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Comprendre les conséquences psychologiques liées à une perte d’emploi pendant la pandémie de COVID-19
La COVID-19 a dévasté un grand nombre d’emplois au Canada et à l’étranger. À ce jour au pays, près de six millions de personnes ont présenté une demande de prestation d’urgence gouvernementale pour soulager leur fardeau financier. C’est presque l’équivalent de l’ensemble de la population de la région du Grand Toronto.
Mais le soutien financier ne suffit pas à combler le vide qu’engendre le fait de se retrouver sans emploi.
Il suffit de demander à Elizabeth Fulton, une photographe professionnelle qui a bâti à elle seule une entreprise florissante au cours de la dernière décennie. « J’ai choisi ce métier en partie parce qu’il me permet d’atteindre un meilleur équilibre entre prendre soin de mes enfants et poursuivre une carrière. Et j’ai tenu bon grâce aux relations que j’ai établies avec mes clients. Ils sont devenus, à bien des égards, comme ma famille élargie », a-t-elle déclaré.
« Je rencontre leurs bébés seulement quelques jours après leur naissance; et j’ai le privilège de les voir grandir. Donc, lorsque mon entreprise s’est brusquement arrêtée de fonctionner, ce n’est pas seulement mon revenu que j’ai perdu. J’ai aussi perdu toute forme de structure dans ma journée et j’ai également perdu le contact constant avec mes clients. D’une certaine manière, j’estime que c’est un peu comme si ma propre identité s’était envolée », a-t-elle expliqué. « Je ne dirais pas que j’ai tout perdu. Mais je me sens plutôt ébranlée en ce moment. »
Il n’est donc pas surprenant que la perte d’un emploi soit souvent associée à la dépression, à l’anxiété et même à des pensées suicidaires. Cependant, en nous attaquant aux conséquences psychologiques associées au chômage, nous pouvons contribuer à atténuer les répercussions sur la santé mentale et transformer les difficultés en occasion de développer une certaine résilience.
Bill Howatt, chef des recherches sur la productivité du personnel au Conference Board du Canada, dit que la COVID-19 a ajouté des strates supplémentaires de complications à une perte d’emploi. « Pour les personnes qui œuvrent dans le secteur hôtelier et qui n’ont plus d’emploi, la solution pour retrouver du travail n’est pas la même qu’elle était auparavant. Elles ne peuvent plus simplement mettre à jour leur curriculum vitæ et se rendre au restaurant le plus proche pour avoir la chance d’exercer à nouveau leur métier. Quant aux professionnels comme les dentistes et les chiropraticiens, ils subissent un niveau de stress aggravé par des comptes à payer, comme le loyer et les salaires des employés, alors qu’aucun revenu n’entre dans les coffres. Tout cela peut faire en sorte que l’on se sente rapidement désespéré. »
Après une perte majeure, il est naturel de ressentir du chagrin. Perdre un emploi n’est pas tellement différent que de traverser d’autres sortes de deuils. Pour beaucoup de gens, leur travail leur procure un sentiment d’avoir un objectif à atteindre, et le fait de perdre cela peut avoir une incidence profonde sur leur bien-être mental.En plus de fournir une raison d’être, le travail d’une personne est souvent étroitement lié à son identité. L’une des premières questions que nous posons en apprenant à connaître quelqu’un est : « Que faites‑vous dans la vie? » Lorsque la réponse à cette question disparaît du jour au lendemain, un sentiment d’inutilité peut même s’installer.« Je dis aux gens que la chose la plus importante à faire, dès le moment où ils se retrouvent dans cette situation, est de planifier leur journée du mieux qu’ils le peuvent. Levez-vous, habillez-vous, adoptez une routine et essayez de la suivre quotidiennement », a déclaré M. Howatt, qui note que le fait de réaliser que l’on contrôle encore certaines choses peut s’avérer un bon moyen de se sentir plus autonome et utile.
Madame Fulton est d’accord avec cette idée. « La routine est essentielle pour moi. Je mange des aliments sains, je fais de l’exercice chaque jour et j’essaie de trouver des moyens créatifs de dialoguer avec mes clients. »
Pour M. Howatt, la routine que Mme Fulton s’est construite inconsciemment est en quelque sorte un entrainement – qu’il enseigne d’ailleurs de façon formelle – pour garder une « bonne forme mentale ». « Il est très important de prendre soin de votre santé physique, mais la planification pour la période post-COVID est aussi essentielle. Si les gens peuvent regarder cette situation et se dire : « Comment puis-je en ressortir plus fort, en étant mieux préparé à travailler, et en bénéficiant de meilleures relations? », cela leur donnerait un sentiment d’espoir et d’utilité. »
Il conseille également aux gens de mettre en pratique le recadrage ou la reformulation cognitive. « Demandez-vous ce que le pire des scénarios pourrait être. Imaginez-le et laissez-le film se dérouler au complet dans votre tête. N’ayez pas peur d’imaginer le pire. Posez-vous ensuite la question : quel est le plus beau scénario qui puisse m’arriver? Parfois, notre cerveau est coincé dans une boucle de pensées négatives, et nous devons le déjouer et lui montrer comment remettre les choses en contexte. »
Si vous souhaitez soutenir une personne qui a récemment perdu son emploi, mais vous ignorez comment procéder, la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC) propose un Guide sur l’écoute active qui peut vous aider à participer à des dialogues avec plus d’assurance. Parfois, la peur de dire la mauvaise chose nous empêche de dire quoi que ce soit. Mais il est important de se rappeler que la personne qui vient de perdre son emploi peut se sentir mal à l’aise ou incertaine quant à la façon de demander de l’aide. Contactez-la et dites-lui que vous êtes disponible pour l’écouter, puis rappelez-lui que l’on n’estime pas sa valeur en se basant sur sa situation professionnelle.
Si vous avez récemment perdu votre emploi, la CSMC dispose d’outils qui peuvent vous aider à évaluer votre santé mentale et à commencer l’élaboration d’un plan d’action visant à l’améliorer. Le programme L’esprit au travail a créé le Guide de prise en charge de sa santé mentale pour bâtir sa résilience. Vous pouvez utiliser ce Guide pour évaluer où vous vous situez sur un continuum de santé mentale et intégrer les autosoins à vos stratégies d’adaptation.
Pour des ressources supplémentaires, le gouvernement fédéral a lancé Espace mieux-être Canada, un portail conçu pour mettre en contact les gens au pays qui sont en mesure d’offrir un soutien en matière de santé mentale et de consommation de substances.
Il est également important de se rappeler que, même si la perte d’un emploi peut faire en sorte que vous vous sentiez isolé, vous n’êtes pas seul. Communiquez avec vos proches, qu’il s’agisse d’anciens collègues aux prises avec le même problème, ou d’amis et de membres de la famille en qui vous avez confiance et sur lesquels vous pouvez compter. Verbaliser vos pensées et vos émotions peut également vous aider à les accepter et à vous sentir plus en contrôle de la situation.
« J’essaie d’être gentille avec moi-même en ce moment », a déclaré Mme Fulton. « Aussi, j’essaie de réfléchir à une chose à faire, chaque jour, qui est liée à mon travail. Que ce soit pour contacter un client et lui dire bonjour ou pour publier un message sur les réseaux sociaux et offrir des conseils gratuits sur la façon de prendre de meilleures photos à la maison, je dois trouver des moyens de rester connectée et de me sentir utile. »
M. Howatt confirme qu’elle est sur la bonne voie. « Il est certain qu’il s’agit d’une grande épreuve mentale à traverser, mais le fait de réussir à avancer de quelques pas chaque jour peut nous apporter de belles récompenses au sortir de cette situation. Et ne vous inquiétez pas, nous y arriverons. »
Suzanne Westover
Une écrivaine d’Ottawa, ancienne rédactrice de discours et gestionnaire des communications à la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC). Casanière, toujours le nez dans un livre, elle prépare un excellent pain au citron (certains diraient qu’elle fait des merveilles en un seul mets) et aime regarder des films avec son époux et sa fille de 11 ans. Le temps que Suzanne a passé à la CSMC a renforcé son intérêt envers la santé mentale, et elle continue d’apprendre toute sa vie sur le sujet.
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