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Le VecteurConversations sur la santé mentale

Échanges avec les travailleurs essentiels, de première ligne et de la vente au détail de leurs expériences de la pandémie.

Pour les employés, les deux dernières années ont été un véritable tourbillon. Après avoir semé un sentiment de désarroi, la COVID-19 a forcé tout le monde à se débrouiller face à l’inconnu et à s’adapter à de nouveaux environnements de travail.

Megan Di Lucca

Megan Di Lucca

Au fil des mois, nous sommes passés des jours de congé à se prélasser sur le canapé et à déguster des bières dans nos allées tout en respectant la distanciation physique avec les voisins à la léthargie, à la solitude et à la frustration à mesure que les cycles de confinement faisaient peser tout le poids de leur rouleau compresseur sur nous. Les vagues, les unes après les autres, continuaient à s’écraser sur nous, mais nous nous en sommes sortis, même si nous nous sentions emprisonnés dans nos maisons jour après jour.

En tout cas, c’était le cas pour au moins certains d’entre nous.

Cette expérience de la COVID-19 ne constitue pas un fait universel. Se prélasser sur le canapé et se vautrer dans l’allée est une option si l’on a un abri. Mais, la réalité montre que de nombreuses personnes n’ont pas le temps libre ou l’espace nécessaire pour jouir de ces privilèges. Les plaintes relatives à la « fatigue du Zoom » peuvent sembler insignifiantes si vous êtes un travailleur de première ligne effectuant un travail essentiel et que vous n’avez jamais eu la possibilité de travailler à domicile.

Pourtant, ceci représente le cas de la grande majorité des employés canadiens qui maintiennent le fonctionnement de notre société, qu’ils travaillent dans les secteurs de la vente au détail, de la fabrication ou de la construction ou à titre de personnel médical, de travailleurs sociaux ou de chauffeurs-livreurs.

Citons, entre autres, l’exemple de Megan Di Lucca, caissière chez Save-On-Foods à Victoria. En repensant à ces premiers jours frénétiques de 2020, elle se souvient du comportement inhabituel de certains clients, notamment la façon dont ils évacuaient leur stress en s’en prenant les uns aux autres ou aux membres du personnel.

« Comme tout le monde achetait autant que possible du papier toilette, des conserves et des produits aléatoires (comme de la levure), tout ce que je pouvais faire était de saluer leurs choix inhabituels avec un sourire et de faire de mon mieux pour aider à soulager leur stress en les écoutant. Le fait de prêter une oreille attentive aux clients les a non seulement aidés, mais cela m’a également permis de réaliser qu’il était important de ne pas laisser les affaires personnelles des autres m’affecter. »

Di Lucca était pourtant suffisamment expérimentée pour pouvoir se frayer un chemin dans de telles situations difficiles. Toutefois, cela n’est pas toujours le cas pour les nouveaux sur le marché du travail. Comme l’a souligné Shane Bennett, directeur de la chaîne de cinémas d’Ottawa, « de nombreuses personnes occupant des postes de première ligne et de vente au détail sont jeunes et inexpérimentées ou essaient de concilier des problèmes personnels tout en travaillant dans des environnements en constante évolution. » Au-delà de ces défis, la plupart de ces postes sont en moyenne moins bien rémunérés que les autres emplois et sont classés dans la catégorie des emplois contractuels ou ponctuels qui offrent peu ou pas d’avantages sociaux ou de congés. En raison de l’impossibilité de tels employés de travailler à domicile lorsqu’ils sont malades ou qu’ils craignent d’être exposés au virus, leur choix est aussi dur que simple : aller travailler ou sacrifier une journée de salaire.

Facteurs aggravants
En discutant avec des amis et des collègues qui occupent des fonctions essentielles, il apparaît clairement qu’ils essaient de composer avec les changements intervenus dans leur vie pendant la pandémie. Nombre d’entre eux sont aux prises avec des problèmes personnels, aggravés par des facteurs stressants tels que la menace de contracter une maladie, les difficultés financières, l’insécurité de l’emploi et la détérioration de la santé mentale.

Shane Bennett

Shane Bennett

Les travailleurs de première ligne ont non seulement dû faire face à des congédiements et à l’incertitude de leur emploi, mais ils sont également plus exposés au virus. Beaucoup rentrent chez eux auprès de membres de leur famille qui sont immunodéficients après avoir dû travailler avec un équipement de protection individuelle inadéquat.

En plus de gérer leur propre stress, ces travailleurs ont également été contraints de faire face au stress d’innombrables autres personnes chaque jour. Ce phénomène n’est peut-être pas nouveau pour les personnes qui travaillent déjà au service à la clientèle, mais la situation s’est certainement aggravée pendant la pandémie. En outre, ces travailleurs ont été chargés de faire respecter des mandats de santé publique en constante évolution. Ces mesures de sécurité sont nouvelles pour tout le monde, y compris pour eux-mêmes. Lorsque leurs employeurs s’attendent à ce qu’ils surveillent les actions visant à assurer la sécurité des clients et la leur, les travailleurs de première ligne subissent le poids de la frustration des clients qui refusent d’obtempérer. Étant confrontés à tant d’autres facteurs stressants dans leur vie, ils endossent une énorme responsabilité qui a fait croitre les niveaux d’abus, de harcèlement, des menaces et de la violence auxquels ils font face. Selon M. Bennett, ses cinémas ont été contraints d’appeler la police à plusieurs reprises pour les aider à faire face à de tels incidents.

En raison de l’impossibilité des employés de travailler à domicile lorsqu’ils sont malades ou qu’ils craignent d’être exposés au virus, leur choix est aussi dur que simple : aller travailler ou sacrifier une journée de salaire.

Voies d’accès au soutien
Les travailleurs de première ligne effectuent des tâches qui sont généralement sous-évaluées et qui exigent beaucoup d’énergie physique et émotionnelle. Citons l’exemple de « Sabrina », technicienne vétérinaire dans un hôpital pour animaux situé à l’est du Canada, et qui travaillait dans le domaine des soins d’urgence et des soins intensifs ainsi que dans celui de la chirurgie spécialisée. L’hôpital était le seul établissement ouvert 24 heures sur 24 dans sa région. Il acceptait également des cas provenant de régions éloignées (notamment le Nunavut et Terre-Neuve-et-Labrador), ce qui le rend essentiel pour les habitants et les clients de cette vaste région.

Au début de la pandémie, le lieu de travail de Sabrina offrait un espace de dialogue et soutenait les employés qui devaient s’occuper de leurs enfants, qui étaient eux-mêmes malades ou qui éprouvaient des réserves à l’idée de transmettre le virus à des membres de leur famille qui sont immunodéficients. Mais, après quelques mois, cette approche d’ouverture semblait avoir changé. Malgré tout, elle a fait ses quarts de travail habituels et est souvent restée plus longtemps pour s’assurer que le travail était fait correctement. Elle passait de 10 à 12 heures debout tout en remplaçant d’autres personnes qui avaient quitté la clinique. Comme la demande ne cessait d’augmenter, Sabrina travaillait des heures supplémentaires pendant de nombreuses fins de semaine. Et elle a fini par s’épuiser. Animée d’un sentiment de désillusion, elle a décidé de partir.

Comme c’est le cas pour beaucoup de soignants qui traversent une situation pareille, sa décision a été difficile à prendre. Elle se sentait coupable de ce qui pourrait arriver à la qualité des soins à la clinique si elle partait, ce qui ne lui laissait pas beaucoup de temps pour s’occuper de sa propre santé. Lorsqu’elle s’est lancée sur la voie de la résolution de ces problèmes, elle a baissé les bras, découragée par l’ampleur de la tâche. « Vous devez entreprendre beaucoup de démarches pour obtenir l’aide dont vous avez besoin, ce qui peut vous décourager de le faire. Lorsque vous êtes épuisé physiquement et mentalement, la dernière chose que vous souhaitez faire c’est de chercher comment faire pour vous aider vous-même », a-t-elle expliqué.

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“Sabrina”

Parfois, cet aspect bureaucratique devient un obstacle. C’est particulièrement vrai pour les travailleurs de première ligne occupant des postes à court terme ou contractuels, qui doivent endurer de longs délais d’attente et terminer leurs périodes probatoires avant d’accéder aux soins. Devoir changer d’emploi et négocier de nouveaux contrats peut également donner l’impression qu’il y a trop d’obstacles à franchir, surtout lorsque vous devez également faire face à des difficultés financières et à d’autres facteurs stressants.

Parallèlement, ces expériences lancent le débat sur les changements à opérer dans les milieux de travail pour soutenir les travailleurs de première ligne et les travailleurs essentiels, au-delà de toute platitude. Par exemple, les employeurs aident les membres de leur personnel à mettre en place un système d’écoute empathique dans leurs interactions. Autrement, tout comme l’a fait M. Bennett pour ses cinémas, ils peuvent investir dans L’esprit au travail, une formation fondée sur des données probantes de la Commission de la santé mentale du Canada qui aide les participants à surmonter la stigmatisation liée à la maladie mentale. « L’esprit au travail a pour but de donner aux gestionnaires les outils nécessaires pour observer les changements qui peuvent se manifester chez leurs employés et les situer sur la position de ces derniers sur le continuum de santé mentale », a-t-il déclaré. « Il nous offre un modèle pour encadrer les conversations difficiles et apprendre à être attentifs à la santé mentale des membres de nos équipes. » Une fois que les gestionnaires auront acquis les compétences et les outils dont ils ont besoin, son entreprise a l’intention de déployer la formation L’esprit au travail à l’ensemble de ses employés. « J’espère que cela permettra de discuter plus facilement de la santé mentale en milieu de travail, a-t-il ajouté, et que cela permettra à nos travailleurs de se sentir mieux soutenus. »

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Photo principale: iStock
Les points de vue et les opinions exprimés dans cet article appartiennent uniquement à l’auteur(e) et ne représentent pas nécessairement les politiques officielles de la Commission de la santé mentale du Canada.

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