Le VecteurConversations sur la santé mentale
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Un nouveau plan pour des changements véritables
« J’ai longtemps cru que j’étais une mauvaise personne qui essayait d’être bonne, raconte Steven Deveau, directeur général de 7th Step Society of Nova Scotia, un organisme géré par des pairs qui offre du soutien aux personnes qui ont été incarcérées. Ma vision a changé lorsque j’ai compris que j’étais plutôt une personne malade qui tentait d’aller mieux. »
Bon nombre des personnes ayant eu des démêlés avec la justice partagent sans doute cette perception de Steven Deveau, qui a lui-même vécu des choses similaires. Dans l’ensemble, 73 % des hommes et 79 % des femmes qui ont été incarcérés dans une prison fédérale présentent des symptômes d’un ou de plusieurs problèmes de santé mentale. Ces chiffres montrent la nécessité d’accroître l’accès à des services de santé mentale de qualité, tant au sein des établissements correctionnels que dans la communauté, ainsi qu’à d’autres services de prévention et d’intervention précoce, notamment en matière de logement et d’éducation. Comme pour tous les problèmes de santé mentale, il est essentiel que les gens reçoivent de l’aide lorsqu’ils en ont besoin. Pourtant, il y a jusqu’à présent bien peu de progrès tangible en la matière.
Pas qu’un énième rapport
« Des gens sollicitent mon avis et me demandent ce qu’ils peuvent faire pour améliorer la situation, dit Mo Korchinski, directrice générale de l’organisme Unlocking the Gates Services Society. Puis, la question demeure lettre morte, dans un énième rapport oublié sur le coin d’un bureau. Je veux que les choses changent. »
Inspirée notamment par cet appel au changement, la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC) s’emploie à élaborer un plan d’action pour le Canada afin de favoriser la santé mentale et le bien-être des personnes qui ont des démêlés avec la justice. Le plan d’action s’appuie sur l’expertise des personnes qui ont vécu et qui vivent la maladie mentale, ainsi que d’autres experts qui mettent en lumière ces questions depuis des années. Le plan d’action s’appuie aussi sur les travaux pertinents des deux dernières décennies, dont la Stratégie en matière de santé mentale pour le Canada qu’a publiée la CSMC en 2012 et qui fait de la justice pénale une priorité, ainsi que sur les travaux en cours qui ciblent les actions susceptibles d’être mises en œuvre. Ce projet pancanadien sera vaste et exhaustif. Il mettra l’accent sur la prévention en amont et l’intervention précoce, la structure, la réforme législative, la transformation du système, et l’évaluation des mesures de soutien en matière de santé mentale pour tous les types d’interactions avec la justice, du premier contact avec la police à la réinsertion dans la communauté.
Vue de l’intérieur
« J’ai fait mon stage dans un bureau d’avocats de service d’un tribunal pénal et j’ai vite constaté l’intersectionnalité de la santé mentale et du système judiciaire », révèle A.J. Grant-Nicholson, avocat principal du cabinet Grant-Nicholson Law et conseiller dans le cadre du projet de plan d’action.
« Trop souvent, j’ai vu des accusés souffrant de problèmes cognitifs, de traumatismes, de maladies psychiatriques ou encore de problèmes de consommation de substances et de santé mentale qui ont un lien direct avec les accusations portées contre eux, explique-t-il. J’ai vite compris que le système judiciaire est un dernier recours, et parfois une voie inévitable pour les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale. »
Il en a fait le fondement de sa carrière. Après son stage, il a travaillé comme avocat spécialisé en santé mentale pour l’organisme Aide juridique Ontario, premier poste du genre dans la province, un rôle au sein duquel il représentait des clients devant la Commission du consentement et de la capacité. Il a aussi été avocat de service dans un hôpital spécialisé en psychiatrie médicolégale, ainsi que pour un tribunal en santé mentale.
« J’ai constaté que le système judiciaire n’était pas l’endroit idéal pour remédier aux problèmes de santé mentale, précise-t-il. Les avocats de la défense, les procureurs, les juges de paix et les juges ne sont pas des cliniciens. Le droit pénal est un instrument sans nuances dont la capacité de fournir un soutien thérapeutique aux accusés ayant des problèmes de santé mentale est limitée. »
Il admet qu’il y a « de plus en plus de services de soutien en santé mentale dans les cours pénales, notamment un tribunal en santé mentale désigné où les accusés peuvent être mis en contact avec des travailleurs en santé mentale et des programmes de soins de santé mentale ». Toutefois, la disponibilité et la portée de ce soutien varient d’une région à l’autre. Les accusés ne connaissent souvent pas les services de soutien en santé mentale qui sont offerts.
Une part importante des personnes incarcérées que représente cet avocat ont des problèmes graves de santé mentale, parfois accompagnés de problèmes de dépendance. Le croisement entre les problèmes de santé mentale et le système judiciaire est manifeste dans les centres de détention.
« À l’évidence, ces établissements sont loin d’être propices à la guérison, dit-il. L’incarcération exacerbe même les problèmes de santé mentale. J’ai également vu bon nombre de clients dont les problèmes de santé mentale se détériorent une fois remis en liberté et qui, inévitablement, se retrouvent encore une fois devant la justice, souvent en raison des obstacles qui les empêchent de se prévaloir de services sociaux et de soins de santé dans la communauté ou encore de trouver un logement convenable. »
Constatant ces lacunes, il cherche donc à apporter des changements véritables. « J’espère que le plan d’action fournira aux parties prenantes les informations nécessaires qui permettront de mieux outiller le système judiciaire pour aider les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale et qu’au fil du temps, ces personnes seront moins nombreuses à prendre le chemin de la prison et que le taux de récidive diminuera chez cette population. »
C’est pourquoi le Canada doit absolument se doter de ce plan d’action en matière de santé mentale et de justice pénale, dit l’avocat. Steven Deveau voit aussi de l’espoir dans le projet et le comité responsable. Il est convaincu que le projet peut réellement changer des vies et des communautés.
« J’aime à dire que si je me suis réveillé ce matin sobre et libre de ma prison physique et mentale, alors c’est un bon jour. Même les petites choses peuvent être des plus motivantes. »
Apprenez-en davantage sur le plan d’action et la façon dont vous pouvez contribuer à son succès.
Ressource : Santé mentale et justice pénale : Quel est l’enjeu?
Lectures suggérées : « Un nom et un visage ». Une cinéaste raconte à quel point il est facile pour une personne atteinte d’une maladie mentale de se retrouver à la rue ou face à la justice pénale.
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