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Un nouveau sondage examine les réalités de la main-d’œuvre en santé mentale et toxicomanie
Pour Mary Bartram (Ph. D.), directrice des politiques à la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC), il est essentiel de mieux comprendre les réalités des personnes qui travaillent dans le domaine de la santé mentale et de la toxicomanie pour améliorer les résultats en matière de santé mentale.
« Pendant beaucoup trop longtemps, aucune donnée sur ces fournisseurs de soins essentiels n’a été recueillie, a expliqué Mme Bartram. Alors que nous nous préparons à une pandémie parallèle de problèmes de santé mentale, nous devons comprendre la main-d’œuvre invisible appelée à y faire face. »
Mme Bartram a noté que, si des données détaillées sont régulièrement recueillies sur les médecins et le personnel infirmier, nous n’avons qu’une compréhension superficielle des psychologues et des travailleurs sociaux et ne savons presque rien de tous les autres types de travailleurs en santé mentale et toxicomanie, des psychothérapeutes aux conseillers en toxicomanie.
« Pour répondre à l’augmentation des problèmes de santé mentale et de toxicomanie que nous observons en raison de la pandémie, il faut savoir exactement quels sont les outils dont nous disposons, a déclaré Mme Bartram. Pourtant, nous ne savons pas où travaille cette main-d’œuvre, combien d’heures de services ces travailleurs fournissent, quelles populations ils desservent, ou quels sont leurs domaines d’expertise. » Ce manque de connaissances est préoccupant, étant donné la position unique de ces travailleurs pour répondre à ces besoins émergents pendant la pandémie.
Faire la lumière sur les lacunes en matière de soins
Heureusement, ce manque de compréhension commence à changer, selon un récent sondage mené par la CSMC et le Réseau canadien des professionnels de la santé, qui visait précisément à établir un aperçu de ce paysage encore inexploré.
Pour Mme Bartram, les chiffres révélés par le sondage sur la capacité de la main-d’œuvre en santé mentale et toxicomanie face à la COVID-19 ont déclenché des signaux d’alarme sur plusieurs fronts.
« Ce sondage révèle la nature à deux vitesses de notre système de santé. Bien que nous aimions vanter les mérites des soins de santé universels, la réalité est que 31 % des fournisseurs interrogés ne reçoivent aucun financement public pour les services qu’ils offrent. Leurs clients doivent plutôt payer de leur poche ou par une assurance privée offerte par leur employeur. »
Selon Mme Bartram, il n’est pas surprenant que les répercussions de la pandémie au chapitre des problèmes de santé mentale et de toxicomanie aient été pires parmi les populations à faible revenu. Ces personnes n’avaient pas accès à une assurance privée avant la pandémie et ont pu avoir l’impression qu’elles n’avaient aucun moyen d’atténuer leurs problèmes de santé mentale tout au long de la crise.
Comme l’a noté Mme Bartram dans un récent article d’opinion publié dans The Hill Times, alors que les deux tiers de la population ont accès à des prestations de maladie complémentaires, « le reste de la population paie de sa poche, doit faire face à de longues attentes pour des services limités financés par l’État, s’aventure dans le brave nouveau monde des services virtuels si la large bande le permet, ou s’en passe ».
En effet, les résultats du sondage indiquent que, bien que 33 % des fournisseurs en santé mentale et toxicomanie aient diminué leur capacité en raison des mesures de distanciation sociale, presque autant (28 %) ont déclaré que cette diminution était attribuable aux problèmes rencontrés par les clients relativement aux soins virtuels.
Des inégalités sur plusieurs fronts
Selon Mme Bartram, bien que l’explosion des options de soins virtuels comme le portail Espace Mieux‑être Canada soit un signe positif, nous devons nous préparer à l’importante courbe d’apprentissage chez de nombreuses personnes et comprendre aussi que cette forme de soins ne répondra pas aux besoins de tous.
« L’équité est une énorme pièce du casse-tête, a-t-elle dit. Il ne s’agit pas seulement de savoir si les gens sont à l’aise d’utiliser des services virtuels. Il faut aussi se demander si les gens ont un service à large bande et s’ils sont en sécurité à la maison. »
Une division entre les genres dans les réponses au sondage souligne également l’importance de comprendre comment les fournisseurs de soins de différents genres s’en sortent.
Dans l’ensemble, les praticiennes (qui représentent près de 80 % de l’échantillon du sondage) ont davantage diminué leur prestation de services, les « responsabilités personnelles supplémentaires » figurant parmi les principales raisons.
En revanche, un plus grand nombre de praticiens masculins ont été en mesure d’augmenter leur prestation de services en offrant des services bénévoles et en profitant d’un nouveau financement.
Selon Mme Bartram, ces chiffres concordent avec les résultats d’un récent sondage de Léger commandé par la CSMC et le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances (CCDUS), qui souligne l’impact disproportionné de la pandémie sur les femmes.
« Les femmes assumaient davantage les soins et les responsabilités domestiques avant la pandémie, explique-t-elle. La COVID a amplifié cette disparité et ainsi, les femmes, en particulier celles qui ont de jeunes enfants à la maison, ont eu moins de temps libre et une moins bonne santé mentale que leurs homologues masculins. »
La voie à suivre
Même si certains praticiens ont pu augmenter leurs services, la demande continue de dépasser largement l’offre. Les premiers résultats d’un récent sondage conjoint de la CSMC et du CCDUS ont révélé que seulement 18 à 20 % des personnes ayant des problèmes de santé mentale et de toxicomanie ont eu accès à des services au cours du mois de février.
Pour remédier à ce déséquilibre, souligne Mme Bartram, nous devrons continuer d’étudier les fournisseurs qui offrent ces services. Les résultats de ce sondage, financé par une subvention d’exploitation des Instituts de recherche en santé du Canada, seront abordés lors d’un dialogue sur les politiques en juin. Il convient de noter que nous avons besoin de beaucoup plus qu’un sondage pour disposer du type de données nécessaires à la planification fondée sur les besoins de la population.
« Les réalités de la main-d’œuvre en santé mentale et toxicomanie ont été négligées pendant trop longtemps, a précisé Mme Bartram. Nous espérons que de les mettre en lumière nous permettra de satisfaire davantage les besoins de tous les Canadiens, y compris les fournisseurs eux-mêmes, maintenant et longtemps après la pandémie. »
Suzanne Westover
Une écrivaine d’Ottawa, ancienne rédactrice de discours et gestionnaire des communications à la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC). Casanière, toujours le nez dans un livre, elle prépare un excellent pain au citron (certains diraient qu’elle fait des merveilles en un seul mets) et aime regarder des films avec son époux et sa fille de 11 ans. Le temps que Suzanne a passé à la CSMC a renforcé son intérêt envers la santé mentale, et elle continue d’apprendre toute sa vie sur le sujet.
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