Le VecteurConversations sur la santé mentale
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Les progrès en matière de promotion de la santé mentale et d’accès à des soins de qualité. Ce que nous avons appris des modèles étrangers.
Souvent, nous disons « c’est juste une idée » après avoir formulé une suggestion, sans doute pour minimiser la portée de nos conseils non sollicités. Si cette remarque nous apparaît plutôt banale, la Nouvelle-Zélande l’entend autrement, puisqu’elle l’a placée au cœur d’un service virtuel de thérapie cognitivo-comportementale piloté par la thérapeute Anna Elders. Destiné aux personnes présentant des symptômes légers à moyens de dépression et d’anxiété, le service Just a Thought fournit des outils permettant de maîtriser ses émotions, pensées et comportements à l’aide de cours en ligne gratuits. L’initiative impressionne, car elle est parvenue à réduire les perpétuels délais d’attente de six mois avant d’arriver à consulter un praticien de la santé mentale en Nouvelle-Zélande. Comme les délais d’attente au Canada sont semblables, de telles innovations nous offrent des pistes de solution qui pourraient améliorer notre réponse aux problèmes de santé mentale, lesquels sont en constante progression.
Cette possibilité m’est apparue lors de ma participation au Collectif international d’eMHIC (connu sous le nom d’eMental Health International Collaborative), un congrès annuel consacré aux nouvelles avancées au confluent de la santé mentale et de l’intelligence artificielle. L’événement de 2022, qui s’est tenu en novembre à Auckland, m’a fait découvrir certaines des façons dont la technologie (bien qu’elle ne soit pas la réponse à tous nos problèmes) peut contribuer à améliorer l’accès aux soins de santé mentale au sein de vastes pays où la pénurie de cliniciens et les contraintes financières sévissent. À cet égard, le Canada a beaucoup en commun avec la Nouvelle-Zélande, l’Australie et d’autres contrées à travers le monde. Compte tenu de nos défis communs, des chefs de file de ces deux domaines se sont réunis lors de l’eMHIC afin de se pencher sur certaines avenues potentielles.
Au mois de novembre 2023, le Canada entend mettre en place une ligne téléphonique à trois chiffres pour la prévention du suicide et la résolution de crises en santé mentale. En amont, l’organisation nationale de télésanté de la Nouvelle-Zélande – Whakarongorau Aotearoa – propose des conseils sur la mise en œuvre d’un tel service. L’initiative néo-zélandaise prévoit un accès gratuit, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, à une douzaine d’équipes cliniques qui font les rapprochements nécessaires entre les multiples facettes du bien-être, qu’il s’agisse de santé mentale, de services sociaux, de mesures de soutien liées à la COVID-19 ou d’abandon du tabac. Entre juin 2021 et juin 2022, les intervenants ont communiqué avec 2,7 millions de personnes – soit près d’un Néo-Zélandais sur deux – dont 74 000 ont fait appel expressément à des services en santé mentale.
L’approche intégrée des soins en santé mentale a été un fil conducteur lors de nos discussions avec les dirigeants de l’eMHIC. L’approche holistique est au centre du programme de soutien de l’Auckland Wellbeing Collaborative, qui regroupe des spécialistes pour assurer une stratégie concertée face aux enjeux de santé mentale. Par exemple, des travailleurs de soutien communautaire, des accompagnateurs en santé ainsi que des praticiens responsables de l’amélioration de la santé pourraient collaborer sur un même dossier. Les services constituent une prolongation de nombreux cabinets de médecins généralistes dans la région, ce qui signifie que les résidents peuvent y avoir accès gratuitement à l’endroit où ils consultent habituellement leur médecin.
En découvrant cette remarquable initiative, j’ai songé aux défis qui se posent ici au Canada. Des programmes comme le Modèle de soins par paliers 2.0 ont permis de réduire considérablement les délais d’attente pour obtenir des services de santé mentale, et ce, en proposant aux gens d’augmenter ou de diminuer l’intensité de leur traitement en fonction de leurs préférences et de leurs besoins. En outre, diverses organisations travaillent actuellement à concevoir des outils qui permettront aux praticiens de mieux adapter les services de santé mentale à la culture, ce qui semble également prometteur. Toutefois, la pénurie de médecins de famille au Canada pourrait faire en sorte que le modèle d’équipe multidimensionnelle axé sur le mieux-être se révèle un objectif inaccessible.
L’équipe de soutien au bien-être de la Nouvelle-Zélande peut compter sur une approche communautaire fondée sur le concept de « whānau », un terme maori que l’on peut traduire librement par « famille », mais qui englobe aussi le réseau de soutien élargi d’une personne. Lors de traumatismes et d’épreuves, comme le tremblement de terre en 2011 ou les fusillades perpétrées dans les mosquées en 2019, de nombreux Néo-Zélandais se sont tournés vers leur communauté et leur whānau pour renforcer leur résilience et trouver du soutien.
De la sensibilisation à la législation
La mission de la Commission nationale de la santé mentale d’Australie ressemble beaucoup à la nôtre. Elle consiste à promouvoir une meilleure compréhension de la santé mentale et de ses implications, à prévenir le suicide, à influencer les décideurs politiques et à collaborer avec des organisations partenaires en vue d’améliorer la santé mentale et le bien-être de tous. Et comme nous, en dépit de ces efforts, le pays est toujours confronté aux répercussions de la stigmatisation. Un récent questionnaire portant sur la stigmatisation publique, la stigmatisation structurelle et l’autostigmatisation a révélé que plus de quatre millions d’Australiens avaient été victimes de stigmatisation et de discrimination pour des raisons de santé mentale au cours de l’année écoulée. Un peu plus d’un répondant sur quatre a indiqué qu’il ne souhaiterait pas travailler en étroite collaboration avec une personne souffrant de dépression, et 63 % ont déclaré qu’ils ne seraient pas enclins à passer une soirée à socialiser avec une personne vivant avec la schizophrénie.
Un sondage réalisé par la Commission de la santé mentale du Canada (en partenariat avec le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances) a généré des résultats comparables quant à l’omniprésence de la stigmatisation. Plus de la moitié des répondants ont dit croire que les préjugés à l’égard des personnes aux prises avec la dépression étaient toujours présents, et les deux tiers estimaient que les préjugés envers les personnes ayant un trouble lié à l’usage d’alcool étaient toujours aussi présents.
Nombreux sont ceux qui misent sur des changements législatifs susceptibles de favoriser la sensibilisation à la question de la santé mentale. Les politiques destinées à prévenir la discrimination et à promouvoir l’équité, comme celles relatives aux handicaps physiques, constituent un domaine d’intérêt grandissant pour la communauté de santé mentale, tant à l’échelle nationale qu’internationale.
La mise en place d’un bureau national de prévention du suicide par le gouvernement fédéral australien en 2021 témoigne d’une autre avancée encourageante vers la convergence des initiatives de prévention du suicide. Le Dr Michael Gardner dirige l’élaboration d’une stratégie nationale de prévention du suicide dans le but de coordonner les efforts entre les différents ordres de gouvernement et les organismes du secteur public. Selon le Dr Gardner, l’accent sera mis sur les politiques et les systèmes requis pour réduire la détresse suicidaire et le suicide. Pour cela, il faudra améliorer le bien-être social et émotionnel, renforcer les facteurs de protection et « implanter un système de soutien interconnecté et compatissant, capable de réagir de manière adaptée ». Plusieurs initiatives phares en matière de prévention du suicide sont déjà lancées, notamment la création d’une ligne d’écoute téléphonique nationale destinée aux Autochtones, nommée 13YARN, dont les programmes sont conçus, pilotés et animés par des Autochtones ainsi que des insulaires du détroit de Torres.
Un autre service australien, appelé Lifeline, offre un soutien en cas de crise et des mesures de prévention du suicide 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, aux habitants du pays. Aujourd’hui, dans sa 60e année, l’organisation reçoit en moyenne un appel toutes les 30 secondes. Avant la pandémie de COVID-19 et les feux de brousse qui ont sévi en 2019 et 2020, Lifeline recevait environ 2 000 appels par jour. Depuis, le service est passé à 3 600 appels quotidiens. Comme au Canada, la demande d’aide en période de crise a augmenté, alors que les taux de suicide sont demeurés stables. Le taux de décès par suicide au Canada se maintient obstinément à environ 11 par jour. Ce constat fait ressortir la nécessité d’investir de façon massive et permanente dans la santé mentale et la prévention du suicide; de déployer des efforts collaboratifs pour faciliter l’accès aux soins de santé mentale et au soutien en cas de crise; et de sensibiliser la population à la notion de santé mentale, qui fait partie intégrante de notre bien-être général.
Quelques mots de félicitations
Ce fut un véritable honneur de féliciter Nicholas Watters, directeur de l’Accès à des services de santé mentale de qualité à la Commission de la santé mentale du Canada, qui a reçu le prix d’excellence en carrière d’eMHIC pour sa contribution à l’élaboration et à la mise en œuvre de services de cybersanté mentale. Une autre pionnière de ce domaine, Patricia Lingley Pottie, Ph. D., a également eu droit à un hommage lors du congrès pour son impressionnant travail avec le logiciel IRIS, une technologie d’intelligence artificielle utilisée à l’Institut des familles solides en Nouvelle-Écosse pour fournir des traitements adaptés et collecter des données. Ces personnes, ainsi que d’autres figures de proue du secteur, m’inspirent grandement, car elles participent aux avancées décisives en faveur de la santé mentale.
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