Si vous êtes en état de détresse, veuillez appeler ou texter le 988 n’importe quand. En cas d’urgence, appelez le 9-1-1 ou rendez-vous à votre service d’urgence local.

Quels sont les ingrédients de funérailles réussies? Le bon et le mauvais côté des adieux.

C’est peut-être le signe que je prends de l’âge, mais j’assiste de plus en plus souvent à des funérailles ces derniers temps, tant et si bien que j’ai commencé à les noter. Non, je n’évalue pas l’argent dépensé pour la cérémonie, les fleurs, le cercueil ou l’urne. Soyons honnêtes : que vous ayez fait appel à un traiteur ou enrôlé vos amis, les sandwichs à la salade d’œufs restent des sandwichs à la salade d’œufs. Je n’ai jamais assisté à des funérailles dans le but de manger un bon repas. Je me demande plutôt si l’événement nous aidera, mes proches et moi, à faire notre deuil.

Je ne cherche ni à trouver des occasions de pleurer ni à me complaire dans ma tristesse. Je souhaite simplement faire mes adieux à la personne qui est partie, et peut-être apprendre quelque chose sur elle.

Les funérailles sont aussi diverses que peuvent l’être les défunts. Certaines cérémonies sont formelles et on y discute à voix basse sur les bancs d’église. D’autres sont plus décontractées et se déroulent dans un pub, où des images du défunt défilent en boucle pour rappeler ses moments heureux. D’autres fois, les rituels de la mort se déroulent selon la volonté du défunt ou de ceux qui lui survivent, loin des églises, des cimetières et des restaurants.

Les flammes de l’enfer
Personnellement, je n’ai pas de préférence. Il faut simplement que les funérailles accomplissent leur fonction d’aider les gens à faire leur deuil. Ce qui m’irrite, c’est quand des choses n’ayant rien à voir avec l’idée de « faire ses adieux » prennent soudain toute la place. Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai assisté à un service funèbre, seulement pour me retrouver au beau milieu d’un discours où l’on tente de me convertir pour faire de moi une fidèle pratiquante. (Le mot « éternel » y revient souvent).

Comprenez-moi bien. Les personnes présentes forment un public captif, et je peux comprendre l’attrait de lui adresser un message. Je ne m’oppose pas à un service religieux. Mais je suis révoltée que l’on profite du moment pour faire passer un message politique, culpabiliser les infidèles, fustiger les vivants pour leur manque d’assiduité ou, dans un cas, réduire au silence les membres d’une famille qui voulaient prononcer quelques mots d’adieu.

funeral

J’attribue aussi une mauvaise note aux funérailles qui dévoilent trop leur côté mercantile. Par exemple, lorsque l’officiant n’a pas pris le temps de mémoriser le nom du défunt et qu’il le prononce mal ou l’oublie complètement. Ce sont des fausses notes qui arrachent les personnes en deuil à la solennité du moment et les catapultent brutalement dans la dimension purement commerciale de l’événement.

Parfois, les choses tournent au fiasco, comme lorsque le défunt est mal positionné ou qu’il y a erreur sur le corps et qu’on récolte les cendres d’un pur étranger. J’ai entendu parler d’un enterrement où en place et lieu des photos de l’être cher qui auraient dû défiler en arrière-plan, ce sont quatre minutes de porno qui ont été projetées devant les endeuillés. Ces funérailles-là méritent un zéro.

Des funérailles sur mesure
Soyons justes, les échecs ne sont pas tous imputables aux organisateurs. Bien souvent, les personnes en deuil ou les participants font de l’événement un moment inoubliable pour de mauvaises raisons. Je n’ai encore jamais pris d’égoportrait lors d’un enterrement, mais c’est apparemment une activité de plus en plus populaire. Ensuite, il y a les fauteurs de trouble et les chahuteurs qui voient dans les funérailles l’endroit idéal pour se battre ou régler des comptes, car qui ne va pas à des funérailles pour assister à un match de boxe — n’est-ce pas le point culminant de petites guerres intestines qui séparent les membres d’une même famille depuis des décennies?

En Chine, la présence de danseuses exotiques à des funérailles est devenue un tel fléau que certaines municipalités ont dû légiférer. Vous vous demandez peut-être comment on a bien pu en arriver là? C’est que, en Chine,  plus il y a de monde à des funérailles, plus le défunt aura de chance dans l’au-delà. Donc, pour attirer un maximum de personnes, certains organisateurs faisaient appel à des danseuses. Étant donné que des enfants assistent aussi aux funérailles, cette pratique est difficilement justifiable.

Il faudrait leur proposer d’offrir le spectacle ailleurs, ou après les funérailles. Contrairement aux mariages, les funérailles ne sont pas précédées d’une répétition générale. Cela signifie que les gens arrivent souvent là les nerfs à fleur de peau, en état de choc ou dépassés par les événements. Le deuil est également une affaire très intime que chacun vit à sa façon. Certains pleurent, d’autres non. Certains crient, d’autres se replient sur eux-mêmes. Le deuil dure quelques semaines, mois ou années, selon la culture de chacun, sa personnalité, la nature du lien qui l’unissait au défunt, l’étape où il en est dans sa vie, autant de facteurs qui influencent la durée du deuil.

Mais quelle que soit la durée du deuil, les funérailles en sont souvent le point de départ, et c’est souvent à cette occasion que les gens prennent conscience du cercle de soutien qui les entoure. Une étude réalisée en 2022 au moyen d’une combinaison de méthodes portait sur l’incidence des pratiques funéraires sur la santé mentale des personnes endeuillées. Pour ce qui est de la capacité à faire son deuil, les résultats ne sont pas concluants. Cependant, une étude qualitative montre pour sa part que les rituels funéraires, y compris les funérailles, sont efficaces lorsque les personnes endeuillées ont leur mot à dire sur la forme que prennent ces rituels et qu’elles ont l’occasion de faire leurs adieux dans un contexte qui est significatif pour eux. Les résultats soulignent également le rôle important qu’ont joué les officiants de cérémonies funéraires pendant la pandémie.

Les funérailles peuvent être un moyen concret de montrer notre soutien aux vivants. Elles peuvent être l’occasion de nous sentir entourés pendant une période difficile et constituer un pan essentiel du travail du deuil. Mais elles devraient surtout nous aider à composer avec la perte et à intégrer l’idée que l’être cher a disparu. Or, si je retiens d’une cérémonie que l’officiant a échoué dans sa tâche ou qu’un groupe s’est battu à l’extérieur, alors les funérailles sont ratées. Je ne vais pas à des funérailles pour assister à un dîner-spectacle. Je ne vais pas à des funérailles pour qu’on essaie de me convertir. Je vais à des funérailles pour recevoir du soutien et en donner.

Auteure : n’a pas planifié ses propres funérailles, mais elle sait qu’il n’y aura pas de stations d’égoportrait.

Après s’être penchée sur le sujet pour rédiger cet article, Debra Yearwood, leader certifiée en santé, a dressé une liste de lecture de rap conscient. Elle signe régulièrement des articles dans Le Vecteur.

Illustration : Holly Craib

Nous avons demandé à de vrais praticiens ce qu’ils pensaient de la série télévisée Thérapie vérité (Shrinking, en anglais) portant sur la thérapie, le deuil et les difficultés personnelles.

Au cours de la première saison de la populaire série qui se terminera bientôt, nous avons suivi le personnage principal Jimmy (Jason Segel), dans toute sa faillibilité humaine, qui dépasse les limites de sa profession avec ses clients, tente de surmonter un deuil et s’appuie sur ses collègues thérapeutes, Gaby (Jessica Williams) et Paul (Harrison Ford), qui traversent eux aussi diverses épreuves. Quel est le dénouement? Est-ce que tous les personnages se réalisent pleinement? Ce genre de scénarios arrive-t-il dans la vraie vie? Nous avons interrogé quelques experts pour connaître leur point de vue.

Les trois personnages principaux échangent souvent les uns avec les autres après avoir géré des situations difficiles avec des clients. Cette manière d’établir des connexions est présente dans bien des milieux de travail. Dans ce cas, il semble que les thérapeutes consultent des thérapeutes. S’agit-il d’une dynamique courante?
En bref, absolument. En tant que thérapeute, je pense que le fait d’évoluer en communauté est nécessaire au processus de guérison de l’être humain. 

De nombreux praticiens ont été naturellement attirés par ce travail, car, tout comme leurs clients, ils vivent activement les fluctuations de l’expérience humaine, avec ses joies et ses peines. L’authenticité de la relation thérapeutique repose en partie sur la capacité du thérapeute à être présent pour chacun de ses patients, à travers les expériences agréables et désagréables.

À vrai dire, il est très difficile d’accompagner les clients et de les aider à témoigner avec compassion de leurs blessures émotionnelles si nous ne sommes pas prêts à faire de même. Cette démarche doit être intégrée, devenir un mode de vie qui encourage nos clients à prendre soin d’eux-mêmes pendant que nous adoptons des méthodes qui nous soutiennent également en tant que praticiens. Cela nous aide à établir et à renforcer nos limites émotionnelles et à favoriser la sécurité; ainsi, en veillant à notre propre bien-être, nous évitons d’entraver le cheminement de notre client. 

Cette dynamique est souvent illustrée dans les scènes avec Jimmy, qui se montre frustré par le rythme de changement de son client. Au fur et à mesure que la série progresse, nous apprenons qu’il a « engourdi » ou réprimé ses émotions depuis le décès de sa femme et qu’il a du mal à faire son deuil. 

Sara Smith

Sara Smith est psychothérapeute autorisée au sein du Live Free Black Therapist Collective.

En tant que thérapeute, disposer d’un espace où l’on vous aide à faire face aux parties les plus vulnérables de vous-même vous permet de vous présenter à vos clients en tant qu’être humain ayant un savoir expérientiel, disposé à les accompagner sur leur chemin de guérison.

J’obtiens régulièrement le soutien de mes pairs et je consulte mon propre thérapeute. Le maintien d’un lien avec des collègues pendant que nous soutenons les clients qui éprouvent des difficultés fait partie intégrante de la façon dont nous, en tant que thérapeutes, prenons soin de nous-mêmes et des autres, y compris des autres thérapeutes, avec compassion. Lorsque Jimmy perd son lien avec Paul à la suite d’un conflit, il en souffre vraiment.

En réalité, je pense qu’il s’agit d’une métaphore de la vie. Nous avons besoin les uns des autres et nous nous épanouissons lorsque nous entretenons des liens profonds et significatifs avec d’autres personnes avec qui nous nous sentons vus, entendus et acceptés. Le fait d’assister à ces interactions à l’écran nous rappelle cette réalité avec éloquence.

Sara Smith est psychothérapeute autorisée, membre du Live Free Black Therapist Collective, à Toronto. Elle est spécialisée dans l’accompagnement des adultes, travaillant sur les impacts profonds des traumatismes sur le corps et l’esprit. L’approche de Mme Smith est fondée sur la prise de conscience corporelle, l’éducation, l’autonomisation et la validation des expériences de ses patients, tout en travaillant avec eux pour élaborer des stratégies d’adaptation efficaces facilitant leur parcours de guérison.

Les protagonistes disposent de bureaux agréables aux tons neutres et apaisants, dignes des plus grandes revues d’architecture. Vos espaces de travail sont-ils aussi agréables? Qu’est-ce qui fait un bon environnement thérapeutique?
Les cabinets présentés dans la série Thérapie vérité sont très spacieux et joliment décorés dans des couleurs neutres. Leur style correspond à une certaine école de pensée pour les cabinets de thérapie : une toile vierge qui laisse de l’espace au client pour penser et imaginer.

Ils sont similaires aux bureaux de thérapie montrés dans Falcon et le Soldat de l’hiver, qui sont censés offrir un espace impartial où l’on ne voit pas du tout la touche personnelle du thérapeute. L’objectif de ce style est de ne rien révéler du thérapeute au client. Dans ce cas, le thérapeute est censé être une partie neutre, à peine une personne aux yeux du client. Il est donc un thérapeute, mais pas un individu à part entière. 

Si de nombreux thérapeutes font ces choix esthétiques et vont même jusqu’à retirer leurs bijoux personnels, par exemple une alliance ou une pince à cravate « meilleur papa », d’autres font l’inverse. Ils choisissent d’afficher leur style dans leur décoration. Il peut s’agir d’affiches de leurs films préférés ou d’objets de collection. L’idée est ici d’être un être humain pour les clients et d’entreprendre un voyage avec eux. 

C’est le style de décoration que je préconise personnellement. Mon objectif est de faire en sorte que mes clients sachent un peu qui je suis lorsqu’ils découvrent mon bureau et qu’ils se demandent s’ils s’entendront bien avec moi.

Il sera intéressant de voir si Jimmy changera le décor de son bureau pour refléter sa nouvelle approche plus ouverte avec ses clients. Paul est très stoïque et distant face aux personnes avec qui il travaille, et il est logique pour lui d’écarter les éléments personnels. Gaby semble se situer à mi-chemin. La décoration générale de son cabinet est assez neutre, bien qu’elle y ajoute quelques touches personnelles qui le rendent plus personnel que ceux de Paul et de Jimmy. Peut-être que ces changements apparaîtront dans la deuxième saison.

Megan Connell, Ph. D., est psychologue autorisée, certifiée par un ordre professionnel, et exerce virtuellement dans plus de vingt États. Elle vit à Charlotte, en Caroline du Nord. Fervente amatrice des ordinateurs et des jeux, elle adore enseigner aux autres à utiliser les jeux de rôle tels que Donjons et Dragons dans le cadre d’une thérapie. Elle se prépare à publier son prochain livre, Tabletop Role-Playing Therapy: A Guide for the Clinician Game Master (Norton, mars 2023).

L’usure de compassion semble être le fil conducteur de chaque histoire. Comment gérez-vous cela dans votre propre vie?
La série télévisée met en évidence notre propre humanité et notre tendance à placer les thérapeutes sur le piédestal du savoir universel. Je reste consciente que je suis aussi un être humain. Je ne suis pas un gourou et, en toute humilité, je demeure vigilante face à ma propre tendance à placer les gens sur un piédestal. Je guide mes clients du mieux que je peux et je me rappelle (souvent) que je ne peux pas contrôler les résultats.

J’ai ma propre équipe de professionnels et d’amis avec lesquels je peux faire le point et prendre soin de ma santé mentale, physique et émotionnelle. Je sais aussi reconnaître les moments où j’ai besoin de soutien, et j’essaie d’éviter de me juger lorsque je ne suis pas au sommet de ma forme. Dans la série télévisée, nous voyons combien Paul a de la difficulté à accepter le soutien de sa fille, ce qui nous rappelle que celui qui aide a lui aussi parfois besoin d’aide. 

Il est essentiel d’imposer ses limites, comme le fait Paul à plusieurs reprises. Lorsqu’il dit qu’il ne fera pas quelque chose, il ne tergiverse pas et ne se justifie pas. Il connaît ses limites et les respecte. 

J’ai mes propres stratégies lorsque je me sens débordée, notamment certaines routines. Comme Liz (jouée par Christa Miller), qui collectionne et polit des pierres pour méditer, je fais jouer de la musique apaisante dans ma maison et je contemple la beauté de la nature par la fenêtre. Cela m’aide à m’ancrer. Lorsque je suis sous la douche, je visualise toutes les pensées qui ne me sont pas salutaires en train de se jeter dans les égouts avec l’eau qui coule sur mon corps. 

Choisir de manger des « aliments qui font du bien », comme j’aime les appeler, est une autre stratégie. Les bleuets sont l’un de mes aliments préférés. Ils fortifient ma santé de corps et d’esprit et regorgent de vitamine C, qui aide à lutter contre le stress. 

Le fait de rire, y compris de moi-même, de ne pas me prendre au sérieux et de me laisser aller remet les choses en perspective et me rappelle la beauté de ce que nous appelons la vie. 

Yvette Murray réside à Tiny Beaches dans la baie Georgienne, endroit qu’elle considère comme son havre de paix. Elle estime qu’être entourée de la nature fait des miracles pour sa santé mentale. Elle est l’auteure de The Mental Health Contagion : Navigating Yourself Through a Loved One’s Mental Well-Being Decline (publication à venir). Elle est militante, conférencière et influenceuse en matière de santé mentale. Elle est également psychothérapeute et formatrice pour le programme virtuel de Premiers soins en santé mentale (PSSM) de la Commission de la santé mentale du Canada. Le programme PSSM est offert aux personnes qui soutiennent autant les adultes que les jeunes et les aînés. Les participants y apprennent notamment à reconnaître un problème de santé mentale chez un proche, à aborder le sujet avec la personne et à obtenir la meilleure aide possible pour elle.

Photo : Les acteurs Luke Tennie, Jason Segel et Harrison Ford dans Thérapie vérité.
Encadré : Sara Smith est psychothérapeute autorisée au sein du Live Free Black Therapist Collective.

L’abandon de l’expression « commettre un suicide » va au-delà de la sémantique.

Cet article fait partie de la série intitulée Le choix des mots est important dans Le Vecteur.

Les vieilles expressions peuvent parfois nous prendre par surprise. Cela peut être évident, comme dans le cas d’une insulte raciale. Mais cela peut aussi être plus subtil, comme lorsqu’on réalise soudainement qu’on n’a pas entendu une expression depuis un certain temps. Pour de nombreuses personnes, les expressions entourant le suicide sont plutôt susceptibles d’appartenir à la deuxième catégorie.

Il y a quelques années encore, il était courant d’entendre dire qu’une personne avait « commis un suicide » après avoir mis fin à ses jours. L’expression était omniprésente dans toutes les formes de médias et dans les conversations quotidiennes. Puis, un changement de paradigme a commencé à se produire. De plus en plus de personnes, qu’il s’agisse de professionnels de la santé, de journalistes ou de personnes ayant un savoir expérientiel passé et présent de la maladie mentale, ont plutôt adopté l’expression « décès par suicide ».

Qu’est-ce qui distingue ces expressions?
La troisième édition du guide En-tête : reportage et santé mentale offre l’une des meilleures raisons justifiant ce changement : « Ne dites pas qu’une personne a “commis un suicide”. Cette expression dépassée, liant le suicide à un geste illégal ou à un échec moral, risque de blesser encore davantage les proches, et de rendre la tâche plus difficile à ceux qui auraient besoin d’aide. »

Talking Illustration

Le terme « commettre » est le plus souvent associé à une sorte de crime. Par exemple, nous utilisons encore régulièrement les expressions « une personne a commis un meurtre » après un homicide, ou « une personne a commis une fraude » après une escroquerie. Ces expressions laissent entendre un mépris des règles de droit et des normes morales ou éthiques tout en portant un jugement sur les actions entreprises.

Quand on parle de suicide, de telles insinuations n’ont pas leur place. Le suicide peut être évité grâce à des interventions appropriées. Mais, si admettre ses pensées suicidaires sous-entend avouer un crime, il n’est pas difficile d’imaginer pourquoi une personne pourrait hésiter à demander de l’aide. Si l’on tient compte des sentiments de dévalorisation et de désespoir qui se manifestent souvent de pair avec les pensées suicidaires, bien peser ses mots devient un enjeu encore plus important.

Ainsi, certaines personnes sont laissées pour compte. On estime le nombre de personnes touchées par un suicide à environ 135, dont 7 à 10 de manière très profonde. L’utilisation d’expressions dépassées peut donc compliquer davantage le processus de deuil en y ajoutant une stigmatisation inutile.

En revanche, dire ou écrire que quelqu’un est « décédé par suicide » permet de considérer le décès comme une perte plutôt qu’un crime. Il s’agit d’une occasion de remplacer la condamnation par la compassion, et de transformer la stigmatisation en soutien.

Pour une personne qui est aux prises avec ses propres pensées suicidaires ou le décès d’un être cher, garder le silence ou s’exprimer peut faire toute la différence.

Un nouvel espoir à l’horizon
D’ici la fin de l’année 2023, le Canada devrait lancer un numéro de téléphone à trois chiffres pour la prévention du suicide. Lorsqu’une personne composera le 988 ou enverra un texto à ce numéro à partir de n’importe quel endroit au Canada, elle sera mise en relation avec un service gratuit de prévention du suicide ou de crise de santé mentale. Selon les experts, ce numéro national permettra de réduire non seulement la stigmatisation associée à la demande d’aide, mais également le temps nécessaire à la mémorisation ou à la recherche d’un numéro d’urgence. Lorsqu’il s’agit de prévenir le suicide, chaque seconde compte.

Le saviez-vous?

  • Il n’est pas toujours facile de reconnaître une personne ayant des pensées suicidaires. Il peut être utile de connaître les signes précurseurs pour savoir comment et quand offrir un soutien approprié.
  • Demander à une personne si elle songe au suicide n’augmentera pas la probabilité du passage à l’acte. En fait, sur le coup, faire part de son inquiétude peut être un moyen utile d’établir un lien social et de promouvoir l’espoir.
  • Il suffit souvent de supprimer ou de restreindre l’accès à des éléments tels que les armes à feu et les médicaments sur ordonnance pour prévenir le suicide. Ce type de restriction de l’accès aux méthodes de suicide est efficace pour prévenir le suicide, car de nombreuses personnes ne chercheront pas d’autres solutions.

Ressources
Si vous ou une personne que vous connaissez êtes en situation de danger immédiat, appelez le 911.

Auteure: est rédactrice à la Commission de la santé mentale du Canada.

Une série d’outils de thérapie cognitivo-comportementale culturellement adaptée, conçue pour faire tomber les barrières.

Il était difficile de l’entendre clairement au début, mais une fois que les aspects pratiques d’une séance de thérapie virtuelle où le client appelle depuis son placard ont été compris, les choses ont commencé à se dérouler sans problème.

« Dans mes fonctions antérieures, un appel passé à partir d’un garde-robe n’aurait pas compté comme une séance. Nous aurions demandé au client de l’annuler », indique Helen Yohannes, psychothérapeute autorisée au centre de santé communautaire Somerset Ouest à Ottawa, et l’une des 29 praticiennes participant à un projet de recherche visant à tester une nouvelle forme de psychothérapie pour les personnes d’origine sud-asiatique qui sont aux prises avec l’anxiété et la dépression au Canada.

« Il se pourrait que certains clients cachent à leur famille le fait qu’ils suivent une thérapie, explique Mme Yohannes. « Dans cette étude, nous tenons compte de ce genre de situations. Nous nous concentrons sur les besoins des clients, plutôt que sur ce que nous pensons être un processus efficace. »

Il s’agit de l’une des conclusions de l’étude intitulée Développement et évaluation d’une thérapie cognitivo-comportementale culturellement adaptée (TCCca) afin d’améliorer les résultats de santé mentale des personnes d’origine sud-asiatique, réalisée par le Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH), la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC) et les partenaires Moving Forward Family Services (Vancouver), le Centre de santé pour nouveaux arrivants d’Ottawa et Punjabi Community Health Services (Toronto). Cette recherche a permis d’élaborer une série d’outils pour une thérapie cognitivo-comportementale (TCC) qui soit culturellement adaptée et destinée à être utilisée avec les clients de ces communautés.

Qu’est-ce que la compétence culturelle?
La sensibilité culturelle peut rendre la TCC, communément reconnue comme étant la « norme d’excellence » en matière de thérapie, plus inclusive pour les communautés non occidentales et améliorer son acceptabilité et son impact. La TCC « régulière » tend à se focaliser sur les problèmes quotidiens d’une personne et à l’aider à interpréter et à évaluer ce qui se passe autour d’elle. La TCC culturellement adaptée le fait aussi, mais avec des ajustements subtils et efficaces.

La compétence culturelle est définie de manière générale comme étant la capacité des fournisseurs et des organisations à offrir efficacement des services de soins de santé qui répondent aux besoins sociaux, culturels et linguistiques des patients. En pratique, cela se traduit de diverses manières.

Par exemple, les clients qui ont participé à l’étude ont exprimé le désir de voir leur thérapeute établir une relation avec eux et rendre l’aspect clinique plus accueillant afin de créer un dialogue plus chaleureux comportant quelques échanges de renseignements personnels, ce qui peut sembler étranger aux lignes directrices habituelles de certains praticiens.

« Les personnes ayant des compétences sociales ou une intelligence émotionnelle supérieures ont tendance à faire ces choses de façon très ingénieuse », explique Farooq Naeem, professeur de psychiatrie à l’Université de Toronto et clinicien-chercheur au CAMH, qui était le chercheur principal de cette étude. M. Naeem a également collaboré à l’élaboration du cadre d’adaptation de Southampton, en se basant sur une étude menée au Pakistan de 2006 à 2009 qui a servi de fondement aux nouvelles recherches.

Au début de notre entretien, nous parlons de nos origines culturelles. Pour lui, cet échange amical de renseignements personnels est une façon d’ouvrir une porte à la discussion, ce qui facilite les adaptations culturelles de la TCC.

« C’est une façon d’établir une relation de confiance avant d’entrer directement dans le vif du sujet », dit-il.

D’autres conseils et outils encouragent également les praticiens à faire participer la famille élargie du client, dans une approche collectiviste de la thérapie et du traitement.

Les commentaires des répondants de l’étude ont également contribué à façonner les façons de faire des praticiens en matière de traitement. Par exemple, certains clients ont eu l’impression qu’on leur demandait d’aller à l’encontre de leurs croyances et de leurs valeurs pour obtenir des résultats favorables dans la thérapie. Dans un cas, un thérapeute avait prescrit à un client d’établir des limites strictes avec ses parents. Le client a jugé ce conseil trop simpliste, puisque la dynamique familiale ne se prêtait pas à une telle approche.

Il est également important de saisir la place qu’occupent les pratiques spirituelles dans la perspective du client.

« La personne peut avoir sa propre idée concernant la cause de ses difficultés, qui peut être ancrée dans des croyances religieuses ou spirituelles », explique Kamlesh Tello, membre de l’équipe du projet et gestionnaire de programme à la CSMC qui se consacre à l’accès à des services de santé mentale de qualité.

« Elle pourrait attribuer certains événements à la volonté de Dieu, au karma ou au mauvais œil, par exemple. Il est important que le fournisseur sache comment s’y prendre avec le client dans ces cas. »

Il est recommandé aux praticiens de discuter avec le client de son point de vue, sans le désapprouver ni suggérer d’autres explications, afin de mieux comprendre les pensées et les sentiments du client.

Toutefois, dans d’autres circonstances, il est conseillé aux fournisseurs de soins d’utiliser des méthodes plus directives lors des séances de thérapie, ce qui peut sembler être une orientation contradictoire. Farooq Naeem réconcilie les deux méthodes.

« De nombreuses cultures non occidentales sont encore très hiérarchisées dans leur style de communication; il relève du sermon, alors que le dialogue socratique, qui est ouvert, guidé et curieux, relève de la TCC, explique-t-il. Les personnes appartenant à ces cultures douteront de votre jugement si vous les interrogez au sujet de l’approche thérapeutique à adopter. »

Ces constats ne s’appliquent pas universellement lorsqu’on prend en compte l’acculturation, c’est-à-dire le degré d’occidentalisation d’une personne dans ce contexte. M. Naeem conseille de ne pas généraliser. Les fournisseurs de soins peuvent plutôt adopter une démarche autoréflexive qui leur permet de contourner leurs propres biais conscients et inconscients lorsqu’ils travaillent avec des clients sud-asiatiques.

Stigmatisation structurelle
Même avec des efforts de sensibilisation, les clients qui ont participé à l’étude ont reconnu les défis systémiques plus larges que présentent le racisme, la discrimination, l’immigration et l’installation, ainsi que d’autres facteurs sociopolitiques indépendants de leur volonté qui ont affecté leur identité, leur rôle sociétal et leur santé mentale. Comme l’a fait remarquer un soignant de la région du Grand Toronto, « il y a des biais dans les thérapies, des biais dans les systèmes et des biais chez les personnes qui contrôlent ces systèmes. Soit ils n’en sont pas conscients ou, dans le cas contraire, ils refusent d’admettre les préjugés inhérents à ces systèmes. Et ces biais ont certainement une incidence sur la façon dont les thérapies sont dispensées aux personnes marginalisées, aux personnes défavorisées et aux membres de groupes en quête d’équité. »

Les biais font obstacle à l’utilisation des services de santé mentale; en effet, les recherches montrent que ces communautés sont moins susceptibles d’obtenir de l’aide que les autres Canadiens. Environ 7 % des habitants du Canada (2,6 millions de personnes) s’identifient comme Sud-asiatiques; ils forment également le groupe racialisé qui connaît la plus forte croissance au pays.

Au-delà des mots
La série de vidéos et de guides de formation autogérés sur les approches adaptées à la culture des communautés sud-asiatiques utilisées dans le cadre de la TCC peut aider les praticiens de toute origine culturelle », explique Mme Yohannes.

« Je me disais que je n’étais pas sud-asiatique, que j’étais originaire de l’Afrique de l’Est, d’Érythrée; j’avais probablement des similitudes culturelles, mais j’avais aussi des doutes. Et si les clients refusaient de me voir? » Heureusement, ces craintes se sont rapidement dissipées.

« Les participants à l’étude voulaient simplement avoir une thérapeute compétente et consciente des aspects culturels susceptibles de modifier la manière dont la thérapie est mise en œuvre, ou même l’organisation des séances », raconte-t-elle (en citant le cas du client dans le garde-robe), ainsi que l’évolution des normes au sein de la profession.

« On constate que dans de nombreuses cultures, on hésite à parler de ce qui se passe chez soi avec des étrangers. Certains thérapeutes peuvent avoir l’impression que le client n’est pas prêt à s’ouvrir. Ils le laissent alors partir et lui demandent de revenir quand il sera prêt à parler. J’ai constaté cela avec des thérapeutes qui ne sont peut-être pas aussi sensibles à la culture. Il s’agit d’un facteur qu’il faut prendre en compte. »

Mme Yohannes affirme que les thérapeutes doivent être disposés à apprendre et à s’ouvrir aux conversations sur le racisme. « On ne peut pas échapper à ce sujet. Il faut être en mesure de parler des microagressions, de l’anxiété et de la dépression et de leur lien avec la race. »

Les participants à l’étude ont confirmé que les thérapeutes ayant reçu une formation en TCC culturellement adaptée semblaient plus attentifs à leur réalité. « Je n’ai pas eu à prendre le temps d’informer, de former ou de sensibiliser le [thérapeute] sur ma culture ou sur la réalité de ma persécution historique et culturelle », a déclaré un participant.

Cette compréhension a permis d’améliorer les taux de fidélisation des clients et de réussite des séances thérapeutiques chez les 146 participants à l’étude, dont la moitié ont reçu une TCC culturellement adaptée (contre l’autre moitié une TCC régulière). Leurs pays de naissance étaient le Canada, l’Afghanistan, le Bangladesh, l’Inde, le Népal, le Pakistan, le Sri Lanka, l’Angleterre, les États-Unis, le Qatar, les Émirats arabes unis, le Royaume-Uni et la Suède. Leurs affiliations religieuses ou spirituelles étaient l’hindouisme, l’islam, le sikhisme, le bouddhisme, le christianisme, le zoroastrisme, l’athéisme et l’agnosticisme.

« Nous utilisons beaucoup les termes “multiculturel” et “culturel”, mais je ne sais pas si nous les analysons suffisamment », dit Mme Yohannes, en faisant référence à l’expression « sensibilisés à la culture ». Selon elle, les praticiens ne peuvent pas appliquer un même type de thérapie à tous les groupes et s’attendre à ce que cela fonctionne, car la rigidité et la généralisation vont à l’encontre de l’esprit de ce travail. Il faut plutôt faire preuve d’une ouverture à de nouvelles approches et d’une volonté de modifier les façons de faire.

« C’est dans ces circonstances que les gens se montrent plus disposés à parler de la santé mentale ».

Auteure: est gestionnaire du contenu et des communications stratégiques à la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC).

Fateema Sayani revoit régulièrement sa relation avec la technologie. Elle est gestionnaire du contenu à la Commission de la santé mentale du Canada.

Étant donné qu’il n’existe aucun traitement pour la COVID-19 de longue durée, les personnes touchées doivent apprendre à vivre avec leurs symptômes. Un programme hospitalier novateur propose une approche interdisciplinaire combinant des soins physiques, cognitifs et psychosociaux.

Chaque jour, quand elle se lève, Lisa Evans est confrontée à un choix difficile : douche ou lingettes humides?

Il y a encore un an et demi, alors qu’elle était pleine d’énergie et faisait facilement plusieurs heures d’exercice par semaine, elle n’aurait jamais songé devoir prendre ce type de décision.

Plus d’un an après le début de son combat contre le syndrome post-COVID-19, ou « COVID longue », Mme Evans est heureuse de pouvoir marcher plus de quelques mètres. Ce n’est que l’un des nombreux changements qui ont rendu sa vie surréaliste.

En fait, Lisa Evans n’est pas son vrai nom.  Elle a demandé l’anonymat, de peur d’être victime de discrimination de la part de son employeur et d’être jugée par ses pairs.

« C’est le comble de la vulnérabilité, dit-elle. Chaque jour, j’ai craint quelque chose. Est-ce que mes symptômes vont s’aggraver? Est-ce que je vais avoir besoin d’une aide-soignante? Est-ce que je vais pouvoir respirer? Je ne peux me permettre de m’inquiéter aussi des perceptions négatives au travail. »

De mon point de vue, sa prudence est tout à fait normale. Lorsque la COVID m’a moi-même laissée avec des symptômes qui ont duré bien plus longtemps que ce qu’on entendait dire dans les médias, je redoutais également toutes les questions de mes collègues bien intentionnés au sujet de mon rétablissement. J’optais pour une réponse prudente du genre « pas encore complètement rétablie », alors qu’en vérité, j’aurais plutôt dit « chaque jour de travail ressemble à un marathon pour lequel je ne me suis pas entraînée ».

Si mes propres symptômes ont disparu au bout de six mois, ceux de Mme Evans persistent : fatigue débilitante, vertiges, maux de tête, irrégularités du rythme cardiaque et troubles du goût et de l’odorat. Ses aliments préférés ayant perdu tout attrait (les tomates ont maintenant le goût de vieilles chaussettes) et cuisiner étant devenu une tâche herculéenne, elle a également perdu neuf kilos.

Nous sommes loin d’être les seules à vivre ces expériences. Au départ, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pensait que 10 à 20 % des personnes ayant été infectées par le virus présentaient un syndrome post-COVID-19 – qui se définit par des symptômes qui persistent pendant plus de trois mois, ou par l’apparition de nouveaux symptômes après une infection par le SRAS-CoV-2, ces symptômes durant au moins deux mois sans aucune autre explication. Or, de nouvelles études montrent que 30 à 40 % des personnes qui ont contracté la COVID-19 présentent des symptômes qui persistent pendant plus de trois mois après l’infection. De nouvelles données modifient sans cesse ces chiffres.

Au-delà des statistiques
Peu de gens peuvent mettre des visages sur les statistiques, mais Wendy Laframboise, oui. Elle est l’infirmière praticienne qui coordonne le programme de réadaptation post-COVID-19 de l’Hôpital d’Ottawa. Avec 287 références et plus de 400 malades et soignants qui lui ont demandé de l’aide (à ce jour), Mme Laframboise connaît très bien les réalités de la COVID longue.

L’Hôpital d’Ottawa

L’Hôpital d’Ottawa

« Dans la plupart des cas, on ne s’attendrait pas à ce que ces personnes aient des symptômes qui durent, raconte-t-elle au sujet de ses patients. Ce sont des gens très performants, sportifs, qui réussissent bien dans la vie et qui ont peu ou pas d’antécédents médicaux. Maintenant, la plupart d’entre eux ont dû mettre leur emploi – et leur vie – sur pause. » Elle soutient que les quelques personnes qui continuent à travailler éprouvent de grandes difficultés, car elles sont moins fonctionnelles, ce qui constitue une source supplémentaire de stress et d’anxiété au travail.

Puisqu’il n’y a pas de remède à la COVID longue, le programme vise à aider les patients à gérer leurs symptômes et à améliorer leur qualité de vie sur trois plans : physique, cognitif et psychosocial. Le modèle repose sur le programme de lutte contre la douleur chronique de l’hôpital et s’inspire des recherches menées par l’unité de réadaptation sur les traumatismes cérébraux et les maladies respiratoires chroniques.

Pendant quatre semaines, lors de séances virtuelles très interactives, les patients travaillent avec une infirmière praticienne, un inhalothérapeute, un ergothérapeute, un physiothérapeute, un diététicien et un psychologue. Grâce à l’information, aux discussions et aux ateliers permettant de se fixer des objectifs, ils apprennent à composer avec des symptômes comme l’essoufflement, le stress et les problèmes de concentration (souvent qualifiés de « brouillard cérébral » par les personnes souffrant d’une COVID longue).

Jusqu’à présent, cette démarche a produit des résultats extrêmement positifs, les patients montrant des améliorations sur les trois fronts, tant à la fin du programme que lors du suivi, trois mois plus tard. Pour certains, l’amélioration se traduit par une meilleure capacité respiratoire. Pour d’autres, c’est pouvoir jouer avec leur enfant au lieu de rester au lit.

Mme Laframboise attribue une grande partie du succès du programme à l’équipe interdisciplinaire, qui comprend la participation active d’un psychologue en réadaptation.

« La COVID longue a des répercussions sur la santé mentale de tout le monde », explique-t-elle en soulignant que la dépression et l’anxiété apparaissent souvent pour la première fois chez ces patients, ou s’aggravent chez ceux qui en étaient déjà atteints avant la COVID. « Les patients sont nombreux à dire qu’ils doivent faire le deuil de leur ancien moi. Ils éprouvent beaucoup de frustration et de culpabilité par rapport à ce qu’ils ne peuvent plus faire dans le contexte de leurs relations, pour leurs enfants et pour eux-mêmes. »

Mme Laframboise ajoute que la stigmatisation des maladies invisibles est bien réelle, surtout lorsqu’il s’agit d’une affection aussi récente que la COVID longue. « Les gens n’arrivent pas à croire que l’on puisse passer de 100 % à 10 %. Et pourtant, c’est possible. »

Pour compliquer encore les choses, poursuit-elle, il n’y a pas de trajectoire de guérison claire. Contrairement à une jambe cassée, dont on connaît les étapes de guérison à la semaine près, la COVID longue n’est ni linéaire ni cohérente. Une semaine, une personne peut souffrir de maux de tête et d’étourdissements; la semaine suivante, elle peut avoir des bourdonnements d’oreilles et des essoufflements.

Incomprise et laissée pour compte
Mme Evans ne connaît que trop bien les montagnes russes des symptômes et l’isolement dans lequel ils la laissent. « J’ai passé tout l’été sur le divan. Je mourais d’envie d’être dehors, au soleil, mais mon corps m’en empêchait. »

Si elle reste confinée dans son appartement en raison de contraintes physiques, elle est également isolée en raison de l’incompréhension de ses amis et sa famille.

« Mes proches m’ont suggéré de simplement essayer de dormir un peu plus longtemps », explique-t-elle. De plus, ses absences répétées ont impatienté des amis qui ont tout simplement annulé leurs appels vidéo. « Je pourrais dormir tant que je veux, ça ne me guérira pas. »

En quête de compréhension, Mme Evans s’est jointe à un groupe Facebook pour les personnes souffrant de COVID longue au Canada. Il s’agit d’un groupe privé auquel seules les personnes aux prises avec une COVID longue et leur famille peuvent s’inscrire. Il compte actuellement plus de 18 000 membres.

« Chaque jour, il y a de nouveaux témoignages qui ressemblent à ce que je vis, raconte Mme Evans. Certaines personnes en sont à leur troisième année de COVID longue et n’ont plus d’espoir. Personne d’autre ne comprend ce que c’est. »

Dans le contexte du programme de réadaptation post-COVID, Mme Laframboise a été surprise par deux choses : le handicap causé par la maladie et le pouvoir de la validation.

Avant même d’entamer le programme, les patients inscrits sur la liste d’attente sont rassurés sur le fait que ce qu’ils vivent est légitime et que, malgré ce qu’ils peuvent ressentir, ils ne sont pas seuls. Le programme laisse également une large place aux discussions ouvertes, que ce soit en groupe ou dans le contexte de séances individuelles avec des cliniciens expérimentés. Mme Laframboise n’aurait jamais imaginé à quel point il est bénéfique pour ces patients de parler de leur vécu sans craindre d’être jugés.

« Une fois que les patients se sentent validés dans leur vécu, il leur est plus facile de se concentrer sur les techniques leur permettant de composer avec ce qui leur arrive, dit-elle. Chacun apprend à planifier ses activités quotidiennes, à les hiérarchiser et à les exécuter à son rythme, dans les limites de son extrême fatigue, car c’est le symptôme de la COVID longue qui est le plus contraignant.

Wendy Laframboise, infirmière praticienne

Wendy Laframboise, infirmière praticienne

Rythme, planification et priorités – ce sont les trois choses que Mme Evans a dû apprendre toute seule, et elle pense que c’est ce qui lui permet de continuer à travailler. « J’ai appris à effectuer une analyse coûts-avantages des activités qui m’attendent quotidiennement. Je calcule exactement comment je vais dépenser mon énergie, précise-t-elle. Je dois choisir entre aller au travail, me préparer à manger ou faire la lessive, car je ne peux faire qu’une seule de ces trois choses. »

Réinventer la productivité, et tout le reste
L’expérience de Mme Evans lui a montré d’autres choses, qui sont un peu plus difficiles à digérer. Elle a appris à ses dépens que, à bien des égards, la société n’est pas faite pour les personnes ayant un handicap. Les produits de première nécessité, comme l’épicerie, coûtent plus cher lorsqu’il faut toujours payer la livraison. De même, le scooter électrique à trois roues pourrait lui donner plus de liberté, mais il faudrait payer une autre place de stationnement dans son immeuble, ou alors le soulever pour qu’il passe le seuil de sa porte d’entrée.

Mais Mme Evans se rend compte que le capacitisme est bien plus qu’une question de portefeuille. « Nous sommes conditionnés à placer la productivité au-dessus de tout, illustre-t-elle. On demande “qu’as-tu fait aujourd’hui?” au lieu de “à quoi as-tu pensé aujourd’hui?”, ou “comment t’es-tu sentie aujourd’hui?”. Peut-être que ce sont les questions que nous devrions nous poser les uns les autres. »

En entendant ces propos, je ne peux m’empêcher de penser aux récentes manchettes qui vantaient les mérites de nouvelles recherches selon lesquelles la plupart des symptômes de la COVID longue devraient disparaître d’eux-mêmes au bout d’un an. Mes propres symptômes post-COVID ont duré six mois, et la simple idée qu’ils auraient pu durer deux fois plus longtemps me donne mal au ventre. Un an de possibilités manquées et d’objectifs impossibles à atteindre. Un an à choisir entre le repos et l’écriture. Un an à ignorer les conversations et à me concentrer sur ma propre respiration. Un an marqué d’épisodes de brouillard – je me souviens à peine des deux fois où j’ai pris des vacances. J’ai appris qu’être à moitié présente, c’est un peu comme être complètement absente.

Quant à Mme Laframboise, elle est heureuse que le programme de l’Hôpital d’Ottawa procure un soulagement à tant de personnes, mais elle sait qu’il ne peut répondre à tous les besoins. « Je veux que d’autres personnes comme mes patients entendent parler de programmes comme celui-là. On a besoin d’un plus grand nombre de programmes du genre pour les aider à reprendre leur vie en main, et ils en ont besoin maintenant.

Mme Evans reconnaît qu’il y a beaucoup à faire pour soutenir les personnes comme elle, car les études, les ressources et la compréhension font cruellement défaut. Mais elle ne perd pas espoir. « Je suis résolue à profiter de l’été cette année, conclut-elle. Même si cela prend toute mon énergie, je veux sentir le soleil sur ma peau. »

Ressources :
Espace Mieux-être Canada (soutien gratuit en matière de santé mentale pour toute personne au Canada)
Programme de réadaptation post-COVID de l’Hôpital d’Ottawa
Ressources COVID-19 Canada

Auteure : est rédactrice à la Commission de la santé mentale du Canada.

L’ABC des soins de santé mentale pour les personnes ACN

Mon fils m’a demandé de l’aide pour trouver un thérapeute, et de mon point de vue, c’est une victoire. Il a reconnu qu’il avait besoin d’aide, ce qui témoigne de son intelligence et de sa conscience de soi. Mon cœur de mère déborde de fierté.

Certaines personnes ne se rendent pas compte des difficultés qu’elles éprouvent, et dans la culture machiste dans laquelle baignent souvent les jeunes hommes Noirs, la conscience de soi est un ressort puissant. Cet appel à l’aide lancé à sa mère m’indique que j’ai dû réussir une partie de ma mission comme parent. Je suis affligée de voir sa souffrance, mais je suis heureuse qu’il puisse le constater et qu’il demande de l’aide.

Ce qui a été plus pénible, c’est de me rendre compte qu’il voulait un thérapeute auquel il pourrait s’identifier : un homme ACN (d’origine africaine, caribéenne et Noire). Comprenez-moi bien. La demande est raisonnable en soi. Mais essayez de trouver un thérapeute Noir au Canada… c’est comme chercher un billet de loterie gagnant. Il y en a, mais ils sont rares.

Je me suis donc attelée au travail. J’ai au moins la chance de connaître des gens qui connaissent des gens. Une de ces personnes pouvait peut-être me mettre sur la bonne piste… Mais il y a aussi la merveille qu’est Google. Croyez-le ou non, Google fonctionne souvent, si bien que je me suis vite retrouvée sur le portail de Canadian Psychology Today, à éplucher un éventail de thérapeutes ACN. La prochaine étape de notre course à obstacles consistait à trouver le psychothérapeute qui conviendrait le mieux à mon fils. Il ne suffit pas d’être ACN, il faut aussi avoir l’expérience voulue. Mais avant même d’en arriver là, je me suis interrogée sur la différence entre les deux principaux choix qui semblaient s’offrir à moi : un travailleur social ou un psychothérapeute. Est-ce que c’est la même chose? Quelle différence cela fait-il?

Gros honoraires et autres obstacles à l’accès
Le prix est bien sûr un facteur déterminant. Il varie entre 100 $ et 200 $ par séance. C’est peut-être peu pour prendre soin de sa santé, mais pour bien des gens, c’est une dépense qu’ils doivent assumer entièrement. Avec un peu de chance, vous avez des assurances, mais la couverture pour des soins de santé mentale varie beaucoup d’une police à l’autre. Si certains employeurs offrent une couverture complémentaire ou proposent différents moyens d’accéder aux soins, d’autres régimes limitent le coût ou le nombre de séances.

Étant donné la distribution de la richesse au Canada, on sait que si vous faites partie de la communauté ACN – en fait, si vous faites partie de n’importe quelle communauté racialisée – vos revenus sont moindres. Moins de revenus, moins d’épargnes, moins d’accès. En fait, on a parfois l’impression que la seule chose que nous ayons en plus par rapport aux autres, c’est le chômage.

En plus de coûter cher, la thérapie est rarement quelque chose que l’on achève d’un seul coup. Il faut s’y engager, établir des liens avec le thérapeute qui convient et intégrer la thérapie à son quotidien pendant un certain temps. Selon certaines études, il faut compter de 12 à 16 séances hebdomadaires, mais dans les faits, de nombreux thérapeutes et patients vous diront qu’il faut plutôt 20 à 30 séances réparties sur six mois environ. Douze à trente semaines de thérapie, cela signifie entre 1 200 et 6 000 $. C’est loin d’être une modique somme. Mais il y a aussi une autre question : comment choisir le prix correspondant au service dont on a besoin? Doit-on magasiner un thérapeute comme on magasine son vin : plus c’est cher, mieux c’est?

Je me demande ce qui se passe si la thérapie cognitive ne suffit pas. Et si mon fils avait besoin d’un médicament sur ordonnance? Dois-je me mettre à la recherche de l’oiseau rare – un médecin de famille – ou plus rare encore, un psychiatre? Comment vais-je l’aider à couvrir le prix de ses médicaments?

Je ne cesse de me répéter qu’au moins, il a eu assez confiance en lui et en moi pour me demander de l’aide. Le contraire est souvent le plus grand obstacle à l’accès aux soins. Mais c’est loin d’être ainsi pour bien des familles ACN. Outre les contraintes financières, ces familles se heurtent à de nombreux obstacles à l’accès aux soins de santé mentale, dont le plus important est peut-être le regard que les autres portent sur les problèmes de santé mentale. Certains pensent par exemple que seules les personnes souffrant d’un grave problème de santé mentale ont besoin d’une aide professionnelle et que l’on ne va pas chercher ce type de service pour gérer des émotions ou améliorer sa qualité de vie. Autre idée fausse : « Les problèmes de santé mentale disparaissent si on n’en fait pas de cas », et ma préférée : « Les Noirs qui cherchent une aide professionnelle ont perdu leur foi en Dieu ». Rien de pire que la culpabilité inspirée par la culture et les proches quand on cherche ce type d’aide. Tout semble si compliqué. Trouver l’aide dont on a besoin est déjà difficile pour tout le monde, mais ça peut sembler écrasant quand on regarde les choses dans la perspective des personnes ACN.

Ni blanc ni Noir
Heureusement, des personnes comme Nicole Franklin, une thérapeute Noire convaincue que la représentation est essentielle dans le milieu de la santé mentale, ont commencé à tracer des voies pour que l’on y parvienne. Sa clinique, Live Free Counselling Service, propose des services de psychothérapie et des ressources aux membres des communautés racialisées de Toronto et de la région du Grand Toronto. Pour ceux qui habitent à l’extérieur de Toronto, sachez qu’elle fait connaître des travailleurs sociaux et des thérapeutes noirs agréés qui, un peu partout au Canada, exercent leur profession selon une approche axée sur l’autogestion de la santé et qui tient compte des traumatismes et de la culture.

Même si elle pense que « le meilleur moment pour entreprendre une thérapie, c’était hier », Mme Franklin signale que « la thérapie n’est pas une solution miracle ».

Elle suggère de consulter un thérapeute une fois par semaine, par mois ou par trimestre (si vous en avez la possibilité), mais reconnaît que le coût d’une thérapie, surtout si les consultations sont fréquentes, peut constituer un obstacle financier.

Certaines cliniques offrent des services sans frais, d’autres réduisent considérablement leurs tarifs si vous consultez un thérapeute en formation (généralement, un étudiant stagiaire diplômé en psychologie ou en psychothérapie). D’autres cliniques adaptent leurs tarifs à votre revenu ou votre budget, selon que vous soyez employé, aux études ou sans emploi.

Mme Franklin recommande aussi de faire preuve de diligence raisonnable lorsqu’on demande des services à un professionnel de la santé mentale : « N’hésitez pas à poser des questions à votre thérapeute sur son expérience et sur la façon dont il aborde certains problèmes. »

Pour déterminer si un thérapeute vous convient ou possède l’expertise voulue pour comprendre ce qui vous amène à le consulter, posez-lui aussi des questions sur sa formation, ses honoraires, ses valeurs professionnelles et son approche thérapeutique.

Toutes les relations client-thérapeute ne fonctionnent pas du premier coup. Il se peut donc que vous deviez faire quelques essais avant de trouver chaussure à votre pied. Selon Mme Franklin, « il n’y a pas de mal à mettre fin à une relation thérapeutique qui ne vous convient pas, quel que soit le moment de notre vie. »

Quelques suggestions
Le père de mon fils et moi l’aidons à cheminer sur son parcours psychothérapeutique. Nous lui donnons ce dont il a besoin sur le plan financier et émotionnel. Mais s’il nous arrivait de flancher, on pourrait compter sur un riche réseau de personnes compétentes pour recevoir du soutien. Si vous ou l’une de vos connaissances êtes face au défi de trouver un psychothérapeute sans pouvoir compter sur ce type d’aide, voici les conseils de Mme Franklin.

  • Cherchez un réseau ou des services de psychothérapie qui souscrivent aux soins tenant compte des traumatismes.
    Une approche tenant compte des traumatismes reconnaît le lien entre les traumatismes, la violence et les résultats négatifs en matière de santé. Ce type de traitement vise à renforcer l’autonomie, la résilience et le sentiment de sécurité intérieure afin de reprendre le contrôle de sa vie après ou pendant une situation traumatisante.
  • Cherchez un thérapeute qui cultive des valeurs anti-oppressives.
    La psychothérapie anti-oppressive contribue à réduire les effets des sentiments et des expériences que causent les traumatismes et la violence, ce qui permet aux personnes concernées de retrouver leur autonomie tout au long du parcours thérapeutique.
  • Cherchez un thérapeute qui connaît bien les problèmes qui vous préoccupent.
    Si vous établissez des liens avec votre thérapeute sur un terrain commun, votre relation aura une base plus solide. C’est particulièrement vrai si vous rencontrez votre thérapeute dans un cadre virtuel. « Si vous faites une thérapie en ligne, suggère Mme Franklin, essayez d’avoir accès à un espace plus sûr et privé où vous pourrez avoir régulièrement des conversations ouvertes et franches. »
  • Faites une présélection des thérapeutes qui vous intéressent et passez un entretien préalable.
    « Effectuez une recherche en ligne et consultez plus d’un thérapeute. C’est comme chercher un partenaire amoureux. Souvent, il nous faudra rencontrer plus d’une personne avant de trouver celle avec qui nous avons une bonne connexion. »
  • Trouvez un prestataire de soins de santé mentale qui a suivi une formation sur la compétence culturelle ou les préjugés implicites.
    Faites-le si vous n’arrivez pas à trouver un thérapeute Noir dans votre quartier ou en ligne.

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Auteure: , avec l’aide de Janelle Jordan à la recherche et aux comptes rendus.
Illustration: Holly Craib

Dil Ba Dil (cœur à cœur) est l’un des nombreux programmes de soutien destinés aux nouveaux arrivants. Il s’inscrit dans la démarche de soins complexes adaptés à la culture de l’organisme ABRAR Trauma and Mental Health.

« Je veux que les gens acquièrent leur propre point de vue sur la guérison », déclare Abrar Mechmechia en faisant référence à l’avenir des services de santé mentale tenant compte des traumatismes offerts par ABRAR.  Elle réfléchit à ce que pourrait être son organisme dans cinq ans et se remémore ce qu’elle a vécu lors de sa formation de psychothérapeute en 2011, pendant que la guerre éclatait en Syrie. Pour Mme Mechmechia, la guérison agit de plusieurs manières et opère un changement de perspective, un processus complexe et continu qui est différent pour chaque personne.

Cette approche unique et personnalisable de la santé mentale des nouveaux arrivants a façonné la douzaine de programmes abordables proposés par ABRAR depuis le début de ses activités, en 2020. Mme Mechmechia, qui travaille à Hamilton, met maintenant à profit son vécu pour co-élaborer des programmes tenant comptes des traumatismes, dont Dil Ba Dil (expression inspirée de la poésie et de proverbes afghans qui signifie « cœur à cœur »), lancé à l’automne 2022.

Basé sur un modèle d’intervention précoce, ce projet pilote vise à aider les femmes afghanes nouvellement arrivées au Canada à guérir et à s’épanouir dans la communauté qu’elles ont choisie. Le programme propose un soutien en santé mentale axé sur l’art ainsi que des rencontres de groupe pendant lesquelles les participantes peuvent partager leur expérience et s’épanouir pendant qu’elles s’intègrent et s’adaptent à un milieu inconnu.

Une participante résume l’initiative comme suit : « Ce programme m’aide à relâcher mon stress et me rend heureuse de vivre au Canada. Notre animatrice est géniale! Elle s’exprime tellement bien, chacune de nous se sent valorisée. On sait que l’on a des gens sur qui on peut compter. Je peux dire ce que je pense et je sais que quelqu’un va m’écouter. »

Shabnam Mahboobi, défenseure de la santé mentale d’origine afghane, dirige le programme Dil Ba Dil, qui est animé par Vida Ghodraty, psychothérapeute stagiaire. Mme Mechmechia espère élargir le programme pour l’offrir aux enfants et aux personnes d’autres genres.

« Nous voulons créer plus d’espaces pour aider les nouveaux arrivants sur le plan de leur santé mentale », dit-elle. À l’heure actuelle, ABRAR propose des services de psychothérapie, de coaching familial et de soutien de groupe ainsi que des ateliers en anglais, en arabe, en persan (farsi), en dari et en hindi, par l’intermédiaire d’une équipe de 12 professionnels, dont trois stagiaires inscrits à un programme de maîtrise en travail social. Ces services, qui sont offerts en personne dans la région du Grand Toronto et virtuellement dans tout le Canada, aident les nouveaux arrivants dans plusieurs sphères de leur vie : soins personnels, adaptation, gestion des traumatismes liés à la migration, création de relations durables, gestion de l’anxiété et régulation des émotions. Par exemple, Brave Space est un module d’intervention prenant la forme d’un groupe de soutien destiné aux femmes musulmanes touchées par des incidents islamophobes. Cette année, ABRAR offrira ce modèle à London, Hamilton, Mississauga et Kitchener, grâce à un financement d’Islamic Relief Canada. Le programme Friends and Coffee, mis à l’essai avec la Syrian Canadian Foundation, aide également les femmes arabophones nouvellement arrivées à créer des réseaux de soutien et à prendre soin de leur bien-être psychologique.

ABRAR Group

Quelques members de l’équipe de ABRAR Trauma and Mental Health: Aleem Punja et Ramzia Ashrafi (avec Future Ready Initiative), Abrar Mechmechia, Lia Khalili, RP (avec Bright Start Bright Future Counselling Centre), et Shabnam Mahboobi.

« Nous savons que les femmes passent inaperçues dans nos propres communautés, explique Mme Mechmechia. Elles tiennent la maison, font les courses, élèvent les enfants, mais personne ne leur demande comment elles s’en sortent dans ce nouveau pays qu’est le Canada, comment elles font pour apprendre la langue, préparer leurs enfants à l’avenir et faire face à toutes leurs autres responsabilités quotidiennes. Ces femmes ont besoin de cet endroit. »

ABRAR offre également des formations à d’autres organismes, notamment sur les soins de santé mentale destinés aux nouveaux arrivants et sur les approches tenant compte des traumatismes. De plus, certaines de ses initiatives s’adressent aux personnes récemment arrivées d’Ukraine.

Traumatisme sur traumatisme
Dans les formations passées, il a été question de l’art de se fixer des objectifs, de racisme et de santé mentale, des difficultés liées à l’éducation des enfants et du croisement entre les traumatismes liés à la migration et la pandémie. Comme le souligne Mme Mechmechia, ce dernier sujet est particulièrement complexe.

« Pour plusieurs, la pandémie a été difficile à traverser. Chacun était coincé chez soi avec ses pensées, ses traumatismes et ses souvenirs. Certains ont perdu leur emploi et des proches. Ça fait beaucoup de choses à absorber. Personnellement, j’ai ressenti la même chose. Et on se sentait tous plutôt impuissants devant tout ça. » 

Cette accumulation de traumatismes peut perdurer et se complexifier. « Bien des gens ont vécu une série d’événements graves au cours leur vie, ajoute-t-elle. Ils ne sont pas guéris et doivent composer avec ces traumatismes complexes. Le stress se loge dans leur corps – parfois plus qu’ils l’admettent. »

Cela peut notamment se manifester par des problèmes d’insomnie.

« Chez moi, en Syrie, je voyais des enfants qui faisaient des cauchemars. Ils vivent vraiment les symptômes. Par le passé, j’ai aidé de nouveaux arrivants à composer avec leurs traumatismes. Ils arrivaient, s’établissaient, et cinq ans plus tard, les symptômes se manifestaient. Parmi les enfants irakiens arrivés au Canada, certains ont commencé à vivre des difficultés après dix ans, mais les symptômes étaient plus complexes. Je crois d’ailleurs que les conséquences de la pandémie ne se sont pas encore manifestées. »

Selon les résultats d’une étude récente publiée dans l’European Journal of Health Psychology qui portait sur plus de 2 000 adolescents, les nouveaux arrivants souffrent davantage du syndrome de stress post-traumatique et de problèmes avec leurs pairs, tandis que les personnes qui n’appartiennent pas au groupe des migrants ou des nouveaux arrivants vivent davantage d’hyperactivité. Dans tous ces groupes, la discrimination a des effets négatifs sur tous les aspects de la santé mentale. Le soutien familial est un facteur de protection, mais la recherche montre qu’il faut mettre au point une approche adaptée et diversifiée des soins de santé mentale pour les nouveaux arrivants, pour les migrants qui ne sont pas de nouveaux arrivants et pour les non-migrants. De plus, selon cette étude, les interventions favorisant le soutien social par un cercle d’amis sont particulièrement bénéfiques.

Les recherches menées par ABRAR confirment ces résultats et ont conduit l’organisme à s’associer à des dizaines d’autres au pays pour mettre au point des programmes destinés aux personnes issues des communautés 2SLGBTQ+ et BIPOC, aux nouveaux arrivants et aux jeunes handicapés, qui sont pris en charge ou qui l’ont été, ou qui s’identifient comme marginalisés.

En retour, le travail d’ABRAR avec les particuliers et les groupes éclaire les études qu’il réalise. Par exemple, dans In This Together, un rapport s’appuyant sur un travail réalisé avec 20 jeunes militants de partout au pays pendant la première année de la pandémie, l’équipe d’ABRAR signale que les obstacles financiers, l’inefficacité des traitements, la stigmatisation, le manque de sensibilité culturelle et les difficultés liées au milieu scolaire avaient des répercussions sur la santé mentale des jeunes marginalisés. L’organisme entend demander aux décideurs politiques d’investir davantage dans les programmes d’intervention précoce et continuera à mettre au point des services et à former des prestataires sensibilisés aux différentes réalités culturelles. La démarche idéale d’ABRAR amènerait les gouvernements, les ministères et les programmes à donner une plus grande priorité au financement des services communautaires.

Grâce à son travail, Mme Mechmechia veut jeter un pont entre les jeunes et les décideurs. « Nous voulons que les jeunes sachent qu’ils ne sont pas seuls », déclare-t-elle. En outre, ABRAR a adhéré à la campagne Agir pour la santé mentale (orchestrée par l’Association canadienne pour la santé mentale), qui plaide en faveur de soins de santé mentale universels financés par l’État, et ce, pour en améliorer l’accessibilité et le coût.

Pour en revenir à notre conversation sur l’avenir de son organisme, Mme Mechmechia souligne l’importance de ce processus. « Quand on a une vision, les gens sont motivés à aller de l’avant, croit-elle. Les êtres humains ont besoin d’un objectif, et en ce qui nous concerne, d’ici cinq ans, nous aimerions être présents partout au Canada pour soutenir les nouveaux arrivants et les réfugiés qui ont vécu des traumatismes ».

« Le monde est compliqué; certaines personnes vivent dans un climat de paix et de calme, alors que d’autres sont accablées par des obstacles sans fin. C’est comme la pandémie, on ne sait pas quand on en aura fini avec cette situation traumatisante. Nous voulons aider les gens à puiser dans leur vécu pour modifier le regard qu’ils portent sur les choses. »

Auteure : est gestionnaire du contenu et des communications stratégiques à la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC).
Photos : Mohamed Mechmechia.

Photo principale : Une soirée au musée de l'Aga Khan à Toronto.

Valoriser le savoir expérientiel passé et présent

Cet article fait partie de la série intitulée « Le choix des mots est important » dans Le Vecteur.

Même si de nombreux mouvements sociaux utilisent l’adage « Rien sur nous sans nous », celui-ci s’applique également aux domaines de la santé mentale et de la santé liée à l’usage de substances. Pour apporter des améliorations significatives aux politiques, aux services de soutien et aux systèmes de soins, la voix des personnes ayant un savoir expérientiel passé ou présent doit être intégrée à la conversation. De cette façon, les hypothèses peuvent être remplacées par des expériences réelles, et les solutions peuvent être remises en question par ceux qui ont le plus à gagner ou à perdre.

La Commission de la santé mentale du Canada (CSMC) insiste beaucoup sur l’utilisation de l’expression « savoir expérientiel passé et présent », car elle met l’accent sur les individus plutôt que sur l’effet stigmatisant des étiquettes qui rabaissent les personnes concernées et les empêchent de demander de l’aide. Ainsi, au lieu de désigner une personne comme un « ex-toxicomane », il est plus respectueux et plus conforme au processus de rétablissement de dire « une personne qui a un savoir expérientiel passé d’un trouble lié à l’usage de substances ».

Illustration of two people talking

Dans le contexte de la santé mentale et de la santé liée à l’usage de substances, le terme « savoir expérientiel passé » désigne une personne qui a déjà eu un problème de santé mentale ou une maladie mentale ou qui a consommé une ou plusieurs substances. De même, l’expression « savoir expérientiel présent » fait référence soit à un problème de santé mentale ou à une maladie mentale en cours, soit à un usage actuel d’une ou de plusieurs substances.

Parfois, les personnes ayant un savoir expérientiel passé ou présent incluent les membres de la famille et les proches aidants. Même si un proche parent n’a pas forcément un savoir expérientiel direct de la maladie mentale ou d’un trouble lié à l’usage de substances, il a souvent une profonde connaissance des difficultés rencontrées par ses proches, comme accéder aux services.

Envisagez de trouver de nouvelles façons d’incorporer le savoir expérientiel passé et présent, en tant que concept, dans votre travail ou dans vos conversations sur la santé mentale et la santé liée à l’usage de substances. À cet égard, la CSMC se réjouit de pouvoir compter sur les précieuses connaissances des membres du Groupe couloir en matière de savoir expérientiel passé et présent pour orienter son travail.  

Auteure:

Integrated service hubs are an innovative approach to transforming youth mental health care in Canada.

Jessica’s mental health struggles started when she was 15 and accelerated when she left home at 18 to attend university in another province. She had the scholarships, grades, extracurriculars, and volunteer hours to attend one of Canada’s most prestigious post-secondary institutions. But once her studies began, the psychological cracks from her early adolescence began to widen. Unfortunately, although she was brave enough to ask for help, the resources available at the time were not well developed.

“I was sent (once) to see the campus psychiatrist. I still remember the shame I felt just going into the mental health building. In those days, it wasn’t part of the physical health services with doctors and physiotherapists — it was a separate building altogether. Anyone that saw you go in there would know that you were ‘crazy,’” she said. “He recommended a course of antidepressants and talk therapy, but I thought I knew better. Besides, I couldn’t access these things without my parents’ insurance plan, and that was a fate worse than death. I couldn’t let them (or myself) down by showing that type of weakness.”

As hard as it is to hear Jessica’s story, it is regrettably all-too common. Seventy per cent of persons living with a mental illness begin showing symptoms before age 18, and it affects some 1.2 million of children and youth.

Help wanted
Despite a growing awareness of the importance of mental health, and an increasing demand for care, youth ages 15 to 24 are highly vulnerable. It is still difficult for young people to get help, especially those who are marginalized or living in rural and remote areas. The statistics are sobering:

  • Just 1 in 5 children in Canada receives appropriate mental health services.
  • 39% of Ontario high-school students show a moderate-to-serious level of psychological distress (symptoms of anxiety and depression). A further 17% display a serious level of psychological distress.
  • About 28,000 children and youth in Ontario are on waiting lists for mental health treatment (as of January 2020). This number has more than doubled since 2017.
  • Average wait times in Ontario for children and youth: 67 days for counselling and therapy, 92 days for intensive treatment.
  • Access to services in Ontario differs based on geography: in some areas, children and youth can access services almost immediately; in others, it can take up to 2.5 years.
  • About 40% of parents say they wouldn’t tell anyone (including the family doctor) if their child was experiencing a mental health problem.

While affordability is a barrier to care for many people, other obstacles include not knowing where to go or how to access care. Stigma and negative perceptions about mental illness are also important factors, given that 60 per cent of those living with a mental health problem or illness won’t seek help for fear of being labelled.

The academic pressure cooker
It can be difficult at any age to recognize or accept that you might need help with your mental health. But for students it can bring unique and complex challenges. Transitioning to post-secondary studies coincides with other big life changes. It could be the first time they leave home and live as fully independent adults. On top of juggling relationships, finances, housekeeping, and staying healthy, students also need to manage their own learning.

Youth counseling

They may also face a lot of pressure to perform, succeed, fit in, and compete for scholarships. Financial pressures. Family expectations. Academic pressures. It can all be overwhelming.

Such an intensification often brings mental health concerns to the surface — such as anxiety, depression, substance use, and eating disorders — and struggling with mental health makes things more difficult. It can affect your memory, concentration, energy levels, decision making, and motivation.

Yet, because students worry about what their professors or other students might think, many struggle in silence. Students often hesitate to admit they have test anxiety or need an accommodation based on the stigma associated with mental health problems. Studies in the U.S. show that just 20 to 40 per cent of students who experience a mental health problem seek treatment while enrolled in college.

For Jessica, when the stress and pressure of getting scholarships for graduate school brought on new difficulties that her medication could not control, she moved far away from family and friends to a place where she didn’t know anyone. “I didn’t know the system and was under immense pressure to perform, and that was when my mental health hit the breaking point,” she said.

Playing detective and jumping through hoops
The students who most need mental health care services are often the least likely to seek help and find it. For those who do get access, care usually comes with a limited number of hours, after which there’s no warm hand-off to services in the community. When Jessica sought help, she was offered a set number of appointments at the campus counselling centre. Only after several hospitalizations in the local psychiatric hospital did she receive regular mental health services. Jessica’s experience with seeking care in the community was like another ordeal.

“I had to travel all over the city to access services and had to tell my story repeatedly — recalling significant trauma, suffering, and abuse. Each time, I felt like I was experiencing it all over again. And with my muddled thoughts and poor memory, remembering what medications I was on, what changes were made to my dosages, what treatments I had tried — it was all just a blur. I carried around a binder to keep it straight. It was exhausting, and I felt that I simply couldn’t keep going on.”

 As Jessica’s experience shows, while navigating the labyrinth of health services is challenging at the best of times, when you’re not feeling well, doing so can become overwhelming. If you’re also facing other challenges, like housing, income pressures, or discrimination, it may feel almost impossible to cope.

Integrated services: An innovative approach
Over many years, young people have been facing limited access, fragmented services, and ineffective mental health care. But thankfully things are shifting. An innovative approach called Integrated Youth Services (IYS) is transforming the way youth-focused services for mental health, substance use, primary health care, and social services are delivered. With IYS sites in most provinces and one territory, people between 12 and 25 can now get the help they need, when they need it, in one youth-friendly location.

How is IYS changing outcomes for young people in Canada? We asked Dr. Karen Tee, Associate Executive Director of Foundry, a provincial network of integrated youth health and social service centres in British Columbia. “We know a quarter of youth in Canada are affected by mental health and/or substance use concerns, and believe Canadian youth deserve easy access to community supports for these concerns,” said Tee. “IYS initiatives are transforming the health care system by designing services in collaboration with young people, families, caregivers, and service providers to ensure it meets the needs of young people. Through Integrated Youth Services currently being offered across Canada, we are seeing health and wellness outcomes improving for young people and families and caregivers. We’re reaching more youth and families and caregivers in their own communities and as a result, they have easier access to resources and supports designed specifically for them to address concerns in all aspects of their lives.”   

What does the promise of integrated mental health care look like to people like Jessica?

“I think my story would have been significantly different — significantly improved — had there been IYS when I was younger. I would have had a single place to access mental and physical health care where stigma was reduced, where I wasn’t retraumatized in retelling my story, where I wouldn’t have to lug around a binder to access basic care. Young people need a team of people to relate to, not a network of clinics staffed by different clinicians each time you visit. Young people need a soft landing to independent health care because they are trying to figure out so many other things at that time in their lives. They aren’t just little adults. They are young people trying to navigate a million new, exciting, challenging things.”

Key findings about IYS

  • 86% of youth would recommend youth hubs to other youth.
  • 2 out of 3 parents of youth would recommend access hubs to them.
  • 84% of youth said that a youth hub would be useful, especially their flexible hours, the ability to just walk in without an appointment, and having access to many different services in one location.
  • 60% of youth could see themselves visiting a hub (75% among those with a diagnosed mental health issue).
  • In the past two years, 57% of young people experienced a mental health issue, but fewer than 1 in 3 sought help.
  • 31% of youth said they had a diagnosed or undiagnosed mental health condition.
  • 27% of youth who had a mental health problem in the last two years said they weren’t sure where to get help. 40% were too shy or embarrassed to talk about their problem (higher among ages 18-25).

These findings are based on unpublished data from an online survey conducted by Bell through a third-party panel provider (Schlesinger Group) with Canadians from March 22 to April 7, 2022, and was statistically weighted to represent the Canadian general population for region, gender and age.

Author: is the marketing and communications manager with the Mental Health Commission of Canada. Mental health is one of her passions.
Photos: Young people gather at a Foundry centre in British Columbia. The model brings youth health supports and social services together in one spot.