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Le VecteurConversations sur la santé mentale

Le programme de prévention du suicide et de promotion de la vie Enraciner l’espoir pourra fleurir dans onze nouvelles communautés

Les défis engendrés par la pandémie sont à la une de tous les bulletins de nouvelles. Ils inondent le fil de nouvelles de nos réseaux sociaux et dominent nos conversations (le port du masque et la distanciation sociale sont encore en vigueur) lorsque nous croisons nos voisins au dépanneur ou à la station-service.

Mais la COVID-19 n’est pas la seule crise de santé publique à laquelle nos communautés sont confrontées. Chaque année, au Canada, le suicide emporte 4 000 personnes. Les conséquences de chacune de ces tragédies affectent une centaine de personnes : membres de la famille, amis, collègues. Le suicide entraîne une forme de dévastation bien particulière. Les personnes qui ont survécu au suicide d’un proche rejoignent un club dont personne ne souhaite faire partie.

Exactement comme nous courons tous le risque d’attraper la COVID-19, dans des circonstances défavorables, nous pouvons tous nous retrouver à avoir des pensées suicidaires. Un récent sondage Léger commandité par la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC) et le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances a révélé que bien que 7 % des personnes sondées avaient eu des pensées suicidaires pendant la pandémie, ce pourcentage grimpe à 16 % chez les personnes qui étaient déjà aux prises avec des problèmes de santé mentale, et à 25 % pour les personnes ayant des antécédents de problèmes de consommation de substances.

Pour le président-directeur général de la CSMC, Michel Rodrigue, les répercussions du suicide d’un ami ne sont jamais bien loin sous la surface. « Je m’investis à fond dans la réussite de nos efforts de prévention du suicide, car nous savons que lorsque les habitants d’une région s’unissent et mettent leurs ressources, leur créativité et leur détermination en commun, nous pouvons incorporer la prévention au tissu social de nos communautés », dit-il. « Aujourd’hui plus que jamais, c’est notre responsabilité collective de veiller les uns sur les autres. »

Enraciné dans les données les plus probantes
Les efforts auxquels M. Rodrigue fait référence impliquent les cinq domaines d’intervention du modèle de prévention du suicide et de promotion de la vie de la CSMC, Enraciner l’espoir. En plus d’avoir conçu le modèle, la CSMC invite les communautés participantes à partager leurs connaissances et leurs idées et évalue les données fournies par ces communautés pour déterminer ce qui fonctionne le mieux. Lors du lancement du modèle à Ottawa en septembre 2018, sept communautés disposaient du financement nécessaire pour participer au projet.

Aujourd’hui, après avoir reçu des demandes de partout au pays, nous avons sélectionné 11 communautés supplémentaires pour faire partie de la deuxième cohorte d’Enraciner l’espoir. Connues également sous le nom de communauté des Premiers adeptes, ces communautés sont situées dans diverses régions, de la ville minière de Flin Flon, à cheval sur la frontière entre le Manitoba et la Saskatchewan, à la municipalité d’Halton dans le sud de l’Ontario.

« De très nombreuses communautés ont manifesté leur intérêt à joindre les rangs des Premiers adeptes du projet Enraciner l’espoir », a dit Ed Mantler, vice-président, Programmes et priorités à la CSMC. « Le fait que ces communautés aient trouvé le moyen de rendre cela possible montre non seulement que les besoins sont grands, mais aussi qu’elles ont la volonté d’investir le temps, l’argent et l’énergie émotionnelle nécessaires pour susciter le changement. »

Pour Angela Fetch Muzyka, agente de développement communautaire pour la ville de Stony Plain, en Alberta, ce projet est doublement intéressant. « Participer à Enraciner l’espoir représente une occasion en or de renforcer les efforts déployés dans notre propre communauté. Mais c’est aussi intéressant de savoir que nos réussites et nos échecs guideront d’autres communautés dans leur approche de la prévention du suicide.

La pandémie nous a appris que grâce à des efforts concertés, nous pouvons nous regrouper et nous protéger les uns les autres face aux dangers — même si cela implique parfois que nous prenions nos distances — et cela nous rappelle que c’est passablement la même chose en ce qui concerne la prévention du suicide.

Enraciner l’espoir permet aux communautés d’avoir accès à des mines de connaissances et d’approches fondées sur les données les plus probantes, mais ce n’est pas une formule universelle. Chaque communauté se concentre sur les populations les plus à risque dans sa région respective.

Par exemple, Pontiac, au Québec, ciblera l’ensemble de sa population en mettant un accent particulier sur les hommes. Les populations ciblées au Nouveau-Brunswick, qui seront les premières à appliquer le modèle d’Enraciner l’espoir toute la province, comprendront les jeunes, les aînés, les vétérans, les Autochtones et les personnes vivant sous le seuil de la pauvreté. Au Yukon, premier territoire à se joindre au programme, ce seront les populations des zones rurales et éloignées et les étudiants de l’Université du Yukon qui seront ciblés.

« On peut rapidement constater les avantages qu’il y a à regrouper les renseignements recueillis auprès des diverses communautés », dit Nitika Rewari, directrice intérimaire, Prévention et promotion. « Tout à coup, nous avons accès à des approches qui fonctionnent pour des personnes de divers âges, origines et situations ».

Faire croître l’éducation
Enraciner l’espoir repose sur l’idée de cibler les forces spécifiques et les caractéristiques uniques de chaque région.

« Le président de notre conseil d’administration, Chuck Bruce, l’a comparé à la construction de modèles réduits d’avions », se rappelle M. Rodrigue. « Le modèle arrive neutre et incolore dans une boîte, et ce sont les mains qui le construisent qui lui donnent vie. »

Compte tenu des facteurs complexes qui entrent en jeu, Enraciner l’espoir ne prétend pas pouvoir résoudre un problème aussi complexe que le suicide en une nuit. Toutefois, il est possible de tirer profit de ce que nous faisons afin de mieux servir les personnes aux prises avec des pensées suicidaires.

Par exemple, de nombreuses personnes décédées par suicide avaient visité leur médecin de famille au cours des six mois précédant leur décès. « Former les médecins, les professionnels de la santé et d’autres leaders communautaires pour qu’ils soient en mesure de reconnaître les signes et d’avoir cette difficile conversation est important pour tisser des filets de sécurité plus efficaces », affirme M. Mantler. « Il est tout aussi important de rejoindre les jeunes qui ont perdu un ami ou un proche par suicide. »

« Certaines de nos communautés nous ont dit qu’elles faisaient face à certaines hésitations quant à la bonne manière d’aborder le sujet du suicide avec les enfants », explique Julie McKercher, gestionnaire de programme au sein de l’équipe Prévention et promotion de la CSMC. « Nous avons donc décidé de créer une ressource visant à guider ces conversations d’une importance cruciale. À titre d’organisation rassembleuse ayant facilement accès à l’expertise, la CSMC peut répondre à ces besoins. »

Et bien que l’éducation soit un aspect fondamental de l’approche d’Enraciner l’espoir, la « restriction de l’accès aux méthodes » l’est tout autant. « Nous devons nous pencher sur les moyens que les gens prennent pour s’enlever la vie et essayer de créer des barrières ou de restreindre l’accès à ces méthodes », indique Mme Rewari. « De nombreuses tentatives de suicide ont lieu pendant une crise à court terme. En installant des barricades aux abords des gares ferroviaires, en limitant l’accès aux ponts élevés ou en encourageant les gens à se débarrasser de leurs médicaments sur ordonnance non utilisés de manière sécuritaire, on pourrait faire diminuer le nombre de suicides. »

L’espoir au temps de la COVID-19
« Tout comme nous avons géré la pandémie de COVID-19 en ayant recours à une campagne de sensibilisation axée sur la distanciation sociale, le port du masque et l’isolement en présence de symptômes », explique M. Rodrigue, « nous pouvons nous appuyer sur les mêmes principes pour créer une campagne de sensibilisation du public à la prévention du suicide. »

La pandémie a évidemment engendré d’innombrables défis, mais elle a également mis en lumière la rapidité avec laquelle nous pouvons canaliser les interventions communautaires pour assurer la sécurité de nos résidents. Pendant que ces connaissances sont encore fraîches dans nos esprits, nous avons l’occasion de les appliquer avec la même détermination et la même rigueur pour promouvoir des mesures qui permettent de sauver des vies, comme celles mises de l’avant dans le cadre d’Enraciner l’espoir.

Comme le dit Breanne Mellen, coordonnatrice du programme de prévention du suicide de la communauté des Premiers adeptes de Medicine Hat, en Alberta, « Si nous travaillons ensemble et respectons les connaissances, l’expérience et les capacités de chacun d’entre nous, nous pouvons faire de grandes choses, et nous le ferons. »

Suzanne Westover

Une écrivaine d’Ottawa, ancienne rédactrice de discours et gestionnaire des communications à la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC). Casanière, toujours le nez dans un livre, elle prépare un excellent pain au citron (certains diraient qu’elle fait des merveilles en un seul mets) et aime regarder des films avec son époux et sa fille de 11 ans. Le temps que Suzanne a passé à la CSMC a renforcé son intérêt envers la santé mentale, et elle continue d’apprendre toute sa vie sur le sujet.

Les points de vue et les opinions exprimés dans cet article appartiennent uniquement à l’auteur(e) et ne représentent pas nécessairement les politiques officielles de la Commission de la santé mentale du Canada.

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