être demandé à un moment donné. Les proches aidants qui doivent faire face à des problèmes de santé mentale lorsqu’ils soutiennent un proche en crise expriment souvent de tels sentiments. Toutefois, la question de Marie permettrait de définir l’objectif de la FAMHAS : aborder les obstacles à l’accès aux soins et combattre la stigmatisation tout en offrant des soins complexes, nuancés et axés sur la communauté aux personnes ACN qui sont aux prises avec des problèmes de santé mentale.

Accès et compréhension

Fabiola Phillipe

Fabiola Phillipe

Dès le lancement de la fondation FAMHAS, il n’en a pas fallu longtemps à Marie et Lydia pour se rendre compte que les communautés ACN avaient peu de connaissances formelles sur la santé mentale. Même après une recherche approfondie, il était impossible d’ignorer cette lacune flagrante. Elles se sont donc demandé où étaient les recherches, les informations et les organisations axées sur la santé mentale dans ces communautés. Sans réponse en vue, elles ont décidé d’utiliser leur propre savoir expérientiel et de faire appel à leur réseau.

« La meilleure façon d’apprendre à connaître la communauté et d’atteindre ses membres était de s’adresser directement à eux », a déclaré Marie. Elle a expliqué que le fait d’entrer en contact avec des personnes ayant vécu des situations similaires était essentiel pour créer des liens, sensibiliser et promouvoir la compréhension. Les questions de santé mentale se manifestent au travers de nombreux visages et de nombreuses histoires, mais si l’on ne rencontre pas ces personnes et que l’on n’entend pas leurs histoires, comment pourrait-on dépasser quelque chose comme la stigmatisation?

 Des thèmes clés avaient émergé de quelques conversations seulement. Ainsi, il était de plus en plus évident que le travail de la fondation était devenu urgent. Par exemple, Marie et Lydia ont constaté que les personnes qu’elles ont rencontrées voulaient briser ce qu’elles considéraient comme un tabou. Le simple fait d’avoir une conversation ouverte sur la santé mentale et de reconnaître qu’elle constitue une priorité a permis aux personnes des communautés ANC de s’exprimer plus librement. Sans avoir à s’expliquer ou à se défendre, des gens s’étaient engagés rapidement dans des conversations significatives, ce qui a eu un effet domino. Lorsque la FAMHAS a présenté son premier atelier L’expérience des hommes noirs, seulement deux participants s’y étaient présentés. Mais, au fur et à mesure que la nouvelle s’est répandue, le nombre des participants est passé à 15, puis à 20. L’atelier Vraie conversation : jeunes noirs a connu le même parcours.

 « Il y a tant de personnes qui souffrent en silence, et le simple fait de savoir qu’il existe de l’aide peut changer la vie d’une personne », a déclaré Marie, en soulignant la nécessité d’offrir du soutien aux personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale et tout autre problème. Elle milite ainsi, par l’intermédiaire de la FAMHAS, pour la création de systèmes de soutien qui s’étendent dans tous les réseaux et les communautés, et ce, conformément au contexte culturel. Elle reconnaît toutefois la complexité et la pluralité de ces communautés ACN qui comprennent de nombreuses religions, cultures, langues et ethnies au-delà de leur expérience historique commune en tant que Noirs.

Ainsi, plus d’efforts doivent être faits pour traiter les personnes de ces communautés qui ont des problèmes de santé mentale. Une étude récente de la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC) a révélé que lorsqu’une personne en quête de soins estime qu’un professionnel de la santé peut comprendre son expérience, cela renforce la confiance. Qu’il s’agisse des effets profondément enracinés du racisme envers les Noirs, des traumatismes intergénérationnels ou des préjugés culturels, le fait d’avoir des choses en commun facilite la création d’un lien de confiance entre les patients et les fournisseurs de soins. Malheureusement, peu de psychothérapeutes issus des communautés ACN sont disponibles au Canada aujourd’hui.

Étant donné que la représentation, la compétence culturelle et les questions d’accessibilité financière constituent d’importants enjeux, tout comme les longues listes d’attente, Marie considère qu’appuyer le travail en santé mentale en tant que parcours professionnel viable pour les membres des communautés ACN est une étape importante pour relever ce défi. En attendant, d’autres mesures sont en train d’être prises et figurent dans le projet Arguments en faveur de la diversité de la CSMC, une compilation des pratiques prometteuses qui fonctionnent dans les communautés du pays.

À ce jour, la fondation FAMHAS à elle seule a pu offrir 1 629 heures de counseling gratuitement, dans sept provinces et territoires et en neuf langues, à 701 personnes en quête de soins grâce à un réseau de professionnels de la santé mentale qui ont consacré leur temps personnel au succès de sa mission. Une vingtaine de professionnels provenant des communautés ACN ont pu recevoir plus de 400 personnes en quête de soins en trois mois, le temps d’attente étant de deux semaines au maximum seulement.

Marie a l’intention d’agrandir le répertoire de la fondation afin de permettre à davantage de personnes d’accéder à ces services. Les consultations gratuites sont suspendues jusqu’à ce que la FAMHAS relance ses événements de collecte de fonds. Un gala est prévu pour mai 2023, ce qui aidera la fondation à générer des fonds, tout en rassemblant les communautés et les organisations ACN pour célébrer les œuvres artistiques et les contributions de la communauté à la sensibilisation à la santé mentale.

La fondation est déterminée à continuer à cultiver l’esprit communautaire, en particulier le sentiment d’identité, d’appartenance et les liens qui engendrent un sens de sûreté, de sécurité et de bonheur, en d’autres termes, toutes les choses qui font que nous nous sentons tous soutenus et moins seuls.

Auteure:

Aishah Khan

Une nouvelle étudiante en rédaction et communications qui affirme de plus en plus son intérêt pour les domaines du féminisme, de la sensibilisation à la santé mentale et de la rédaction. Elle est une lectrice passionnée et une grande consommatrice de médias. L’un de ses livres préférés est A Tree Grows in Brooklyn. Aishah passe son temps libre à dessiner ou à peindre pendant l’hiver, et à faire du camping, du canoë et de la natation l’été.

Les points de vue et les opinions exprimés dans cet article appartiennent uniquement à l’auteur(e) et ne représentent pas nécessairement les politiques officielles de la Commission de la santé mentale du Canada.

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