Si vous êtes en état de détresse, veuillez appeler ou texter le 988 n’importe quand. En cas d’urgence, appelez le 9-1-1 ou rendez-vous à votre service d’urgence local.

Un nouveau plan pour des changements véritables

« J’ai longtemps cru que j’étais une mauvaise personne qui essayait d’être bonne, raconte Steven Deveau, directeur général de 7th Step Society of Nova Scotia, un organisme géré par des pairs qui offre du soutien aux personnes qui ont été incarcérées. Ma vision a changé lorsque j’ai compris que j’étais plutôt une personne malade qui tentait d’aller mieux. »

Bon nombre des personnes ayant eu des démêlés avec la justice partagent sans doute cette perception de Steven Deveau, qui a lui-même vécu des choses similaires. Dans l’ensemble, 73 % des hommes et 79 % des femmes qui ont été incarcérés dans une prison fédérale présentent des symptômes d’un ou de plusieurs problèmes de santé mentale. Ces chiffres montrent la nécessité d’accroître l’accès à des services de santé mentale de qualité, tant au sein des établissements correctionnels que dans la communauté, ainsi qu’à d’autres services de prévention et d’intervention précoce, notamment en matière de logement et d’éducation. Comme pour tous les problèmes de santé mentale, il est essentiel que les gens reçoivent de l’aide lorsqu’ils en ont besoin. Pourtant, il y a jusqu’à présent bien peu de progrès tangible en la matière.

Pas qu’un énième rapport
« Des gens sollicitent mon avis et me demandent ce qu’ils peuvent faire pour améliorer la situation, dit Mo Korchinski, directrice générale de l’organisme Unlocking the Gates Services Society. Puis, la question demeure lettre morte, dans un énième rapport oublié sur le coin d’un bureau. Je veux que les choses changent. »

Inspirée notamment par cet appel au changement, la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC) s’emploie à élaborer un plan d’action pour le Canada afin de favoriser la santé mentale et le bien-être des personnes qui ont des démêlés avec la justice. Le plan d’action s’appuie sur l’expertise des personnes qui ont vécu et qui vivent la maladie mentale, ainsi que d’autres experts qui mettent en lumière ces questions depuis des années. Le plan d’action s’appuie aussi sur les travaux pertinents des deux dernières décennies, dont la Stratégie en matière de santé mentale pour le Canada qu’a publiée la CSMC en 2012 et qui fait de la justice pénale une priorité, ainsi que sur les travaux en cours qui ciblent les actions susceptibles d’être mises en œuvre. Ce projet pancanadien sera vaste et exhaustif. Il mettra l’accent sur la prévention en amont et l’intervention précoce, la structure, la réforme législative, la transformation du système, et l’évaluation des mesures de soutien en matière de santé mentale pour tous les types d’interactions avec la justice, du premier contact avec la police à la réinsertion dans la communauté.

A.J. Grant-Nicholson

A.J. Grant-Nicholson

Vue de l’intérieur
« J’ai fait mon stage dans un bureau d’avocats de service d’un tribunal pénal et j’ai vite constaté l’intersectionnalité de la santé mentale et du système judiciaire », révèle A.J. Grant-Nicholson, avocat principal du cabinet Grant-Nicholson Law et conseiller dans le cadre du projet de plan d’action.

« Trop souvent, j’ai vu des accusés souffrant de problèmes cognitifs, de traumatismes, de maladies psychiatriques ou encore de problèmes de consommation de substances et de santé mentale qui ont un lien direct avec les accusations portées contre eux, explique-t-il. J’ai vite compris que le système judiciaire est un dernier recours, et parfois une voie inévitable pour les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale. »

Il en a fait le fondement de sa carrière. Après son stage, il a travaillé comme avocat spécialisé en santé mentale pour l’organisme Aide juridique Ontario, premier poste du genre dans la province, un rôle au sein duquel il représentait des clients devant la Commission du consentement et de la capacité. Il a aussi été avocat de service dans un hôpital spécialisé en psychiatrie médicolégale, ainsi que pour un tribunal en santé mentale.

« J’ai constaté que le système judiciaire n’était pas l’endroit idéal pour remédier aux problèmes de santé mentale, précise-t-il. Les avocats de la défense, les procureurs, les juges de paix et les juges ne sont pas des cliniciens. Le droit pénal est un instrument sans nuances dont la capacité de fournir un soutien thérapeutique aux accusés ayant des problèmes de santé mentale est limitée. »

Il admet qu’il y a « de plus en plus de services de soutien en santé mentale dans les cours pénales, notamment un tribunal en santé mentale désigné où les accusés peuvent être mis en contact avec des travailleurs en santé mentale et des programmes de soins de santé mentale ». Toutefois, la disponibilité et la portée de ce soutien varient d’une région à l’autre. Les accusés ne connaissent souvent pas les services de soutien en santé mentale qui sont offerts.

Une part importante des personnes incarcérées que représente cet avocat ont des problèmes graves de santé mentale, parfois accompagnés de problèmes de dépendance. Le croisement entre les problèmes de santé mentale et le système judiciaire est manifeste dans les centres de détention.

« À l’évidence, ces établissements sont loin d’être propices à la guérison, dit-il. L’incarcération exacerbe même les problèmes de santé mentale. J’ai également vu bon nombre de clients dont les problèmes de santé mentale se détériorent une fois remis en liberté et qui, inévitablement, se retrouvent encore une fois devant la justice, souvent en raison des obstacles qui les empêchent de se prévaloir de services sociaux et de soins de santé dans la communauté ou encore de trouver un logement convenable. »

Constatant ces lacunes, il cherche donc à apporter des changements véritables. « J’espère que le plan d’action fournira aux parties prenantes les informations nécessaires qui permettront de mieux outiller le système judiciaire pour aider les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale et qu’au fil du temps, ces personnes seront moins nombreuses à prendre le chemin de la prison et que le taux de récidive diminuera chez cette population. »

C’est pourquoi le Canada doit absolument se doter de ce plan d’action en matière de santé mentale et de justice pénale, dit l’avocat. Steven Deveau voit aussi de l’espoir dans le projet et le comité responsable. Il est convaincu que le projet peut réellement changer des vies et des communautés.

« J’aime à dire que si je me suis réveillé ce matin sobre et libre de ma prison physique et mentale, alors c’est un bon jour. Même les petites choses peuvent être des plus motivantes. »

Apprenez-en davantage sur le plan d’action et la façon dont vous pouvez contribuer à son succès.

Ressource : Santé mentale et justice pénale : Quel est l’enjeu?

Lectures suggérées : « Un nom et un visage ». Une cinéaste raconte à quel point il est facile pour une personne atteinte d’une maladie mentale de se retrouver à la rue ou face à la justice pénale.

Auteure : est gestionnaire de programme à la Commission de la santé mentale du Canada et dirige l’élaboration du plan d’action visant à favoriser la santé mentale et le bien-être des personnes qui interagissent avec le système de justice pénale au Canada.
Photo en médaillon : A.J. Grant-Nicholson

Il est temps de recadrer la masculinité – une étape à la fois

Beyoncé et Kendrick chantaient les problèmes de l’Amérique tandis que notre camion roulait vers notre lieu de randonnée. Mon mari tenait le volant, avec sa jovialité habituelle. Il parlait de l’influence des mouvements historiques sur la musique. Il était 6 h 30. Mon mari est abominablement matinal et nous étions en route pour une randonnée de huit kilomètres, le long de l’escarpement de la Gatineau, au Québec.

Notre fils – qui n’est ni matinal ni particulièrement épris de randonnée – s’occupait de la musique sur la banquette arrière. Il était juste là pour gagner un pari.

De mon côté, malgré mon humeur plus taciturne, j’étais heureuse de partir en excursion. Mais je me méfiais de la dynamique qui était en train de s’installer entre le père et le fils. Les hommes peuvent être bizarres et compétitifs, même lorsqu’ils essaient d’être détendus.

Macho, Macho Man
Les comportements machistes ont commencé dans le stationnement, lorsque mon fils est sorti du camion avec un chandail et une tasse de café à la main.

Mon mari a dit : « Laisse ton chandail et ton café ici », ce qui a incité mon fils à prendre un air rebelle et à saisir sa tasse de café et son pull avec détermination. 

Avant que la dispute la plus stupide du monde n’éclate à propos d’un tricot et d’une tasse de voyage, j’ai lancé à mon mari : « Tu ne les porteras pas, alors laisse tomber. » Et à l’intention de mon fils, j’ai ajouté : « Il va faire chaud et il y aura des insectes – es-tu sûr de vouloir apporter tout ça? »

Pour éviter l’inévitable joute entre deux mâles alpha, je me suis immédiatement placée en tête de la file. C’est l’une des raisons pour lesquelles je pense que les hommes sont bizarres. Pourquoi est-il si important d’être le premier? Ce n’est pas une course. Aucun prix ne nous attend. Les normes sociétales ne rendent pas service aux hommes lorsqu’elles les incitent à se montrer dominants.

Mon fils ne sait absolument pas quelle direction nous devons suivre, et pourtant il est prêt à marcher en tête. Mon mari, qui m’encourage régulièrement à prendre les devants lorsque nous sommes tous les deux, veut soudain donner le rythme. Pas étonnant que la santé mentale des hommes soit dans un tel état, me dis-je en observant cette scène… Comment aller demander de l’aide quand on est convaincu d’avoir toutes les réponses?

Oui, je sais, on ne peut pas mettre tous les hommes dans le même sac. Mais les statistiques en disent long et on ne peut les ignorer.

Au Canada, 12 personnes se suicident chaque jour – Statistique Canada en dénombre jusqu’à 4 500 par an – et le taux de suicide des hommes est trois fois plus élevé que celui des femmes.

Selon les études de la Commission de la santé mentale du Canada, par rapport aux hommes de la population générale, les hommes autochtones présentent des taux plus élevés de comportement suicidaire – ce qui englobe les idées suicidaires, les tentatives de suicide et les décès par suicide. Les tentatives de suicide sont dix fois plus nombreuses chez les jeunes hommes inuits que chez les jeunes hommes non autochtones et, par rapport aux hommes hétérosexuels, les hommes appartenant à une minorité sexuelle (tels que ceux qui s’identifient comme gais, bisexuels ou queers) sont jusqu’à six fois plus susceptibles d’avoir des idées suicidaires.

Un homme, ça ne pleure pas
Mon mari est brillant à bien des égards, y compris pour ce qui est de taire les choses importantes qui lui arrivent. Mais je commence à me demander si le stoïcisme dont lui-même et nos amis masculins font preuve n’est pas le symptôme d’une sorte de blocage des émotions, que les hommes apprennent dès l’enfance par la socialisation. Des problèmes de santé? Ils disparaîtront d’eux-mêmes. Des problèmes au travail? Pas grave. Des problèmes familiaux? Oubliez ça.

Si l’on y réfléchit bien, les statistiques ne sont pas surprenantes. Les hommes vivant dans des milieux où ils se sentent obligés de correspondre à certaines normes, comme la force, la solidité et l’autonomie peuvent entretenir des croyances négatives au sujet de la santé mentale. Les hommes qui adhèrent fortement à ces normes pourraient avoir plus de difficulté à reconnaître les signes de la maladie mentale chez eux-mêmes et chez les autres et être moins enclins à recourir à des services de santé mentale.

Il faudrait donc commencer par recadrer la « masculinité » pour que les émotions puissent être reconnues et exprimées et pour inciter les hommes à rechercher de l’aide.

Sur l’île du Cap-Breton, une nouvelle génération d’hommes de la Première Nation Eskasoni apprend cette leçon. GuysWork, un programme de la Nouvelle-Écosse lancé en 2012, offre un espace sûr pour parler des aspects toxiques de la masculinité. Des animateurs masculins discutent de différents sujets avec des groupes d’adolescents, par exemple, des soins de santé, des ressources en santé mentale, de la violence entre partenaires intimes et des clés d’une relation saine. Par ailleurs, le coffret Cards of Masculinity de NextGenMen présente 50 questions audacieuses sur des thèmes comme l’objectification sexuelle et la culture des aventures sexuelles, afin de faciliter des discussions sérieuses sur les croyances et les comportements des garçons.

Ces organismes s’efforcent de changer l’image d’une masculinité périmée – une masculinité qui suscite un sentiment d’isolement chez les hommes et qui les laisse incapables d’exprimer leurs émotions et réticents à demander de l’aide lorsqu’ils en ont besoin.

Ces efforts collectifs contribuent à déstigmatiser la maladie mentale chez les hommes, à accroître la qualité de leurs relations avec les fournisseurs de soins de santé et à ouvrir de nouvelles voies pour créer des relations interpersonnelles plus satisfaisantes.

Les programmes axés sur les activités réalisées côte à côte (p. ex., le camping, le sport, l’art, la mécanique automobile) plutôt que sur une thérapie en face à face axée sur la conversation pourraient aider à alimenter la discussion.

Prochaines étapes
Mais revenons à notre randonnée. Mon mari indique le chemin qu’il préfère, celui qui monte sur une pente rocailleuse. Évidemment, mon fils en préfère un autre, plus difficile. Non, aucun sens caché ici.

Nous l’avons tiré du lit pour faire une randonnée, car nous étions inquiets : il a besoin de s’activer pour se remettre en forme physiquement et mentalement. Alors, mon mari a parié avec lui qu’il ne pourrait pas se lever assez tôt pour nous accompagner.

Mon mari avait l’habitude de courir pour se maintenir en forme, mais il a dû arrêter à cause d’une série de problèmes de santé. J’ai commencé à m’inquiéter pour lui. Je suppose qu’il s’inquiétait aussi. Puis nous avons découvert que, s’il ne pouvait plus courir, il pouvait faire de la randonnée. Alors le monde a changé. Courir dans le quartier, c’était bien, mais faire de la randonnée dans la forêt, c’était transformationnel.

Mieux encore, la randonnée est une activité que mon mari et moi pouvons pratiquer ensemble. Certaines de nos conversations les plus agréables et les plus enrichissantes ont eu lieu sur un sentier. Nous avons parlé de problèmes professionnels tout en admirant des trilles sauvages et résolu des questions profondément personnelles en regardant passer un cerf de Virginie. Parler nous fait du bien et nous pousse à réfléchir davantage.

Deux heures plus tard, alors que le sentier tire à sa fin, mon fils est en tête, chandail autour de la taille et tasse à café encore pleine. Et nous sommes tout sourires.

Ressource : La santé mentale et le suicide chez les hommes au Canada – Faits saillants

Autres lectures : Tisser des liens malgré les difficultés : L’ABC des soins de santé mentale pour les personnes ACN

Auteure : , CHE, est membre de l’équipe du marketing et des communications à la Commission de la santé mentale du Canada.
Illustration : Holly Craib

Si le courant ne passe pas, ne disparaissez pas subitement. Exprimez-vous.

Dans un célèbre épisode de la série télévisée Curb Your Enthusiasm (Cache ta joie), Larry David, le personnage principal bourru (qui serait une version caricaturale de David lui-même), décide de mettre fin à sa thérapie après avoir vu son psychiatre d’âge mûr à la plage, en string. Lorsqu’il annonce son intention de partir, le psychiatre semble surpris et insiste auprès de Larry pour qu’il lui dise pourquoi c’est terminé. Larry esquive les questions, puis s’en va sans explications.

En fait, les raisons pour mettre fin à une thérapie et la façon de « quitter » son thérapeute sont, pour la plupart des gens, plus compliquées que ce scénario ne le suggère. Dans l’idéal, la décision de passer à autre chose est mutuelle, anticipée et planifiée. Si votre thérapeute vous convient et que vous avez établi une relation de confiance, vous saurez probablement tous les deux quand il sera judicieux vous séparer. Il est également probable que vous puissiez en discuter ouvertement. Vous vous sentez mieux, vous avez travaillé ensemble pour mieux comprendre les difficultés qui vous ont amené à suivre une thérapie, vous avez fait un deuil, travaillé à améliorer ou à abandonner des relations toxiques, commencé à guérir d’un traumatisme, etc. Aujourd’hui, vous sentez tous deux que vous avez les outils et la compréhension nécessaires pour faire face aux situations qui déclenchent de l’anxiété ou d’autres problèmes. Vous avez grandi, votre thérapeute vous a vraiment aidé et, dans le respect et la bonne volonté des deux parties, le moment est venu de vous séparer.

Mais que se passe-t-il si votre thérapeute et vous ne faites pas bon ménage? Il ne semble tout simplement pas vous « comprendre » et il est peu probable que vous vous sentiez mieux de sitôt. Bien que le conseil le plus fréquent soit de « magasiner un thérapeute », en pratique, il peut être difficile de raconter son histoire, avec tous ses détails intimes et douloureux, plusieurs fois à différents inconnus. Ce genre de réticence peut vous inciter à rester fidèle au thérapeute qui vous accompagne, malgré vos réserves.

À ce stade, il est bien trop facile de justifier le fait de rester en terrain connu. Il est possible que vous utilisiez des ressources communautaires ou en milieu de travail, où les services sont plus abordables. Ou peut-être avez-vous du mal à vous affirmer. Peut-être ne voulez-vous pas dire quelque chose qui pourrait blesser votre thérapeute ou l’amener à vous juger. Bien que chacune de ces raisons puisse être valable, si vous continuez malgré tout sans être pleinement investi dans la thérapie, vous perdrez tous les deux un temps précieux.

Prenons l’exemple de « Jeanne », une femme d’une soixantaine d’années qui a consulté un thérapeute parce qu’elle ne parvenait pas à se remettre de la mort d’un animal domestique. Son thérapeute en ligne, une femme d’une trentaine d’années, traite Jeanne comme si elle était une mère qui souffre du syndrome du nid vide et qui devrait sortir davantage. « Pourtant, je ne me sens pas seule, affirme Jeanne, un esprit créatif, qui est heureuse en ménage, qui voit souvent ses enfants adultes et jouit d’un large cercle d’amis. Elle était très gentille, mais elle n’a pas du tout saisi qui j’étais. » Jeanne a eu l’impression d’être cantonnée dans un stéréotype, mais comme elle fuit les conflits, elle n’a pas su comment l’exprimer. Elle a fini par quitter sa thérapeute après plusieurs séances et n’en a pas cherché une autre. Finalement, elle a surmonté son chagrin toute seule, sans l’aide et la compréhension qu’elle espérait. Jeanne se demande encore si, avec le bon thérapeute, le processus aurait pu être plus court et moins douloureux.

Ainsi, même si ce n’est pas facile, si vous n’êtes pas satisfait pour quelque raison que ce soit, vous vous devez, à vous-même et à votre thérapeute, de communiquer vos sentiments et de mettre fin à la relation thérapeutique.

Bien commencer
Bien entendu, l’idéal est de trouver le bon thérapeute dès le départ. De nombreux thérapeutes énumèrent leurs spécialités et décrivent leur formation dans leur biographie en ligne, ce qui permet de réduire le champ de recherche et de choisir quelqu’un qui possède une expertise qui vous semble pertinente – quelqu’un qui a les atouts pour comprendre qui vous êtes et ce dont vous avez besoin.

Selon Lindsey Thomson, psychothérapeute à Kanata, en Ontario, et directrice des affaires publiques de l’Association canadienne de counseling et de psychothérapie, qui compte 13 000 membres dans tout le pays, il est important, au moment de choisir, « d’être très sincère quant à vos préférences. Disons que vous êtes une femme qui souhaite travailler sur un traumatisme passé, mais que vous êtes mal à l’aise d’en parler à un homme. Ou si vous faites partie d’une communauté marginalisée, vous pourriez vous sentir plus à l’aise avec quelqu’un qui a les mêmes origines culturelles que vous. Si vous avez de telles préférences, vous devez trouver quelqu’un qui y réponde », explique-t-elle. De nombreux thérapeutes, dont Mme Thomson, proposent une séance gratuite de 30 minutes pour aider les clients potentiels à tâter le terrain et à voir si la situation convient de part et d’autre.

En outre, il est essentiel de comprendre le type de thérapie proposé par le thérapeute et sa philosophie générale. Comme le souligne Mme Thomson, des études suggèrent que ce qui compte le plus est la dynamique entre le client et le thérapeute. « Il s’agit d’une relation de travail, souligne-t-elle, d’humain à humain. Si vous n’êtes pas d’accord avec quelque chose, ou si vous n’aimez pas la façon dont le thérapeute a formulé une question – ou si vous êtes acculé au mur et que vous n’étiez pas prêt pour cela – parlez-en. C’est très important. Oui, cela peut être inconfortable. Mais sachez que tous les thérapeutes veulent savoir ce que vous ressentez pendant ce processus. »

Il ne faut surtout pas disparaître subitement!
Comme l’explique Mme Thomson, bien que les situations thérapeutiques diffèrent, il faut compter environ 12 à 20 séances par client, en particulier lorsque l’approche est orientée vers un objectif, comme c’est le cas avec la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) .

« Disons que je vais consulter un psychologue parce que je souffre d’anxiété généralisée et que j’ai déjà suivi 10 séances. J’ai remarqué que je suis moins anxieuse, car j’ai réussi à modifier certains comportements. À ce stade, le thérapeute peut vérifier les progrès accomplis par rapport à mes objectifs de départ et voir comment j’ai réussi à mettre en pratique ces compétences – qu’il s’agisse de changements de comportement, de régulation des émotions ou de remise en question d’une pensée négative automatique afin de la laisser partir et de passer à autre chose. Je dois me demander si je suis certaine de pouvoir continuer à me débrouiller sans l’aide du thérapeute. » Du point de vue de Mme Thomson, au lieu de mettre fin à la thérapie, le thérapeute va proposer de modifier la fréquence des séances. « En général, je vois mes clients toutes les deux semaines. Pourquoi ne pas essayer de se voir une fois par mois pour ce que nous appelons une « thérapie d’entretien »? Si les compétences ne sont pas tout à fait bien intégrées, nous pourrons reprendre là où nous avions laissé.

À chaque étape du processus, la clé du succès est d’être à l’aise pour communiquer ses sentiments. Vous êtes là pour comprendre et acquérir les compétences qui vous permettront de grandir, de guérir et de faire face à la situation. Votre thérapeute doit être à vos côtés tout au long du processus.

S’il fait ou dit quelque chose de peu professionnel et que l’organisme auprès duquel il est inscrit est doté d’un code de déontologie et de mesures disciplinaires, vous pouvez  déposer une plainte. Consultez les lois et règlements de votre province ou territoire pour connaître la procédure à suivre dans ce genre de situation.

Ressource : Fiche d’information :Idées reçues et mythes courants sur la santé mentale.

Autres lectures : Tisser des liens malgré les difficultés :L’ABC des soins de santé mentale pour les personnes ACN

Auteure : est l’autrice de After Daniel: A Suicide Survivor’s Tale. Elle enseigne le journalisme au Collège Algonquin à Ottawa.

Moira Farr

Journaliste, auteure et professeure primée, est diplômée de l’Université Ryerson et de l’Université de Toronto. Ses écrits ont été publiés notamment dans The Walrus, Canadian Geographic, Châtelaine et The Globe and Mail, et abordent des thèmes comme l’environnement, la santé mentale et les enjeux de genre. Outre l’enseignement et l’édition, elle travaille à son compte en tant qu’auteure, et a également été rédactrice universitaire dans le cadre du programme de journalisme littéraire du Banff Centre for Arts and Creativity.

Le modèle communautaire d’entraide de l’initiative Future Ready aide les gens à se dépasser et à s’épanouir.

Amina (nom fictif), jeune mère de quatre enfants, a été confrontée à de graves difficultés lorsqu’elle s’est séparée de son mari. Bien que résidant au Canada depuis plus de dix ans, elle était isolée chez elle, avec la crainte et le stress de devoir soudainement se débrouiller seule. Il lui fallait de toute urgence obtenir des services de counseling psychologique et de l’aide pour apprendre l’anglais, gérer ses transactions bancaires, faire ses courses et se repérer dans les transports en commun de la ville. « Son histoire est à la fois émouvante et inspirante », déclare Ramzia Ashrafi, responsable de l’équipe de pratique clinique de l’initiative Future Ready, qui a aidé des centaines de nouveaux arrivants partout au Canada depuis sa création, il y a deux ans, à préparer leur avenir.

L’équipe de Future Ready a mis Amina en contact avec des mentors, tant professionnels que bénévoles (également appelés « intervenants familiaux »), qui ont compris l’urgence de sa situation et ont rapidement mobilisé l’aide dont elle avait besoin. En quelques semaines, elle a pu bénéficier du counseling d’un praticien spécialiste des questions relatives aux personnes immigrantes et réfugiées. « Au bout d’environ huit ou neuf mois, elle se sentait très à l’aise de s’exprimer en anglais et, sans autre forme de soutien, elle avait trouvé une maison et un emploi qui lui permet de subvenir à ses besoins financiers et à ceux de ses enfants », explique Mme Ashrafi.

L’histoire d’Amina est l’une des nombreuses réussites de l’initiative, qui offre plusieurs programmes ciblant les jeunes, les familles et les personnes âgées ayant besoin d’un soutien en matière de santé mentale, d’éducation, d’intégration et d’emploi. « La communauté aide la communauté à bâtir sa résilience », explique Aleem Punja, responsable des opérations nationales de l’initiative Future Ready, dont les valeurs fondamentales sont l’autonomie individuelle, la dignité et l’équité.

Sans surprise, le nombre de personnes ayant besoin de son soutien a considérablement augmenté depuis que la pandémie a frappé, il y a trois ans.

 « Cela n’a pas été facile, déclare M. Punja, mais nous faisons de notre mieux ». L’initiative Future Ready est une jeune organisation nationale qui compte 24 employés et 500 bénévoles communautaires partout au Canada, mais elle est pour autant en mesure de fournir un vaste éventail de services dont tant de personnes ont besoin.

L’énergie positive générée par tous les participants à l’initiative Future Ready se reflète dans l’exposition virtuelle Journey Upstream, une émouvante vitrine d’art, de photographies, de musique, de poésie parlée, de graphiques et de témoignages illustrant les expériences, les espoirs et les rêves des nouveaux arrivants au Canada qui cherchent à tisser des liens avec la communauté. La description de l’exposition indique qu’elle « vise à raconter, à travers des perspectives variées et uniques, la manière dont l’initiative Future Ready nourrit l’espoir et consolide la résilience, tout en dotant les familles et les individus de ressources qui leur permettent de surmonter les difficultés et de s’épanouir avec assurance ». La priorité accordée à la santé mentale est parfaitement illustrée par l’une des photographies : une clôture grillagée sur laquelle figurent trois simples affiches, où il est inscrit en noir et blanc VOUS COMPTEZ, VOUS N’ÊTES PAS SEUL(E), N’ABANDONNEZ PAS.

L’équipe multidisciplinaire de gestion des cas de santé mentale de l’initiative Future Ready comprend des travailleurs sociaux, du personnel infirmier et des psychothérapeutes spécialement formés dans des domaines aussi essentiels que la prévention du suicide, les dépendances, le deuil et le trouble de stress post-traumatique. Il est particulièrement important d’offrir des soins tenant compte des traumatismes aux personnes qui fuient les guerres et les persécutions, explique M. Punja. Pour ce faire, il faut établir des partenariats avec de nombreux organismes apparentés, comme ABRAR Trauma and Mental Health, qui peuvent offrir un soutien opportun, virtuellement ou en personne. Qu’il s’agisse de la perte d’êtres chers en raison de la COVID-19, de problèmes de santé mentale et physique liés à la pandémie ou de la désorganisation des revenus et de l’éducation provoquée par la maladie, la guerre, l’intégration ou les bouleversements politiques, toutes ces situations ont eu une incidence sociale considérable sur les individus et les familles.

Pour certains, le fait de demander de l’aide est encore perçu comme quelque chose de tabou, explique M. Punja. Admettre que l’on a du mal à trouver un emploi, à payer ses factures ou à nourrir sa famille est déjà très stressant, mais, si on fait face à ces problèmes en solitaire, ils peuvent sembler impossibles à surmonter. Pour que les gens puissent plus facilement demander et recevoir de l’aide, il faut établir avec eux un lien qui leur fera comprendre que tout le monde a des difficultés à affronter et que chaque personne a intérêt à aider son prochain. « Peut-être qu’un cousin peut vous aider à apprendre l’anglais ou qu’un voisin peut s’occuper de vos impôts », illustre-t-il. Changer le langage et la dynamique entre l’aidé et l’aidant permet également de rendre moins stigmatisant le fait d’aider quelqu’un à se remettre sur pied. Nous ne parlons pas de pauvreté, mais plutôt de vulnérabilité.

Il convient par ailleurs de se centrer sur les objectifs : une personne ou une famille peut traverser une période difficile, mais en les aidant à se projeter vers des jours meilleurs, l’initiative Future Ready met l’accent sur l’autonomie et la résilience des personnes, afin qu’elles puissent définir de façon autonome les stratégies les plus adaptées à leur réussite.

En outre, aider les gens à être « prêts pour l’avenir » signifie privilégier les relations au sein de la communauté, indispensables à la santé mentale (en complément des interventions directes comme le counseling et l’encadrement). Les événements rassembleurs, comme les spectacles de musique, les expositions d’art, les sports et les activités conçues spécialement pour les jeunes, les familles ou les personnes âgées, contribuent à l’intégration des nouveaux arrivants et les aident à rester positifs et optimistes en dépit des épreuves et des obstacles.

Le Rapport sur les retombées 2022 de l’initiative Future Ready fait état d’un certain nombre de jalons positifs pour l’organisation. « Depuis sa création en 2021, Future Ready a apporté un soutien complet et personnalisé dans les domaines du mentorat familial, de l’avenir professionnel, de la santé mentale, de l’excellence en matière d’intégration et du mentorat des jeunes à plus de 727 personnes. » Son action a permis de consacrer 560 heures de services à des personnes présentant des risques sur le plan de la santé mentale. Ceci consistait notamment à aider les personnes inscrites sur de longues listes d’attente à trouver des soins auprès d’un médecin – spécialisé en santé mentale ou en soins primaires – et à soutenir les membres de la famille qui s’inquiétaient de la santé mentale d’un proche. Future Ready a également aidé plus de 100 intervenants familiaux et mentors « à gérer avec compétence des situations délicates tout en évitant l’épuisement professionnel. »

Ali Masroor Bigzad, qui a émigré d’Afghanistan avec sa famille en septembre 2021 et vit actuellement à Sherbrooke, a qualifié sa participation à l’exposition Journey Upstream d’étincelle d’espoir. C’est l’initiative Future Ready qui lui a insufflé cet élan d’espoir. « À notre arrivée, le représentant de Future Ready est venu nous souhaiter la bienvenue au nom des dirigeants de la communauté et nous a demandé si nous avions besoin de quoi que ce soit. Nous étions tous très heureux de la présence de ces institutions, qui ont ravivé en nous l’espoir d’un avenir meilleur. Le personnel a soutenu notre intégration de différentes manières. Surtout, le représentant de l’initiative Future Ready m’a donné des conseils quant aux différentes options d’études que je pouvais suivre. Sans lui, il m’aurait été difficile de m’orienter efficacement dans l’amorce de mon parcours pédagogique. »

Le personnel de Future Ready, les intervenants familiaux et les mentors ont bien l’intention de poursuivre l’initiative afin que chaque membre de la communauté puisse s’épanouir tout au long de son parcours en bénéficiant des meilleurs services et de l’espoir qu’ils suscitent.

Auteure : est l’autrice de After Daniel: A Suicide Survivor’s Tale. Elle enseigne le journalisme au Collège Algonquin à Ottawa.

Fateema Sayani

Une habituée des organismes à vocation sociale, ainsi que des salles de presse, où elle a passé plus de 20 ans aux commandes de nombreuses activités, de la stratégie à la collecte de fonds. Ses écrits, qui couvrent une foule de sujets allant des politiques à la culture populaire, sont parus dans des publications de premier plan à la grandeur du Canada et lui ont valu des prix pour ses reportages sur la justice sociale. Forte de ses diplômes, de ses certificats et de ses activités bénévoles, elle s’est donné pour mission de changer l’image des communautés sous-représentées. Malgré son horaire chargé, elle trouve encore le temps de se plonger dans la scène musicale canadienne.

Au Canada, les personnes âgées qui vieillissent sans aucun soutien sont de plus en plus nombreuses. Comment pouvons-nous endiguer ce phénomène? Un regard sur le vieillissement inclusif à l’occasion de la Semaine de sensibilisation à la solitude

« Pourquoi, se demandait-elle, était-il si difficile de croire que les vieux avaient été jeunes, avec la force et la beauté animale de la jeunesse, qu’ils avaient aimé, été aimés, ri et été pleins de l’optimisme non prémédité de la jeunesse? » – PD James

L’hiver dernier, mes voisins ont trouvé l’une de nos résidentes âgées en train d’errer dans le couloir de la buanderie de notre immeuble. Elle semblait perdue et désorientée.

Nous avons fini par appeler une ambulance, car, de toute évidence, elle n’allait pas bien. Elle vivait en face de chez moi, mais je ne la connaissais pas vraiment. Ce jour-là, après une brève évaluation par téléphone, le répartiteur nous a dit qu’il faudrait attendre quatre heures. Comme il n’y avait rien à manger dans son réfrigérateur, certains d’entre nous ont apporté des en-cas et lui ont préparé quelques tasses de thé en attendant l’ambulance autour de la table de cuisine. Quand elle nous a dit qu’elle avait 91 ans et qu’elle vivait seule, nous lui avons demandé qui nous pourrions appeler. Ce n’est qu’après quelques heures de conversation qu’elle nous a dit qu’elle n’avait ni enfant, ni frère ou sœur.  Elle avait un neveu, mais qui vivait à des centaines de kilomètres et qui a été surpris lorsque nous l’avons appelé, disant qu’il n’avait pas parlé à sa tante depuis des années.

Les événements de ce jour de janvier ont marqué un tournant dans la vie de ma voisine, mais aussi dans la mienne. Elle n’est pas rentrée chez elle depuis son admission à l’hôpital. Je ne sais pas ce qu’elle est devenue et je ne le saurai jamais, car je ne fais pas partie de sa famille. Pourtant, plus tard dans la soirée, je n’ai pas pu m’empêcher de me demander si l’avenir me réservait le même sort.

Deuils et vieillissement
Quand on vieillit, on risque de faire face à une série de deuils : on peut perdre des proches, des réseaux sociaux, le bien-être physique, la sécurité financière, la motivation, le sentiment d’appartenance à un monde plus vaste et même le sens de son identité personnelle. Ce sont des pertes importantes qui « remettent profondément en question notre appartenance au monde qui nous entoure », explique Sam Carr, Ph. D., chercheur principal du « Projet solitude » (The Loneliness Project), une étude qualitative qui explore en profondeur l’expérience de la solitude chez les personnes âgées. Nombre de répondants ont expliqué aux chercheurs que le vieillissement présente des difficultés uniques liées à la solitude et l’isolement. La recherche, dont les résultats sont publiés dans Ageing and Society, a produit plus de 130 heures de conversations. Le témoignage de l’une des participantes ayant perdu son conjoint montre l’ampleur de ces deuils : « Quand il est parti, j’étais perdue. Je ne savais plus qui j’étais, car je n’étais pas [bouleversée]. J’existais, c’est tout. J’allais faire des courses quand j’avais besoin de nourriture. Je ne voulais voir personne. Je n’allais nulle part. »

Dans le cadre d’une étude sur la perte de liens significatifs chez les personnes âgées, des chercheurs de l’Université de Malmö, en Suède, ont conclu que la solitude profonde vécue à un âge avancé peut être considérée comme « un processus où la personne se détache de la vie ». Le corps participe aussi à cette expérience dans la mesure où la personne âgée est de plus en plus limitée dans ses mouvements. Petit à petit, elle fait le deuil de ses relations à long terme, puis elle se replie de plus en plus sur elle-même et se détourne du monde extérieur.

Vieillir sans le soutien de proches
Au Canada, le nombre de personnes qui vieillissent sans soutien va également en augmentant. Ces adultes d’âge mûr n’ont pas de proches parents, donc, pas de conjointe ou de conjoint et pas d’enfants (ou alors les enfants vivent loin). D’autres ont une famille, mais sont tout de même isolés. Même si la majorité de ces personnes veulent vieillir chez elles, elles sont parfois obligées d’intégrer des centres de soins de longue durée. Le Canada affiche déjà l’un des taux les plus élevés au monde de personnes sans famille. Comment s’y prendra-t-il pour soutenir ces personnes et s’occuper d’elles?

Au Royaume-Uni, la question est liée à un thème plus vaste : la solitude, une menace croissante pour la santé. En 2018, la première ministre Theresa May l’a qualifiée de « l’un des plus grands problèmes de santé publique de notre époque » lorsqu’elle a créé le « premier ministère au monde » chargé de lutter contre la solitude. Début 2021, le premier ministre du Japon, Yoshihide Suga, lui a emboîté le pas et a créé le poste de ministre de la Solitude au sein de son cabinet. Le premier titulaire de ce poste, Tetsushi Sakamoto, a été chargé de prévenir et de réduire la solitude généralisée, l’isolement social et le suicide, qui allaient en augmentant dans le contexte des restrictions liées à la COVID-19.

Ces mesures s’appuient sur des données probantes démontrant les risques que pose la solitude pour la santé et la santé mentale. Selon Keith Dobson, Ph. D., professeur de psychologie clinique à l’Université de Calgary, « la recherche a toujours montré qu’à tous les âges, un faible soutien social ou un isolement social accru est l’un des principaux facteurs de risque de dépression ». Aux États-Unis, le National Institute on Aging associe la solitude et l’isolement à un « mauvais état de santé avec le vieillissement », notamment à des taux plus élevés de mortalité, de dépression et de déclin cognitif.

L’isolement dont souffrent un grand nombre de personnes s’accompagne aussi d’un fardeau économique. Aux États-Unis, depuis des décennies, le nombre de personnes seules a atteint un point tel que dans la population active, « plus de deux adultes sur trois déclarent vivre dans la solitude » – ce qui est à l’origine de problèmes de santé, de baisses de productivité et d’une rotation du personnel qui coûtent quelque 154 milliards de dollars par année aux employeurs. En Angleterre, 45 % des adultes souffrent d’un certain degré de solitude, ce qui coûte aux employeurs britanniques environ 2,5 milliards de livres sterling (4,2 milliards de dollars canadiens) par année, selon un rapport de la New Economics Foundation publié en 2017. Ces données brossent un tableau désastreux, surtout si l’on considère qu’elles proviennent en grande partie de recherches menées avant la pandémie.

Tout le monde n’est pas logé à la même enseigne
Comme on peut s’y attendre, tout le monde ne vit pas les contrecoups de la solitude et de l’isolement de la même façon. Les organismes caritatifs qui soutiennent les personnes âgées sont les premiers à constater que certaines personnes sont plus touchées par une accumulation de difficultés existentielles. Selon Gregor Sneddon, directeur général de l’organisme basé à Ottawa Aide aux aînés Canada, nous savons que « lorsque les personnes vieillissent et vivent des déficiences physiques et cognitives, elles fréquentent moins le monde et les gens, et elles souffrent des séquelles de l’isolement. Ajoutez à cela une pandémie mondiale qui a forcé les gens à se cloîtrer chez eux, les a empêchés de participer à la vie communautaire et de cultiver un sentiment d’appartenance, les a coupés de leur famille et de leurs amis… et vous obtiendrez un résultat assez médiocre en matière de santé. » Mais la situation est sans aucun doute bien « pire pour ceux qui n’ont pas beaucoup d’argent […]    Ceux qui n’ont aucun choix sont les plus exposés à la solitude, qui, nous le savons, peut être fatale. »

Le Canada a-t-il besoin d’un ministre de la Solitude?
Bill VanGorder, responsable par intérim des politiques de l’Association canadienne des individus retraités (CARP), sait que « la solitude et l’isolement ne touchent pas seulement les personnes que l’on peut considérer comme âgées ». Mais il est tout à fait favorable à la création d’un poste de ministre de la Solitude au Canada « si c’est ce qu’il faut pour remédier aux effets de la solitude et de l’isolement sur les Canadiens. Un ministre veillerait à ce que des programmes soient mis en place pour atténuer ces problèmes, d’autres secteurs du gouvernement lui rendraient des comptes et peut-être, enfin, pourrions-nous changer la façon dont nous nous occupons des personnes âgées au Canada ». Dans des sociétés comme la nôtre, qui prônent l’indépendance et l’individualisme, nous avons tendance à laisser les gens régler et gérer leurs propres problèmes. Mais si vous êtes malade, isolé et sans soutien, c’est beaucoup plus difficile à faire.

Le gouvernement britannique aborde cette question de manière intégrée et reconnaît qu’il reste beaucoup à faire et que chacun doit jouer un rôle. Pour mettre en place un réseau de soutien, il faut pouvoir compter sur le gouvernement ainsi que sur les amis, la famille, les employeurs, les secteurs bénévole et communautaire, les autorités régionales et les organismes de santé publique. Mais ce n’est qu’un début. La stratégie britannique de lutte contre la solitude est guidée par un cadre visant à améliorer et à relier les services sociaux, à réinventer les espaces communautaires, le transport, le logement, la technologie, les approches holistiques de la santé et les campagnes de santé publique visant à sensibiliser et à réduire la stigmatisation liée à la solitude. La campagne lancée en 2019 par le gouvernement, Let’s Talk Loneliness (Parlons de la solitude), en est un exemple : elle souligne l’importance de parler de la solitude tout en dénonçant la stigmatisation qui l’entoure.

La prescription sociale fait même partie du programme; c’est-à-dire que des coordonnateurs communautaires, des conseillers en santé et bien-être et des navigateurs communautaires répondent aux besoins non cliniques (y compris ceux des personnes qui se sentent seules) en mettant les gens en contact avec des groupes et des services communautaires leur procurant un soutien pratique et émotionnel.

L’approche intégrée adoptée par le Royaume-Uni n’a pas encore fait l’objet d’une évaluation, mais elle repose sur des principes qui relèvent du bon sens et qui semblent bien plus solides que les soutiens fragmentés et décousus que l’on connaît au Canada. Bien qu’il existe chez nous aussi des ressources et des programmes, ils peuvent être difficiles à trouver, surtout si une personne est isolée et n’a pas accès à Internet. Et pourtant, le principe ne pourrait être plus simple : la société a tout à gagner quand elle veille au bien-être des personnes âgées et de leurs familles. Cela vaut également pour les personnes qui vivent avec une maladie chronique ou un handicap. Une société véritablement inclusive profite à tous.

Quelle forme prendra le vieillissement inclusif et sain dans notre pays ? Est-ce que notre société reconnaîtra la valeur des personnes âgées ainsi que l’utilité et la dignité de tous, et mettra-t-elle de côté les préjugés et la discrimination fondée sur la capacité? Je nourris l’espoir d’une nouvelle vision  du vieillissement solidaire et inclusif, qui nous amènera à « créer des lieux de vie et des collectivités qui intègrent ces mécanismes de soutien ».

Ressources disponibles au Canada :

Auteure: est directrice, Marketing et communications à la Commission de la santé mentale du Canada. La santé mentale est l’une de ses passions.

Nicole Chevrier

Passionnée de santé mentale, elle est aussi une écrivaine enthousiaste et une photographe de talent. Nicole a récemment publié son premier livre, qui s’adresse aux enfants vivant de l’intimidation. Quand elle n’est pas à son bureau, elle partage ses temps libres entre le yoga, la méditation, la danse de salon, la randonnée pédestre et la photographie des merveilles de la nature. Elle collectionne aussi les couchers de soleil.

Future directions for the inclusion of persons with disabilities

Disability is often thought of as an issue that affects a small subset of the population. However, the pandemic has broadened the scope of this definition – think of long-term COVID-19 symptoms – to include mental health issues that will affect most people at some point in their lives. In other words, disability – short-term or long-term – is likely to enter everyone’s life, whether personally or as a caregiver, and policies must reflect this reality. And while Canadian disability policy has come a long way in recent years, barriers continue to limit the inclusion of people with disabilities.

Normalizing Disability
As a person with disabilities, I require a variety of workplace accommodations to reduce my pain and function properly, such as flexible hours, an ergonomic workstation, voice dictation software, and the ability to telework.

I have hydrocephalus, cerebral palsy, and chronic pain, in addition to depression and anxiety, which further limit my ability to function. While my chronic pain is taking a toll on my mental health, I can’t afford the psychotherapy I need because disability-related costs, such as physiotherapy, are eating into my meager income. I have managed to cut back on some expenses since the pandemic began, but much of this is due to the fact that I have to isolate myself to avoid catching COVID-19, which would have devastating effects on my health (cerebral palsy makes it difficult to breathe). However, isolation also has a cost: it increases depression, anxiety, and loneliness. This is nothing new for people with disabilities or chronic illnesses, of course. Research has shown that those living with such disabilities have had the worst employment and health outcomes during the pandemic.

A Broad Spectrum to Foster Inclusion
I share my personal story today in the hopes of normalizing the conversation about accommodations and promoting a simplified approach. If we are to close policy gaps and guide future approaches to disability inclusion, we must give voice to people with lived experience. As experts in their own lives, people living with episodic or variable disabilities or invisible disabilities, for example, can share the challenges they face in their daily lives to inform policies on work, health care, and other systems. To ensure that policies reflect the needs of their intended audience, researchers recommend that people with disabilities be included in research and consulted as experts. This would help to break down barriers to social inclusion and openly address policy issues around employment and financial security.

Population ageing also raises new questions, particularly regarding the decline in functional capacity with age. Shouldn’t disability policies cover all people who face new or unexpected limitations in their daily lives?

In Canada’s most populous province, the Ontario Disability Support Program (ODSP) currently provides income, employment and drug benefits only to people with “a significant physical or mental impairment that is continuous or recurring and expected to last at least one year.” This narrow definition, which focuses on permanent disabilities and chronic conditions with no prospect of improvement, excludes episodic, temporary or variable disabilities like long-term COVID-19, including confusion, shortness of breath and other debilitating symptoms. While OHIP coverage has recently expanded, people with long-term COVID-19 have struggled to navigate the benefits system because their illness is considered invisible and difficult to diagnose.

Closing the Gaps
While social assistance programs are essential, benefits are allocated primarily on the basis of functional disabilities. In other words, the worse a person is, the more financial support they will be eligible for. However, the system also makes it difficult for people with disabilities to break the cycle of poverty and income assistance. To get off welfare, they must be able to work full-time (or at least enough to earn a living). However, most ODSP recipients are not able to work, and those who are often have to settle for low-paying jobs (which involve long days on a computer) that do not reflect their skills (such as call centre jobs).

Unfortunately, these types of systemic barriers to employment are all too common. In 2019, I applied to the federal government’s Student Disability Inventory, an employment program that provides students with valuable work experience in the public service. However, I was rejected because I was a part-time student (the program is only open to full-time students). I tried to explain that my disability required me to study part-time in an attempt to get accepted, but it didn’t work.

Another example is the Accessible Canada Act , passed in 2019, which aims to remove barriers in employment, the built environment, communication, information, service delivery and transportation. In many cases, workplace adjustments are minor – adapted hours, telework, ergonomic workstations – but cumbersome approval processes often cause frustrating delays.

Similarly, the federal government has implemented the Public Service Accessibility Strategy , which calls for hiring 5,000 people with disabilities by 2025. Candidates must provide medical proof during the selection process in order to receive assessment accommodations. This criterion seems reasonable, yet using a centralized service to document accommodations would reduce the cost of medical notes for people who often have low incomes (and do not necessarily have access to a family doctor).

Highlighting these barriers is part of the advocacy work for persons with disabilities. This work has also focused on Bill C-22, the Canada Disability Benefit Act , which proposes a monthly payment to reduce poverty among persons with disabilities. Within a year of coming into force (it is currently before the Senate), the Act will provide much-needed funding and hope for a brighter future for persons with disabilities. During this 12-month period, the Act will “provide opportunities for persons with disabilities from diverse backgrounds” to collaborate on the development of the regulations, application process, eligibility criteria and benefit amount. I hope that these consultations will result in a broader definition of disability and promote equitable access to appropriate services so that persons with disabilities can lead fulfilling working and civic lives.

Auteure :

Raconter son histoire – ses réussites, ses traumatismes, ses vérités et ses révoltes – peut être source de résilience ou de regrets. Trouver l’équilibre entre l’activisme et la protection de son propre bien-être psychologique.

Parler de sujets épineux comme la dynamique du pouvoir, le colonialisme et la suprématie blanche est le pain quotidien de tout éducateur antiraciste. Toutefois, il suffit aujourd’hui d’un gazouillis ou d’une prise de position publique pour être inondé de messages haineux et de menaces de mort, ce qui peut faire l’effet d’une douche froide.

« La montée de la suprématie blanche, de l’extrémisme de droite et de la violence est bien réelle, déclare Selam Debs, dont le travail d’éducation antiraciste porte surtout sur le démantèlement des systèmes discriminatoires et l’expression de la vérité face au pouvoir. Il est essentiel que nous le reconnaissions. »

Selam Debs a fermé la portion de son entreprise qui avait pignon sur rue à Kitchener après que sa famille a commencé à recevoir des menaces. Les médias locaux ont couvert l’affaire, mais ils se sont concentrés sur la question de la haine, occultant la substance des enseignements et du point de vue de Mme Debs. C’est ainsi que la parole de personnes comme elle est souvent passée sous silence (ce qui rend évidente la nécessité même d’avoir de telles discussions), mais à quel prix?

« Si vous procédez à une analyse coût-bénéfice de votre propre santé mentale par rapport au pouvoir de générer un changement, il n’y a pas de formule magique, déclare Jesse Wente, auteur anishinaabe, commentateur et victime de menaces de mort. Passez le progrès social au tamis, et une fois que toute la laideur en a été extraite, que reste-t-il? »

Selam Debs

Selam Debs

C’est une bonne question. En parcourant rapidement les derniers débordements sur Twitter, j’ai envie de pousser la métaphore : certains jours, on dirait que la laideur bloque les trous de la passoire et empêche la lumière de passer.

« Lorsque vous recevez des menaces personnelles et que vos notifications s’enflamment, vous faites le calcul, explique M. Wente. Vous mettez dans la balance la sécurité de votre famille vis-à-vis de ce que vous pouvez réellement changer. Si vous disposez d’une tribune pour faire évoluer les choses de manière positive, c’est un atout », ajoute-t-il, citant les vagues de soutien sur les médias sociaux qui ont conduit diverses équipes sportives à changer de nom au fil des ans.

Ces progrès sont sans aucun doute favorisés par des récits qui marquent les esprits. En plus de rester en mémoire et de nous aider à comprendre les expériences souvent vécues par les personnes racontant leurs problèmes de santé mentale, leurs témoignages sont aussi source de réflexions, de réconfort et de motivation. Leurs récits peuvent également réduire la stigmatisation dont elles font souvent l’objet. C’est l’une des principales raisons pour lesquelles la Commission de la santé mentale du Canada offre une tribune aux personnes ayant un savoir expérientiel passé ou présent, dans son magazine et son blogue. (Pour ceux qui se sentent prêts à se jeter à l’eau, commencez par lire nos conseils dans un article intitulé « Partagez votre récit de façon sécuritaire ».)

Bien entendu, la décision de partager une histoire personnelle peut entraîner des complications. S’il s’agit d’une histoire de famille, est-ce qu’elle vous appartient entièrement? Aura-t-elle des répercussions? Si oui, lesquelles? Une fois que quelque chose est publié sur Internet, impossible de revenir en arrière.

En 2006, Pete Earley, ancien journaliste au Washington Post, a consigné dans son livre Crazy : A Father’s Search Through America’s Mental Health Madness l’histoire de son fils, « Mike », aux prises avec la maladie mentale. À l’époque, l’anonymat relatif de ce livre lui semblait approprié. En 2022, « Mike » (aujourd’hui âgé de 43 ans) décide de modifier ce récit. Dans le documentaire de Ken Burns Hiding in Plain Sight : Youth Mental Illness, il choisit consciemment de s’approprier son histoire et de parler ouvertement de son vécu, ouvrant ainsi la voie à d’autres personnes confrontées à la stigmatisation. Ainsi, « Mike » commence par révéler son nom entier : Kevin Mike Earley. « Si nous partons du principe qu’il n’y a pas de honte à souffrir d’une maladie mentale, pourquoi me cacher derrière mon deuxième prénom? », lance-t-il dans un article du Washington Post consacré au film.

Changer le discours
« On a pris acte de l’histoire coloniale en déboulonnant des statues et en changeant le nom d’écoles », explique Mme Debs. Il s’agit d’un travail de longue haleine qui consiste à soulever des questions difficiles pour générer des changements concrets. Si la dynamique du pouvoir et la question des privilèges sont maintenant débattues au grand jour, c’est bien, mais si aucun changement ne suit, ce ne sont que des paroles en l’air. Alors à quoi servirait de partager son histoire?

« Je pense qu’une transformation est en cours, mais qu’il reste encore beaucoup à faire », dit-elle. En d’autres termes, un changement graduel est déjà un changement. Toutefois, il faut se demander pourquoi certains choisissent de se taire.

« Nous comprenons pourquoi les Noirs, les Autochtones, les personnes racialisées, les homosexuels et les personnes en situation de handicap ne s’expriment pas, car cela aurait des conséquences : ils risquent de rester en bas de l’échelle, d’être ostracisés, d’être considérés comme agressifs, de subir des préjudices psychologiques et émotionnels, explique-t-elle. Je pense qu’il faut faire la différence entre ceux qui ne parlent pas alors qu’ils le devraient, et les autres. »

Ceux qui sont en position de pouvoir et qui bénéficient de privilèges non mérités doivent faire l’effort de prendre la parole, soutient-elle, tout en laissant de la place aux personnes noires, autochtones, racialisées, queers et handicapées pour qu’elles puissent être entendues en toute sécurité, être rémunérées pour leur travail et être autorisées à débattre.

Jesse Wente

Jesse Wente

« Je me souviens d’une époque où, si l’on parlait de microagressions, on était considéré comme extrémiste, mais il existe maintenant une monnaie sociale au sein des organisations pour effectuer ce travail. Je pense que certains le font parce que c’est “la chose à faire”, tandis que d’autres se rendent compte du capital associé aux termes diversité, inclusion et équité, dit-elle. Je constate que l’on ne parle plus du racisme, de la violence et de la haine de la même façon. Avant, on en parlait avec une certaine passivité. Maintenant, pour mieux les éliminer, on cherche à comprendre comment ils se manifestent dans les espaces que nous occupons. Le point de vue a changé, et ça, c’est du progrès.

Si on change le langage qu’on utilise, on peut certainement faire évoluer le discours. Par exemple, au lieu de chercher – pétris de bonnes intentions – comment aider les pauvres et les exclus à avoir accès à un plus grand nombre de possibilités, nous pourrions nous demander qui perpétue le problème et que faire pour apporter des changements profonds et systémiques. »

Pour M. Wente, le support de communication a aussi un rôle à jouer. Il entretient une relation ambivalente avec les médias sociaux. « Récemment, j’ai recommencé à les fréquenter et je ne peux pas dire que j’ai aimé l’expérience. Les échecs de la modération du contenu sont plus évidents aujourd’hui, explique-t-il, ajoutant que moins il passe de temps en ligne, mieux se porte sa santé mentale. Cela ne signifie pas que je renonce à parler pour faire avancer les choses. J’ai juste choisi un autre endroit pour m’exprimer. »

C’est en partie pour cette raison qu’il a écrit Unreconciled: Family, Truth, and Indigenous Resistance. Il souhaite délaisser la guerre des gazouillis pour plutôt se raconter dans des contextes favorisant une expression plus nuancée, par exemple des tables rondes, allocutions, etc. « C’est mon travail quotidien : faire évoluer les esprits et les choses, explique-t-il. Pour moi, c’est très sérieux, et ça ne peut donner des résultats que si on traite avec des personnes tout aussi sérieuses. J’ai compris que l’on ne peut absolument pas faire preuve de sérieux sur certaines plateformes de médias sociaux. Je veux voir des gens dans un contexte où on peut engager une véritable conversation. »

Wente cite des mouvements en ligne et hors ligne, comme Idle No More, qui ont eu des retombées concrètes. Cependant, bien des choses ont changé depuis cette époque plus innocente sur le plan numérique : les photos de chatons ont cédé la place à des menaces de mort quotidiennes. Les menaces de mort qu’il a reçues en ligne et sur son téléphone personnel lui ont fait prendre conscience que l’action en faveur du changement l’exposait désormais à ce genre de choses. « La sensibilisation, la recherche d’équilibre et le risque ont toujours fait partie des mouvements pour la justice sociale, explique-t-il. Les menaces font partie de l’espace virtuel et réel, ce qui signifie que les gens qui changent réellement les choses doivent composer avec ça. »

La violence est de plus en plus évidente et apparemment acceptable. On dirait qu’elle est normalisée, ce qui est le reflet d’un climat gravement dégradé.

« En tant que militants et éducateurs dans le domaine de la lutte contre le racisme, nous sommes constamment confrontés à la violence, explique Mme Debs, ce qui nous conduit sans cesse au bord de l’épuisement. Nous devons nous préserver, car se raconter encore et encore peut devenir une sorte d’orgie traumatique. Il nous faut trouver un équilibre entre éduquer en dévoilant certaines parties de nous-mêmes et préserver notre propre bien-être. »

Que propose Mme Debs pour composer avec ces réalités? « Je ne pense pas avoir de conseils à donner, si ce n’est qu’il est important de comprendre pourquoi les choses sont ainsi », répond-elle. Sa ligne de conduite s’inspire d’une volonté d’équité et de guérison pour les communautés noires, dont elle parle dans son enseignement.

« Je dédie ma vie à la libération des Noirs, explique-t-elle. Cela signifie plusieurs choses : réfléchir à moi-même et à tout ce qui doit changer à l’intérieur des systèmes pour rendre possible une véritable guérison », poursuit-elle. Je dois également me familiariser avec ma culture, ma nourriture et ma langue en tant que femme noire éthiopienne. »

Elle ajoute qu’elle doit aussi s’affranchir du regard colonisateur qui l’a conditionnée à se percevoir comme « inférieure », et cela se fait en partageant des connaissances pour susciter un désir de libération chez les autres. Faire connaître son histoire de cette manière est un investissement à long terme. « L’abondance et le bien-être intergénérationnels consistent à planter des arbres dont nous ne recevrons peut-être jamais l’ombre, illustre-t-elle. Nos enfants et les enfants de nos enfants profiteront abondamment de ce qui est planté aujourd’hui. »

Wente entrevoit son travail comme un devoir qu’il exerce dans des espaces où il est souvent le seul Autochtone. Cette posture l’aide à trouver un équilibre entre les risques et les avantages qui viennent avec le fait de se raconter. « Notre point de vue n’est pas souvent entendu », précise-t-il, tandis que nous parlons de transformer le discours ambiant. Il admet que sa vision pourrait sembler trop idéaliste, mais il s’y tient.

« Si tout le monde racontait son histoire, il serait difficile de nier certaines évidences, explique-t-il. Plus il y aura de gens qui partageront leur histoire, plus il y aura de gens qui leur emboîteront le pas sans se sentir menacés. »

Auteure : est gestionnaire des contenus et des communications stratégiques à la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC).
Illustration : Holly Craib

Encadré : Selam Debs, Blue Aspen Photography

Encadré : Jesse Wente, Red Works

Une infirmière chevronnée tend la main à d’autres professionnels du secteur pour engager un dialogue constructif sur la stigmatisation entourant la santé mentale

Dans toute profession, les périodes de pointe sont monnaie courante. Pensons à la file d’attente le matin au café du coin, aux échéances serrées d’un projet et au lancement d’un nouveau produit – tous ces exemples sont source de stress et d’excitation pour le personnel.

Cependant, lorsque l’on parle du système de santé au Canada, on constate que les défis à relever sont d’un tout autre ordre. Les salles d’urgence saturées ont été mises à rude épreuve par les répercussions de la COVID-19, qui continuent de peser lourdement sur nos systèmes fragilisés. Face à ces pressions, le personnel médical, infirmier et administratif a travaillé d’arrache-pied pour maintenir un bon niveau de service malgré des ressources limitées. Nombre d’entre eux n’entrevoient toujours pas la fin du problème.

Une étude réalisée avant la pandémie a mis en lumière le rôle du stress professionnel dans le bien-être mental du personnel infirmier canadien – et ses conclusions sont stupéfiantes. Les résultats révèlent qu’un membre du personnel infirmier sur trois a obtenu un résultat positif au dépistage d’un trouble dépressif majeur, un sur quatre d’un trouble d’anxiété généralisée et d’épuisement professionnel. Mais le plus inquiétant, c’est que 33 % de ces travailleurs ont déclaré avoir des pensées suicidaires, et 8 % ont dit avoir fait une tentative de suicide au moins une fois dans leur vie.

Comment en sommes-nous arrivés là? Et à quel point la situation s’est-elle détériorée depuis la pandémie?

Debbie Phillips, qui a été infirmière autorisée pendant plus de 30 ans – dont la majeure partie passée aux urgences en tant qu’infirmière psychiatrique –, a été directement témoin de la pression croissante que subit le personnel soignant dans les hôpitaux.

« En raison des coupes budgétaires dans le système de santé, nous devons constamment accomplir plus de travail tout en disposant de moins en moins de ressources. Lorsque j’ai commencé ma carrière aux urgences, s’il fallait hospitaliser un patient, nous disposions de plusieurs lits. Vers la fin de ma carrière, je devais appeler les hôpitaux à travers la province pour trouver des places convenables pour nos patients, et souvent attendre jusqu’à cinq jours avant que des lits se libèrent. »

Hélas, son expérience n’est pas exceptionnelle. Selon la Banque mondiale, le ratio de sept lits d’hôpital pour 1000 patients observé dans les années 1970 et 1980 a chuté à moins de trois et ne cesse de diminuer. Ce recul a eu de graves répercussions sur le bien-être physique et mental du personnel hospitalier et des patients.

Donner, mais ne rien recevoir
Lorsqu’ils prodiguent des soins, les professionnels de la santé sont responsables de notre sécurité et de notre bien-être à un moment où nous sommes particulièrement vulnérables. Ils sont plus de 700 000 à remplir ces fonctions altruistes et souvent ingrates pour veiller à ce que nos besoins en matière de santé physique et mentale soient comblés.

Pourtant, face à une telle pression sur nos systèmes, on néglige parfois de se demander qui est là pour répondre à leurs besoins.

On pourrait penser que les professionnels de la santé sont très en phase avec leur propre bien-être physique et mental, vu le métier qu’ils exercent quotidiennement en tant que fournisseurs de soins. Mais ce n’est pas le cas, rectifie Mme Phillips.

« Les membres du personnel infirmier négligent souvent les signes avant-coureurs de leur propre déclin sur le plan mental, souligne-t-elle. Nous pensons que nous maîtrisons la situation et que nous ne nous laisserions pas aller à ce point. »

Et pour ceux qui détectent des symptômes, les ressources se font rares. En raison du manque de personnel, il faut prouver que l’on souffre d’une incapacité physique pour prendre un congé de maladie. Et il n’y a pas de jours de congé prévus en cas d’épuisement.

Cette contrainte accentue la stigmatisation que les membres du personnel soignant ressentent lorsqu’il s’agit de leurs problèmes de santé mentale. « Il n’est pas envisageable de prendre un jour de congé pour se reposer, déclare Mme Phillips. Lorsque l’on s’absente du travail, on se sent coupable de ne pas être là parce que notre équipe n’aura pas de ressources suffisantes pour nous remplacer. Nous sommes bien conscients du fait que des patients sont en attente de soins, et cela est accablant. Ce stress vient alourdir davantage la situation. »

Selon Mme Phillips, certaines personnes ne sont pas pleinement conscientes du stress qu’elles s’infligent, et d’autres ont trop peur d’être stigmatisées pour demander de l’aide. Alors, que faire? Quelles sont les ressources disponibles pour aider au mieux celles et ceux qui en ont besoin?

Ressources pour susciter un changement
Selon un article paru dans Nurse Leader en avril 2022, 76 % des membres du personnel infirmier aux États-Unis ayant souffert d’épuisement professionnel n’ont pas cherché à obtenir de l’aide pour leur santé mentale. De plus, seulement 42 % des employés du secteur de la santé estiment que leur employeur accorde de l’importance à leur santé mentale.

Sur la base de ces données probantes notamment, l’article plaide en faveur de la transformation des « perceptions du personnel infirmier et du contexte culturel, qui fait obstacle à la prise en charge de leur bien-être et à l’accès aux soins de santé mentale. »

En investissant dans la lutte contre la stigmatisation, ajoute l’article, « il serait également possible d’améliorer la perception du personnel infirmier à l’égard des besoins et des soins en matière de santé mentale de leur patientèle. »

Du point de vue de Mme Phillips, les investissements dans les programmes de santé mentale en milieu de travail n’ont guère été constants. Les subventions disponibles de temps à autre étant destinées à des programmes ponctuels, elle estime que ces aides n’ont eu aucun effet durable auprès de son équipe.

Pour combler cette lacune, les formations doivent à la fois répondre de manière adéquate aux besoins du personnel et réduire de façon concrète la stigmatisation au travail. Un programme expressément conçu à cette fin se nomme L’esprit au travail du secteur de la santé, une version adaptée du programme L’esprit au travail de la Commission de la santé mentale du Canada.

Ce cours fondé sur des données probantes est conçu pour amener les travailleurs à changer leur façon de penser, d’agir et de se sentir face aux questions de santé mentale dans le cadre du travail. Il vise à réduire la stigmatisation liée à la santé mentale et à encourager un dialogue ouvert entre collègues. En tant que formatrice de L’esprit au travail, Mme Phillips a été à même de constater les effets de la formation sur les participants.

« On pouvait réellement voir que les choses devenaient plus claires pour les gens. Qu’il s’agisse du continuum de la santé mentale ou des quatre grandes stratégies d’adaptation, on pouvait lire un changement d’expression sur les visages des participants à mesure qu’ils découvraient ces notions. Il était évident que l’on était en train de leur ouvrir les yeux. »

Grâce à son expertise dans le secteur des soins de santé, Mme Phillips est en mesure d’établir des liens plus profonds avec les personnes qu’elle forme. Elle parvient ainsi à créer un environnement propice au dialogue, sachant que toutes les personnes présentes ont traversé des épreuves semblables.

Le commentaire le plus fréquent qu’elle entend après ses séances vient des participants qui regrettent de ne pas avoir suivi le cours plus tôt. « Je pense que ce cours devrait faire partie intégrante du processus d’orientation de tous ceux qui vont travailler dans un établissement de soins de santé, dit-elle. Pourquoi ne pas préparer la prochaine génération à réussir dès l’embauche? »

Puisque la lutte contre la stigmatisation entourant la santé mentale dans les établissements de santé est un travail de longue haleine, il est primordial que nous fassions tous en sorte d’être attentifs au stress que subissent ces professionnels lorsque nous les croisons.

Auteur: est spécialiste du marketing et des communications à la Commission de la santé mentale du Canada. Il est diplômé de l’École de commerce Sprott de l’Université Carleton et possède une vaste expérience en matière de communication et de marketing dans les domaines du sport et du divertissement. Eric est le cofondateur de mssn, une marque dédiée à la collecte de fonds et à la sensibilisation à la santé mentale au bénéfice des jeunes dans la région d’Ottawa.

Eric Gronke

Diplômé de la Sprott School of Business de l’Université Carleton, Eric possède une vaste expérience du marketing et des communications dans le monde du sport et du divertissement. Eric est le cofondateur de mssn, une marque dédiée à la collecte de fonds et à la sensibilisation à la santé mentale au bénéfice des jeunes dans la région d’Ottawa.

Florence K. – musicienne, mère, animatrice à la CBC et candidate au doctorat – aborde le thème de la Semaine de la santé mentale de cette année et partage son histoire sur les défis liés à la santé mentale, le bien-être et la découverte.

La phrase qui m’a le plus marquée de l’histoire du cinéma est le célèbre « Life is like a box of chocolate… you never know what you’re gonna get » prononcé par Forrest Gump depuis son banc de parc à Savannah. J’avais 12 ans lorsque j’ai vu le film et déjà, je savais que quelque part, ces paroles disaient la vérité.

Dès mon jeune âge, je me voyais suivre un chemin que dans ma tête j’avais tracé des centaines de fois pendant mon adolescence : celui qui me mènerait vers une fructueuse carrière de chanteuse, et j’ai tout fait en mon pouvoir pour que ce rêve devienne réalité. À l’adolescence, puis comme jeune adulte, j’ai passé des auditions, participé à des concours, suivi des cours de perfectionnement, accepté des contrats dans des bars miteux, joué dans des boîtes de nuit à Atlantic City et à Casablanca, chanté à des messes, joué du piano pendant des années dans un restaurant du Vieux-Montréal. Bref, aucun public, aucune scène n’étaient à mon épreuve, car ils me garantissaient un pas de plus vers mon rêve.

Je voulais briller sur scène, être couverte par l’amour des gens, montrer ce que j’avais à offrir, être le centre de l’attention, transformer mes émotions brutes en notes de musique pour les sortir de mon être. Et sans même en prendre conscience, je souhaitais fort probablement combler ce que j’appelle aujourd’hui mon « trou intérieur ». À l’époque, une ère où le terme « santé mentale » ne faisait certainement pas les manchettes, je n’avais pas de mots pour définir ce trou. Il me faisait l’impression d’un sentiment de vide alimenté par des pensées négatives envers moi-même, voire autodestructrices, qui m’avaient même menée à avoir de l’idéation suicidaire à l’âge de quatorze ans, à la suite d’une rupture amoureuse. Mais jamais je n’aurais pu penser qu’il s’agissait là de quelque chose qui n’était pas « normal ». Que ça n’était pas la réalité de tout le monde. Que ce trou portait un nom et qu’il y avait des solutions pour le parer.

À l’adolescence, cette solution était composée de partys, d’alcool et de drogues, puis vers mon jeune âge adulte, de la scène. Mais quoi que j’en fasse, le trou continuait à grandir avec moi, sournoisement, subtilement, sans que je ne remette en question sa présence. Je le tassais du revers de la main lorsqu’il prenait trop de place, en me concentrant sur ma carrière. À 23 ans, au même moment où mon premier album, Bossa Blue a été certifié disque d’or, je suis devenu maman. Mon trou s’est recouvert pendant un temps, durant les premières années de ma maternité, enivrée de bonheur que j’étais par la présence de ma merveilleuse petite fille.

Florence Khoriaty

Florence Khoriaty

Puis, après une première tournée, j’ai rapidement enchaîné l’enregistrement d’un deuxième, puis d’un troisième album, les deux suivis d’autres séries de spectacles et de campagnes de promotion. Je ne pouvais demander mieux : mon grand rêve était désormais réalité. Mon équipe entrevoyait pour moi un succès international et mes ambitions correspondaient aux leurs. Mais parallèlement, je sentais mon trou intérieur se rouvrir tranquillement. La relation avec le père de ma fille s’effritait, je souhaitais le quitter, mais je n’y arrivais pas, rongée par la culpabilité à l’idée de briser le nid que l’on avait construit pour la petite. J’avais désormais deux univers : le premier sur la scène, qui devenait une dépendance, et le deuxième, en couple, où j’avançais à reculons. Cette culpabilité anticipatoire d’une éventuelle rupture commençait à m’engloutir, à m’aspirer dans une spirale de pensées persécutrices envers moi-même. Je me détestais, je m’en voulais, j’avais peur, je souffrais en silence, car j’avais honte de me sentir de la sorte au moment où tant de gens sur cette terre vivaient dans des pays en guerre alors que moi, mon frigo était plein, ma fille était en santé, j’avais des amis, de l’argent, et un travail que j’adorais. J’ai commencé à perdre ma concentration, à continuellement disparaître dans mes pensées, à perdre du poids, à perdre des cheveux, et surtout, à perdre mon sommeil. L’insomnie a été le point de départ vers l’enfer qui a habité ma tête durant les huit mois qui suivirent. Des nuits entières à sentir mes doigts trembler, à regarder le cadran dans l’angoisse, à m’attraper le crâne avec les mains en le suppliant d’y laisser entrer un peu de tranquillité. 

Mon entourage a commencé à s’inquiéter. Je n’arrivais plus à m’occuper de ma fille. J’avais demandé à son père de partir et il m’avait pris au mot, disparaissant complètement de la vie de son enfant de cinq ans. Elle a été prise en charge par mon père, ma mère et ma belle-sœur. L’important était de lui fournir un cadre, de l’entourer, de continuer à lui offrir tout ce dont un enfant a besoin pendant que sa maman essayait d’aller mieux. Je n’y suis pas arrivée toute seule. Au point où j’en étais, c’était impossible. Je mettais mon plus beau sourire, le plus faux, pour monter sur scène avec le peu de voix qu’il me restait. Je m’accrochais à cette sphère de ma vie, l’unique endroit où j’étais encore capable de donner quelque chose, pendant 90 minutes, trois fois par semaine.

Mais la maladie m’a rattrapée. La suite a été une enfilade d’idéation et de comportements suicidaires, d’essais-erreurs de médication, de séjours à l’urgence, le tout sous le regard complètement désemparé de mes proches. Ils n’étaient pas équipés pour faire face à un tel tourbillon et la santé mentale était encore si mal expliquée en 2011 qu’ils ne comprenaient eux‑mêmes pas tout à fait ce qui s’était emparé de leur fille, de leur sœur, de leur amie. C’est finalement à bord d’une ambulance, escortée par deux policiers, que j’ai été emmenée une dernière fois à l’urgence, d’où on m’a finalement hospitalisée.

Les semaines suivantes ont été fort difficiles, mais salvatrices. C’est en psychiatrie que j’ai enfin saisi que j’étais réellement malade. Mais aussi que je n’étais pas seule; je me sentais comprise et entourée par les autres patients. Avec un ajustement de médication, puis grâce à la psychothérapie, j’ai repris du mieux au fil des années. C’est au bord d’une rechute, en 2017, que je suis retournée voir un psychiatre, qui m’a donné un diagnostic de trouble bipolaire de type II. Ce diagnostic a été un cadeau : je pouvais finalement m’expliquer ce qu’était ce trou intérieur avec lequel je vivais depuis mon adolescence. Mettre des mots dessus, et identifier les symptômes, les facteurs de déclenchements, les outils et les ressources qui pouvaient m’aider.

Cette quête vers l’équilibre m’a infusé une énorme fascination pour le cerveau et le comportement humain. Et cette passion est devenue le moteur de mon retour sur les bancs d’université où j’ai d’abord effectué un certificat en psychologie, une maîtrise en santé mentale, puis un baccalauréat en psychologie pour enfin être acceptée au doctorat en psychologie. Mon sujet de thèse s’inspire de mon histoire puisqu’elle porte sur les liens possibles entre la créativité et le trouble bipolaire.

Aujourd’hui, je suis fière de mon parcours. Il a été tortueux, inattendu, chargé et j’ai failli plus d’une fois y laisser ma peau. Mais il m’a aussi fait découvrir des trésors cachés au fond de moi‑même dont jamais je n’avais auparavant soupçonné la présence. Même si je vis avec un trouble mental chronique, ma santé mentale est excellente. Je m’occupe de mon équilibre, et j’ai appris à reconnaître et écouter les signaux d’alarme qui pourraient m’emmener dans des eaux plus troubles. Auprès de mon mari et de mes deux merveilleuses filles, ainsi qu’accompagnée de ma passion pour mon domaine d’étude, je suis aujourd’hui comblée. Et s’il m’arrivait un jour de croiser Forrest Gump dans la rue, je lui dirais tout simplement la chose suivante : « Forrest, you were ab-so-lu-te-ly right! »

Auteure : est chanteuse, pianiste, et anime chaque semaine l’émission « C’est formidable » sur CBC Radio et CBC Music. Auteure de trois livres portant sur la santé mentale, elle est aujourd’hui candidate au doctorat en psychologie à l’UQAM.
Encadré : Matthew Eisman/Getty Images

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