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Le VecteurConversations sur la santé mentale

Samaria Nancy Cardinal et le prix à payer lorsque l’on fait fi du rétablissement

Samaria Nancy Cardinal a appris deux leçons importantes dès sa plus tendre enfance : le pouvoir de la persévérance et l’importance de faire preuve de courage en dépit de l’oppression.

Ces leçons lui ont bien servi pendant son long et difficile cheminement vers le rétablissement d’une maladie mentale. Lorsqu’on lui a demandé comment elle en était venue à défendre les patients, elle a dû faire une pause, accablée par le poids de sa réponse. 

« J’ai perdu 15 à 20 années de ma vie à cause d’un diagnostic erroné et d’un traitement inefficace », a-t-elle déclaré depuis son domicile de Calgary, où elle obtiendra un diplôme en travail social ce printemps. « J’ai été étiquetée comme bipolaire, et quand cela s’est produit, c’est comme si l’on m’avait en même temps tatoué mon diagnostic sur le front. Dans le système, vous cessez d’être une personne pour ne devenir que la définition de votre maladie uniquement. »

Pour elle, le fait de séparer son humanité de sa maladie est un anathème et une insulte à son héritage autochtone.

« Nous voyons les gens pour tout ce qu’ils sont — leur moi physique, émotionnel, mental et spirituel est inextricablement lié. Vous ne pouvez pas comprendre pourquoi quelqu’un éprouve des symptômes comme les miens si vous cochez simplement les cases d’un manuel médical. Vous devez être prêt à creuser un peu plus, et à demander “pourquoi?” »

Un manque de compréhension
Comme Mme Cardinal l’a souligné, il faut du temps pour creuser à l’intérieur de soi, mais notre système de santé n’est pas conçu pour valoriser et donner la priorité au rétablissement; la priorité est couramment accordée à la rapidité du diagnostic et du traitement. Elle affirme qu’il s’agit là d’une des nombreuses raisons illustrant pourquoi la structure même des soins doit changer.

En tant que fille de Douglas Cardinal, premier architecte autochtone au Canada, la métaphore qu’elle a utilisée n’est pas une surprise. 

Si une maison est envahie de moisissures toxiques, dit-elle, vous ne pourriez pas dire qu’il suffit d’appliquer une jolie peinture jaune sur les murs pour déclarer que le problème est réglé. Pour rendre cette maison sécuritaire et habitable, vous devrez éliminer la moisissure et la reconstruire à partir des poteaux d’ossature murale. 

De la même manière, a-t-elle soutenu, la double crise du système de santé, à savoir les préjugés inconscients et la discrimination, doit être nommée et corrigée, et ce, sans perdre de temps.

« Mon père n’a pas pu obtenir son diplôme au Canada en raison du racisme. Il faut dire qu’il n’a pas laissé la discrimination anéantir ses rêves. Il a décidé d’aller étudier à l’Université du Texas à Austin, et il est devenu l’une des personnes les plus célèbres au pays dans son domaine », indique Mme Cardinal, en faisant référence à des réalisations comme le Musée canadien de l’histoire. « Mais son talent ne fait que souligner le potentiel que nous gaspillons si nous rabaissons les gens plutôt que de les aider à s’élever. »

Trouver une porte de sortie
Elle est bien placée pour comprendre comment les gens peuvent perdre des années entières à chercher un soutien en santé mentale, à vivoter en essayant de composer avec la maladie, toujours dans l’incapacité de revendiquer la place qui leur revient en tant que membres actifs de notre société. 

« Je ne vais jamais récupérer le temps que j’ai perdu », a déclaré Mme Cardinal, frappée par l’émotion en réfléchissant à tout ce qui lui a été volé. « Par contre, ce que je suis en mesure de faire, c’est de participer à la reconstruction d’un système qui aura à cœur le rétablissement des patients. »

Aider les autres est devenu en quelque sorte sa boussole alors qu’elle déploie des efforts engagés pour promouvoir un système de santé qui examinera toujours les causes profondes des symptômes apparents. C’est cette motivation qui a amené Mme Cardinal à participer, aux côtés de la Commission de la santé mentale du Canada, à la lutte contre la stigmatisation structurelle, qui fait obstacle aux soins de santé.

« Pour la petite histoire, mon diagnostic de bipolarité n’était pas exact », a indiqué Mme Cardinal. « On m’a presque gavé de médicaments, la dose augmentant régulièrement parce que mon état ne s’améliorait pas. Pouvez-vous imaginer traiter quelqu’un pour un cancer, découvrir que sa tumeur continue de grossir et que l’équipe médicale refuse de changer de protocole? Il y aurait assurément une levée de boucliers. »

Mais pendant des années, personne ne s’est indigné pour elle.

Elle a traversé toute seule un tunnel interminable et sombre, sans espoir de trouver une porte de sortie. Cependant, une lumière est un jour apparue lorsque ses symptômes ont été correctement diagnostiqués comme étant un trouble de stress post-traumatique, et elle a finalement pu accéder aux outils nécessaires pour soigner son traumatisme. 

Voir et entendre les autres
Malgré son expérience personnelle, ou peut-être grâce à elle, Samaria est déterminée à devenir un phare pour les autres.

« Vous ne pouvez pas imaginer le niveau de désespoir que l’on peut ressentir quand personne ne vous écoute, quand personne ne vous croit, quand vous êtes retournée chez vous et ignorée maintes et maintes fois. »

Madame Cardinal a maintenant l’intention de poursuivre des études supérieures en travail social, et son plan est clair et simple.

« Quand je verrai quelqu’un s’asseoir en face de moi, je vais l’aborder comme un être humain d’abord et avant tout. Point final. J’accorderai à chaque personne ce qui m’a été refusé : la reconnaissance de son humanité. À ma façon, je travaillerai pour reconstruire ce qui a été brisé dans l’âme de la personne. »

Suzanne Westover

Une écrivaine d’Ottawa, ancienne rédactrice de discours et gestionnaire des communications à la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC). Casanière, toujours le nez dans un livre, elle prépare un excellent pain au citron (certains diraient qu’elle fait des merveilles en un seul mets) et aime regarder des films avec son époux et sa fille de 11 ans. Le temps que Suzanne a passé à la CSMC a renforcé son intérêt envers la santé mentale, et elle continue d’apprendre toute sa vie sur le sujet.

Les points de vue et les opinions exprimés dans cet article appartiennent uniquement à l’auteur(e) et ne représentent pas nécessairement les politiques officielles de la Commission de la santé mentale du Canada.

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