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Le VecteurConversations sur la santé mentale

L’ABC des soins de santé mentale pour les personnes ACN

Mon fils m’a demandé de l’aide pour trouver un thérapeute, et de mon point de vue, c’est une victoire. Il a reconnu qu’il avait besoin d’aide, ce qui témoigne de son intelligence et de sa conscience de soi. Mon cœur de mère déborde de fierté.

Certaines personnes ne se rendent pas compte des difficultés qu’elles éprouvent, et dans la culture machiste dans laquelle baignent souvent les jeunes hommes Noirs, la conscience de soi est un ressort puissant. Cet appel à l’aide lancé à sa mère m’indique que j’ai dû réussir une partie de ma mission comme parent. Je suis affligée de voir sa souffrance, mais je suis heureuse qu’il puisse le constater et qu’il demande de l’aide.

Ce qui a été plus pénible, c’est de me rendre compte qu’il voulait un thérapeute auquel il pourrait s’identifier : un homme ACN (d’origine africaine, caribéenne et Noire). Comprenez-moi bien. La demande est raisonnable en soi. Mais essayez de trouver un thérapeute Noir au Canada… c’est comme chercher un billet de loterie gagnant. Il y en a, mais ils sont rares.

Je me suis donc attelée au travail. J’ai au moins la chance de connaître des gens qui connaissent des gens. Une de ces personnes pouvait peut-être me mettre sur la bonne piste… Mais il y a aussi la merveille qu’est Google. Croyez-le ou non, Google fonctionne souvent, si bien que je me suis vite retrouvée sur le portail de Canadian Psychology Today, à éplucher un éventail de thérapeutes ACN. La prochaine étape de notre course à obstacles consistait à trouver le psychothérapeute qui conviendrait le mieux à mon fils. Il ne suffit pas d’être ACN, il faut aussi avoir l’expérience voulue. Mais avant même d’en arriver là, je me suis interrogée sur la différence entre les deux principaux choix qui semblaient s’offrir à moi : un travailleur social ou un psychothérapeute. Est-ce que c’est la même chose? Quelle différence cela fait-il?

Gros honoraires et autres obstacles à l’accès
Le prix est bien sûr un facteur déterminant. Il varie entre 100 $ et 200 $ par séance. C’est peut-être peu pour prendre soin de sa santé, mais pour bien des gens, c’est une dépense qu’ils doivent assumer entièrement. Avec un peu de chance, vous avez des assurances, mais la couverture pour des soins de santé mentale varie beaucoup d’une police à l’autre. Si certains employeurs offrent une couverture complémentaire ou proposent différents moyens d’accéder aux soins, d’autres régimes limitent le coût ou le nombre de séances.

Étant donné la distribution de la richesse au Canada, on sait que si vous faites partie de la communauté ACN – en fait, si vous faites partie de n’importe quelle communauté racialisée – vos revenus sont moindres. Moins de revenus, moins d’épargnes, moins d’accès. En fait, on a parfois l’impression que la seule chose que nous ayons en plus par rapport aux autres, c’est le chômage.

En plus de coûter cher, la thérapie est rarement quelque chose que l’on achève d’un seul coup. Il faut s’y engager, établir des liens avec le thérapeute qui convient et intégrer la thérapie à son quotidien pendant un certain temps. Selon certaines études, il faut compter de 12 à 16 séances hebdomadaires, mais dans les faits, de nombreux thérapeutes et patients vous diront qu’il faut plutôt 20 à 30 séances réparties sur six mois environ. Douze à trente semaines de thérapie, cela signifie entre 1 200 et 6 000 $. C’est loin d’être une modique somme. Mais il y a aussi une autre question : comment choisir le prix correspondant au service dont on a besoin? Doit-on magasiner un thérapeute comme on magasine son vin : plus c’est cher, mieux c’est?

Je me demande ce qui se passe si la thérapie cognitive ne suffit pas. Et si mon fils avait besoin d’un médicament sur ordonnance? Dois-je me mettre à la recherche de l’oiseau rare – un médecin de famille – ou plus rare encore, un psychiatre? Comment vais-je l’aider à couvrir le prix de ses médicaments?

Je ne cesse de me répéter qu’au moins, il a eu assez confiance en lui et en moi pour me demander de l’aide. Le contraire est souvent le plus grand obstacle à l’accès aux soins. Mais c’est loin d’être ainsi pour bien des familles ACN. Outre les contraintes financières, ces familles se heurtent à de nombreux obstacles à l’accès aux soins de santé mentale, dont le plus important est peut-être le regard que les autres portent sur les problèmes de santé mentale. Certains pensent par exemple que seules les personnes souffrant d’un grave problème de santé mentale ont besoin d’une aide professionnelle et que l’on ne va pas chercher ce type de service pour gérer des émotions ou améliorer sa qualité de vie. Autre idée fausse : « Les problèmes de santé mentale disparaissent si on n’en fait pas de cas », et ma préférée : « Les Noirs qui cherchent une aide professionnelle ont perdu leur foi en Dieu ». Rien de pire que la culpabilité inspirée par la culture et les proches quand on cherche ce type d’aide. Tout semble si compliqué. Trouver l’aide dont on a besoin est déjà difficile pour tout le monde, mais ça peut sembler écrasant quand on regarde les choses dans la perspective des personnes ACN.

Ni blanc ni Noir
Heureusement, des personnes comme Nicole Franklin, une thérapeute Noire convaincue que la représentation est essentielle dans le milieu de la santé mentale, ont commencé à tracer des voies pour que l’on y parvienne. Sa clinique, Live Free Counselling Service, propose des services de psychothérapie et des ressources aux membres des communautés racialisées de Toronto et de la région du Grand Toronto. Pour ceux qui habitent à l’extérieur de Toronto, sachez qu’elle fait connaître des travailleurs sociaux et des thérapeutes noirs agréés qui, un peu partout au Canada, exercent leur profession selon une approche axée sur l’autogestion de la santé et qui tient compte des traumatismes et de la culture.

Même si elle pense que « le meilleur moment pour entreprendre une thérapie, c’était hier », Mme Franklin signale que « la thérapie n’est pas une solution miracle ».

Elle suggère de consulter un thérapeute une fois par semaine, par mois ou par trimestre (si vous en avez la possibilité), mais reconnaît que le coût d’une thérapie, surtout si les consultations sont fréquentes, peut constituer un obstacle financier.

Certaines cliniques offrent des services sans frais, d’autres réduisent considérablement leurs tarifs si vous consultez un thérapeute en formation (généralement, un étudiant stagiaire diplômé en psychologie ou en psychothérapie). D’autres cliniques adaptent leurs tarifs à votre revenu ou votre budget, selon que vous soyez employé, aux études ou sans emploi.

Mme Franklin recommande aussi de faire preuve de diligence raisonnable lorsqu’on demande des services à un professionnel de la santé mentale : « N’hésitez pas à poser des questions à votre thérapeute sur son expérience et sur la façon dont il aborde certains problèmes. »

Pour déterminer si un thérapeute vous convient ou possède l’expertise voulue pour comprendre ce qui vous amène à le consulter, posez-lui aussi des questions sur sa formation, ses honoraires, ses valeurs professionnelles et son approche thérapeutique.

Toutes les relations client-thérapeute ne fonctionnent pas du premier coup. Il se peut donc que vous deviez faire quelques essais avant de trouver chaussure à votre pied. Selon Mme Franklin, « il n’y a pas de mal à mettre fin à une relation thérapeutique qui ne vous convient pas, quel que soit le moment de notre vie. »

Quelques suggestions
Le père de mon fils et moi l’aidons à cheminer sur son parcours psychothérapeutique. Nous lui donnons ce dont il a besoin sur le plan financier et émotionnel. Mais s’il nous arrivait de flancher, on pourrait compter sur un riche réseau de personnes compétentes pour recevoir du soutien. Si vous ou l’une de vos connaissances êtes face au défi de trouver un psychothérapeute sans pouvoir compter sur ce type d’aide, voici les conseils de Mme Franklin.

  • Cherchez un réseau ou des services de psychothérapie qui souscrivent aux soins tenant compte des traumatismes.
    Une approche tenant compte des traumatismes reconnaît le lien entre les traumatismes, la violence et les résultats négatifs en matière de santé. Ce type de traitement vise à renforcer l’autonomie, la résilience et le sentiment de sécurité intérieure afin de reprendre le contrôle de sa vie après ou pendant une situation traumatisante.
  • Cherchez un thérapeute qui cultive des valeurs anti-oppressives.
    La psychothérapie anti-oppressive contribue à réduire les effets des sentiments et des expériences que causent les traumatismes et la violence, ce qui permet aux personnes concernées de retrouver leur autonomie tout au long du parcours thérapeutique.
  • Cherchez un thérapeute qui connaît bien les problèmes qui vous préoccupent.
    Si vous établissez des liens avec votre thérapeute sur un terrain commun, votre relation aura une base plus solide. C’est particulièrement vrai si vous rencontrez votre thérapeute dans un cadre virtuel. « Si vous faites une thérapie en ligne, suggère Mme Franklin, essayez d’avoir accès à un espace plus sûr et privé où vous pourrez avoir régulièrement des conversations ouvertes et franches. »
  • Faites une présélection des thérapeutes qui vous intéressent et passez un entretien préalable.
    « Effectuez une recherche en ligne et consultez plus d’un thérapeute. C’est comme chercher un partenaire amoureux. Souvent, il nous faudra rencontrer plus d’une personne avant de trouver celle avec qui nous avons une bonne connexion. »
  • Trouvez un prestataire de soins de santé mentale qui a suivi une formation sur la compétence culturelle ou les préjugés implicites.
    Faites-le si vous n’arrivez pas à trouver un thérapeute Noir dans votre quartier ou en ligne.

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Auteure: , avec l’aide de Janelle Jordan à la recherche et aux comptes rendus.
Illustration: Holly Craib
Les points de vue et les opinions exprimés dans cet article appartiennent uniquement à l’auteur(e) et ne représentent pas nécessairement les politiques officielles de la Commission de la santé mentale du Canada.

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